B. L'EFFORT EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS PORTÉ PAR LE PROGRAMME 169 : CONJURER UN LENT AFFADISSEMENT ET S'ADAPTER À DE NOUVEAUX DÉFIS

Les crédits de paiement du programme 169 , qui regroupe la plus grande part des dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant (ayants droit et ayants cause), baissent de 6,7 % dans le projet de loi de finances pour 2019 (- 155,4 millions d'euros) .

Évolution des crédits du programme 169
entre 2018 et 2019

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2019

Cette diminution est la plus marquée observée depuis 2015 . Elle est supérieure à celle enregistrée en 2015 et 2016 où elle avait atteint 4,8 %, années sans revalorisation des principales prestations.

Ainsi, le programme 169 rejoint-il, tout en l'accentuant, sa tendance naturelle à la décrue, qui en fait un contributeur important à la réduction des dépenses publiques.

La réduction relative des crédits est encore plus forte (- 7,9 %) pour les deux interventions regroupées au titre de l'administration de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraites du combattant), qui concentrent les trois quarts des crédits du programme.

Évolution des crédits du programme 169
par type de prestation (2018-2019)

(en millions d'euros)

Dispositif

PLF
2018

PLF
2019

Différence

PMI

1 074,00

965,30

- 108,70

Retraite du combattant

743,9

708,5

- 35,40

Soins médicaux gratuits, appareillage, expertises

52,4

50,5

- 1,90

Remboursement réductions de transport

2,7

2,2

- 0,50

Remboursement prestations sécurité sociale

80,9

76,9

- 4,00

Majoration des rentes mutualistes

247,4

234,7

- 12,70

Institution nationale des invalides

12,1

14,8

2,70

ONAC (action sociale)

0,8

26,4

25,60

TOTAL

2 214,20

2 079,30

- 134,90

Source : commission des finances du sénat d'après le projet annuel de performances pour 2019

Cette évolution pèse à son tour sur les dépenses prévues du fait de l'exercice des droits liés à la perception d'une pension d'invalidité tout en se trouvant légèrement amortie (- 4,7 %).

Même si elles s'inscrivent en recul les dotations prévues au titre de la « solidarité » (- 3,1 %) connaissent une moindre érosion, tandis que les crédits provisionnés pour payer les allocations de reconnaissance aux rapatriés sont marqués par un réel dynamisme.

Comme c'est devenu la règle, un « effet de ciseaux » doit être constaté entre les prestations les plus universelles et les interventions liées à des situations particulières.

Cet effet est renforcé dès lors qu'à la réduction du nombre des allocataires des premières s'ajoute, comme c'est le cas en 2019, l'absence de toute revalorisation significative de la pension militaire d'invalidité et de la retraite du combattant.

Cette évolution renforce l'urgence de parachever la mutation des deux opérateurs principaux du programme, l'Institution nationale des Invalides et l'ONAC-VG , dans le sens d'une meilleure satisfaction des besoins médicaux et sociaux des anciens combattants.

1. En l'absence de revalorisation des rentes viagères, la baisse de la population des bénéficiaires reprend ses droits au titre de principal facteur d'évolution des dotations

L'évolution des crédits nécessaires au versement des rentes viagères (pensions militaires d'invalidité et retraites du combattant) résulte de deux facteurs pouvant se compenser plus ou moins : les évolutions démographiques qui jouent à la baisse du fait de la tendance à la réduction du nombre des bénéficiaires des prestations ; d'éventuels aménagements de droits favorables aux anciens combattants qui peuvent exercer un effet de sens contraire sur les besoins en crédits.

Malgré l'annonce d'une amélioration des droits visant à reconnaître les situations des militaires ayant participé au conflit algérien, l'absence de toute revalorisation des deux prestations de reconnaissance de la Nation pour ses anciens combattants attribue à la réduction de la population bénéficiaire de ces prestations un rôle déterminant dans l'évolution des crédits de rente viagère en 2019.

Évolution des effectifs titulaires d'une pension d'invalidité
et d'une retraite du combattant en dix ans

Source : projet annuel de performances pour 2019

En dix ans, les deux populations bénéficiant des deux prestations majeures du programme ont été divisées par deux.

Pour 2019, la baisse du nombre des bénéficiaires se poursuivrait, mais elle serait légèrement plus faible que l'an dernier (- 18 609 pour la retraite du combattant ; - 10 807 pour les PMI).

La confrontation sur longue période de l'évolution des crédits avec celle des bénéficiaires livre plusieurs enseignements.

En premier lieu, si les crédits de PMI sont inscrits sur une trajectoire constamment descendante, pour les dépenses liées à la retraite du combattant, les évolutions sont plus fluctuantes.

En ce qui les concerne, une sorte de cycle électoral semble se dessiner. Même si les ruptures d'évolution ne sont pas très franches, tous les cinq ans se produisent des inflexions consécutives à des engagements politiques de revalorisation de la retraite du combattant. Si l'inertie est plus forte pour les PMI, c'est qu'elles sont encadrées par un mécanisme d'indexation qui n'est guère revisité lors de ces échéances charnières. Cette discordance entre les deux prestations n'est pas satisfaisante. Elle fait naître le sentiment d'une attention à deux vitesses portée à des anciens combattants de mérite identique.

En second lieu, en lien avec le précédent phénomène, force est de constater que si les dépenses de PMI suivent une tendance baissière très accentuée par rapport à celle des bénéficiaires, les dépenses liées à la retraite du combattant, hors les périodes de revalorisation, sont plus étroitement parallèles en leur évolution à celle des titulaires.

Le projet de budget pour 2019 s'inscrit pleinement dans ce cadre traditionnel tout en faisant ressortir une élasticité élevée des crédits par rapport aux dynamiques des populations bénéficiaires.

Pour les PMI , pour 2019, le taux moyen de baisse des effectifs (calculé sur 2018 et 2019) serait de 5,27 % alors que les crédits baissent de 10,1 %, soit une élasticité des crédits proche de 2.

Évolution des titulaires et des dépenses de PMI
entre 2006 et 2019

Source : commission des finances du Sénat

Pour la retraite du combattant , la baisse du nombre des bénéficiaires atteint 3,7 % (en moyenne sur deux ans) et 2 % entre la fin de 2018 et la fin de 2019.

Les crédits se replient davantage (- 4,8 % en 2019), soit une élasticité supérieure à l'unité, mais cependant moins forte que pour les PMI.

Évolution des titulaires et des dépenses de retraite du combattant
entre 2006 et 2019

Source : commission des finances du Sénat

Les valeurs prises par les élasticités des crédits correspondant aux deux prestations s'expliquent par des facteurs propres à chacune d'elles.

En ce qui concerne les PMI , la composition des bénéficiaires évolue.

