CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi autorisant la ratification de l'accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République islamique d'Afghanistan, d'autre part.

Cet accord revêt une grande importance dans le contexte actuel de recherche d'initiatives efficaces en matière de paix et est cité en exemple pour de futurs accords entre le gouvernement afghan et des factions d'insurgés.

Il devrait en outre permettre de combler le déficit de visibilité de l'UE en Afghanistan dû au fait que l'engagement en matière de développement de l'UE ne se traduit pas par une implication dans les pourparlers de paix.

Le présent accord n'entraîne aucune modification du droit interne français ainsi qu'aucune implication financière nouvelle.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 6 février 2019, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. René Danesi sur le projet de loi n° 158 (2018-2019) autorisant la ratification de l'accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République islamique d'Afghanistan, d'autre part.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Christian Cambon, président . - Au regard du montant de l'aide accordée par l'Union européenne à l'Afghanistan et des résultats obtenus, le présent accord suscite légitimement quelques interrogations.

Mme Christine Prunaud . - Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, nous confirmer que les crédits destinés à la police et à la justice sont considérés, dans le cas de l'Afghanistan, comme une aide au développement ? S'agissant de l'entrée de migrants afghans dans l'Union européenne, nous constatons effectivement l'augmentation des flux sur nos territoires. Pour autant, le fait que l'Afghanistan soit considéré comme un pays sûr, ce qu'il n'est certainement pas, permet le renvoi de nombreux migrants. Le protocole d'accord permettra-t-il une évolution en la matière ?

Mme Gisèle Jourda . - La teneur des propos tenus par le Professeur Dorronsoro devant notre commission me fait quelque peu douter du réalisme de l'article 5 du titre II du protocole relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

M. Richard Yung . - Le lien entre la description fort pessimiste de la situation afghane par M. Dorronsoro et le montant considérable des aides versées au pays par l'Union européenne ne semble guère évident. Nous devons évidemment aider les Afghans, mais les résultats n'apparaissent pas pour l'instant à la hauteur des investissements.

M. Alain Cazabonne . - Le rapport donne une estimation du trafic de drogue à partir de l'Afghanistan. Sur quel fondement est-elle calculée ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je partage les interrogations de Gisèle Jourda sur l'article 5 du protocole : « la création d'un cadre adéquat » me semble très éloignée de la réalité. Nous avons déjà apporté une aide à la rédaction de la Constitution afghane, dont le volet relatif à l'éducation demeure inappliqué. Le présent protocole m'apparait donc très en retrait des besoins. Nous ne devons pas nous contenter d'un discours de bonne volonté.

M. Yannick Vaugrenard . - Je ressens un grand malaise compte tenu de l'audition précitée de M. Dorronsoro. Notre commission entérine traditionnellement les projets de ratification des traités et conventions, mais cet accord me semble excessivement éloigné de la réalité qui nous a été décrite, en particulier s'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous devrions exprimer notre mécontentement lorsque des traités ne prennent aucunement en compte la situation réelle.

M. Christian Cambon, président . - Dans la perspective du débat prochain sur le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, il conviendra d'évaluer l'efficacité de nos actions. En Afghanistan, l'Agence française de développement (AFD) a fermé son antenne. L'Union européenne a versé 3,7 milliards d'euros à l'Afghanistan, soit un montant considérable ! Nous devons veiller au contenu des dépenses réalisées grâce aux aides versées et dresser le bilan des actions ainsi menées. En Afghanistan, les résultats ne sont guère probants en matière de droit des femmes et de lutte contre la drogue.

M. René Danesi, rapporteur . - Je partage votre scepticisme, compte tenu des propos tenus par le Professeur Dorronsoro devant notre commission. Mais il convient de rappeler que le présent protocole d'accord, signé en janvier 2017, a été négocié en 2016, alors que les diplomates pouvaient encore entretenir quelque espoir. Depuis, les États-Unis cherchent à se retirer de la guerre la plus coûteuse de leur histoire... L'Union européenne ne participe pas aux négociations conduites à Doha entre les États-Unis et les Talibans. Ces derniers, nous indiquait Gilles Dorronsoro, sont des bureaucrates capables d'administrer un État. Pour autant, et même si les milliards versés n'ont pas été parfaitement utilisés, l'Union européenne doit veiller à rester présente pour l'avenir, notamment sur les questions de sécurité. Pensez que, chaque année, un tiers de l'armée afghane s'évanouit dans la nature... Depuis 2001, l'Occident a échoué à fonder un État sans les Talibans. S'agissant des aides versées par la France, un abîme existe entre les engagements officiels et les montants effectifs, qui n'ont pas dépassé 5 millions d'euros en 2018.

Madame Prunaud, dans le cadre du présent protocole, le soutien à la justice et à la police ressort effectivement de l'aide au développement. Les besoins en la matière apparaissent considérables, d'autant qu'il ne peut y avoir de développement sans sécurité. Pour ce qui concerne les migrants afghans présents en France, je vous rappelle que 72 % d'entre eux ont obtenue l'asile en 2018. L'année dernière, seulement vingt personnes ont été reconduites à la frontière : vous conviendrez que ce chiffre ne donne pas une image bien féroce de la France. Bien que l'accord actuel ne soit pas contraignant, et à la différence de nombre de pays africains, l'Afghanistan accepte d'accueillir ses migrants en retour.

Plusieurs collègues m'ont logiquement interpellé sur l'application des droits fondamentaux en Afghanistan, notamment à l'endroit des femmes. Les Talibans assimilent les droits des femmes aux valeurs des occupants successifs de leur pays, notamment les Soviétiques et les Occidentaux, ainsi que nous le rappelait le Professeur Dorronsoro. L'égalité entre les femmes et les hommes demande un travail quotidien qui passe notamment par l'école. Deux ou trois générations seront nécessaires pour y parvenir. Hélas, tel n'était pas le souci majeur des États-Unis. L'Union européenne, en revanche, pourrait s'y investir.

Enfin, monsieur Cazabonne, les chiffres de mon rapport proviennent de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui évalue notamment la production de drogue par pays. Sa destination finale, en revanche, semble plus difficile à connaître avec certitude.

M. Christian Cambon, président . - La France a dépensé près de 850 millions d'euros par année passée en Afghanistan, où elle a perdu quatre-vingt-dix hommes. Pourtant, les informations données par notre rapporteur n'incitent pas à l'optimisme. La procédure applicable aux accords européens conduit à placer les Parlements nationaux devant le fait accompli, ce qui ne nous empêche nullement d'évaluer l'efficacité des actions d'aide au développement. Nous sommes cependant bien d'accord qu'il faudra continuer à aider ce pays.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

Page mise à jour le

Partager cette page