II. ANALYSE PAR PROGRAMME

En tant que programme portant la plus grande part des interventions de la mission, le programme 169 est déterminant pour l'évolution des dépenses de la mission. Il obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation qui appellent une attention certaine.

Les deux autres programmes qui composent la mission sont, l'un, le programme 167, lié à des actions destinées à favoriser le lien entre la Nation et sa défense. Ce programme est tributaire du calendrier commémoratif mais peut aussi faire l'objet de régulations non-négligeables, compte tenu de son volume, en exécution. L'autre programme (le programme 158) est un réservoir de moyens destinés à indemniser les victimes d'actes de barbarie et de spoliations commis lors de la Seconde Guerre mondiale. En ce sens, ce dernier programme est également surtout destiné à provisionner des transferts tout en abritant également les moyens d'une action de recherche et d'identification qui doit gagner en efficacité.

A. LE PROGRAMME 167, ENTRE RÉDUCTION DES MOYENS DE FAIRE VIVRE LA MÉMOIRE DE LA FRANCE COMBATTANTE ET INTERROGATIONS POUR L'AVENIR

Les crédits du programme 167 sont en forte baisse (- 8,9 millions d'euros, soit un peu plus d'un cinquième des crédits ouverts en 2018).

Il est vrai que l'an dernier le niveau des crédits avait augmenté de 11,5 %.

Cette dynamique tenait à l'évolution des crédits de l'action 02 « Politique de mémoire » ( + 24,8 % en crédits de paiement), répondant aux besoins des commémorations de la Grande Guerre, tandis que les dotations réservées à l'action 1 « Journée défense et citoyenneté » (JDC) s'étaient inscrites en net repli (- 7 % en crédits de paiement) .

Pour 2019, les évolutions s'inversent : la politique de mémoire perd 12 millions d'euros de crédits, soit près de 43 % de ses moyens, tandis que les dotations de l'action « Liens armée-jeunesse », nouvel intitulé de l'action 01 « Journée "Défense et citoyenneté" », progressent d'un peu plus de 3 millions d'euros (+ 20,3 %).

Les équilibres habituels du programme, qui s'ordonnent autour d'un partage mi-partie entre les deux actions sont ainsi à peu près restaurés.

Cette vue d'ensemble porte cependant sur des données largement faciales du fait de l'ampleur de la participation de programmes extérieurs à la mission au financement de la JDC. Elle peut également être considérée comme essentiellement provisoire en raison des projets visant à instaurer un service national plus étoffé qui annoncent un bouleversement des équilibres financiers du programme, fonction de sa contribution au financement dudit service.

Évolution des crédits du programme 167
entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du projet annuel de performances 2019

1. Un élargissement de périmètre : + 4,9 millions d'euros de charges

L'accroissement des crédits de l'action « Liens armée-jeunesse » (+ 3,1 millions d'euros) résulte en partie d'un élargissement du périmètre de l'action, qui prendrait en charge une partie des financements du service militaire volontaire (SMV) pour 2,5 millions ainsi que les coûts d'organisation du défilé du 14 juillet (2,4 millions d'euros).

La dotation du SMV est constituée de 2 opérations budgétaires (OB) :

- les crédits de l'OB « Formation et soutien formation » s'élèvent à 1,8 million d'euros. Ils comprennent l'ensemble des dépenses liées à la formation des volontaires et le soutien inhérent à la formation ;

- les crédits de l'OB « Rayonnement et recrutement » s'élèvent à 0,7 million d'euros et sont consacrés aux actions de relations publiques , de promotion du SMV et de recrutement auprès de la jeunesse et des acteurs du secteur de la formation professionnelle.

Le service militaire volontaire est né en 2015 et a une vocation d'insertion puisqu'aussi bien s'y trouve dispensées des formations professionnelles destinées à préparer les volontaires à des métiers en entreprise.

Le SMV demeure relativement confidentiel puisque seuls 843 engagés en auraient bénéficié en 2017. Mais, au prix d'un coût non négligeable par personne, il paraît contribuer à l'insertion dans des conditions satisfaisantes.