Le nombre relatif des pensions « reversées », d'une valeur moindre que les pensions de droit direct, s'élève.

Pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre-évolution
depuis 2012

(Situation au 31 décembre de l'année considérée)

Invalides

Conjoints et orphelins

Ascendants

Total

Taux d'évolution

2012

195 562

81 305

3 926

280 793

- 4,8%

2013

186 614

76 570

3 730

266 914

- 4,9%

2014

179 027

72 100

3 541

254 668

- 4,6%

2015

170 755

67 234

3 371

241 360

- 5,2%

2016

163 860

63 179

3 246

230 285

- 4,6 %

2017

155 824

57 570

3 102

216 496

- 6%

Prévisions 2018 (1)

- 5,3%

Prévisions 2019 (1)

- 5,3%

(1) Moyenne des années 2016 et 2017.

Source : DGFIP, service des retraites de l'État, base des PMIVG 2017

En outre, la structure des droits étant très diverse, les pensions les plus élevées tendent à une attrition plus forte.

On rappelle que si l'on considère les pensions égales ou supérieures à 100 % (8 025 bénéficiaires) comme étant celles qui indemnisent les invalides se trouvant dans l'incapacité d'assurer une activité professionnelle, les anciens combattants qui se trouvent dans cette situation constituent une faible partie (5,2 %) des 155 824 titulaires d'une pension d'invalidité. À l'inverse, les pensions inférieures ou égales à 55 % sont au nombre de 125 607, soit 80,6 % de l'ensemble des pensions d'invalides. Sur ce total, 82 306 invalides perçoivent une pension d'invalidité inférieure à 30 %, soit 52,8 % de l'effectif.

Au total, la valeur unitaire des pensions militaires d'invalidité se replierait très fortement, passant de 5 064 euros en 2018 à 4 834 euros en 2019 (- 4,5 %).

La dispersion des pensions versées est toutefois très forte en fonction des taux d'invalidité reconnus.

Répartition des charges de PMI
par taux d'invalidité

Taux

Article L 16 9 ( * )

Effectif

Montant annuel en euros

10

39 416

28 338 127

15

15 700

17 004 200

20

19 829

28 912 451

25

7 361

13 591 013

30

16 165

35 373 609

35

5 425

14 237 338

40

8 274

24 399 280

45

3 891

13 141 862

50

6 388

23 719 041

55

3 158

13 132 030

60

3 978

17 923 678

65

4 047

19 605 309

70

2 694

14 109 048

75

3 000

16 564 388

80

2 327

14 047 570

85

2 444

19 309 595

90

2 013

18 366 501

95

1 689

18 219 072

100

2 912

38 102 563

100

de 1 à 9 degrés

1 993

37 473 060

100

de 10 à 19

1 100

31 018 665

100

de 20 à 29

584

22 561 156

100

de 30 à 39

408

19 757 219

100

de 40 à 49

320

18 445 948

100

de 50 à 59

219

14 935 079

100

de 60 à 69

144

10 503 772

100

de 70 à 79

88

7 870 497

100

de 80 à 89

74

6 465 726

100

de 90 à 99

59

5 857 574

100

de 100 à 109

79

8 663 229

100

de 110 à 119

37

4 759 791

100

de 120 à 129

5

807 099

100

de 130 et plus

3

611 214

Total

155 824

577 826 704

Source : DGFIP, service des retraites de l'État, base des PMIVG 2017

Pour les retraites du combattant , qui ne sont pas réversibles et sont servies à taux unique, les prévisions concernant les bénéficiaires sont, pour 2019, tributaires de l'élargissement des conditions d'attribution de la carte du combattant pour participation au conflit en Algérie, qui pourrait concerner près de 35 000 bénéficiaires (sur un total proche de 50 000), mais sur une fraction de l'année seulement.

Autant le premier phénomène participe-t-il à freiner la baisse de la population bénéficiaire entre la fin 2018 et la fin 2019, autant le second limite-t-il les effets de la mesure d'élargissement des droits sur les dépenses prévisibles pour l'année prochaine.

a) Une mesure à saluer : l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant aux forces françaises présentes en Algérie entre 1962 et 1964

L'an dernier, le Sénat avait adopté un amendement au projet de loi de finances tendant à étendre les conditions d'attribution de la carte du combattant aux forces présentes en Algérie entre 1962 et 1964. Votre rapporteur spécial avait soutenu cette initiative tout en rappelant qu'elle n'aurait aucun effet si le Gouvernement ne la soutenait pas. Il avait souhaité que la secrétaire d'État clarifie ses intentions et que celles-ci soient marquées par la reconnaissance d'une situation trop longtemps négligée, celle des militaires présents en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964.

La secrétaire d'État avait répondu favorablement à cet appel annonçant la constitution d'un groupe de travail, à la mission plus globale (voir infra ), destiné à examiner un certain nombre de demandes légitimes du monde combattant.

Sur le point précis des militaires présents en Algérie, une réponse satisfaisante a été apportée à la demande ancienne portée par le Sénat.

Votre rapporteur spécial s'en félicite vivement.

La mesure annoncée prévoit l'ouverture du droit à la carte du combattant pour les militaires présents sur le sol algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964. Elle prolongera les extensions de droit acquises dans un passé récent, en particulier l'attribution de la carte du combattant dite « à cheval » prévue par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 au bénéfice des personnes présentes en Algérie au-delà du 2 juillet 1962, à condition que le début du séjour soit antérieur à cette date et sans interruption de service. Dorénavant, la condition d'antériorité ne sera plus exigée.

Cette mesure bénéficiera principalement aux appelés, les militaires de carrière bénéficiant souvent de la carte du combattant à un autre titre.

L'impact budgétaire en est estimé à 6,6 millions d'euros en 2019 , sans compter les transferts induits sous forme de dépenses fiscales.

Il ne s'agit que d'une fraction du coût du dispositif puisque, sous réserve d'une application complète aux 49 819 bénéficiaires potentiels, le coût budgétaire en dépenses s'élèverait entre 30 millions d'euros et 37 millions d'euros . Il conviendra d'y ajouter un impact de 30 millions d'euros au titre des dépenses fiscales associées à la détention de la carte du combattant.

b) Une trajectoire de baisse du nombre des bénéficiaires des prestations financées par le programme

Malgré l'extension des conditions d''attribution de la carte du combattant prévue, la réduction du nombre des bénéficiaires des différents avantages financés par le programme 169 se poursuivrait en 2019.

En effet, s'agissant des populations bénéficiant de rentes viagères, par rapport à 2018, l'étrécissement des populations bénéficiaires atteindrait 5,3 % pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et 2 % pour la retraite du combattant 10 ( * ) , cette dernière diminution étant ralentie par la mesure exposée ci-dessus.

