B. UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES FAVORISÉE PAR DES FACTEURS EXOGÈNES ET PAR DES REPORTS DE CHARGES À PAYER

La réduction des dépenses du programme 149 entre 2017 et 2018 (- 1 113,7 millions d'euros), principal déterminant de la baisse des dépenses de la mission, peut être attribuée à deux facteurs : l'allègement largement exogène de charges exceptionnelles supportées en 2017, pour au moins 1 203,2 millions d'euros ; le report de charges de l'exercice 2018 sur l'exercice 2019, pour un montant difficile à déterminer mais qui jouxte, sans doute, 400 millions d'euros.

a) Des facteurs exogènes
(1) Un changement de périmètre... et puis s'en va

La programmation initiale des crédits pour 2018 a enregistré l'effet de plusieurs modifications du périmètre de la mission.

La plus significative a été la « fermeture » d'une ligne de crédits ouverte en 2017 pour compenser la réduction des cotisations versées à la caisse centrale de mutualité sociale agricole du fait de la baisse de 7 points du taux des cotisations d'assurance maladie des exploitants agricoles. Elle avait impliqué un ressaut des dotations de l'ordre de 480 millions d'euros.

La compensation sur crédits de la réduction du taux de cotisation d'assurance maladie des exploitants agricoles n'aura eu qu'une brève existence. Du fait des changements apportés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 au système de financement de la protection sociale (l'augmentation de 1,7 point de la CSG compensée par des réductions de cotisations sociales), qui ont été appliqués aux agriculteurs, la loi de finances pour 2018 a entériné la suppression de la charge correspondant à la réduction du taux de la cotisation d'assurance maladie.

Près de 40 % de la baisse de la dépense de la mission peuvent être attribués à cette modification du périmètre des dépenses prises en charge par le budget agricole.

La réforme de la contribution des exploitants agricoles à leur assurance-maladie a consisté à adopter un barème de cotisations progressif (de 1,5 % à 6,5 % jusqu'à 1,1 plafond annuel de la sécurité sociale) avec un plafonnement du taux de cotisation au-delà (43 000 euros).

Lors de la présentation de la mesure, l'impact de la modulation du barème avait été estimé à 356 millions d'euros sur la base d'une comparaison avec la législation en vigueur en 2015, avant la baisse du taux de cotisation évoquée plus haut.

Cependant, appréciée par rapport à l'état des cotisations appliquées en 2017, un ressaut de charges de l'ordre de 135 millions d'euros doit être constaté. Il a été concentré sur les agriculteurs disposant d'un revenu supérieur au seuil de la cotisation d'assurance-maladie minorée par la baisse de 7 points du taux de cotisation.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent qu'au-delà des économies budgétaires procurées par la suppression de l'allègement de cotisation-maladie cette mesure devait se traduire par un alourdissement global des charges sociales des exploitations, qui appelle un bilan précis.

Le Gouvernement a justifié la suppression de la réduction de la cotisation d'assurance-maladie par la vocation exceptionnelle que cette dernière revêtait dans le cadre d'un plan conjoncturel de soutien à l'élevage. La situation de l'élevage ne paraît pas telle que les motifs conjoncturels allégués puissent être considérés comme anachroniques.

(2) La baisse des dépenses de refus d'apurement

Ces dernières années, la mission a été lestée par des dépenses sans aucun bénéfice pour les exploitants agricoles, les dépenses correspondant aux refus d'apurement prononcés par la Commission européenne.

En 2017, ces dépenses avaient atteint 721 millions d'euros, dont 138 millions d'euros payés en anticipation sur le calendrier de règlement qui devait voir l'exercice 2018 supporter cette charge.

En 2018, les dépenses correspondantes se sont élevées à 177,8 millions d'euros.

La réduction enregistrée sur ce poste a ainsi contribué à une baisse des dépenses de la mission de 543,2 millions d'euros.

(3) L'impact d'une surcharge budgétaire lors de l'exercice précédent

En 2017, le rattrapage significatif, quoique trop partiel (voir infra ), du paiement des aides surfaciques qui avait été suspendu au cours des exercices précédents (campagnes 2015 et 2016) en raison des défaillances de l'infrastructure des paiements agricoles avait conduit à constater des dépenses au titre de l'action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 de 638,2 millions d'euros (elle n'avait été dotée que de 380,6 millions d'euros en loi de finances initiale).

Parmi les dépenses de cette action figurent l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) et les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), deux lignes qui n'avaient supporté aucune charge en 2016, mais occasionné 588,2 millions d'euros de dépenses en 2017.

