SECONDE PARTIE : LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

Cet accord est le fruit de négociations, engagées en 2011, puis débloquées 8 ( * ) en 2015, suite à l'élection du Président Ghani. Signé le 18 février 2017, à Munich, il constitue la première relation conventionnelle entre l'UE et l'Afghanistan et a pour objet d'institutionnaliser la relation entre les deux parties en lui offrant un cadre général. Il remplacera la déclaration politique conjointe UE-Afghanistan adoptée le 16 novembre 2015.

Cet accord s'inscrit dans le contexte de la « décennie de transformation » 2015-2024 de l'Afghanistan et de la nouvelle stratégie de l'UE adoptée en 2017 (voir Supra ) dont il reprend les quatre piliers : paix et sécurité, renforcement de la démocratie, développement économique et humain, enjeux migratoires. Il marque aussi l'engagement de l'UE en faveur du processus de paix en Afghanistan. L'Union européenne participe, en effet, au « processus de paix de Kaboul » lancé par le Président Afghan M. Achraf Ghani en juin 2017.

Cet instrument a pour objet de donner une dimension plus politique à la relation et d'étendre la coopération bilatérale à de nouveaux domaines pour dépasser la relation entre bailleur de fonds et récipiendaire, pour couvrir les enjeux de politique et de sécurité (mise en oeuvre du statut de Rome instaurant la Cour internationale pénale, lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, trafic de drogue, protection des droits de l'Homme). Sont également prévues une coopération économique et commerciale (commerce et investissement) ainsi que des coopérations sectorielles (justice, énergie, transport, éducation, culture, santé, agriculture, environnement, modernisation de l'administration publique).

Il souligne aussi l'importance de la coopération régionale pour stimuler la croissance économique et renforcer la stabilité politique dans la région ainsi que pour restaurer le rôle de l'Afghanistan en tant que pont terrestre entre l'Asie centrale, l'Asie du Sud et le Proche-Orient. Il prévoit notamment le soutien du processus d'Istanbul sur la sécurité et la coopération régionales.

Dans l'attente de son entrée en vigueur, certaines dispositions de cet accord mixte sont appliquées à titre provisoire , depuis le 1 er décembre 2017, dans la mesure où elles relèvent de la compétence de l'UE : article 2 (principes généraux) ; article 3 (dialogue politique) ; article 4 (droits de l'homme) ; article 5 (égalité entre les hommes et les femmes) ; titre III (coopération au développement) ; titre IV (coopération en matière de commerce et d'investissements) ; l'article 28 (coopération dans le domaine des migrations) ; titre VII (coopération régionale) ; titre VIII (cadre institutionnel) et titre IX (dispositions finales) dans la mesure où les dispositions de ce titre se bornent à assurer l'application provisoire de l'accord.

I. L'INSTITUTIONNALISATION D'UNE RELATION PLUS POLITIQUE ENTRE L'UE ET L'AFGHANISTAN

L'article 1 er dresse la liste des objectifs de ce partenariat, notamment le soutien de la paix et de la sécurité en Afghanistan, la promotion d'un développement durable de l'Afghanistan ; l'instauration d'un dialogue politique régulier, y compris sur la promotion des droits de l'Homme, l'égalité entre hommes et femmes ainsi que la participation de la société civile ; la coopération au développement ; le développement du commerce et de l'investissement entre les parties ; la coordination dans le domaine des enjeux mondiaux.

L'accord a également pour objet de soutenir le développement des institutions afghanes.

Après avoir rappelé que « le peuple afghan (...) est le propriétaire légitime et le moteur du processus de stabilisation, de développement et de démocratisation en Afghanistan », l'article 2 liste les principes généraux qui guident l'action des parties : le respect des principes démocratiques et des droits de l'Homme ; les objectifs de développement fixés au niveau international, notamment les objectifs du Millénaire pour le développement adoptés par l'Afghanistan ; les principes de bonne gouvernance, notamment la séparation des pouvoirs et la lutte contre la corruption.

L'article 3 instaure un dialogue politique régulier, qui peut, le cas échéant, avoir lieu au niveau ministériel.