Le nombre des titulaires de la carte du combattant se trouve quelque peu soutenu par les attributions réalisées à l'occasion des opérations extérieures ainsi qu'à la mesure d'attribution de la carte de combattant aux soldats présents en Algérie après le 2 juillet 1962.

Point sur les titulaires de la carte du combattant

Aucune statistique ne recense le nombre de titulaires de la carte du combattant en vie chaque année. Toutefois, une estimation relativement précise peut être réalisée à partir du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant.

Années

(a)

Titulaires de la retraite du combattant
au 1 er janvier

(b)

Titulaires de la carte du combattant OPEX au 1 er janvier âgés de moins de 65 ans
au 1 er janvier**

+ (b)

Nombre total estimé de titulaires de la carte du combattant

2010

1 393 201

36 000

1 429 201

2011

1 339 730

36 000

1 375 730

2012

1 287 388

40 000

1 327 388

2013

1 237 694

48 000

1 285 694

2014

1 200 185

63 000

1 263 185

2015

1 159 167

78 000

1 237 167

2016

1 108 996

100 000

1 208 996

2017

1 059 106*

124 000

1 182 947

2018

1 003 202

140 000

1 143 202

*Donnée consolidée RAP 2017.

** Estimations.

Cartes du combattant délivrées entre 2010 et 2018

Années

Cartes du combattant attribuées

2010

2 228

2011

113 593

2012

24 192

2013

24 773

2014

32 856

2015

37 712

2016

30 661

2017

19 705

2018

670*

* Chiffre arrêté au 1 er juillet 2018.

Quant aux bénéficiaires des soins médicaux gratuits, l'hypothèse de programmation repose sur une baisse de 4,5 % de leur contingent, en ligne avec l'évolution des titulaires de pensions militaires d'invalidité.

D'autres réductions affecteraient d'autres catégories d'allocataires : 12,4 % pour les effectifs concernés par le remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides, 3 % pour les bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes et 4,5 % pour les bénéficiaires des remboursements et réductions de transport.

c) ... dans un contexte de très faible revalorisation des droits

Ces tendances démographiques sont occasionnellement contrebalancées, dans leurs effets sur les dépenses, par l'extension en année pleine de mesures acquises au cours des exercices budgétaires précédents.

L'absence de revalorisation significative des prestations du programme 169 pour 2019 n'exercera pas cet effet stabilisant l'an prochain.

Si les dépenses du programme sont allégées par la baisse du nombre des bénéficiaires (effet de volume), une autre composante des économies doit être attribuée à une perte du pouvoir d'achat des principales prestations qu'il finance.

Il faut certes signaler qu'à l'effet de l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant exposée ci-dessus s'ajouterait la revalorisation substantielle de l'allocation de reconnaissance versée aux supplétifs de l'armée française en Algérie. De 400 euros, son impact budgétaire resterait limité (2,3 millions d'euros en 2019). À ce propos, il est regrettable que les supplétifs de nationalité française, les « harkis blancs », peu nombreux au demeurant, soient formellement exclus de ce dispositif de reconnaissance. À cette mesure, on doit associer l'effort dégagé en faveur des enfants de harkis (7,35 millions d'euros).

Cependant, ces avancées contrastent avec la faible revalorisation du point de PMI (0,7 %) dans le cadre du « rapport constant » qui lie la revalorisation du point à celle de la valeur de l'indice grille indiciaire de la fonction publique.

En l'absence de toute revalorisation générale du point d'indice de la fonction publique, celui-ci ne progresse qu'à raison des mesures catégorielles. Elles restent d'un effet modeste sur la valeur du point, en dépit de la reprise de l'application de l'accord PPCR, qui, sans être négligeable, n'est aucunement de nature à permettre au point PMI de suivre l'inflation.

Sur la base d'une hypothèse d'inflation de 1,7 % en 2019, le déficit de revalorisation induit par le rapport constant atteint pour les seules pensions militaires d'invalidité 10 millions d'euros. Il faut y ajouter l'impact sur les autres droits, qui sont susceptibles de conférer à la sous indexation un effet presque double.

Autant dire que les mesures précédemment exposées (16,4 millions d'euros) sont plus que financées par la réduction du pouvoir d'achat des anciens combattants.

D'un point de vue individuel, si la revalorisation du point de PMI excède celle appliquée aux retraites, d'un différentiel de 0,4 point, elle ne s'en traduira pas moins par une réduction de la valeur réelle des allocations.

Compte tenu d'une prévision d'inflation de 1,3 % pour 2019, qui peut sembler ad hoc dans le contexte de l'inflation acquise en 2018 et du scenario de croissance du Gouvernement, la perte de la valeur réelle des prestations programmée par le budget pour 2019 atteindrait a minima 0,7 % (elle jouxterait 1 % au cas où l'inflation suivrait son rythme de 2018).

2. Des prestations traditionnellement mal revalorisées

Ces perspectives ne sont hélas pas nouvelles. C'est structurellement que les prestations allouées aux anciens combattants voient entamer leur valeur réelle jusqu'à ce qu'au gré du cycle électoral, interviennent des corrections partielles et souvent hélas inutiles pour ceux qui décèdent entre-temps.

Il convient, en premier lieu, de rappeler les principes de base de l'indexation des principales prestations financées par le programme, marqués par la préoccupation d'assurer un « rapport constant » entre la valeur de ces allocations et celle des traitements des fonctionnaires.

Principes d'indexation des prestations versées au monde combattant
à partir du programme 169

Les prestations assurées au titre de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant), la majoration des rentes mutualistes et de l'allocation de reconnaissance font l'objet de mécanismes de revalorisation. Les règles suivies varient selon les allocations considérées.

Les autres prestations subventionnées par le programme 169 sont attribuées au cas par cas à partir de l'étude particulière des besoins (soins médicaux, dépenses d'appareillages, remboursement de prestations de sécurité sociale, frais de transport, aides sociales, prestations aux rapatriés...) des différents bénéficiaires.

Action 01 - « Administration de la dette viagère »

Pensions militaires d'invalidité :

Le montant des pensions d'invalidité est calculé, selon le taux d'invalidité, en nombre de points d'indice de pension militaire d'invalidité (point PMI). La valeur du point PMI évolue selon les variations de l'« indice de traitement brut - grille indiciaire » , publié conjointement et trimestriellement par l'INSEE et la DGAFP.

Retraite du combattant :

La retraite du combattant est calculée également en nombre de points PMI . Le nombre de points d'indice était fixé à 48 depuis le 1 er juillet 2012 (article 116 de la loi de finances pour 2012) mais a été revalorisé dans le cadre de la loi de finances pour 2017. Pour le reste, la retraite du combattant évolue à raison de la valeur du point de PMI.