Aux crédits inscrits dans le projet de loi de finances, il convient d'ajouter, les coûts directement pris en charge par le ministère de la Défense, qui ne sont pas exposés dans l'annexe budgétaire, ainsi qu'un fonds de concours attendu du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et de l'organisme paritaire agréé pour 3,3 millions d'euros. Ce fonds de concours n'est toutefois pas inscrit dans les tableaux récapitulant les dotations de l'action.

Une évaluation du dispositif pourrait utilement être conduite et son articulation avec le futur service militaire obligatoire mérite d'être précisée.

Quant au défilé du 14 juillet, dont l'organisation était jusqu'alors financée par le ministère de la culture au titre de ses missions patrimoniales, une dotation de 2,4 millions d'euros lui est désormais réservée dans le projet de budget des anciens combattants, option qui en vaut bien une autre. Il serait utile de disposer de quelques informations complémentaires sur les coûts ainsi financés en les resituant dans le coût plus global de cet événement.

2. La journée « défense et citoyenneté » (JDC) en quête d'une plus grande efficacité dans l'attente d'une transformation plus radicale

L'action 01 reste principalement consacrée à la Journée « défense et citoyenneté » (JDC) chargée, depuis la réorganisation du service militaire 2 ( * ) , d'assurer la diffusion de l'esprit de défense auprès des jeunes Français dès 18 ans. Cette journée voit sa mise en oeuvre assurée par la direction du service national (DSN), devenue depuis l'adoption du décret n° 2017-818 « direction du service nationale et de la jeunesse » dont les effectifs sont portés par la mission « Défense ».

Bénéficiant d'une enquête réalisée à sa demande par la Cour des comptes, votre rapporteur spécial avait établi un rapport sur la JDC au cours de l'année 2016 3 ( * ) , pour lequel il avait assuré le suivi d'une journée entière.

Ses principales conclusions sont récapitulées dans l'encadré ci-dessous :

Principales conclusions du rapport de votre rapporteur spécial sur la JDC

Les coûts de la journée défense et citoyenneté sont globalement maîtrisés, mais l'évaluation des coûts complets et l'information apportée au Parlement doivent être améliorées.

Priorité doit être donnée au contenu de la journée défense et citoyenneté , que les problématiques d'organisation semblent éclipser.

La journée défense et citoyenneté doit s'appuyer sur les acquis du parcours scolaire obligatoire des jeunes Français pour se recentrer sur l'esprit de défense.

La journée défense et citoyenneté doit véritablement réunir tous les jeunes Français.

La détection des jeunes en difficulté de lecture et des décrocheurs ne doit pas se limiter à alimenter un outil statistique mais permettre la mise en place d'un suivi personnalisé.

Le projet de loi de finances pour 2019 ne traduit pas encore pleinement ces recommandations qui visent à donner encore plus d'efficacité à un rendez-vous majeur pour la Nation.

En outre, son articulation avec la mise en oeuvre d'un service national universel obligatoire demeure incertaine.

a) Les coûts réels de la JDC sont désormais mieux identifiés mais en dehors des documents budgétaires annexés au projet de loi de finances

Les coûts de la JDC pris en charge par le programme 167 sont loin de recouvrir les coûts complets qu'elle occasionne pour l'État.

En 2019, moyennant une augmentation significative des dotations nécessaires (+ 4,8 %), le programme 167 consacrerait 15,3 millions d'euros à la JDC. Ces crédits ne représentent que 14,3 % des dépenses engagées par le seul État à ce titre, qui s'élèvent à 107,2 millions d'euros.

À la suite du rapport précité, une comptabilité analytique des coûts de la JDC a été mise en oeuvre en 2018 sur une base rénovée, qui comporte, malgré tout, quelques évaluations théoriques (voir infra ).

Il est dommage que cet effort louable ne trouve pas de traduction dans l'information budgétaire du fait de l'élimination dans celle-ci des exposés concernant les coûts complets des missions.

