B. UNE PRISE EN CHARGE SOCIALE ET MÉDICALE PERFECTIBLE

1. Une prise en charge de la douleur problématique

Dans le cas des cancers, la douleur peut se manifester chez les patients, sur le plan physiologique, de multiples manières, notamment par l'apparition de mucites 18 ( * ) ou de douleurs neuropathiques violentes à la suite de traitements par chimiothérapie ou radiothérapie, par des douleurs liées à la maladie et à sa progression ou encore par des réactions du greffon contre l'hôte en cas de greffe.

À ces douleurs somatiques s'ajoutent la douleur psychologique du patient et celle de son entourage familial. Enfin, compte tenu de la lourdeur de certains traitements, les séquelles peuvent occasionner des douleurs chroniques chez des patients en rémission.

Trois plans nationaux contre la douleur se sont succédé depuis 1998, le dernier ayant couvert la période 2006-2010. Bien que le centre national de ressources contre la douleur (CNRD), créé à l'occasion du 2 e « plan douleur », et la société française d'étude et de traitement de la douleur (SFEDT) aient travaillé au contenu d'un 4 e plan, celui-ci n'a jamais vu le jour.

Bien que chaque centre d'oncopédiatrie interrogé par l'INCa entre septembre 2007 et mars 2009 ait déclaré s'être organisé pour prendre en charge la douleur, soit à l'aide de médicaments, soit par le recours à des techniques alternatives, la SFEDT fait un constat de terrain bien plus sombre. Si certains oncopédiatres ont développé une compétence dans la prise en charge de la douleur des enfants, des équipes mobiles « douleur », formées spécifiquement à l'évaluation et à la prise en charge des douleurs de l'enfant qu'elles soient aiguës ou chroniques, restent, selon la SFEDT, indispensables, en particulier lorsque des techniques complexes ou alternatives doivent être mises en oeuvre, telles que l'hypno-analgésie.

La chronicité de certaines douleurs peut également nécessiter de recourir à des « structures douleurs chroniques » (SDC) dont seulement 39 détiennent une valence pédiatrique sur le territoire et ne sont pas en mesure d'accompagner l'ensemble des centres oncopédiatriques.

La prise en charge de la douleur des patients mineurs est également compliquée par l'absence d'indication pédiatrique ou de posologie et de forme galénique adaptées à l'enfant dans les AMM accordées aux médicaments antidouleur, généralement conçus pour l'adulte.

Enfin, les centres oncopédiatriques ne disposent bien souvent pas des moyens suffisants pour assurer une prise en charge psychologique satisfaisante des patients mais également des parents et des fratries. L'absence de remboursement d'une prise en charge psychologique à l'issue du traitement constitue un frein au possible relais libéral tant pour les patients que pour leur entourage.

2. La nécessité d'un suivi de long terme systématisé

Mesure phare du plan cancer pour la période 2009-2013, le programme personnalisé de soins (PPS) est intégré dans la pratique courante des établissements d'oncologie pédiatrique et permet la prise en compte, dans le parcours de soins du patient, de problématiques propres aux patients mineurs : préservation de la fertilité, développement de soins support (accompagnement psychologique, rééducation, soins de kinésithérapie...), accompagnement éducatif...

En revanche, les programmes personnalisés de l'après cancer (PPAC) sont très insuffisamment déployés, en particulier à très long terme, au-delà de 5, 10 ou 15 ans de rémission. Certains établissements ont mis en place des consultations de suivi de long terme mais ce suivi n'est pas garanti en tout point du territoire. La fédération hospitalière de France (FHF) souligne en effet que l'organisation de l'après cancer requiert beaucoup d'investissement en temps et moyens pour les oncopédiatres. Or les éléments de surveillance des séquelles potentielles à l'âge adulte (insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, complications thyroïdiennes, troubles psychologiques, fertilité...) peuvent désormais être anticipés, au moins pour partie.

Dans ces conditions, votre commission plaide pour le déploiement au niveau national d'un plan de l'après cancer en faveur des enfants et adolescents et adultes guéris d'un cancer dans l'enfance ou l'adolescence, qui pourrait s'appuyer sur les recommandations du comité « suivi à long terme » de la SFCE et s'inspirer des expérimentations mises en place par l'institut Gustave Roussy.

L'institut Gustave Roussy a en effet mis en place une consultation de suivi à long terme au cours de laquelle plus de 1 500 adultes guéris d'un cancer dans l'enfance ont été vus en consultation. Cette consultation joue un rôle majeur de conseil, soutien et prévention permettant de prendre en charge au mieux ces patients. Il s'agit d'une consultation multidisciplinaire (pédiatre, médecin interniste, psychologue...) qui mériterait d'être généralisée au niveau national et prise en charge par l'assurance maladie.

3. Un accompagnement social indispensable
a) Les congés spéciaux

Plusieurs dispositifs visant à l'articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale permettent aux parents de rester présents auprès de leur enfant dans le cadre de sa prise en charge :

- le congé de présence parentale permet d'assurer la charge d'un enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité. D'une durée maximale de 310 jours sur trois ans, il ouvre droit à une allocation journalière de présence parentale ;

- le congé de proche aidant permet d'accompagner un proche handicapé ou atteint d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité. En l'absence de dispositions conventionnelles contraires, il ne peut dépasser trois mois, ou un an en cas de renouvellement, et n'ouvre pas droit à indemnisation ;

- le congé de solidarité familiale permet d'accompagner à domicile, en tant qu'ascendant, descendant, frère, soeur ou personne de de confiance, une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable. Il ouvre droit à l'allocation journalière d'assistance à une personne en fin de vie (AJAP) pour une durée maximale de 21 jours.

b) Un accès inégalitaire aux solutions d'hébergement

Les critères établis par l'INCa pour l'agrément des établissements de santé en pratique du traitement des cancers des enfants et adolescents de moins de 18 ans prévoit l'obligation pour l'établissement d'« organise [r] l'accueil, la présence des parents et les visites de la fratrie » et de « formalise [r] une organisation assurant l'hébergement des parents. »

Dans les faits, les familles restent très largement tributaires des partenariats développés par les établissements agréés avec des structures associatives ou hôtelières.

En l'absence de « maison des parents » gérée par l'hôpital ou une association ou de mise à disposition du parent d'un lit d'accompagnant dans la chambre de l'enfant, les équipes hospitalières sollicitent en règle générale des assistantes sociales afin d'identifier des solutions d'hébergement ponctuelles. Le coût des hébergements trouvés en hôtellerie marchande reste néanmoins à la charge des familles et peut aisément dépasser 50 euros par nuitée, voire avoisiner les 80 euros en zone tendue. Par comparaison, le prix d'une nuitée au sein d'une maison des parents gérée par une association s'établit généralement autour de 10 euros.

Aux inégalités de capacités d'accueil entre établissements s'ajoutent des inégalités entre familles qui tiennent à des différences de niveau de prise en charge par les mutuelles.


* 18 Ulcérations ou aphtes chimio-induits.

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