Action 03 - Solidarité

Majoration des rentes mutualistes :

Le plafond donnant lieu à majoration est également déterminé depuis 1998 par référence à l'indice du point PMI .

Le plafond annuel majorable a été fixé à 125 points PMI à compter du 1 er janvier 2007 (article 101 de la loi de finances pour 2007).

Action 07 - « Actions en faveur des rapatriés »

Allocation de reconnaissance :

L'allocation de reconnaissance versée aux rapatriés est indexée sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac). Ainsi, tous les ans, un arrêté au 1 er octobre fixe le nouveau montant de l'allocation de reconnaissance. Cependant, en raison de la variation négligeable du taux d'inflation pour les années 2015 et 2016, aucune revalorisation n'a été opérée au cours de ces deux années.

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La valeur du point de pension militaire d'invalidité sert ainsi de référence à de nombreuses prestations servies à partir des crédits du programme.

Conformément au « rapport constant », elle est révisée en fonction de l'indice de traitement brut-grille indiciaire publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Or, faute de revalorisation générale du point d'indice de la fonction publique, l'index en question n'a été que fort peu revalorisé ces dernières années : de 2012 à 2015, il n'a augmenté que de 0,06 % sous l'effet de mesures catégorielles. Si 2016 et 2017 font exception 11 ( * ) conduisant à une augmentation de l'index de 2,8 % par rapport à 2015, dans l'ensemble les modalités d'indexation appliquées aux prestations servies par le programme 169 se traduisent par des pertes de pouvoir d'achat des prestations perçues par les anciens combattants.

S'agissant des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant, le tableau ci-dessous présente les estimations des économies de charges résultant de la sous-indexation de ces allocations par rapport à l'évolution des prix au cours des sept années écoulées.

Évolution des PMI et de la retraite du combattant sous différentes hypothèses
de revalorisation du point de PMI

Source : calcul en variante réalisé à la demande du rapporteur spécial par les services du ministère

Les économies réalisées se montent à 105,1 millions d'euros en 2017.

Elles se décomposent en 36,8 millions d'euros pour les PMI et 68,4 millions d'euros pour la retraite du combattant. Encore faut-il tenir compte de ce que la réduction du nombre des bénéficiaires de ces prestations contribue à limiter les économies ainsi calculées, mais aussi de ce que les revalorisations exceptionnelles mises en oeuvre en 2017 ont pu transitoirement les plafonner.

Si aux contraintes financières du moment les anciens combattants ne sauraient, ni ne souhaitent, se soustraire, encore faut-il qu'elles ne pèsent pas davantage sur eux que sur les reste des Français.

Sur ce point, il convient de rappeler que l'argument avancé pour défendre l'absence d'indexation des traitements publics, à savoir l'existence d'un glissement-vieillesse-technicité, ne saurait en rien s'appliquer à une population qui de toute évidence n'est pas positivement concernée par lui.

L'an dernier, votre rapporteur spécial avait engagé le Gouvernement à veiller à ce que l'accélération des prix en 2018, et au-delà, n'accentue pas un décrochage partiellement comblé par les revalorisations mises en oeuvre avant l'élection présidentielle.

Il regrette que cet appel n'ait pas été entendu.

La perspective de la constitution d'une commission tripartite pour examiner les conditions de revalorisation des allocations annoncée par le Gouvernement appelle quelques précisions sur son format, ses missions et son calendrier.

En l'état, elle inspire une certaine perplexité.

3. Une érosion de la part des prestations universelles au profit d'avantages plus « sélectifs »

Dans ce contexte languide, les mesures nouvelles en faveur de certains ressortissants du programme tendent à atténuer les effets des sous-revalorisations globalement appliquées aux prestations versées aux anciens combattants. C'est le cas cette année de la revalorisation de la situation des supplétifs de l'armée française en Algérie. Il faut certes s'en réjouir pour les populations concernées même si certaines modalités de la mesure sont critiquables.

Cependant, la différenciation de traitement des anciens combattants ainsi pratiquée peut appeler une appréciation nuancée. Dun côté, elle rompt avec un objectif de solidarité uniforme, de l'autre, elle peut contribuer à répondre à un indéniable besoin de rattrapage pour certaines populations insuffisamment prises en compte. En revanche, la déformation, subie, de la structure du programme vers des interventions de plus en plus sélectives pose un problème plus aigu.

a) Une meilleure reconnaissance de la tragédie vécue par les harkis à relativiser

Le projet de loi de finances ne fait ressortir d'augmentation de l'effort en faveur des anciens combattants que pour les rapatriés (+ 31,8 %).

Forte en valeur relative, l'augmentation des crédits ne s'élève qu'à 5,6 millions d'euros en valeur nominale, témoignant de la faiblesse des dispositifs de réparation destinés aux personnes concernées.

L'évolution des crédits procèdent de deux mouvements de sens contraires : la création d'un dispositif de solidarité pour les enfants de harkis (+7,35 millions d'euros) avec, en sens inverse, une réduction des crédits budgétaires inscrits pour financer les allocations de reconnaissance versées aux harkis.

Celle-ci apparaît paradoxale puisque l'enveloppe financière correspondante progresserait de 5,5 millions d'euros, dont 3,8 millions d'euros attribuables à l'extension de la population bénéficiaire (1,2 million d'euros) et à la revalorisation des allocations (2,3 millions d'euros) proposée par la mesure rattachée au projet de budget de la mission ; voir infra ).

C'est que la progression des prestations de reconnaissance correspondante serait prise en charge par la trésorerie de l'ONAC-VG.

Votre rapporteur spécial estime que cette perspective n'est pas de bonne pratique budgétaire et, surtout, qu'elle constitue un signal symboliquement critiquable, s'agissant d'une dette de réparation d'une particulière dignité.

b) Une déformation des équilibres de la politique de reconnaissance en faveur du monde combattant

Les interventions financées par le programme 169 sont composites. Certaines à vocation universelle (PMI, retraite du combattant) sont versées à tous ceux qui réunissent des conditions objectives tenant à leur situation de combattant et à raison de celles-ci, d'autres impliquent un choix du bénéficiaire, et l'influence de variables tierces par rapport à celles en rapport avec la seule situation d'ancien combattant.

En dehors de l'effet asymétrique des dépenses fiscales déjà relevé, il en va tout particulièrement ainsi de la majoration des rentes mutualistes qui, pour concerner 330 000 bénéficiaires 12 ( * ) , n'est servie qu'à un peu de 28 % des titulaires de la carte du combattant (et à moins de 20 % des bénéficiaires potentiels, qui incluent les titulaires du titre de reconnaissance de la Nation).

La rente mutualiste

La retraite mutualiste du combattant, devenue rente mutualiste du combattant, bénéficie par ailleurs du régime de majoration légale institué par la loi du 4 mai 1948.