Évolution des coûts complets de la JDC entre 2013 et 2019

En M€

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (LFI)

2019 (PLF)

Alimentation

6,2

6,2

6,4

5,8

5,9

6,9

6,8

Transport des jeunes

4,8

4,8

5,6

4,7

5,1

4,8

5,1

Formation secourisme + sécurité routière

4,8

4,4

4,6

0,1

0

0

0

Fonctionnement des sites (location de locaux civils)

0,2

0,3

0,3

0,3

0,3

0,3

0,3

Autres charges

2,1

3

2

3

2,3

2,6

3

Total dépenses réalisées sur le BOP P 167 « Lien Armée-Jeunesse »

18,1

18,7

18,9

13,9

13,6

14,6

15,3

T2 : Masse salariale (programme 212) et CAS Pension*

86,7

83,9

84,2

83,7

86

84,9

84,9

T3 : Autres charge de fonctionnement (programme 178)

4

4

4

4

4

4

4

T5 : Infrastructures et SIAG (programme 212)

5,1

5,1

4,1

3,1

3

3

3

Total dépenses estimées hors BOP « Lien Armée-Jeunesse »

95,8

93

92,3

90,8

93

91,9

91,9

Total dépenses JDC en M€

113,9

111,5

111

104,6

106,6

106,5

107,2

Nombre de jeunes présents

763 842

783 266

795 293

774 785

786 515

804 000

792 745

Coût complet par jeune en € (Total dépenses JDC/nombre de jeunes présents)

149,1

142,39

139,65

135,04

135,53

132,45

135,17

* Inclus les prestations d'intervenants extérieurs (indemnité + rémunération courante). Pour 2017, ces prestations ont atteint 10,2 M€.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les ressources mobilisées en dehors du programme s'élèveraient donc à 91,9 millions d'euros, en provenance de la mission « Défense ».

L'accroissement des crédits du programme 167 prévu en 2019 contribuerait à alourdir légèrement les coûts complets de la JDC par ailleurs bien maîtrisés au niveau du budget de la défense.

Sur plus longue période, la JDC a pu être organisée en en réduisant ses coûts globaux (- 6,7 millions de date à date entre 2013 et 2019, soit -5,9 %) ainsi que, plus encore, le coût par participant (- 9,4 %).

Toutefois, appréciée à partir de 2016, l'inflexion des coûts, qui semble avoir été obtenue grâce à la suppression d'un module de secourisme, relativement coûteux, mais certainement utile, s'est interrompue.

Le projet de loi de finances pour 2019 traduit des besoins croissants.

Le ministère les explique par l'élargissement des missions de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) dans le cadre de la JDC.

Effectifs de la DSNJ participant à l'organisation de la JDC

ANNÉE

Effectifs réalisés (exprimés en Equiv.Temps Plein)*

Total

PM

PC

MILITAIRES

CIVILS

OFF

S/OFF

MDR

Total

Militaires

A

B

C

OE

APR

Total

Civils

2014

67

171

51

289

62

206

704

48

-

1 020

1 309

2015

65

174

53

292

60

205

693

46

-

1 004

1 296

2016 (1)

61

173

48

282

62

200

675

50

-

987

1 269

2017(2)

58

166

46

270

65

186

631

52

-

934

1 204

2018(3)

59

156

47

262

81

192

631

51

-

955

1 217

2019(4)

61

179

54

294

74

192

609

49

-

924

1 218

2020(4)

61

179

54

294

74

192

609

49

-

924

1 218

2021(4)

61

179

54

294

74

192

609

49

-

924

1 218

2022(4)

61

179

54

294

74

192

609

49

-

924

1 218

2023(4)

61

179

54

294

74

192

609

49

-

924

1 218

* Les effectifs parisiens ne contribuent pas directement à la mission JDC.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les informations fournies à votre rapporteur spécial récapitulées dans le tableau ci-dessus ne laissent pas apparaître d'événements majeurs susceptibles d'entraîner une plus forte mobilisation des effectifs. Un seul emploi supplémentaire est compté au titre de la JDC. Mais, il est vrai que ces informations ne sont pas en pleine cohérence avec celles portées à la mission Défense, qui identifie 2 159 ETPT concourant à la JDC (contre 1 218 apparaissant dans la réponse au questionnaire du rapporteur spécial).

Un éclaircissement sur les motifs de cet écart s'impose.

Par ailleurs, il faut compter avec l'augmentation des coûts de transport des jeunes, qui, avec le poste alimentation, regroupent plus des trois quarts des coûts de la JDC imputés au programme.

Cette augmentation semble fondée sur un nombre des jeunes devant fréquenter la JDC en légère augmentation.

