Rapport n° 448 (2018-2019) de M. Philippe BONNECARRÈRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 avril 2019

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N° 448

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 avril 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôle de l' application et de l' évaluation des lois ,

Par M. Philippe BONNECARRÈRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc, André Reichardt , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

387 et 449 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 10 avril 2019 , sous la présidence de
M. Philippe Bas , la commission des lois a examiné le rapport de M. Philippe Bonnecarrère et établi son texte sur la proposition de résolution n° 387 (2018-2019) tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôle de l'application et de l'évaluation des lois.

Dans sa version initiale, ce texte poursuivait deux objectifs :

- confier un droit de suite au rapporteur pour qu'il puisse rendre compte de l'application de la loi ;

- affirmer, au sein du Règlement du Sénat, une mission d'évaluation des lois promulguées .

À titre liminaire, M. Philippe Bonnecarrère a rappelé l'obligation pour le Gouvernement de publier les mesures d'application des lois, sous le contrôle du juge administratif mais également du Parlement.

Depuis le début des années 1970, le Sénat dresse d'ailleurs un bilan annuel de l'application des lois , qui donne une vision globale des efforts mis en oeuvre par le Gouvernement. Pour la session 2017-2018, le taux d'application des textes législatifs examinés par la commission des lois s'établit ainsi à 91 %, en hausse de 18 points par rapport à l'exercice précédent.

Consacrée à l'article 24 de la Constitution, l'évaluation des politiques publiques vise à mesurer les résultats de l'action publique. Plus exigeante que le suivi de l'application des lois, elle nécessite davantage de recul ainsi qu'une plus grande hiérarchisation des sujets traités.

Au cours de ses travaux, la commission des lois a admis la création d'un droit de suite au bénéfice du rapporteur . Elle a toutefois modifié les conditions de mise en oeuvre de ce dispositif afin de le rendre plus opérationnel et d' éviter tout engorgement des commissions permanentes .

D'une part, les commissions conserveraient la possibilité de désigner plusieurs rapporteurs ou des groupes de travail pluralistes chargés de suivre l'application d'une loi.

D'autre part, le rapporteur resterait libre d'organiser ses travaux de suivi , notamment en fonction du nombre de décrets manquants. Ses observations auraient vocation à alimenter le bilan annuel de l'application des lois, dont l'existence serait reconnue au sein du Règlement du Sénat .

En revanche, la commission des lois n'a pas souhaité consacrer une mission d'évaluation des lois promulguées , celle-ci s'intégrant dans la fonction, plus large, d'évaluation des politiques publiques.

Les travaux d'évaluation s'inscrivent, en effet, dans une démarche collective qui nécessite la planification et la mobilisation de moyens spécifiques. Si le rapporteur du projet ou de la proposition de loi peut y participer, il peut difficilement en être le seul acteur.

La commission des lois a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Comme l'a souligné notre collègue David Assouline, alors président de la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois, « assurer l'application de la loi, c'est aussi renforcer la légitimité et la crédibilité de l'institution parlementaire » 1 ( * ) . Sans décrets d'application, de nombreuses dispositions législatives resteraient lettres mortes.

Pour le Parlement, le contrôle de l'application des lois revêt une importance particulière, à la jointure de ses trois missions : le vote de la loi, le contrôle du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques.

Depuis le début des années 1970, le Sénat publie un bilan annuel de l'application des lois qui permet, à partir de statistiques homogènes, de mieux apprécier les conditions de mise en oeuvre des textes législatifs. Notre collègue Valérie Létard, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, est chargée de sa rédaction, à partir des informations recueillies auprès des commissions permanentes.

Publié en mai 2018, le dernier bilan d'application des lois salue les efforts du Gouvernement en ce qui concerne la session 2016-2017 2 ( * ) :

- le taux d'application des textes législatifs s'établit à 73 %, en hausse de 2 points par rapport à la session 2015-2016 ;

- les décrets d'application ont été publiés en 5 mois et 10 jours en moyenne, contre 6 mois et 22 jours pour l'exercice précédent.

Notre collègue Valérie Létard regrette toutefois un manque de rigueur concernant les rapports au Parlement, avec un taux de remise de 25 %. Elle relativise également « l'argument de la célérité des ordonnances », souvent brandi par le Gouvernement au soutien de ses demandes d'habilitation : il faut en moyenne 571 jours pour prendre une ordonnance 3 ( * ) , contre 196 jours pour voter une loi.

Déposée le 19 mars dernier par MM. Franck Montaugé, Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, la proposition de résolution n° 387 (2018-2019) tend à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer le suivi de l'application des lois et leur évaluation.

Ce texte poursuit deux objectifs :

- confier un droit de suite au rapporteur pour qu'il puisse rendre compte de l'application de la loi ;

- affirmer, au sein du Règlement du Sénat, une mission d'évaluation des lois promulguées.

Au cours de ses travaux, votre commission a admis la création d'un droit de suite au bénéfice du rapporteur, tout en assouplissant ses modalités de mise en oeuvre. À l'inverse, elle n'a pas souhaité consacrer une mission d'évaluation des lois promulguées, celle-ci s'intégrant dans la fonction, plus large, d'évaluation des politiques publiques dévolue au Parlement.

I. L'APPLICATION DES LOIS, UNE OBLIGATION POUR LE GOUVERNEMENT, SOUS LE CONTRÔLE DU PARLEMENT

A. UNE OBLIGATION POUR LE GOUVERNEMENT

1. L'obligation de prendre des mesures d'application dans un délai raisonnable

Le Premier ministre « assure l'exécution des lois », sous réserve de la compétence du Président de la République pour signer les actes délibérés en Conseil des ministres (articles 13 et 21 de la Constitution).

En pratique, le chef du Gouvernement coordonne la publication des mesures réglementaires 4 ( * ) et des ordonnances nécessaires à l'application d'une loi, ainsi que la remise des rapports au Parlement.

Une circulaire du 29 février 2008 rappelle que l'exécutif est astreint à une obligation de résultat pour l'application des lois, non de moyen. En effet, selon ses termes, « chaque disposition [législative] qui demeure inappliquée est une marque d'irrespect envers la représentation nationale et de négligence vis-à-vis de nos concitoyens ».

Dans cette même circulaire, le Gouvernement s'est fixé comme objectif de prendre toutes les mesures réglementaires d'application dans un délai de six mois à compter de la publication des lois 5 ( * ) .

En complément, un principe général du droit le contraint à prendre les mesures d'application dans un « délai raisonnable » , sauf lorsqu'elles seraient contraires aux engagements internationaux de la France. Enfin, la responsabilité pour faute de l'État peut être engagée pour retard ou carence dans l'application des lois.

Application des lois : la jurisprudence du juge administratif

Le juge administratif détermine le caractère « raisonnable » des délais d'application des lois au cas par cas, en fonction des circonstances de l'espèce .

Quatorze ans après la publication de la « loi littoral » 6 ( * ) , il a enjoint le Premier ministre à prendre, sous astreinte , les décrets d'application manquants 7 ( * ) . À l'inverse, le juge a admis un retard de près de deux ans pour l'application d'une loi relative aux zones d'attente des aéroports, « compte tenu du changement de Gouvernement [...] et de l'élaboration [concomitante] d'une loi modificative » 8 ( * ) .