A. LA COOPÉRATION POLITIQUE

1. La coopération dans le domaine des droits de l'Homme, de l'égalité entre les hommes et les femmes et de la société civile

Les parties conviennent de coopérer à la promotion et à la protection effective des droits de l'Homme (article 4), au renforcement des stratégies, des politiques et des programmes liés à l'égalité entre les hommes et les femmes dans tous les secteurs de la vie économique, culturelle, politique et sociale, afin notamment de permettre aux femmes d'exercer pleinement leurs droits fondamentaux, notamment l'éducation (article 5). L'article 6 insiste sur le rôle et la contribution de la société civile dans le processus de coopération et de dialogue prévu par le présent accord.

Le respect des principes démocratiques, des droits de l'Homme et de l'Etat de droit est élevé au rang d'élément essentiel de l'accord pouvant conduire à l'adoption unilatérale de mesures appropriées (voir Infra ), comme la suspension du présent accord ou d'accords spécifiques dans tout domaine de coopération mentionné dans le présent accord.

La nomination au sein de la délégation de l'Union européenne à Kaboul, entre 2015 et 2017, de deux conseillers politiques chargés, respectivement de l'Etat de droit et des droits de l'Homme et des questions liées au genre, doit permettre de favoriser la mise en oeuvre de ces dispositions.

2. La consolidation de la paix

À l'article 7, les parties soulignent leur attachement aux efforts en faveur de la paix et de la réconciliation menés par l'Afghanistan, tout en posant, comme condition préalable, sa nécessaire appropriation par le peuple afghan.

Les parties rappellent également l'importance d'un dialogue avec les pays de la région et du rôle des femmes dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations unies.

3. Le soutien en faveur de la sécurité internationale

L'Afghanistan a finalement accepté les stipulations de l'article 8 auxquelles il était hostile de prime abord et qui avaient conduit au blocage des négociations. Les parties s'engagent finalement à promouvoir le statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI), ratifié par l'Afghanistan le 10 février 2003 et réaffirment que « des mesures doivent être adoptées en premier lieu au niveau national en coopération avec la CPI pour traiter les crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale ».

En novembre 2017, la procureure générale de la CPI a commencé une enquête sur les exactions commises par les Talibans dans les zones sous leur contrôle, en vue d'une possible saisine de la Cour.

Aux termes de l'article 9, les parties s'engagent également en faveur de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM) et de leurs vecteurs dans le cadre des conventions et traités multilatéraux auxquels ils sont parties. Cet engagement constitue le second élément essentiel de l'accord dont la violation constitue un « cas d'urgence spéciale » justifiant que l'une des parties prenne des mesures appropriées, de manière unilatérale (voir Infra ). Cette coopération vise notamment à mettre en place un système national efficace de contrôle des exportations et du transit des marchandises liées aux ADM.

Les parties s'engagent, en outre, à coopérer afin de renforcer les moyens institutionnels pour atténuer les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC)

L'article 10 est consacré à la lutte contre la fabrication, le transfert et la circulation illicites d'armes légères et de petits calibres (ALPC) et souligne l'importance de disposer de régimes nationaux de contrôle du transfert d'armes conventionnelles conformes aux normes internationales en vigueur.

L'article 11 traite de la lutte contre le terrorisme sous toutes ces formes, y compris la radicalisation des jeunes. Les parties s'engagent à coopérer sur les questions en rapport avec la lutte contre les activités terroristes et à échanger des informations, ainsi qu'à mettre en oeuvre la stratégie antiterroriste des Nations unies.

Cet accord devrait ainsi permettre d'institutionnaliser et de structurer la coopération et les échanges existant déjà en ce domaine entre l'UE et l'Afghanistan. Ceci est d'autant plus essentiel que les questions sécuritaires constituent une dimension fondamentale de la relation politique globale que l'UE doit entretenir avec l'Afghanistan et que le contexte sécuritaire afghan est appelé à demeurer durablement tributaire de la persistance de menaces d'ampleur : actions violentes perpétrées par le mouvement taleb et ses alliés du réseau Haqqani, montée en puissance de l'Etat islamique au Khorasan, tentatives de Daech de continuer à s'implanter en Afghanistan, en favorisant le transfert vers la wilaya Khorassan de combattants terroristes depuis le Levant, lutte d'influence et surenchère dans la violence entre les organisations terroristes.

L'accroissement des échanges d'information devrait permettre à l'UE et à ses Etats membres, dont la France, de mieux cibler encore les actions de coopération pouvant être mises en place pour aider les autorités afghanes à renforcer leurs capacités d'anticipation et de réponse à ces menaces.


* 8 Les discussion avaient achoppé sur la question de la Cour pénale internationale.

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