Évolution du nombre des jeunes convoqués
à la Journée défense et citoyenneté (2012-2018)

Nombre de jeunes convoqués

2012

833 889

2013

881 285

2014

889 478

2015

895 822

2016

874 378

2017*

885 273

Estimation 2018

775 000

Estimation 2019

792 745

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Néanmoins, même si elle apparaît tributaire de la fréquentation effective de la JDC, la cible de coût par participant, qui reste inchangée dans le dispositif de performances du programme, dont elle constitue l'un des deux indicateurs, devrait être atteinte, ce dont il faut se réjouir.

Il convient toutefois de rappeler, outre les incertitudes relevées sur le nombre exact des effectifs de la DSNJ participant à la JDC (voir supra ), le maintien d'une incertitude sur les évaluations des coûts du soutien assuré par certaines composantes du ministère de la Défense.

Sur ce point, l'on peut rappeler que les conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de votre commission des finances au titre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) déjà mentionnée paraissaient établir que, du fait de ces imprécisions, le coût moyen par participant, de 150 euros en 2015, semblait largement supérieur à celui mentionné dans les documents budgétaires.

Le ministère convient qu'existent encore des incertitudes.

Il les illustre par la communication de quelques éléments d'appréciation portant sur le coût des soutiens assurés à la JDC par les bases de défense.

Estimation de quelques types de soutien à la JDC assurés
par les bases de défense en millions d'euros

Soutien AGSC*

4,00

Soutien informatique

0,86

Soutien Infrastructure

2,14

Total

7

*AGSC : Administration générale et de soutien commun.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

b) La JDC doit être mieux suivie

À l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2016, votre rapporteur spécial avait pu relever un problème lié à l'assiduité des jeunes appelés au rendez-vous de la JDC.

Éléments de suivi de l'assiduité des jeunes appelés
à la Journée défense et citoyenneté

Nombre de jeunes

convoqués

Nombres de jeunes présents et écart / convoqués*

Absentéisme

en JDC

2012

833 889

748 546 10,07 %

NC

2013

881 285

763 842 12,91 %

9,2 %

2014

889 478

783 266 12,00 %

8,6 %

2015

895 822

795 293 11,22 %

7,9 %

2016

874 378

774 785 11,39 %

8,2 %

2017

885 273

786 515 11,16 %

7,2%

Estimation 2018

775 000

* Ce ratio, jusqu'alors présenté comme un taux d'absentéisme, correspond en réalité à l'écart entre nombre de présents en JDC et nombre de convoqués initiaux. La colonne suivante retrace, en revanche, l'absentéisme final en JDC (volume de présents/capacité d'accueil des salles).

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ce problème n'est en réalité pas nouveau. Chaque année un contingent très important de jeunes appelés manque à leur obligation d'honorer le rendez-vous qui leur est donné.

Écart entre les appelés à la JDC
et les participants effectifs (2012-2016)

Année

Nombre

2012

- 85 343

2013

- 117 443

2014

- 106 212

2015

- 100 529

2016

- 99 593

2017

- 98 758

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises au rapporteur spécial

Le taux de fréquentation effectif de la JDC n'est pas satisfaisant. Avec moins de 90 %, il est très inférieur au taux de 100 % qui est posé comme objectif.

Votre rapporteur spécial prend acte des compléments d'analyse qui lui ont été transmis et qui font valoir les difficultés liées à la mauvaise qualité du recensement, mais aussi l'efficacité des renouvellements de convocation. De même, il prend note des résultats moins mauvais établis à partir d'un indicateur de respect des obligations de JDC par génération.

Proportion de jeunes en règle avec la JDC,
par classe d'âge*

Année de naissance

Classe d'âge (données INSEE-Nb naissances France et OM)

Taux de la classe d'âge en règle avec la JDC

1989

800 027

95,9%

1990

797 133

96,5%

1991

799 983

96,7%

1992

784 469

96,6%

1993

750 942

96,9%

1994

750 150

96,9%

1995

768 204

96,9%

1996

773 277

96,1%

1997

766 581

93,4%

1998

776 826

96,1%

1999

784 947

94,4%

2000

816 903

83,6%

2001

812 429

21,4%

*Par année de naissance : jeunes ayant effectué leur JDC, exemptés et décédés.

Il reste qu'une proportion anormalement élevée de jeunes ne sont pas en règle avec ces obligations et qu'elle s'inscrit sur une tendance peu favorable.