Comme le souligne le professeur Maryse Deguergue, « ce n'est plus à proprement parler un retard qui est reproché au Gouvernement, mais une abstention qui équivaut, selon les termes mêmes des arrêts les plus récents, à un refus de satisfaire à l'obligation qui lui incombe » 9 ( * ) .

En matière de responsabilité , le Conseil d'État a reconnu qu'une absence de décret a causé un préjudice « direct et certain » à un atelier protégé, l'État n'ayant pas défini les conditions de subventionnement de cet établissement 10 ( * ) .

2. La procédure mise en oeuvre pour assurer l'application des lois

Le Gouvernement mobilise ses services dès la publication de la loi afin de s'assurer de sa bonne application. Avec l'appui du Secrétariat général du Gouvernement (SGG) , il établit un échéancier de mise en application de la loi , qui nourrit un bilan semestriel.

La procédure mise en oeuvre par le Gouvernement 11 ( * )

Dès la publication de la loi, le Secrétariat général du Gouvernement convoque une réunion interministérielle pour recenser les décrets nécessaires, définir le ministère responsable (« ministère porteur ») ainsi qu'un échéancier de mise en application de la loi.

Cet échéancier prend la forme d'un « bleu » interministériel. Publié sur le site Légifrance , il est transmis au président de chaque assemblée ainsi qu'au Conseil d'État. Des réunions périodiques sont ensuite organisées pour s'assurer de sa mise en oeuvre.

Chaque semestre, le SGG présente au Premier ministre un bilan de l'application des lois , qui couvre l'ensemble des dispositions législatives adoptées au cours de la législature.

Selon M. Marc Guillaume, Secrétaire général du Gouvernement, « il s'agit d'un travail fastidieux, mais c'est la méthode la plus efficace que nous ayons trouvée » 12 ( * ) .

L'application des lois fait également l'objet de communications en Conseil des ministres, dont la dernière date du 9 janvier 2019.

B. LE SÉNAT, PIONNIER DU CONTRÔLE DE L'APPLICATION DES LOIS

Le Sénat contrôle l'application des lois de deux manières : grâce à un dispositif spécifique créé dans les années 1970 et par l'utilisation, en complément, des outils « classiques » du contrôle parlementaire.

1. Un dispositif spécifique de contrôle de l'application des lois
a) Le bilan annuel de l'application des lois, rédigé à partir des « remontées » des commissions

Dès 1972, le Sénat a institué un dispositif spécifique pour contrôler l'application des lois après leur publication.

L'historique du contrôle de l'application des lois au Sénat

Le 13 juin 1972 , notre regretté collègue Roger Poudonson, président du groupe Union centriste, interrogea le Gouvernement sur les moyens à mettre en oeuvre pour « assurer une application meilleure et plus rapide des textes législatifs votés par le Parlement ».

À la suite de cette intervention, le Bureau du Sénat créa une délégation spécifique pour le suivi de l'application des lois, composée du président du Sénat, des présidents de commission et des présidents des groupes politiques. En 1974, ses compétences furent transférées à la Conférence des présidents , ce qui permettait d'engager un dialogue avec le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Chaque semestre, les commissions permanentes dressaient un tableau d'application des lois , qui précisait les décrets pris et ceux restant à prendre. Leur contribution alimentait le rapport annuel présenté devant la Conférence des présidents.

En 1985, le Sénat a créé la base de données APLEG pour recenser les mesures d'application au fur et à mesure de leur publication. Modernisée à de nombreuses reprises, cette base de données fonctionne toujours aujourd'hui.

Le 16 novembre 2011, le Bureau du Sénat institua une commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois , présidée par notre collègue David Assouline et composée de 39 membres.

Cette commission exerçait deux missions : assurer une veille normative sur la publication des textes d'application et informer le Sénat sur la mise en oeuvre des lois. Elle désignait des binômes de rapporteurs issus de ses rangs mais également des commissions permanentes. Outre le rapport annuel sur l'application des lois, elle publiait des rapports ciblés sur certaines lois 13 ( * ) .

La commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a été supprimée en novembre 2014, « dans le souci de restituer aux commissions permanentes la plénitude de leurs prérogatives de contrôle sur un domaine où elles sont indiscutablement les mieux placées, puisqu'elles ont eu à connaître dès le départ les lois dont il faut vérifier la mise en application en aval » 14 ( * ) .

En conséquence, la rédaction du bilan annuel de l'application des lois a été confiée au président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle . Elle ne relève plus de la Conférence des présidents.

Depuis 2009 15 ( * ) , l'article 22 du Règlement du Sénat prévoit explicitement que les commissions permanentes assurent le suivi de l'application des lois . Pour les commissions spéciales, ce suivi est confié à une ou plusieurs commissions permanentes, en fonction de leur domaine de compétences 16 ( * ) .

Au printemps, chaque président de commission dresse un bilan annuel de l'application des lois qui relèvent des compétences de sa commission . Publiée au compte rendu des commissions, cette communication concerne :

- l'état d'application, au 31 mars, des lois votées lors de la précédente session ;

- les lois antérieures, ayant fait l'objet de mesures d'application au cours de l'année ;

- et, en fin de quinquennat, l'état des lois adoptées pendant la législature.

Exemple de la communication du président de la commission des lois pour la session 2016-2017

Lors de la réunion de la commission du 16 mai 2018, notre collègue Philippe Bas, président, a rendu compte de l'application des lois pour la session 2016-2017 .

24 des 48 lois promulguées au cours de cette période relevaient de la commission des lois 17 ( * ) . Leur taux d'application s'élevait à 72 %, soit un taux identique à l'exercice précédent. Toutefois, presque un tiers des mesures d'application ont été prises plus de six mois après la promulgation de la loi.

Deux lois ont fait l'objet d'un développement spécifique.

En premier lieu, le président Philippe Bas a regretté l'absence de deux mesures d'application de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : l'une relative à l'effacement des données à caractère personnel après le décès d'une personne (« mort numérique »), l'autre sur les pièces justificatives à fournir dans le cadre de procédures administratives (principe « dites-le nous une fois »).

En second lieu, le Gouvernement n'a pas utilisé son habilitation à légiférer par ordonnances pour créer une « banque de la démocratie », habilitation qui figurait dans la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

Le taux d'application des textes législatifs examinés par la commission des lois est plus élevé pour la session 2017-2018 : il s'établit à 91 %, en hausse de 18 points par rapport à l'exercice précédent .

Le président de la délégation du Bureau du Sénat chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, élabore ensuite le bilan annuel de l'application des lois, publié fin mai ou début juin .

Ce bilan relève d'une pratique sénatoriale constante depuis les années 1970, bien qu'il ne soit pas mentionné par le Règlement du Sénat.

En règle générale, il fait également l'objet d'un débat en séance , organisé pendant la semaine sénatoriale de contrôle 18 ( * ) .

Le contrôle de l'application des lois au Sénat

(état du droit)

Source : commission des lois du Sénat

Le bilan annuel de l'application des lois se nourrit des informations recueillies auprès des commissions permanentes mais également de l'audition du Secrétaire général du Gouvernement 19 ( * ) .

Il porte, en priorité, sur la publication des mesures d'application (examen quantitatif) : taux moyen d'application, durée de préparation des décrets et des ordonnances, dépôt des rapports au Parlement, etc . Il distingue quatre hypothèses , en fonction des mesures réglementaires prévues et des mesures effectivement publiées.