En 2018, la consommation de ces deux lignes s'est élevée à 404,9 millions d'euros, dégageant une économie de 183,3 millions d'euros.

Au total, les dépenses de l'action n° 24 ont rétrogradé de 180 millions d'euros.

b) Des reports de charges

La mission AAFAR est régulièrement marquée par des reports de charges budgétaires dont l'ampleur a été particulièrement large ces dernières années du fait des difficultés de comblement des impasses financières constatées à la suite des refus d'apurement européen mais aussi en raison des retards de paiement des aides aux exploitants.

La réduction de l'ampleur des refus d'apurement en 2018 et de leurs effets déstabilisants pour le programme 149 ainsi que le retour à un calendrier normal de versement des aides européennes entamé en 2017 pour une partie des aides surfaciques du second pilier de la PAC ont réduit les tensions sur l'exécution des crédits.

Néanmoins, des reports de charges sont documentés par la Cour des comptes.

Ils portent, en premier lieu, sur la dette du ministère de l'agriculture envers la caisse centrale de mutualité sociale agricole. Le chiffrage de cette dette est compliqué par certaines approximations concernant la charge réelle de compensation des exonérations de cotisations sur les salaires des travailleurs saisonniers (le dispositif TO-DE). Compte tenu de la précocité de certaines récoltes (en particulier, les vendanges) la dépense correspondante devrait être de 540 millions d'euros, soit nettement plus que la consommation constatée à fin 2018 (482 millions d'euros). Dans ces conditions, la dette nette de l'État envers la MSA pourrait être de 122 millions d'euros. Les conditions de règlement de cette dette restent à préciser, avec des effets sur les charges de la mission très différents selon qu'elle sera réglée sur crédits budgétaires ou par affectation de recettes fiscales.

En second lieu, les besoins de financement des interventions du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) au titre de la sécheresse subie en 2018 restent à provisionner pour une partie importante. Pour faire face aux indemnisations, le fonds a été doté de 75 millions d'euros en exécution. Lors de la discussion budgétaire le ministre de l'agriculture avait estimé que le coût de la sécheresse de 2018 pourrait atteindre 400 millions d'euros. À ce jour, cette estimation semble avoir été révisée à la baisse. Les 42 départements ayant fait l'objet d'une reconnaissance d'état de calamité laissent augurer une charge de 200 millions d'euros. Mais, des évolutions pourraient intervenir de sorte que les besoins complémentaires pourraient dépasser assez largement la barre des 120 millions d'euros.

Quant aux charges correspondant à des interventions prioritaires dans le cadre de la politique agricole du pays, dont le paiement a été reporté lors des exercices précédents du fait des dysfonctionnements de la chaîne de paiement agricole, leur montant, qui n'est identifiable dans aucun document budgétaire, ni le RAP annexé au projet de loi de règlement, ni le compte général de l'État, est sans doute significatif au regard des conditions dans lesquelles le rattrapage des versements aux agriculteurs créanciers a été effectué.

Le compte général de l'État fait état d'un montant d'engagements non réglés pour les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et l'agriculture biologique, de 333 millions d'euros fin 2018, mais, compte tenu de l'expansion des besoins provenant notamment du nombre significatif de conversions nouvelles en agriculture biologique, cette estimation, qui semble basée sur les engagements initialement programmés, ne fournit pas d'éléments précis sur la situation des charges à payer.

À ce jour, 10 % des demandes d'aides de la campagne 2016 restent à payer et 25 % des dossiers de la campagne 2017.

c) Une exécution qui paraît déjà grever la programmation budgétaire pour 2019

Le budget voté pour 2019 comporte une réduction des crédits du programme 149 de 28 % avec, en particulier, une baisse de la dotation pour dépenses imprévues de 100 millions d'euros (elle passe de 300 millions d'euros à 200 millions d'euros).

Compte tenu d'une charge déjà acquise de refus d'apurement de 120 millions d'euros, qui pourrait se trouver alourdie par le dénouement des très nombreux audits en cours, et vu les reports de charges de l'exercice 2018, le niveau des reports de crédits de 66 millions d'euros de l'exercice 2018 vers l'année 2019 annonce une exécution budgétaire pour 2019 largement préemptée par les besoins non couverts en 2018.

En réalité, aucune marge ne paraît d'ores et déjà disponible pour faire face à de nouveaux aléas, sauf à tabler sur des conditions d'effacement de la dette sociale de l'État empruntant la voie de nouvelles affectations de taxes.

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