Dans ce contexte, il est conduit à plaider pour que, les efforts accomplis, le taux d'assiduité à la JDC soit activement redressé.

c) La JDC doit être davantage orientée vers la culture de la défense et l'illustration de la citoyenneté

Le format de la JDC se trouve naturellement au coeur d'interrogations renforcées par le contexte de très fortes tensions que connaît la société française ainsi que par les interrogations récurrentes sur l'identité nationale.

Dans sa courte histoire, le contenu de la JDC a certes évolué mais ces changements n'ont pas pu éteindre la réflexion sur des transformations plus profondes.

Contenu de la Journée « défense et citoyenneté » en 2016

Présentation de la JDC et formalités administratives (25 mn)

Présentation animateurs/groupe (25 mn)

Animation 1 « Nous vivons dans un monde instable : une défense nécessaire »
(65 mn, soit 20 mn de plus qu'en 2015 )

Animation 2 « Une réponse adaptée : notre appareil de défense » (50 mn)

Animation 3 « Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen » (60 mn, soit 10 mn de plus qu'en 2015 )

Information Jeunesse citoyenne 1 : « Droit à l'information » (30 mn)

Information Jeunesse citoyenne 2 : « Sécurité routière » (30 mn)

Test d'évaluation des acquis fondamentaux (30 mn)

Visite, témoignage, présentation de matériels (60 mn)

Évaluation de la journée - remise des certificats (25 mn)

Pauses (2 x 15 mn) et déjeuner (60 mn)

Source : projet communiqué par le ministère de la défense - Les modules « Défense » apparaissent en gras

De nouvelles évolutions sont intervenues en 2017. La JDC a fait l'objet d'ajustements portant principalement sur :

- l'introduction de la notion de « modèle français » (fierté d'être français, menace terroriste sur le territoire national) ;

- une présentation systématique du thème de la laïcité ;

- l'adaptation du module portant sur la sécurité routière (nouveau film et témoignages) ;

- l'insertion d'une vidéo sur le don d'organes ;

- l'introduction du thème de « garde nationale » ;

- une information sur la sécurité sociale.

Fin 2018 et début 2019, les principales évolutions attendues portent sur :

- la modernisation du module de sécurité routière ;

- l'introduction d'un clip spécifique sur la garde nationale.

La diversité des thématiques abordées en un temps très bref et sur des sujets relevant de plus en plus du « sociétal » conduit à s'interroger sur l'identité de la JDC.

Elle ne paraît pas tout à fait cohérente avec les intentions affichées par le ministère. Celui-ci indique que « la démarche de modernisation de la JDC est devenue une nécessité, compte tenu de l'évolution récente des modes de consommation de l'information et des usages des jeunes. Elle vise essentiellement à la simplification et à la réduction du nombre de messages... ».

Votre rapporteur a relevé que, parmi les intentions du ministère figurait celle de rendre la JDC « plus visuelle et (qu'elle) captera ainsi plus facilement l'attention des appelés avec des messages plus clairs et plus percutants ». Il est précisé qu' « une assistance externe est prévue pour bâtir l'économie générale du besoin et le cahier des charges associé. Les travaux devraient débuter en octobre prochain et nourrir la réflexion relative au volet « lien armées-nation » du service national universel ».

S'il est heureux que ces travaux « externes » ne soient pas conduits en pure perte et que le ministère prévoit qu'ils puissent nourrir la réflexion sur le service national universel, qui, en bonne logique devrait aboutir à la fin de la JDC, il est moins satisfaisant qu'il soit envisagé de céder à l'air du temps, en suivant une démarche impliquant « le recours à des instruments numériques, la réduction et la simplification des messages ainsi que la diversification des postures pédagogiques » .

Votre rapporteur spécial estime qu'à l'heure où une tentative de restauration des conditions d'un enseignement satisfaisant est poursuivie, l'ambition de réduction et de simplification des messages est quelque peu discordante. Par ailleurs, il conviendra de s'interroger sur les coûts supposés par un recours aux outils numériques dans un projet qui, d'ores et déjà, entraînera des charges supplémentaires sans doute très conséquentes.

Une multiplication par trente des coûts actuels de la JDC constituerait sans doute le bas d'une fourchette d'estimation des coûts dont la limite supérieure est en l'état entourée de trop d'inconnues pour être mentionnée.