Les quatre hypothèses prises en compte
pour le contrôle de l'application des lois

Lois d'application directe

Aucun texte réglementaire n'est prévu

Lois applicables

Tous les textes réglementaires ont été pris

Lois partiellement applicables

Seuls certains textes réglementaires ont été pris

Lois non mises en application

Aucun des textes réglementaires prévus n'a été pris

Source : commission des lois du Sénat

Le bilan annuel de l'application des lois comprend également une analyse de fond de certaines dispositions , notamment pour s'assurer que le pouvoir réglementaire a bien respecté l'intention du législateur (examen qualitatif) .

Un examen qualitatif :
l'exemple du bilan annuel de l'application des lois de mai 2018

À titre d'exemple, le bilan de mai 2018 exprime des doutes concernant le décret n° 2016-234 du 1 er mars 2016 relatif à la régulation des contrats dans le secteur des autoroutes.

Malgré la volonté du législateur et les recommandations de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), les commissions des marchés des concessionnaires d'autoroute ne sont pas présidées par une personnalité indépendante. Or, « il ne s'agit pas d'un détail : ce sujet est au coeur des enjeux soulevés par les plans de relance autoroutiers et de la mobilisation des petites et moyennes entreprises de notre pays » 20 ( * ) .

De même, le bilan conduit à s'interroger sur l'effet différé de la réforme du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières 21 ( * ) , le Parlement ayant souhaité des modifications plus rapides.

À l'inverse, le bilan annuel de l'application des lois n'est pas un outil d'évaluation des politiques publiques , l'évaluation nécessitant à la fois plus de moyens et davantage de recul (voir infra ).

b) Les différences constatées par rapport à l'Assemblée nationale

Depuis 2004 22 ( * ) , l'Assemblée nationale s'est également doté d'un mécanisme de contrôle de l'application des lois. À l'instar du Sénat, les commissions permanentes en sont les clefs de voûte.

L'article 145-7 du Règlement de l'Assemblée nationale encadre plus précisément le contrôle de l'application des lois en prévoyant la remise, à l'issue d'un délai de six mois, d'un rapport d'application pour toutes les lois qui ne sont pas d'application directe.

Ce rapport est rédigé par deux députés , dont le rapporteur du projet ou de la proposition de loi et un membre de l'opposition.

Le contrôle de l'application des lois à l'Assemblée nationale

Source : commission des lois du Sénat, à partir du Règlement de l'Assemblée nationale

En pratique, la publication des rapports d'application n'est pas systématique . Comme le souligne Mme Perrine Preuvot, l'Assemblée nationale interprète son Règlement avec « une certaine souplesse », alors que « l'utilisation du présent de l'indicatif [...] pouvait laisser penser à l'institution d'une obligation » en matière d'application des lois 23 ( * ) .

Alors qu'une cinquantaine de lois sont adoptées chaque année, dont plus de la moitié appellent des mesures d'application, l'Assemblée nationale a publié sept rapports d'application entre août 2017 et juillet 2018 .

Les délais de présentation des rapports sont interprétés avec la même souplesse . À titre d'exemple, le rapport d'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a été publié près de deux ans plus tard, le 15 février 2018 24 ( * ) .

Contrairement au Sénat, l'Assemblée nationale ne publie pas de bilan global de l'application des lois .

c) Les exemples étrangers : le difficile suivi de l'application des lois

Au sein de l'Union européenne, le suivi de l'application des lois s'organise selon trois modalités 25 ( * ) .

Dans la majorité des cas, il est assuré par l'administration parlementaire, sans réel portage politique .

À titre d'exemple, le service juridique de la Chambre des représentants de Belgique dresse la liste des lois promulguées et des mesures d'application à prendre. Cette liste fait l'objet d'une analyse contradictoire avec le Gouvernement, qui peut la compléter ou expliquer les raisons pour lesquelles des décrets n'ont pas été pris.

Dans la même logique, le Sénat italien possède un « observatoire de l'application des actes normatifs », chargé de recenser les règlements publiés au Journal officiel .

Autre modèle, le Royaume-Uni a créé en juillet 2010 une commission commune des règlements d'application . Présidée par un parlementaire de l'opposition, elle comprend quatorze membres de la Chambre des Communes et de la Chambre des Lords.

Cette commission attire l'attention des parlementaires sur des aspects techniques comme la publication tardive des textes d'application ou des incohérences dans leur rédaction. La commission a l'interdiction de se prononcer sur l'opportunité des mesures prises ; le Gouvernement reste libre de prendre en compte, ou non, ses observations.

En Allemagne, l'application des lois relève des Länder ; il n'existe aucun organe de suivi au niveau fédéral . Toutefois, « le Bundesrat peut se prononcer sur la violation du droit par le Land, cette décision étant susceptible de recours devant la Cour constitutionnelle fédérale » 26 ( * ) .

2. L'utilisation, en complément, des autres outils de contrôle

En complément, les députés et les sénateurs utilisent leurs autres outils de contrôle pour suivre l'application des lois promulguées.

Lors de la session 2016-2017, les sénateurs ont posé 156 questions écrites relatives à l'application d'une loi, dont 40 % ont obtenu une réponse ministérielle 27 ( * ) .

De même, les commissions permanentes peuvent créer des missions d'information pour contrôler la mise en application d'une loi, au besoin en demandant au Sénat de leur attribuer les prérogatives des commissions d'enquête . Les rapporteurs disposent alors de leurs outils habituels pour mener leurs travaux : organisation d'auditions, déplacements, questionnaires écrits, etc .

Exemples de missions d'information créées par la commission des lois pour suivre l'application des textes promulgués

- Le suivi de l'état de l'urgence et de la loi « SILT »

Votre commission a institué un comité de suivi de l'état d'urgence le 25 novembre 2015, deux semaines après les attaques terroristes du 11 novembre.

Ce comité a contrôlé les mesures de police administrative prises par le Gouvernement jusqu'à la sortie de l'état d'urgence et l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 28 ( * ) , dite loi « SILT ».

Depuis lors, ce contrôle est assuré par la mission de suivi de la loi « SILT » .

Son rapporteur, notre collègue Marc-Philippe Daubresse, a réalisé un point d'étape le 18 décembre dernier . Il a précisé le nombre de mesures prononcées (214 périmètres de protection en un an, 5 arrêtés de fermeture de lieux de culte, 74 visites domiciliaires, etc .) ainsi que les difficultés rencontrées (motivation insuffisante des arrêtés, problèmes d'articulation avec la sécurisation des manifestations sportives comme les marathons, complexité de la procédure de fermeture des lieux de culte, etc .) 29 ( * ) .

- Le suivi des réformes territoriales

Une mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des réformes territoriales a été créée en novembre 2015, notamment pour contrôler l'application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 30 ( * ) , dite loi « NOTRe » . Cette mission a été pérennisée en novembre 2017, sur décision de votre commission.

Notre collègue Mathieu Darnaud, rapporteur, a récemment formulé trente propositions pour revitaliser l'échelon communal, notamment en veillant à mieux associer les communes au fonctionnement de leur intercommunalité 31 ( * ) . Un colloque a également été organisé le 15 novembre dernier, en présence des associations représentant les élus locaux.

C. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DU SÉNAT SUR LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

Dans le cadre des réformes institutionnelles, le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle a proposé trois mesures pour renforcer le contrôle parlementaire de l'application des lois 32 ( * ) .

D'une part, l'obligation de prendre les mesures d'application des lois serait consacrée dans la Constitution.

D'autre part, les présidents des deux assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs pourraient saisir le Conseil d'État pour contester un retard ou une carence du Gouvernement dans l'application des lois . Cette mesure constituerait une réponse à la jurisprudence administrative, qui ne reconnaît pas l'intérêt à agir des parlementaires 33 ( * ) .

Enfin, la mission d'assistance de la Cour des comptes serait élargie au contrôle de l'application des lois et de leur mise en oeuvre.

II. L'ÉVALUATION PARLEMENTAIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES : UNE MISSION À CONFORTER

A. UNE MISSION RÉCENTE, DEMANDANT UNE EXPERTISE PARTICULIÈRE

1. Une mission désormais consacrée à l'article 24 de la Constitution

Depuis 2008 34 ( * ) , l'article 24 de la Constitution dispose que le Parlement « évalue les politiques publiques » .

Comme l'a souligné notre collègue Jean-Pierre Sueur, si la révision constitutionnelle de 2008 « n'a évidemment pas fait naître la fonction de contrôle, consubstantielle à l'existence d'un Parlement dans un régime de séparation des pouvoirs, elle a traduit l'intention du constituant de la renforcer et de la moderniser, en lui adjoignant l'évaluation des politiques publiques et plus seulement le strict contrôle de l'action du Gouvernement » 35 ( * ) .

Pour Mme Annie Fouquet, ancienne membre du Conseil d'analyse économique (CAE), l'évaluation des politiques publiques a pour objet d' apprécier la valeur ajoutée de l'action publique « au regard de certains critères, comme la pertinence, l'efficacité, l'efficience, notamment dans le but d'apporter des connaissances pour aider à la décision et éclairer le débat public » 36 ( * ) .

Plus exigeante que le suivi de l'application des lois, l'évaluation implique de définir des indicateurs et une méthode de travail afin de mesurer les résultats d'une politique publique.

Les différentes étapes d'une analyse évaluative

Source : Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques
de l'Assemblée nationale

2. Les dispositifs d'évaluation des politiques publiques

Historiquement, des structures communes ont existé entre l'Assemblée nationale et le Sénat, à l'instar de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques ( OPEPP ) créé en 1996.

Cet office a toutefois été dissous quatre ans plus tard. Pour notre ancien collègue Philippe Marini, sa suppression s'explique par une absence de consensus entre ses membres 37 ( * ) .

a) L'évaluation des politiques publiques au Sénat

Outre les missions d'information et les commissions d'enquête , cette fonction relève des commissions permanentes , qui « mettent en oeuvre [...] l'évaluation des politiques publiques » (article 22 du Règlement du Sénat).

La commission des finances procède, en outre, « à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ».

De même, la commission des affaires sociales « procède à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité social e ». Elle comprend d'ailleurs une mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECS), présidée par notre collègue Jean-Noël Cardoux.

Pour mener leurs travaux d'évaluation, les commissions des finances et des affaires sociales bénéficient de pouvoirs d'investigation renforcés . À titre d'exemple, le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances « procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place et à toutes auditions qu'ils jugent utiles ». Sauf exceptions, tous les « renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent » doivent leur être fournis 38 ( * ) .

L'évaluation d'une politique publique : l'exemple des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT)

Le premier programme d'investissements d'avenir (PIA) a permis de financer quatorze sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), pour un montant total de 857 millions d'euros.

Les SATT visent à favoriser le transfert des résultats de la recherche publique vers le secteur économique. Cinq ans après leur création, la commission des finances a évalué leur efficacité, sur le rapport de notre collègue Philippe Adnot 39 ( * ) .

D'après le rapport, les SATT ont facilité l'émergence de 1 400 projets entre 2012 et 2016. Elles ont également participé à la valorisation des travaux de recherche fondamentale.

Notre collègue Philippe Adnot constate toutefois que « les objectifs initialement fixés pour chaque SATT ne sont [...] pas nécessairement atteints et les résultats obtenus en sont parfois très éloignés ». De même, ayant eu accès aux données de chaque structure, il observe « des disparités relativement importantes entre elles ».

En conséquence, le rapport formule 20 recommandations pour améliorer l'efficacité des SATT . Il s'agit, par exemple, de garantir une plus grande proximité avec les chercheurs publics ou d'inciter les SATT à identifier « les demandes du marché » auprès des entreprises de leur territoire.

Pour évaluer les politiques publiques, le Sénat bénéficie de l'appui de la Cour des comptes , sur le fondement de l'article 47-2 de la Constitution.

À la demande des commissions des finances et des affaires sociales, la Cour des comptes réalise des enquêtes thématiques à destination du Parlement 40 ( * ) .

L'appui de la Cour des comptes : l'exemple du rapport sur les centres hospitaliers universitaires

En décembre 2018, la Cour des comptes a remis un rapport à la commission des affaires sociales du Sénat sur le rôle des centres hospitaliers universitaires (CHU) dans la politique de soins.

La Cour constate une fragilité croissante du modèle des CHU , dont les déficits ont atteint 701 millions d'euros en 2017. De même, le nombre de CHU disposant de bâtiments vétustes est passé de 13 à 16 % entre 2012 et 2016.

Dans ce contexte, le rapport de la Cour des comptes émet 8 recommandations , notamment pour réformer le financement de la prise en charge des maladies rares et créer un observatoire de l'accès aux soins.

Enfin, le Sénat a récemment attribué un marché public d'études , lui permettant de faire appel à des experts (économistes, juristes, consultants, etc .) pour examiner l'impact ex ante d'initiatives législatives mais également pour évaluer ex post les politiques publiques.

b) Les différences constatées par rapport à l'Assemblée nationale

Conformément à l'article 145-7 du Règlement de l'Assemblée nationale, certaines lois font l'objet d'un rapport d'évaluation à l'issue d'un délai de trois ans après leur promulgation . Chaque année, le bureau de chaque commission permanente établit la liste des lois concernées.

Présenté par deux députés, dont un membre de l'opposition, ce rapport tend à analyser « les conséquences juridiques, économiques, financières, sociales et environnementales de la loi [...] ainsi que les éventuelles difficultés rencontrées » lors de sa mise en oeuvre.

Entre août 2017 et juillet 2018 , nos collègues députés ont établi deux rapports d'évaluation , l'un sur la vente à distance des livres, l'autre sur la modernisation du secteur de la presse.

À la différence du Sénat, l'Assemblée nationale a créé en 2009 un organe ad hoc chargé d'évaluer les politiques publiques, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (article 146-3 de son Règlement).

Piloté par le président de l'Assemblée nationale, ce comité a publié quatre rapports en 2018, portant sur les dispositifs d'évaluation des politiques publiques, l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, la prise en charge de l'autisme et la fonction d'évaluation du système éducatif.

B. DES RÉFLEXIONS EN COURS POUR RENFORCER LES CAPACITÉS D'ÉVALUATION DU PARLEMENT

Dans le cadre des réformes institutionnelles, de nombreuses réflexions sont en cours pour renforcer les capacités d'évaluation du Parlement.

Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 9 mai 2018, le projet de loi constitutionnel pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace prévoit que la Conférence des présidents de chaque assemblée arrête un programme de contrôle et d'évaluation 41 ( * ) .

En outre, l'ordre du jour des séances publiques serait modifié afin de mieux valoriser les travaux d'évaluation : la semaine de séance réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation serait élargie « à l'examen des projets ou propositions de loi qui en résultent ».

En complément, le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle a formulé trois propositions pour renforcer l'évaluation des politiques publiques 42 ( * ) .

Il préconise ainsi d' accroître les prérogatives des commissions permanentes en leur reconnaissant les mêmes pouvoirs d'investigation que les commissions des finances et des affaires sociales (proposition n° 32) .

Dans la même logique, il propose d'étendre à toutes les commissions permanentes le droit de demander des enquêtes à la Cour des comptes , sous réserve d'un filtrage des demandes par la Conférence des présidents (proposition n° 31) .

Le groupe de travail envisage également de préciser, dans le respect du secret de l'instruction, l'articulation entre les procédures judiciaires, d'une part, et les commissions d'enquête , d'autre part (proposition n° 33) .

Enfin, plusieurs autres propositions ont été versées au débat, comme le souhait de M. François de Rugy, alors président de l'Assemblée nationale, de rattacher France stratégie au Parlement.

Votre rapporteur tient à rappeler la proposition de M. Philippe Seguin, alors Premier président de la Cour des comptes, consistant à créer un comité conjoint d'évaluation 43 ( * ) .

Réunissant les présidents des commissions des deux assemblées, ce comité déterminerait un programme de contrôle et coordonnerait les enquêtes confiées à la Cour des comptes. La Cour serait également chargée d'examiner les suites données aux travaux d'évaluation du Parlement.

L'évaluation parlementaire : dispositifs existants et réflexions en cours

Source : Commission des lois du Sénat

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : UN DISPOSITIF CONTRAIGNANT POUR RENFORCER LE SUIVI DE L'APPLICATION DES LOIS ET LEUR ÉVALUATION

A. LA VOLONTÉ DES AUTEURS DE RENFORCER LE SUIVI DE L'APPLICATION DES LOIS

Déposée le 19 mars dernier, la proposition de résolution n° 387 (2018-2019) de MM. Franck Montaugé, Jean-Pierre Sueur et des membres du groupe socialiste et républicain vise à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer le suivi de l'application des lois et leur évaluation .

Comme le relève l'exposé des motifs, « le contrôle de l'application des lois votées et promulguées apparaît [...] insuffisant ». De même, des décrets d'application sont publiés trop tardivement, voire manquent à l'appel : « cet état des choses n'est pas acceptable, puisque la loi votée s'impose à toutes et tous et qu'elle doit pouvoir s'appliquer dans des délais rapides dès lors qu'elle a été promulguée ».

Lors de son audition, notre collègue Jean-Pierre Sueur a cité l'exemple du congé de maternité pour les femmes exposées au distilbène : il a fallu attendre 4 ans, 5 mois et 20 jours pour que le Gouvernement mette en oeuvre cette disposition de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005.

B. UN DROIT DE SUITE POUR LE RAPPORTEUR

L'article 1 er de la résolution vise à créer un droit de suite pour le rapporteur d'un projet ou d'une proposition de loi, modifiant à cette fin l'article 19 du Règlement du Sénat.

Le rapporteur serait chargé de « suivre l'application du projet ou de la proposition de loi après sa promulgation et de l'évaluer ». Ce dispositif concernerait l'ensemble des lois promulguées , y compris les textes d'application directe.

Chaque année, le rapporteur aurait l'obligation de rendre compte de ses travaux de suivi et d'évaluation devant sa commission . À titre d'exemple, il pourrait présenter une communication orale ou remettre un rapport écrit.

D'après l'exposé des motifs de la proposition de résolution, « sur le fondement de ces communications, le président de la commission pourra[it], le cas échéant, inviter le membre du Gouvernement compétent à venir s'expliquer ».

Cet exercice s'inscrirait dans une logique pluriannuelle : le rapporteur rendrait compte de ses travaux jusqu'au prochain renouvellement du Sénat. À l'issue des élections sénatoriales, la commission pourrait désigner un autre rapporteur, « le cas échéant jusqu'au renouvellement suivant du Sénat ».

Le bilan annuel de l'application des lois pourrait être maintenu . Son périmètre pourrait toutefois évoluer : en fonction des contributions des rapporteurs, il concernerait toutes les lois votées depuis le renouvellement du Sénat ainsi que les lois antérieures, pour lesquelles les commissions ont désigné un nouveau rapporteur 44 ( * ) .

C. AFFIRMER LA MISSION D'ÉVALUATION DES LOIS

L'article 2 de la proposition de résolution tend à affirmer la mission d'évaluation des lois .

Aussi, nos collègues souhaitent-ils renforcer l'aspect qualitatif du contrôle de l'application des lois , en se rapprochant d'une logique d'évaluation.

Concernant l'actuel bilan de l'application des lois, notre collègue Franck Montaugé a d'ailleurs déclaré : « sans vouloir froisser personne, même si nous en mesurons l'utilité, le bilan présenté [...] est essentiellement quantitatif. La norme de l'exercice le veut ainsi. Mais, en définitive, ce qui nous intéresse en tant que législateur, c'est, au-delà de leur mise en oeuvre effective, l'effet de l'application des lois que nous votons dans la vie de nos concitoyens » 45 ( * ) .

En conséquence, la proposition de résolution tend à modifier l'article 22 du Règlement du Sénat, qui précise aujourd'hui que les commissions permanentes « assurent l'information du Sénat et mettent en oeuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l'action du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques et le suivi de l'application des lois ».

Les commissions permanentes auraient désormais pour mission d'assurer le suivi de l'application des lois mais également leur évaluation .

La commission des finances conserverait ses compétences en matière d'évaluation de « toute question relative aux finances publiques » ; de même pour la commission des affaires sociales, chargée d'évaluer « toute question relative aux finances de la sécurité sociale ».

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : RENFORCER LE SUIVI DE L'APPLICATION DES LOIS, SANS ENGORGER LES COMMISSIONS PERMANENTES

A. LE DROIT DE SUITE DU RAPPORTEUR : UN DISPOSITIF BIENVENU, À CONDITION DE L'ASSOUPLIR

La création d'un droit de suite au bénéfice du rapporteur renforcerait utilement le suivi de l'application des lois . Elle s'inscrirait dans une logique de responsabilisation du rapporteur, qui continuerait à suivre l'application de la loi après sa promulgation.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce droit de suite se limiterait à un rôle d'information permettant au Sénat de contrôler l'action du Gouvernement 46 ( * ) .

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a modifié les conditions de mise en oeuvre du droit de suite du rapporteur afin de le rendre plus opérationnel et d'éviter tout engorgement des commissions permanentes (amendement COM-1) .

1. Éviter toute embolisation des commissions permanentes

Dans sa version initiale, la proposition de résolution risquait d'emboliser les commissions permanentes , les rapporteurs devant rendre compte chaque année de leurs travaux sur les lois promulguées pendant le triennat. Lors des auditions de votre rapporteur, l'ensemble des présidents de commission se sont inquiétés d'une telle perspective .

