C. UNE SITUATION INSATISFAISANTE A PLUSIEURS TITRES

1. Des professionnels précaires et invisibles

• Les différents praticiens rencontrés par votre rapporteure ont témoigné d'une situation de forte précarité financière comme contractuelle , insistant sur le fait qu'il pouvait être mis fin à leurs fonctions du jour au lendemain.

Les Padhue sont en effet recrutés par les établissements hospitaliers sous différents statuts en fonction de leur spécialité, du nombre de leurs années d'exercice en France, ou encore de leur inscription à un diplôme français. Ces statuts, spécifiquement créées pour les Padhue et emportant une rémunération inférieure à celle des médecins de plein exercice , sont codifiés dans la partie réglementaire du code de la santé publique :

- les stagiaires associés sont recrutés pour une durée de six mois renouvelable une fois, et peuvent exercer leurs fonctions pendant deux années au maximum, pour une rémunération annuelle brute de 15 196 euros ;

- les faisant fonction d'interne (FFI) sont recrutés pour une durée de six mois, renouvelable une fois, pour une rémunération annuelle brute de 15 196 euros ;

- les assistants associés bénéficient d'un contrat d'un ou deux ans, pour une durée maximale de six ans, avec une rémunération de 30 446 à 37 438 euros bruts annuels selon leur ancienneté ;

- les praticiens attachés associés (PAA) sont tout d'abord recrutés par un contrat d'un an renouvelable une fois, puis exercent sur le fondement d'un contrat triennal, avant de bénéficier enfin d'un CDI, pour une rémunération brute annuelle de de 36 367 à 39 397 euros selon leur ancienneté.

• De telles situations sont ressenties comme injustes dans la mesure où elles ne s'accompagnent pas nécessairement d'une activité ou d'une responsabilité allégées par rapport à celles des médecins titulaires . Des situations dans lesquelles un Padhue doit assurer certaines des gardes relevant normalement de la responsabilité d'autres membres du service -parfois sous la menace d'une rupture de contrat- ont ainsi été signalées à votre rapporteure.

• La frustration associée à l'exercice partiel de leur compétence a enfin été largement soulignée par les professionnels entendus. Les Padhue ne disposant pas de l'autorisation d'exercice ne peuvent en effet participer à l'activité d'un service hospitalier que sous la responsabilité directe du chef de service ou de l'un de ses collaborateurs ; cela signifie, en pratique, qu'ils ne disposent pas nécessairement du droit de prescription pour les patients qu'ils suivent. Ils peuvent cependant exécuter des actes médicaux de pratique courante et sont associés au service de garde.

Votre rapporteure estime inacceptable que des praticiens médicaux puissent exercer pendant plusieurs années au sein de nos hôpitaux dans des conditions matérielles dégradées, sans visibilité aucune sur leur avenir, et sans inscription ordinale.

2. Une forte insécurité juridique pour les hôpitaux

La grande variabilité du régime juridique applicable aux Padhue crée une situation de forte insécurité juridique pour les établissements hospitaliers , qui doivent faire face au risque de voir ceux de leurs postes occupés par des Padhue redevenir vacants à l'expiration des régimes transitoires successivement mis en place. Cette situation est particulièrement prégnante dans les établissements des zones sous-dotées, dont certains fonctionnent avec un nombre important de Padhue. Ces praticiens sont particulièrement indispensables dans les services de gériatrie et de psychiatrie, largement sinistrés.

La complexité du régime applicable crée par ailleurs des confusions soulignées par les fédérations hospitalières entendues par votre rapporteure : au total, il se pourrait que certains des recrutements illégaux opérés par les établissements hospitaliers interviennent en méconnaissance plutôt qu'en contravention de la législation applicable.

Le recrutement des Padhue par voie contractuelle sans pilotage national fait par ailleurs peser une forte responsabilité sur les établissements hospitaliers . Dans ces conditions, il revient en effet aux établissements de s'assurer de la compétence professionnelle des praticiens recrutés, ce qui peut être difficile pour une petite administration hospitalière 17 ( * ) . En outre, en raison de la non-inscription des Padhue au tableau de l'ordre des médecins, la détection et le traitement des éventuelles situations d'insuffisance professionnelle ne relèvent pas de la compétence ordinale, mais de celle du chef de l'établissement de santé concerné.

3. La question de la qualité des soins et de l'information des patients

Sans préjuger de la compétence professionnelle de l'ensemble des Padhue -qui sont, dans leur immense majorité, des professionnels de grande qualité rendant des services indispensables aux patients français-, votre rapporteure n'estime pas acceptable que, du fait de l'absence de vérification des compétences et du niveau de langue dans le cadre des recrutement hospitaliers de gré à gré, le même niveau de prise en charge ne soit pas garanti à l'ensemble de nos concitoyens en tout point du territoire.

L'ordre des médecins a ainsi estimé « inquiétant » devant votre rapporteure qu'aucune vérification ne soit officiellement faite, lors du recrutement des Padhue par les établissements de santé, quant à l'authentification de leurs diplômes, à leur moralité ainsi qu'à leurs compétences professionnelles.

L'ordre a également souligné les limites du régime assoupli de recrutement des Padhue qui a cours en Guyane depuis une ordonnance de 2005 18 ( * ) : en application de l'article L. 4131-5 du code de la santé publique, le représentant de l'État peut y autoriser, par arrêté, un médecin titulaire d'un diplôme de médecine, quel que soit le pays dans lequel ce diplôme a été obtenu, à exercer dans la région. L'ordre estime que ce régime a donné lieu à des abus qui ne permettent pas de garantir la sécurité des soins dans ce département d'outre-mer, et souligne que la nécessité de pourvoir des postes médicaux restant vacants ne justifie pas tous les assouplissements. Dans certains cas, il pourrait être bon -toujours selon l'ordre- de privilégier le recrutement d'un professionnel paramédical présentant toutes les garanties de compétence plutôt que celui d'un médecin qui ne peut en justifier au regard des critères français.

Dans le courrier précité adressé par le Défenseur des droits au Cnom, M. Jacques Toubon relève par ailleurs que « les Padhue n'étant pas de plein exercice, le recours à ces praticiens ne peut constituer une réponse satisfaisante au manque de praticiens médicaux que connaissent certains territoires ».

Votre rapporteure estime au total qu'il apparaît difficilement justifiable, pour des raisons de bonne information et de transparence, que les patients puissent avoir affaire à des praticiens ne disposant pas du plein exercice sans en être parfaitement informés.


* 17 Des situations de production de faux diplômes ont par ailleurs été signalées à votre rapporteure par l'ordre des médecins.

* 18 Ordonnance n°2005-56 du 26 janvier 2005.

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