La limite inférieure de l'estimation représente aujourd'hui sans doute environ 3,8 milliards d'euros 4 ( * ) . Il va sans dire que cet enjeu n'est nullement pris en compte dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

d) Les informations réunies lors de la JDC sur les jeunes en difficulté doivent être mieux traduites en actes contre le « décrochage »

Au cours de la journée de défense et de citoyenneté, les jeunes en difficulté sont identifiés. Un entretien leur est proposé au cours duquel des solutions leur sont présentées. Par ailleurs, un circuit d'échange d'informations existe avec des organismes susceptibles de venir en aide à ces jeunes.

Le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement n'est pas à la mesure des enjeux. On rappelle que de 100 000 à 150 000 jeunes sont réputés « sortir » du système scolaire sans formation.

Les résultats des tests effectués en 2017 sont très inquiétants.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

C'est tout particulièrement le cas pour les 33 992 jeunes, dont 3 766 outre-mer, repérés en situation de décrochage scolaire.

Or, les suites données demeurent fort incertaines.

Certes, les jeunes décrocheurs sont systématiquement signalés aux plateformes de décrochage. Ils peuvent également, dans la mesure où ils sont volontaires, voir leurs coordonnées transmises à l'Établissement Public d'Insertion dans l'emploi (EPIDE), au service militaire adapté (dispositif outre-mer) et, depuis fin 2015, au service militaire volontaire (dispositif métropole).

Toutefois, les structures destinataires paraissent éprouver des difficultés considérables pour assurer la prise en charge de ces jeunes. À titre d'exemple, on relèvera que, si 2 820 jeunes se déclarent intéressés par le service militaire volontaire, seuls 1 000 jeunes peuvent en bénéficier chaque année.

Votre rapporteur spécial souhaite que la JDC soit l'occasion de mesures plus actives destinées à prévenir et réparer le décrochage, ce qui suppose un renforcement des liens avec les organismes susceptibles d'offrir une seconde chance scolaire ou, plus globalement, un accompagnement à des jeunes dont la détection ne doit être qu'un pas dans un parcours réellement requalifiant.

3. La politique de mémoire, une programmation en trop forte baisse

La conduite de la politique de mémoire est assurée par les services de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA).

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une enveloppe de 16,2 millions d'euros, ce qui représente une baisse très importante, de 42,6 % par rapport à la loi de finances pour 2018 (soit une réduction des crédits de 12 millions d'euros).

Cette évolution résulte principalement d'une diminution des crédits d'intervention (- 15,6 millions d'euros), les crédits de fonctionnement étant eux en légère augmentation (+ 3,5 million d'euros).

Compte tenu du transfert de charge supporté par le programme au titre de l'organisation du défilé du 14 juillet, la baisse des moyens est encore supérieure à périmètre constant (- 14,4 millions d'euros, soit des crédits divisés par deux).

Le ministère tend à justifier la baisse des dotations par l'achèvement des commémorations exceptionnelles liées au premier conflit mondial. De fait, la programmation budgétaire pour 2018 (28,2 millions d'euros) traduisait, en partie, l'influence des commémorations de la Première Guerre mondiale. Leur mode d'organisation autour d'un groupement d'intérêt public auquel le ministère est conduit à déléguer ses crédits, se traduisait par la prédominance des dépenses d'intervention dans le budget commémoratif (82,2 % des crédits).

Cependant, les crédits destinés aux événements commémoratifs de 2018 avaient été chiffrés à 8 millions d'euros l'an dernier.

La réduction des moyens va donc bien au-delà des économies correspondantes.

En dehors de celles-ci et à périmètre constant, elles atteignent un peu plus de 6,5 millions d'euros, amputant les ressources allouées à la politique de la mémoire de près d'un tiers de leur niveau théorique.

Les financements prévus sont regroupées en deux « opérations stratégiques » (OS) : l'OS « Mémoire » qui est dotée de 8,6 millions d'euros ; l'OS « Sépultures de guerre et lieux de mémoire » bénéficiant de 7,4 millions d'euros , en très forte baisse par rapport à 2018 (14,62 millions d'euros).