À titre d'exemple, les rapporteurs de votre commission auraient dû établir 72 rapports d'application des lois à la fin du triennat 2014-2017, dont près de la moitié auraient porté sur des lois d'application directe.

Face à ce risque d'engorgement, votre commission a supprimé l'obligation pour le rapporteur de rendre compte annuellement de l'application des lois devant sa commission .

Le rapporteur resterait libre d'organiser ses travaux de suivi, notamment en fonction du nombre de décrets manquants. Il pourrait, à titre d'exemple, saisir le Gouvernement par écrit ou organiser des auditions complémentaires.

2. Assurer une complémentarité avec les autres travaux de contrôle

Votre commission a veillé à assurer une complémentarité totale entre le droit de suite du rapporteur et les autres travaux de contrôle des commissions , à l'instar des missions d'information et des commissions d'enquête (articles 21 et 22 ter du Règlement du Sénat).

À titre d'exemple, les commissions seraient toujours habilitées à créer des groupes de travail pluralistes pour suivre l'application d'une loi, à l'image du comité chargé de suivre l'application de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT ».

De même, le droit de suite du rapporteur aurait vocation à alimenter le bilan annuel de l'application des lois, non à s'y substituer .

Le droit de suite du rapporteur dans le suivi de l'application des lois

Source : commission des lois du Sénat

3. Permettre aux commissions de désigner plusieurs rapporteurs d'application

Outre le rapporteur de la proposition ou du projet de loi, les commissions permanentes pourraient désigner un autre rapporteur :

- soit pour former un binôme de rapporteurs , à l'instar de nos collègues Annie Guillemot et Valérie Létard pour le suivi de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy » 47 ( * ) ;

- soit pour remplacer le premier rapporteur en cas d'empêchement ou de cessation de son mandat.

Cette mission de suivi revêtirait un caractère temporaire , conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel 48 ( * ) .

Les rapporteurs seraient chargés de suivre l'application de la loi jusqu'au prochain renouvellement du Sénat. Ils pourraient être confirmés dans leurs fonctions à l'issue du renouvellement, en particulier lorsque des décrets d'application manquent encore à l'appel.

4. Préciser la procédure applicable aux commissions spéciales

Le droit de suite ne trouverait pas à s'appliquer aux rapporteurs des commissions spéciales, ces dernières « disparaiss[a]nt lors de la promulgation des textes pour l'examen desquels elles ont été constituées » (article 16 du Règlement du Sénat).

Or, l'application des textes examinés par les commissions spéciales soulève de nombreux enjeux, notamment au regard des problématiques abordées par ces structures temporaires.

Exemples de textes examinés par une commission spéciale

- le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, devenu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « loi Macron » ;

- la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, devenue la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 ;

- le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, devenu la loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019 ;

- le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), en cours d'examen.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a souhaité expliciter la procédure applicable aux projets et propositions de loi examinés par une commission spéciale .

Concrètement, les commissions permanentes seraient habilitées à désigner un rapporteur pour suivre l'application des dispositions relevant de leur domaine de compétence.

B. LA MENTION, AU SEIN DU RÈGLEMENT DU SÉNAT, DU BILAN ANNUEL DE L'APPLICATION DES LOIS

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a en outre consacré le bilan annuel de l'application des lois au sein du Règlement du Sénat (amendement COM-2) .

Fruit d'une pratique sénatoriale constante depuis les années 1970, ce bilan donne une vision globale des efforts mis en oeuvre par le Gouvernement pour appliquer les lois.

Ses statistiques font aujourd'hui autorité, notamment en ce qui concerne le taux moyen d'application des lois et la durée de préparation des décrets et des ordonnances.

Le bilan annuel de l'application des lois constitue aussi un instrument de contrôle du Gouvernement , notamment lorsque des décrets d'application s'écartent de la volonté du législateur.

En conséquence, l'article 22 du Règlement du Sénat préciserait que les commissions permanentes contribuent à l'élaboration de ce bilan annuel.

C. L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES, UNE MISSION À DISTINGUER DU SUIVI DE L'APPLICATION DES LOIS

Votre commission a souhaité circonscrire la proposition de résolution au suivi de l'application des lois.

Elle a donc supprimé toute référence à l'évaluation des lois (amendement COM-2) et a modifié, en conséquence, l'intitulé de la proposition de résolution (amendement COM-3).

Le Parlement dispose, en effet, d'une mission plus large d'évaluation des politiques publiques , qui relève déjà des commissions permanentes (article 22 du Règlement du Sénat). Des réflexions sont d'ailleurs en cours pour conforter ce travail d'évaluation (voir supra ).

En outre, l'évaluation des politiques publiques se distingue du suivi de l'application des lois . Plus exigeante, l'évaluation demande également davantage de recul. À titre d'exemple, un recul de plusieurs années a été nécessaire pour évaluer l'action des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT).

De même, l'évaluation implique une plus grande hiérarchisation des sujets traités , comme l'ont rappelé nos collègues Alain Milon et Vincent Éblé, présidents de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, au cours des auditions conduites par votre rapporteur. La commission des finances entame, par exemple, une évaluation ciblée de la fiscalité du patrimoine et des effets de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Enfin, l'évaluation des politiques publiques s'inscrit dans une démarche collective , nécessitant la planification et la mobilisation de moyens spécifiques. Si le rapporteur du projet ou de la proposition de loi peut y participer, il peut difficilement en être le seul acteur.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 10 AVRIL 2019

M. Philippe Bas , président . - Nous passons maintenant à l'examen du rapport de M. Philippe Bonnecarrère et du texte proposé par la commission sur la proposition de résolution n° 387 (2018-2019), présentée par MM. Franck Montaugé, Jean-Pierre Sueur et plusieurs de leurs collègues, tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôler l'application et d'évaluer les lois.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Cette proposition de résolution, déposée par le groupe Socialiste et républicain, vise modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôler l'application et d'évaluer les lois. L'objectif de nos collègues est d'aller plus loin sur ces deux terrains en désignant un sénateur qui, en plus de son rôle traditionnel de rapporteur, aurait la responsabilité de suivre l'application de la loi et de l'évaluer. Il s'agirait donc d'une forme de « tout-en-un » !

Cette proposition de résolution prend la forme, à l'article 1 er , d'un droit de suite sur l'application de la loi au bénéfice du rapporteur du projet ou de la proposition de loi et vise à affirmer, à l'article 2, la mission d'évaluation des lois.

Le premier volet du texte concerne le suivi de l'application des lois. Aux termes de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre « assure l'exécution des lois ». Il s'appuie sur le secrétariat général du Gouvernement, qui dresse un échéancier de mise en application. Une circulaire du 29 février 2008 commande que les textes d'application soient pris dans les six mois.

Le Gouvernement agit sous le contrôle du Parlement, qui veille à la bonne exécution des lois. Depuis 1972, le Sénat a d'ailleurs mis en place un dispositif ad hoc pour assurer ce contrôle.

Au printemps, chaque président de commission dresse un bilan de l'application des lois qui relèvent des compétences de sa commission. Le président de la délégation du Bureau du Sénat chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, élabore ensuite le bilan annuel de l'application des lois, publié fin mai ou début juin.