Les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leur revenu imposable, dans la limite d'un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d'une rente donnant lieu à majoration de l'État. Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère, d'une majoration spécifique de l'État de 12,5 % à 60 % selon le titre détenu et sa date d'obtention.

Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond, dit « plafond majorable » (1 800 euros en 2017).

La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond légal. Au-delà de ce plafond, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.

Or, cet avantage mobilise une part importante des dotations du programme comme le montre le tableau ci-dessous (11,3 % du total).

Évolution de la réparation des principales prestations
du programme

(en millions d'euros)

Dispositif

PLF 2019

Part dans le total 2019

Part dans le total 2018

PMI

965,3

46,42 %

48,50 %

Retraite du combattant

708,5

34,07 %

33,60 %

Soins médicaux gratuits, appareillage, expertises

50,5

2,43 %

2,40 %

Remboursement réductions de transport

2,2

0,11 %

0,10 %

Remboursement prestations sécurité sociale

76,9

3,70 %

3,70 %

Majoration des rentes mutualistes

234,7

11,29 %

11,20 %

Institution nationale des invalides

14,8

0,71 %

0,50 %

ONAC (action sociale)

26,4

1,27 %

0,03 %

TOTAL

2 079,30

100,00 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2019

Votre rapporteur spécial rappelle que la majoration des rentes mutualistes n'absorbait que 8 % des dépenses du programme en 2011.

Si le déficit de revalorisation mentionné plus haut en a également altéré la dynamique, avec pour effet l'extériorisation d'économies budgétaires (voir le tableau infra ) 13 ( * ) , le graphique qui suit montre que les dépenses correspondantes ont connu une certaine résistance, qui contraste avec les prestations plus universelles financées par le programme.

Évolution des majorations de rentes mutualistes sous différentes hypothèses
de revalorisation du point de PMI

(en euros)

Source : calcul en variante réalisé à la demande du rapporteur spécial par les services du ministère

Évolution de la charge des avantages attribués aux rentes mutualistes
des anciens combattants et des effectifs bénéficiaires
(2009-2019)

Source : commission des finances du Sénat

La contribution de l'État aux rentes mutualistes (691 euros par bénéficiaire en 2017) apporte aux bénéficiaires, un quasi doublement de la valeur de la retraite du combattant qu'ils perçoivent.

Il convient de considérer que ce doublement touche un nombre des bénéficiaires limité par rapport aux prestataires de la retraite du combattant.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial est conduit à s'interroger sur les facteurs expliquant une éventuelle sous-utilisation de la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État.

Elle appelle une élucidation. Le ministère renvoie sur ce point à la décision individuelle des souscripteurs. Il conviendrait de vérifier que le dispositif fait l'objet d'une publicité suffisante de sa part.

À ce stade, votre rapporteur spécial se limitera à relever que cette sous-utilisation conduit à des économies significatives.

Le ministère avance à ce propos un chiffre de 40 millions d'euros sur la base du ratio des militaires âgé de 50 ans et plus (soit 4,5 % des bénéficiaires potentiels non entrés dans le dispositif) susceptible de bénéficier de la majoration instantanément.

Sur plus longue période, les économies liées à la faible mobilisation de l'avantage sont en cumulé nettement plus fortes et allègent très significativement les engagements financiers de l'État par rapport à une situation de saturation des droits.

En outre, il conviendra de suivre avec attention le sort de cet avantage dans le cadre de la mise en place d'un régime universel de retraites dans la mesure où celui-ci devrait déboucher sur une revue générale des dispositifs de solidarité pouvant impacter la situation des personnes en retraite.

4. Les opérateurs du programme, des relances très nécessaires

Les évolutions imprimées à l'effort financier de la Nation pour ses anciens combattants - en lien avec le décrochage de la valeur des prestations par rapport à l'inflation et une tendance à la déformation de la structure des transferts vers une forme de concentration aux effets globalement peu redistributifs - conduit à souligner l'importance d'assurer la mutation des deux principaux opérateurs du programme 169, l'Institution nationale des Invalides (INI) et l'ONAC-VG.

Les dotations des deux principaux opérateurs de la mission (l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre - ONAC-VG - et l'Institution nationale des Invalides-INI) progresseraient en passant, pour les crédits de paiement, de 70,2 millions d'euros en 2018 à 72,4 millions d'euros en 2019 (+ 3,1 %).

Le soutien apporté par les autorisations d'engagement ouvertes en 2019 s'accroît plus fortement. Elles passent de 70,1 millions d'euros en 2018 à 104,7 millions d'euros en 2019, sous l'effet de l'attribution à l'INI d'une dotation en fonds propres de 35 millions d'euros.

Évolution des dépenses versées aux opérateurs
du programme 169 (2012-2019)

(en milliers d'euros)

Exécution 2012

Exécution 2013

Exécution 2014

Exécution 2015

Exécution 2016

Exécution 2017

PLF 2018

PLF 2019

INI

12 634

12 154

11 839

12 089

12 089

12 089

12 089

14 789

ONAC-VG

57 897

56 871

56 432

56 978

57 149

55 937

58 028

57 627

Total

70 531

69 025

68 271

69 067

69 238

68 026

70 117

72 416

Source : commission des finances du Sénat

Il y aurait ainsi une divergence d'évolution entre les dotations, celle réservée à l'INI augmenterait, quand le soutien à l'ONAC se resserrerait légèrement. L'accroissement des crédits de paiement inscrits pour l'INI proviendrait en totalité de premiers besoins immobiliers. La subvention pour charges de service public resterait constante. Si, de son côté, la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG se réduirait légèrement par rapport à la loi de finances pour 2018, elle confirmerait sa progression comparée aux dépenses réalisées en 2017. Il est vrai qu'entre-temps, l'ONAC-VG a intégré le service des rapatriés,

Ces évolutions se dérouleraient dans un contexte marqué par la poursuite de la réduction tendancielle des plafonds d'emplois des deux opérateurs.

Ceux-ci reculeraient de 9 ETPT (- 3 pour l'INI ; - 6 pour l'ONAC-VG).

Évolution des emplois ouverts aux opérateurs
du programme (2012-2019)

Exécution 2012

Exécution 2013

Exécution 2014

Exécution2015

Exécution 2016

Exécution 2017

PLF 2018

PLF 2019

INI

446

440

439

434

439

429

435

432

dont sous plafond

445

438

436

432

436

424

430

424

ONAC-VG

1 629

1 604

1 594

1 604

1 636

1 053

901

895

dont sous plafond

884

873

860

863

871

848

883

878

Total

2 075

2 044

2 033

2 038

2 075

1 482

1 336

1 327

dont sous plafond

1 329

1 311

1 296

1 295

1 307

1 272

1 313

1 302

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial de la commission des finances

a) L'ONAC-VG, une quasi stabilité des moyens pour assumer une mission recentrée sur des responsabilités de gestion de prestations sociales

Le tableau ci-dessus rappelle une évolution importante intervenue dans le courant de l'année 2017 avec la cession par l'État de la quasi-totalité des établissements médicaux et sociaux gérés par l'ONAC-VG qui explique presque entièrement les variations des emplois autorisés à l'établissement 14 ( * ) .