L'OS « Mémoire » a été marquée ces dernières années par les besoins de financement du cycle de commémoration de la Première Guerre mondiale. Pour 2019, outre le transfert de charge mentionné plus haut, le budget des commémorations (3,2 millions d'euros) serait marqué par la commémoration du 75 e anniversaire du débarquement de Normandie et de Provence, mais aussi de la Libération de la France.

En ce qui concerne la commémoration du centenaire de la grande Guerre, l'année 2018 a été un temps fort.

Le cycle commémoratif du centenaire de la Première Guerre mondiale a été conçu et animé par un groupement d'intérêt public (GIP) interministériel créé au mois d'avril 2012 par l'État et constitué par seize membres fondateurs, parmi lesquels sept ministères 5 ( * ) , six établissements publics 6 ( * ) , deux associations nationales 7 ( * ) et une mutuelle d'épargne privée, la CARAC.

Quelques moments commémoratifs de 2018

En 2018, le GIP a organisé les cérémonies importantes suivantes ;

- le 9 avril, le centenaire de la bataille de la Lys, le « Verdun des Portugais » ;

- le 25 avril, le centenaire de la bataille de Villers-Bretonneux au fil d'une séquence de trois jours impliquant tout particulièrement l'Australie ;

- le 8 août, une cérémonie co-organisée par la France et le Royaume-Uni en partenariat avec l'Australie, le Canada et les Etats-Unis, commémorant le souvenir de la bataille d'Amiens.

Sont à venir :

- une itinérance de cinq jours du Président de la République, du 4 au 9 novembre 2018, sur les principaux sites et lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale ;

- une cérémonie internationale marquant le centenaire de l'Armistice du 11 novembre 1918, à Paris, le 11 novembre 2018, en présence de 84 chefs d'État et de Gouvernement ;

- une « année Clemenceau », commémorant le retour du « Tigre » à la présidence du conseil et au ministère de la Guerre.

Les dépenses du GIP (voir l'annexe n° 1) ont atteint 35 millions d'euros entre 2012 et 2017. Pour 2018, 10,5 millions d'euros de dépenses nouvelles sont programmées.

Il semble que ces dépenses exceptionnelles aient pu permettre une commémoration digne et partagée, mais aussi, souvent par des projets d'une envergure financière minime d'assurer une réelle mobilisation autour d'actions participatives. En témoignent les 1 224 projets labellisés par la Mission en 2018 8 ( * ) .

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il est heureux que le fonds d'initiative ait pu soutenir ces actions souvent issues d'initiatives locales.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il n'entre pas dans la vocation de votre rapporteur spécial de porter un jugement sur le contenu de ces opérations. Il constate que la dimension mémorielle y a été, très heureusement, bien représentée avec tous les sentiments qu'elle suppose et ravive, mais sans pour autant, il faut s'en féliciter, que l'histoire ne soit négligée en ces occasions.

D'un point de vue formel, il est inévitable que « l'événementiel » mobilise une part substantielle des dotations dégagées par l'État. Votre rapporteur spécial forme des voeux pour que les différentes cérémonies auxquelles les commémorations de la Première Guerre mondiale ont donné lieu trouvent des prolongements dans une activité soutenue de retour historique sur ce qui a constitué, pour les combattants mais également pour l'ensemble des Français, et, au-delà, pour l'histoire mondiale, un événement majeur dont les traces culturelles, politiques et psychiques encore très profondes appellent une réélaboration constante au bénéfice des générations qui, depuis, se sont succédées.

La seconde opération stratégique, l'OS « sépultures de guerre et lieux de mémoire », dotée de 14,6 millions d'euros en 2018 ne réunit plus que 7,4 millions d'euros en 2019, soit une chute vertigineuse.

Elle distingue les opérations conduites par l'État lui-même (2,6 millions d'euros) et celles réalisées par le truchement de l'ONAC-VG (4,77 millions d'euros).

Pour les premières, l'essentiel des dotations seraient attribuées à l'érection d'un monument aux soldats morts pour la France lors des OPEX (1,2 million d'euros, dont 0,5 million d'euros pour l'acquisition de l'oeuvre elle-même).

Il est grand temps que ce projet déjà ancien trouve sa conclusion, à laquelle ont fait obstacle des négociations difficiles entre le ministère et la commune de Paris.