Depuis 2009, le Règlement de notre assemblée reconnaît, en son article 22, le rôle des commissions permanentes dans le suivi de l'application des lois. Rien n'interdit donc, comme le proposent nos collègues du groupe Socialiste et républicain, d'inscrire le droit de suite du rapporteur dans ce dispositif.

Nous pourrions ainsi trouver une issue favorable à leur proposition, sous réserve de respecter les mécanismes existants et d'être souple, car il ne peut être question d'emboliser les commissions. De même, le droit de suite du rapporteur aurait vocation à alimenter le bilan annuel de l'application des lois, non à s'y substituer. Tous les présidents de commission que j'ai consultés approuvent cette mesure, sous réserve de maintenir de la souplesse.

Par ailleurs, la proposition n° 30 du groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle prévoit la possibilité pour les présidents des deux assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil d'État afin de contester un retard ou une carence du Gouvernement dans l'application des lois. Cette proposition me semble fondamentale. Aujourd'hui, tout citoyen ayant intérêt à agir peut saisir le Conseil d'État. Pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité aux parlementaires ?

Le deuxième volet de la proposition de résolution concerne l'évaluation des lois.

Je rappelle que le Parlement dispose, au titre de l'article 24 de la Constitution, d'une mission plus large d'évaluation des politiques publiques. Cette mission fait d'ailleurs l'objet de nombreuses réflexions.

L'article 9 du projet de loi constitutionnel pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ne change pas la face des choses. Il prévoit, pour l'ordre du jour des assemblées, une fongibilité entre les semaines d'initiative et de contrôle.

Les quarante propositions du groupe du travail du Sénat sur la révision constitutionnelle sont bien plus intéressantes. Elles prévoient notamment un élargissement de la mission d'assistance de la Cour des comptes. Actuellement, seules la commission des finances et la commission des affaires sociales peuvent lui commander des enquêtes thématiques. L'idée serait d'étendre ce droit de tirage à l'ensemble des commissions. En outre, le groupe de travail du Sénat propose d'étendre les prérogatives des commissions permanentes en leur reconnaissant les mêmes pouvoirs d'investigation que les commissions des finances et des affaires sociales. Les membres de chaque commission pourraient procéder à des missions d'évaluation au sein de leur département, au plus près des réalités de terrain.

En matière d'évaluation, beaucoup reste à faire. Le Sénat ayant mis des propositions fortes sur la table, il me semble aujourd'hui prématuré de réviser notre Règlement pour confier un rôle d'évaluation des lois à chaque rapporteur. Comme l'a souligné le président de la commission des finances lors de son audition, l'évaluation doit être un exercice collectif et hiérarchisé. Si le rapporteur du projet ou de la proposition de loi peut y participer, il peut difficilement en être le seul acteur.

En conclusion, je propose de faire droit à la proposition de nos collègues du groupe Socialiste et républicain concernant le droit de suite du rapporteur pour examiner l'état d'application des lois. Je suggère toutefois d'assouplir ses modalités, notamment en prévoyant la possibilité de désigner plusieurs rapporteurs ou des groupes de travail pluralistes.

En revanche, il me paraît préférable de ne pas confier la mission d'évaluation au rapporteur du projet ou de la proposition de loi, dans l'attente des réflexions menées pour renforcer l'évaluation des politiques publiques.

Trois amendements seront soumis à votre appréciation. Le gentlemen's agreement applicable aux textes inscrits dans les espaces réservés implique que ne soient adoptés en commission que les amendements ayant reçu l'accord des auteurs de la proposition de résolution, sachant que nous retrouvons tous notre liberté en séance.

En tout état de cause, la décision que vous prendrez en commission puis en séance restera en « circuit court ». Il n'y aura, par définition, aucune navette, le texte étant directement transmis au Conseil constitutionnel.

M. Philippe Bas , président . - Je remercie le rapporteur pour sa présentation.

J'en profite pour vous informer que le président du Sénat, M. Gérard Larcher, a rendu publique une proposition de résolution afin de modifier, à droit constant, notre Règlement et d'en améliorer la lisibilité.

M. Jean-Pierre Sueur , auteur de la proposition de résolution . - La proposition de résolution que nous examinons, dont l'objectif est limité, part d'un constat simple : tout ministre peut s'affranchir de l'application de la loi. Dans les années 2000, j'ai réussi à faire voter dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale un amendement pour que les femmes dont les mères avaient pris du Distilbène puissent bénéficier d'un congé maternité adapté : il a fallu attendre quatre ans, cinq mois et vingt jours pour que le Gouvernement publie le décret d'application !

Notre idée est modeste : quand un rapporteur est désigné sur un projet ou une proposition de loi, il doit être chargé jusqu'à la fin de son mandat de suivre la parution des textes d'application. Nul besoin pour cela d'organiser un débat, un simple rapport écrit peut suffire. Mais, si au bout d'un certain nombre d'années les décrets n'ont toujours pas paru, le rapporteur doit pouvoir interroger le ministre.

Notre collègue Franck Montaugé tenait beaucoup à ce que la proposition de résolution intègre les questions relatives à l'évaluation des lois. Mais, après discussion avec le rapporteur, il nous a paru judicieux de la borner au suivi de l'application de la loi.

Je donne donc dès à présent notre accord aux trois amendements présentés par le rapporteur, d'autant que, comme l'a rappelé Philippe Bas, le président du Sénat a présenté hier une proposition de résolution qui pourrait permettre de renforcer nos efforts en matière d'évaluation.

M. Alain Marc . - À l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Decool, nous avons adopté en août dernier une loi relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. Ce texte est particulièrement nécessaire, notamment pour les sapeurs-pompiers.

Ne voyant poindre aucun décret, M. Jean-Pierre Decool a dû alerter le ministre sur les retards pris par le Gouvernement. Avec une instance de suivi de l'application de la loi, les décrets auraient pu être pris bien en amont !

M. François Grosdidier . - En matière d'application des lois, chacun se renvoie la balle, notamment lorsque l'administration fait tout pour ralentir les choses ou qu'il faut recueillir l'avis d'organismes tels que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Parfois, ce n'est pas une question de mois, mais d'années !

Lorsque le Parlement a autorisé les policiers municipaux à consulter directement les fichiers des plaques d'immatriculation ou des permis de conduire, il a fallu plus de deux ans pour que le décret soit pris. À l'exception de quelques expérimentations, ces consultations sont toujours impossibles, faute de moyens matériels. On en vient à expérimenter la mise en oeuvre d'un décret d'application de portée générale, plus de deux ans après le vote de la loi : c'est surréaliste !

Concernant les caméras mobiles, les policiers municipaux pouvaient déjà les utiliser mais le ministère de l'intérieur a souhaité instaurer un cadre légal. La loi a mis en place une expérimentation, qui devait être suivie d'une généralisation au bout de deux ans. Le législateur ayant omis de procéder à cette généralisation, il a fallu utiliser la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool pour pérenniser le dispositif. Et il a encore fallu attendre huit mois pour les décrets d'application !

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article 1 er

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Le premier amendement concerne le droit de suite du rapporteur et le fait que sa saisine n'est pas exclusive des autres moyens de contrôle du Parlement. Il règle le problème des commissions spéciales, qui disparaissent à l'issue de l'examen du projet ou de la proposition de loi pour lequel elles ont été créées.