Cette évolution, conforme aux voeux de votre commission des finances, est susceptible d'accentuer la vocation de gestionnaire de transferts sociaux de l'ONAC-VG, son activité de tuteur d'organismes fonctionnels se trouvant allégée d'autant. Il reste à souhaiter que le transfert des deux établissements restant sous la tutelle de l'ONAC-VG puisse être finalisé dans les conditions prévues par le législateur.

Concernant le domaine particulièrement important de la gestion des cartes et titres, l'ONAC-VG assure la chaîne complète de l'instruction des demandes relatives à la reconnaissance, que constituent les demandes de carte du combattant et de titre de reconnaissance de la Nation ainsi que l'ensemble des demandes de statuts. Il est également chargé de la certification, de l'instruction et, in fine de la liquidation de la retraite du combattant et exerce un rôle majeur, par ses unités départementales de guichet unique en matière de pensions militaires d'invalidité (PMI), les demandes en la matière devant leur être adressées. Par-là, les services de l'ONAC sont le contact des ressortissants afin de les renseigner sur l'état d'avancement de leur dossier.

Sur ce point, votre rapporteur spécial s'était interrogé l'an dernier sur les sous-performances de l'indicateur de gestion mesurant l'efficacité des services de l'ONAC.

L'indicateur mesure le nombre de cartes et titres traités par agent. La cible 2017 réévaluée lors du PAP 2017(1000) n'est pas atteinte fin 2017 (880). Le projet annuel de performances pour 2019 en tire les conséquences en abaissant la cible à 900 cartes. Les explications avancées par le ministère apparaissent un peu contradictoires. D'un côté, il fait valoir la portée limitée d'une cible (qu'il a choisi lui-même) dépendant du nombre de dossiers adressés à l'établissement, dans un contexte où les agents sont « plus ou moins figés à court terme » . De l'autre, il relève des effets de débordement dus à des modifications réglementaires susceptibles d'augmenter le flux de dossiers.

Ainsi, en serait-il allé avec l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 87 de la loi de finances pour 2015 étendant l'attribution de la carte du combattant après 4 mois de présence en OPEX. Cette mesure aurait suscité la délivrance de plus de 56 000 cartes du combattant OPEX en 2015 et 2016, gonflant conjoncturellement la valeur de l'indicateur.

Il est étonnant que ce ressaut d'activité n'ait pas été pris en compte dans les cibles ultérieurement fixées. Cependant, il faut tenir compte de ce que la mesure envisagée n'a pas produit tous ses effets. Selon les estimations réalisées par le ministère de la défense, elle devait entraîner l'attribution de près de 150 000 cartes du combattant en 4 ans. Il y a là de quoi nourrir un courant d'activité et matière à maintenir des performances productives analogues à celles observées en 2016.

Cet objectif est important. La dégradation de l'indicateur a pour effet d'éloigner la perspective d'un traitement en bon temps de ces demandes et d'infliger aux bénéficiaires des délais supplémentaires.

Cette évolution inquiétante l'est d'autant plus que l'extension des droits réalisée par le projet de loi de finances pour 2019 (l'attribution de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964) devrait entraîner un nouveau flux de demandes évaluées à 50 000.

Votre rapporteur spécial est conduit à regretter que les objectifs de productivité générale de l'ONAC-VG (qui sont tributaires d'objectifs individuels mais aussi du nombre d'agents disponibles) soient inscrits sur une trajectoire baissière, avec le risque d'une dégradation du service rendu aux demandeurs et de sous-utilisation de droits pourtant essentiels.

À cette importante mission, doit être ajoutée, notamment, la considération du rôle de l'établissement dans la gestion de la solidarité plus ponctuelle au bénéfice des anciens combattants, en sus de l'activité sociale conduite par le ministère des Armées lui-même. La subvention versée par l'État pour couvrir les besoins serait inchangée (26,4 millions d'euros) dans un contexte de baisse des personnes éligibles.

Cependant, des besoins nouveaux interviennent du faits des suites des engagements de la France, et, en particulier, de la hausse tragique du nombre des pupilles de la Nation, et des actes de terrorisme.

Il importe tout particulièrement de soutenir les efforts fait par l'ONAC-VG pour apporter des réponses à des situations qu'un filet de sécurité consistant en des prestations monétaires ne saurait toutes contenir.

ONAC, OPEX et terrorisme

L'accompagnement des militaires engagés dans les OPEX et des victimes d'actes de terrorisme mérite une attention sans failles.

Les militaires et les civils qui, en exécution des décisions des autorités françaises, ont participé, au sein d'unités françaises, ou alliées, ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France (OPEX), peuvent obtenir :

- la carte du combattant s'ils justifient une durée de quatre mois de services sur l'un ou des théâtre(s) pris en compte par arrêté,

- ou prétendre au titre de reconnaissance de la nation (TRN) s'ils justifient une durée de trois mois de services sur ces mêmes théâtres.

La détention de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation rend éligibles ces « jeunes anciens combattants » aux dispositifs mis en place par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) pour les aider, en cas de difficultés, à se réinsérer dans la vie civile.

En 2017, plus de 330 dossiers d'aide à la reconversion ont été traités, pour un montant d'aides de 500 000 euros, correspondant à une aide unitaire moyenne de 1 666 euros, qui, de prime abord, se caractérise par sa modicité.

Sur cet aspect de la reconversion, l'ONAC indique avoir lancé un marché public pour la mise en oeuvre d'un accompagnement complémentaire en amont (bilan de compétences, bilan d'orientation) et en aval (proposition d'emploi) permettant aux ressortissants qui n'ont pas pu bénéficier du soutien de l'Agence de reconversion de la défense d'aller jusqu'au terme de la démarche d'accès à l'emploi.

En somme, l'ONAC-VG est appelé à se substituer aux efforts normalement assignés à l'agence de reconversion de la défense et à Pôle Emploi, dont les guichets pourraient être mieux accueillants aux personnes concernées.

Au-delà du dispositif de reconversion, l'Office propose aux ressortissants de la 4 ème génération du feu des aides pouvant contribuer à couvrir les dépenses liées à l'état de santé et au handicap : subventions pour des frais médicaux, pour l'adaptation du logement, pour l'aménagement du véhicule...