Pour le reste, le travail de rénovation et d'entretien des lieux de mémoire et des sépultures et ossuaires se poursuivrait. La programmation pluriannuelle de ces opérations a fait l'objet, en exécution, d'une très regrettable lenteur, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Bilan de la programmation pluriannuelle de la rénovation
des sépultures de guerre en millions d'euros

(en millions d'euros)

Crédits prévus
par le programme pluriannuel

Crédits délégués
par la DPMA
à l'ONAC-VG

Crédits consommés par l'ONAC-VG

2010

3,02

0,00

2011

2,46

2,42

1,01

2012

3,15

4,96

3,35

2013

4,27

3,61

1,26

2014

5,22

0,60

3,20

2015

5,35

5,81

3,04

2016

5,92

5,86

5,33

Total 2011-2016

26,37

26,28

17,19

2017 (*)

3,83

4,73

3,4 déjà notifiés ou en cours de notification
+ 4 prévus

2018

5,58

Total 2011-2018

35,78

(*) Exercice en cours, données d'exécution provisoires.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat

Les crédits ouverts pour 2019 (4,77 millions d'euros) s'inscrivent en repli de 7,39 millions d'euros. C'est considérable.

Le ministère explique que ces ressources pourront être complétées par le fonds de roulement de l'ONAC-VG. Le fonds de roulement de l'établissement paraît le permettre, mais il a été régulièrement sollicité ces dernières années comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Évolution du fonds de roulement de l'ONAC-VG

(en euros)

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Budget

2015

2016

2017

2018

45 151 213

34 483 177

35 271 962

29 579 686

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il semble toutefois que les crédits correspondant au programme de rénovation aient été, en général, correctement délégués à l'ONAC-VG mais que celui-ci ait éprouvé les plus grandes difficultés à les consommer.

Seuls 66 % des crédits délégués à l'ONAC-VG auraient été utilisés conformément à leur objet au cours de la période 2011-2016, le fonds de roulement de l'établissement bénéficiant pour 9 millions d'euros des crédits versés à partir du programme 167. Il paraît évident que cette évolution est plus subie que volontaire mais elle témoigne des difficultés rencontrées par l'établissement pour conduire à bien un programme qui suppose une gestion complexe.

Votre rapporteur spécial souhaite qu'une normalisation intervienne au plus vite.

Il salue la contribution des bénévoles de toutes provenances, qui apportent un concours particulièrement estimable à la nécessaire conservation de ces hauts lieux de mémoire.

Au demeurant, c'est plus généralement que votre rapporteur spécial entend très solennellement rappeler que, sans l'implication forte des bénévoles des associations et de leurs porte-drapeaux, qu'il faut honorer, les actions mémorielles qu'entend conduire notre pays seraient autrement plus difficiles à mettre en oeuvre tandis que leur prolongement dans l'espace culturel de la Nation manquerait de l'influx que ces bénévoles lui confèrent.

Cet engagement mérite une pleine reconnaissance et, peut-être, une plus forte organisation pour que l'engagement de ces femmes et hommes demeure vivifiant pour chacun.

Votre rapporteur spécial souhaite également que soient mieux mieux favorisés les projets par lesquels les collectivités territoriales s'attachent à mettre en valeur ces deux composantes majeures du patrimoine que sont la mémoire et l'histoire combattante.

Les crédits prévus (0,9 million d'euros) ne semblent pas correspondre à ce que pourrait être une politique ambitieuse d'inscription de ce patrimoine dans nos territoires.


* 2 Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme (et non suppression) du service national.

* 3 Rapport d'information de Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, Sénat, n °475 (2015-2016), 16 mars 2016.

* 4 La réduction du format d'hébergement du futur service universel à quinze jours permettrait de ramener le coût de ce service à 1,7 milliards d'euros.

* 5 Ministères de l'Intérieur, de l'Europe et des Affaires étrangères, des Armées, de l'Économie et des Finances, de la Culture, de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

* 6 Bibliothèque nationale de France, Institut français, musée de l'Armée, Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, Canopé, Office nationale des anciens combattants et victimes de guerre.

* 7 Association des maires de France et Souvenir Français.

* 8 Votre rapporteur spécial a pu témoigner de nombre d'entre eux. Qu'il lui soit permis de distinguer le très intéressant colloque organisé sous le haut patronage du Président du Sénat et de sa présidente, Mme Annick Billon par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes consacré aux Femmes pendant la grande Guerre.

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