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 2

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Le deuxième amendement vise à mentionner le bilan annuel de l'application des lois dans le Règlement du Sénat.

L'amendement COM-2 est adopté.

Intitulé de la proposition de résolution

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Par cohérence, le dernier amendement tend à supprimer, dans l'intitulé de la proposition de résolution, la référence à l'évaluation des lois.

L'amendement COM-3 est adopté.

La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Droit de suite du rapporteur

M. BONNECARRÈRE, rapporteur

1

Assouplissement du droit de suite du rapporteur

Adopté

Article 2
Bilan annuel de l'application des lois

M. BONNECARRÈRE, rapporteur

2

Insertion, dans le Règlement du Sénat, du bilan annuel de l'application des lois

Adopté

Intitulé de la proposition de résolution

M. BONNECARRÈRE, rapporteur

3

Coordination

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

MM. Franck Montaugé et Jean-Pierre Sueur , auteurs de la proposition de résolution

Mme Valérie Létard , présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle

Présidents des commissions permanentes du Sénat

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques

M. Christian Cambon , président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Alain Milon , président de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Vincent Eblé , président de la commission des finances

M. Philippe Bas , président de la commission des lois

Présidents des groupes politiques du Sénat

Mme Dominique Estrosi-Sassone , vice-présidente du groupe Les Républicains

M. Patrick Kanner , président du groupe Socialiste et républicain

M. Hervé Marseille , président du groupe Union Centriste

M. François Patriat , président du groupe La République En Marche

M. Jean-Claude Requier , président du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen

Mme Éliane Assassi , président du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Claude Malhuret , président du groupe Les Indépendants - République et Territoires

M. Philippe Adnot , délégué de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe


* 1 Rapport d'information n° 323 (2011-2012) fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois sur l'application des lois au 31 décembre 2011, p. 7.

* 2 Rapport d'information n° 510 (2017-2018) sur le bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2018.

* 3 En tenant compte du délai d'adoption de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances.

* 4 Sur le plan réglementaire, l'exécution des lois était dévolue aux règlements d'administration publique (RAP), supprimés en 1980. Elle est aujourd'hui assurée par les décrets en Conseil d'État, les décrets et les arrêtés.

* 5 Circulaire du 29 février 2008 relative à l'application des lois.

* 6 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

* 7 Conseil d'État, 28 juillet 2000, Association France nature environnement , affaire n° 204024. Dans l'attente de la publication des décrets, l'État devait s'acquitter d'une astreinte de 1 000 francs par jour (soit environ 150 euros).

* 8 Conseil d'État, 3 octobre 1997, Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) , affaire n° 158921.

* 9 « Promesses, renseignements, retards », Répertoire de contentieux administratif Dalloz, octobre 2016.

* 10 Conseil d'État, Association Bretagne ateliers , 27 juillet 2005, affaire n° 261694.

* 11 Sources : circulaire du 29 février 2008 précitée et circulaire du 30 septembre 2003 relative à la qualité de la réglementation.

* 12 Audition au Sénat en date du 23 mai 2018.

* 13 Voir, à titre d'exemple, le rapport n° 772 (2012-2013) sur la précarité dans la fonction publique, fait par nos anciens collègues Jacqueline Gourault et Philippe Kaltenbach, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et de la commission des lois.

* 14 Rapport d'information sur le bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2015, fait par notre collègue Claude Bérit-Débat, p. 8.

* 15 Résolution adoptée le 2 juin 2009 tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat.

* 16 Les commissions spéciales étant des structures temporaires, qui cessent de réunir après la promulgation de la loi pour l'examen de laquelle elles ont été créées.

* 17 Hors lois visant à ratifier ou à approuver un engagement international de la France, sur le fondement de l'article 53 de la Constitution.

* 18 Le dernier débat a été organisé le 5 juin 2018, en présence du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

* 19 Voir, par exemple, l'audition au Sénat de M. Marc Guillaume, Secrétaire général du Gouvernement, organisée le 23 mai 2018 en présence des présidents de commission.

* 20 Rapport d'information n° 510 (2017-2018) précité.

* 21 Dispositions issues de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 22 Résolution du 12 février 2004 modifiant le Règlement en vue d'informer l'Assemblée nationale sur la mise en application des lois et sur la mise en oeuvre des recommandations de ses commissions d'enquête. Ce dispositif a été enrichi par la résolution du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale.

* 23 « L'amélioration de l'application des lois : un enjeu des relations Parlement-Gouvernement », Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, janvier 2012, p. 63.

* 24 Rapport d'information de nos collègues députés Jean-Michel Clément et Guillaume Larrivé, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur l'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 25 Pour plus de précisions, voir le rapport d'information n° 323 (2011-2012) fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois sur l'application des lois au 31 décembre 2011, p. 185 à 194.

* 26 Source : rapport d'information n° 323 (2011-2012) précité, p. 186.

* 27 Source : rapport d'information n° 510 (2017-2018) précité, p. 16.

* 28 Loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

* 29 Voir le compte rendu de la commission des lois du 18 octobre 2018 pour plus de précisions.

* 30 Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 31 « Fortifier la démocratie de proximité - Trente propositions pour nos communes », rapport d'information n° 110 (2018-2019) fait au nom de la commission des lois du Sénat.

* 32 « 40 propositions pour une révision de la Constitution utile à la France », janvier 2018, p. 56-57.

* 33 Conseil d'État, 23 novembre 2011, Masson , affaire n° 321258.

* 34 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République.

* 35 Rapport n° 319 (2017-2018) fait au nom de votre commission sur la proposition de loi visant à instituer le Conseil parlementaire d'évaluation des politiques publiques et du bien-être, p. 8.

* 36 « L'évaluation des politiques publiques en France. Définitions et historique », actes du séminaire sur les méthodes d'évaluation des politiques publiques, 2011.

* 37 Rapport n° 92 (2000-2001) fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2001, p. 131.

* 38 Article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 39 « Les SATT : des structures de valorisation de la recherche publique qui doivent encore faire la preuve de leur concept », rapport d'information n° 683 (2016-2017) fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 40 Article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances et article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

* 41 Cette disposition rejoint l'article 29 du Règlement du Sénat, qui dispose déjà que la Conférence des présidents se réunit, deux fois par session ordinaire, « pour examiner le programme prévisionnel des travaux de contrôle ou d'évaluation des commissions ».

* 42 « 40 propositions pour une révision de la Constitution utile à la France », op. cit.

* 43 « Du contrôle parlementaire », Le Monde, 27 mai 2008.

* 44 Alors que le bilan d'application des lois porte, aujourd'hui, prioritairement sur l'état d'application des lois votées lors de la précédente session. Il traite, à titre subsidiaire, des lois antérieures ayant fait l'objet d'une mesure d'application au cours de l'année et, en fin de quinquennat, de l'état des lois adoptées pendant la législature (voir supra ).

* 45 Compte rendu de l'audition du Secrétaire général du Gouvernement du 23 mai 2018.

* 46 Conseil constitutionnel, 26 février 2004, Résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale (articles 86 et 143) , décision n° 2004-493 DC.

* 47 « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens », rapport d'information n° 662 (2016-2017) fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat.

* 48 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-493 DC du 26 février 2004 précitée.

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