Le nombre et le montant des aides financières ont progressé de près de 45 % au cours de la période 2016-2017, pour atteindre une dépense de 1,3 million d'euros au 31 décembre 2017.

À ce jour, dans ce cadre, le suivi de 222 blessés a été confié à l'Office par les cellules d'aide aux blessés.

Les services de proximité de l'ONAC-VG accompagnent également de nombreux blessés ressortissants de l'Office, qui ne sont pas nécessairement suivis par les cellules d'aide.

Ils sont aujourd'hui plus de 1 000 à bénéficier ainsi d'un soutien administratif et social .

Quant aux victimes d'actes de terrorisme, la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 leur a étendu le bénéfice des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre applicables aux victimes civiles de guerre. Elles ont donc théoriquement la qualité de ressortissants de l'ONAC-VG. Cette qualité leur permet de bénéficier de l'action sociale et de l'assistance administrative mises en oeuvre par les services de proximité de l'Office.

À ce jour, plus de 3 600 victimes directes d'actes de terrorisme, familles des victimes décédées, victimes blessées et victimes de traumatismes sont accompagnées par l'Office au titre des actes perpétrés en 2015, 2016 et 2017. Au coeur de cet accompagnement, se trouve notamment la procédure d'adoption par la Nation des enfants des victimes d'actes de terrorisme tuées ou gravement blessées, ou des enfants victimes directes de ces attentats. Le budget consacré aux pupilles de la Nation a ainsi augmenté de près de 30 % en 2016 et de 38 % en 2017.

Par ailleurs, un nouvel accompagnement est désormais proposé aux victimes du terrorisme qui souhaiteraient être assistées dans leur démarche de réinsertion professionnelle. Elles peuvent être suivies par des spécialistes qui les conseillent et les orientent vers les secteurs les plus adaptés à leurs compétences.

À la suite d'observations de la Cour des comptes, faisant en particulier valoir un déficit d'encadrement légal de cette fonction, une normalisation est intervenue. Il faut s'en féliciter tout en s'attachant à conserver un lien fort avec les organisations d'anciens combattants souvent mieux à même de connaître les situations individuelles et de fournir un premier accompagnement aux ressortissants de l'ONAC-VG.

Si le nombre des ressortissants devrait poursuivre sa baisse à l'avenir, il demeure très élevé en l'état (2,415 millions en 2018), et se compose de populations aux profils de plus en plus variés auxquelles l'office doit pouvoir apporter des soutiens adaptés.

Évolution prospective 2013-2023 du nombre de ressortissants

2013

2018

2023

Combattants 15 ( * )

1 419 300

1 250 000

922 400

PMI et pensions de victimes civiles (PVC) hors double titre & VG non pensionnées

131 500

93 000

64 200

Total des ayants droit

1 550 800

1 343 000

986 600

Ayants cause PMI et PVC 16 ( * )

80 200

72 300

45 800

Veuves de ressortissants

1 128 400

799 500

655 300

Orphelins de guerre

222 700

200 600

147 100

Total des ayants cause

1 431 300

1 072 400

848 200

Total des ressortissants

2 982 100

2 415 400

1 834 800

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

b) L'Institution nationale des Invalides

Le projet de budget témoigne de la stabilité de la subvention versée par la mission à l'Institution nationale des Invalides (INI).

Celle-ci s'établit à 12,09 millions d'euros, niveau inchangé depuis 2015, tout en ouvrant, c'est une nouveauté encourageante dans la perspective de la rénovation de la place de l'établissement dans le système de santé des armées, une dotation en fonds propres de 35 millions d'euros en autorisations d'engagement (2,7 millions d'euros en crédit de paiement).

La subvention pour charges de service public versée par le ministère des Armées représente un peu plus d'un tiers des ressources de l'INI qui est par ailleurs attributaire d'une dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé (11,8 millions d'euros) et s'efforce de développer des ressources propres.

La programmation 2019 prolonge ainsi une dynamique de financement courant de l'INI qui s'est révélée insoutenable comme l'a exposé votre rapporteur spécial dans son rapport de contrôle sur l'établissement 17 ( * ) .

Le « jeu de rôles » entre le ministère de la défense et le ministère de la santé, qui s'est affranchi des règles d'indexation de sa dotation pourtant prévues par des dispositions légales et réglementaires, a abouti à un effet de ciseaux entre des subventions publiques déclinant en euros constants et des charges de fonctionnement progressant en valeur, au point que le bouclage financier de l'INI a reposé sur une ponction du fonds de roulement et sur un décalage des investissements programmés mais non exécutés.

Cette gestion « au fil de l'eau » présente à l'évidence des dangers pour les usagers de l'INI et pour l'établissement consacré par la loi et par l'histoire.

Elle n'est pas en pleine cohérence avec une patientèle de plus en plus extérieure au monde combattant ni avec le renforcement de l'intégration de l'INI à l'offre générale de santé.

Votre rapporteur spécial a pu rendre compte des progrès réalisés en 2016 pour redonner un horizon à l'INI : l'adoption du schéma d'investissement, l'adoption d'un nouveau projet d'établissement, le maintien de la spécificité de l'institution dans un contexte de plus fort engagement dans l'offre globale de soins.

Ces évolutions favorables demandent encore à être traduites dans les faits. Elles requerront une attitude positive des partenaires mais aussi des moyens financiers et une politique du personnel à la hauteur des enjeux.

Le programme d'investissement comporte des enjeux importants puisqu'il représente au minimum 50 millions d'euros. En l'état des informations de votre rapporteur spécial, il serait financé à hauteur de 11 millions d'euros par le fonds de roulement, le reste étant pris en charge par une dotation du ministère de la défense.

Votre rapporteur spécial, qui s'interroge sur le principe apparemment adopté d'une exclusivité de la participation des budgets militaires au financement du projet dès lors que la patientèle de l'INI est principalement civile, restera attentif aux prolongements des impulsions données pour rénover l'INI.

D'ores et déjà, il relève qu'une difficulté pourrait provenir de la restructuration de l'offre de soins de l'INI et de l'indisponibilité transitoire d'une partie de ses capacités

Les recettes propres de l'Institution qui représentent près de 10 millions d'euros devraient baisser de l'ordre de 1,7 million d'euros. Si cette évolution devait se révéler plus structurelle que conjoncturelle, il conviendrait d'envisager les moyens d'adapter les recettes, la flexibilité des dépenses paraissant limitée pour un établissement chargé d'assurer des soins à des publics lourdement handicapés.

5. De quelques situations à mieux prendre en considération

Les interventions de l'ONAC-VG et de l'INI sont d'autant plus stratégiques que sans elles certaines situations seraient peu voire nullement prises en compte au titre de l'effort en faveur des anciens combattants.

Il convient notamment de rappeler que les conditions d'âge exigées pour disposer de la retraite du combattant (65 ans) peuvent éloigner considérablement l'apparition des besoins de réparation de la réparation effective. Dans ces conditions, l'attribution d'une carte du combattant permet d'accéder à un certain nombre de processus d'accompagnement des anciens combattants, en particulier aux soutiens procurés par l'ONAC-VG.

Celui-ci fait alors office de filet de sécurité, ce qui, à défaut d'être optimal, doit être considéré comme précieux.

Le ministère a mis en oeuvre une revue de certaines de ses interventions et des sollicitations qui lui sont adressées par le monde « anciens combattants ». Il convient de saluer cette initiative. Toutefois, sur les vingt-six sujets abordés, seul un petit nombre d'entre eux a fait l'objet d'une suite favorable. Votre rapporteur spécial insiste pour que des situations mal couvertes, comme celle des forces participant aux opérations de sécurité conduites dans le cadre de la protection des Français contre les actions terroristes (les opérations intérieures- OPINT) ou celle des personnes en charge, ou l'ayant été, de grands invalides de guerre soient mieux prises en compte.

6. Une incertitude apparemment levée : les effets de la décision n° 2017-690 QPC du Conseil constitutionnel du 8 février 2018

L'article 13 de la loi du 31 juillet 1963, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), disposait :

« Sous réserve de la subrogation de l'État dans les droits des victimes ou de leurs ayants cause, les personnes de nationalité française, ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause de nationalité française, droit à pension. »

Ainsi, en application de ces dispositions, le bénéfice de la pension d'invalidité était réservé aux seules victimes civiles de la guerre d'Algérie de nationalité française.

Par une décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que les mots « de nationalité française » figurant deux fois dans cette disposition étaient contraires à la Constitution et, en particulier, au principe d'égalité garanti par celle-ci.

L'effet abrogatif de la décision du Conseil constitutionnel s'étend donc à la mention de la condition de nationalité française présente dans les dispositions de cet article.

Il a donc été nécessaire de procéder à sa modification avec effet rétroactif à la date de la déclaration d'inconstitutionnalité, soit le 8 février 2018. Tel a été l'objet de l'article 49 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense qui est venu supprimer les mots « de nationalité française au 4 août 1963, » de l'article L. 113-6 du CPMIVG. Ce même article a également prévu que les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre de l'article L. 113-6 du CPMIVG ne seraient plus recevables à compter de la publication de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, soit le 14 juillet 2018.

Ces modifications ont été rendues applicables aux seules demandes tendant à l'attribution d'une pension déposées à compter du 9 février 2018, ainsi qu'aux instances en cours à la date de la publication de la loi.

Enfin, il convient de préciser que la loi a prévu que :

- le bénéfice de la pension d'invalidité mettait fin au versement de toute allocation versée par les autorités françaises destinée à réparer les mêmes dommages ;

- le montant des pensions servies au bénéficiaire à raison des mêmes dommages dans des cas non prévus était, le cas échéant, déduit du montant de la pension d'invalidité.

En application de l'instruction interministérielle n° 568 A du 22 août 1968, certaines personnes de nationalité algérienne, victimes civiles de la guerre d'Algérie, qui ne pouvaient donc bénéficier de la pension civile au titre de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 du fait de leur nationalité algérienne et dont la demande avait été déposée avant le 31 décembre 1968, se sont vues accorder au plus tard en 1971, une allocation de réparation, l'« allocation 568 ».

Ces allocations n'ont fait l'objet d'aucune revalorisation de sorte que leur montant est aujourd'hui « assez peu élevé ». Le nombre de ces bénéficiaires s'établit à environ 3 000.

Or, le rapport n° 60 (2012-2013) de notre ancien collègue Alain Néri, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 17 octobre 2012 concernant la loi du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, avait pu faire état de 300 000 à 400 000 victimes civiles algériennes.

Il faut ajouter les ayants cause d'une victime civile de la guerre d'Algérie soit :

- le conjoint survivant ;

- en cas de décès du conjoint ou du partenaire survivant, les enfants du défunt âgés de moins de vingt-et-un ans (droits à pension d'orphelin) ;

- les ascendants de la victime civile, que le conjoint ou le partenaire survivant de la victime civile soit décédé ou non (ascendants = père et mère remplissant les conditions prévues à l'article L. 141-10 du CPMIVG (condition d'âge ou de mauvaise santé et conditions de ressources et, à défaut, la pension est accordée aux grands-parents dans les conditions fixées par l'article L. 141-10, en application de l'article L. 141-12 du CPMIVG).

- les ayants cause des civils disparus (l'État algérien évalue entre 1 200 et 1 300 le nombre de disparus civils et militaires algériens).

Leur nombre demeure indéterminé.

Les enjeux budgétaires de la décision du Conseil constitutionnel étaient susceptibles de représenter des masses financières élevées. Selon la réponse adressée par le ministère, cette perspective ne devrait pas se concrétiser. Il est fait état, à ce jour, de 89 demandes faisant expressément référence à la décision du Conseil constitutionnel reçues par différents services du ministère des armées et par l'ONAC-VG. Au surplus, ces demandes sont jugées souvent incomplètes et peu précises de sorte que leur issue nécessitera des compléments d'information pour pouvoir être instruites.

Cependant, il existe deux inconnues.

La première porte sur d'éventuels contentieux à venir. La seconde concerne l'existence de demandes en stock, dont l'historique pourrait susciter quelques difficultés au regard de l'état du droit depuis 1963.

En toute hypothèse, l'on ne peut que relever l'écart considérable existant entre le nombre des bénéficiaires potentiels et les données mentionnées relatives aux demandes présentées.


* 9 L'article L. 16 accorde des majorations de pensions aux victimes de motifs multiples d'invalidité.

* 10 Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018.

* 11 Principalement sous l'effet des revalorisations du point d'indice de la fonction publique (0,6 % au 1 er juillet 2016 et 0,6 % au 1 er février 2017)

* 12 Hors rentes en cours de constitution (57 000).

* 13 Les économies résultant de la sous-indexation du point de PMI par rapport à l'inflation sont estimées à 2,1 millions d'euros pour 2017.

* 14 Ces opérations ont fortement mobilisé la trésorerie de l'ONAC-VG qui a été amputée de l'ordre de 16 millions d'euros afin de pourvoir aux aménagements contractuellement négociés avec les cessionnaires.

* 15 Titulaires de la carte du combattant et/ou du titre de reconnaissance de la Nation. Ce chiffre, pour 2018, tient compte des nouvelles attributions de cartes et titres ainsi que des décès survenus en 2017.

* 16 Conjoints survivants, ascendants et orphelins de titulaires d'une PMI et PVC.

* 17 Rapport d'information de Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, n° 72 (2016-2017)-25 octobre 2016.

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