II. LA COMPÉTENCE DÉSORMAIS SUBSIDIAIRE DU MAIRE EST DÉTERMINÉE PAR UN SEUIL DE PARTICIPANTS PRÉVUS, FIXÉ PAR DÉCRET.

Dans le cadre de l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure, le préfet se trouve ainsi substitué au maire pour l'exercice du pouvoir de police concernant les fêtes libres. Cette substitution n'est cependant pas totale et ne se déclenche qu'au-delà d'un seuil de participants. Ce seuil, qui figure aujourd'hui à l'article R. 211-2 du code de la sécurité intérieure, est fixé par décret.

La volonté de dialogue avec les organisateurs de rassemblements a conduit à le remonter. Au regard de la lourdeur du processus de déclaration au préfet, l'absence d'obligation de déclarer une rave party au maire de la commune sur laquelle elle se tient conduit les organisateurs à demander que le plus grand nombre possible de leurs rassemblements tombe en dessous du seuil réglementaire. En 2006, dans le cadre de la politique de conciliation menée par le ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, il a ainsi été relevé, passant de 250 à 500.

En 2014, le délégué interministériel à la jeunesse a été chargé par le Gouvernement de mener une nouvelle concertation avec les organisateurs de raves. Parmi les propositions formulées par les pouvoirs publics comme base de discussion figurait celle de remonter à nouveau le seuil du nombre de participants prévus pour déclencher l'obligation de déclaration « sur la base d'une évaluation ». La presse s'était alors fait l'écho du fait que le Gouvernement envisagerait une augmentation du seuil à 900 participants, les associations d'organisateurs ayant demandé qu'il soit porté à 1 500. Ces concertations menées au niveau national mais aussi au niveau local n'ont pas abouti et se sont achevées en 2018 après l'échec de l'organisation d'une manifestation légale soutenue par le ministère chargé de la jeunesse.

C'est donc le seuil de 500 participants prévus qui demeure aujourd'hui.

III. UN DISPOSITIF À L'EFFICACITÉ TRÈS RELATIVE

A. UN DISPOSITIF FAIBLEMENT APPLIQUÉ

1. Des rassemblements très majoritairement illégaux

Les statistiques sur le nombre de rassemblements relevant de l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure sont anciennes et peu fiables. Votre rapporteur a reçu lors de ses auditions des estimations diverses qui ne permettent pas de décrire exactement le phénomène mais donnent un ordre d'idée. Le nombre total de fêtes libres serait de l'ordre de 4 000 par an dont plus de 80 % constitués de fêtes de moins de 500 participants. Plus de 300 000 personnes, essentiellement des jeunes entre 18 et 25 ans, y participeraient. Sur les 800 rassemblements qui devraient donc être déclarés, les préfets auraient délivré deux récépissés de déclaration en 2018. Ceci montre que le mécanisme de concertation/interdiction tel qu'il a été mis en place il y a quinze ans ne fonctionne pas. D'une part, la concertation entre organisateurs et services préfectoraux n'est pas engagée ou n'aboutit pas, d'autre part, les rassemblements non déclarés ou sans récépissé se tiennent malgré tout.

La situation actuelle a été décrite à votre rapporteur comme résultant de la volonté des préfets de ne pas cautionner des rassemblements vus comme essentiellement porteurs de nuisances et de la réticence des organisateurs à s'engager dans une démarche administrative, réticence renforcée par sa faible chance de succès.

À ceci s'ajoute la faiblesse du cadre actuel pour les rassemblements de moins de 500 participants prévus, qui repose sur la simple autorisation du propriétaire du terrain, sans aucune autre formalité. En effet, ces rassemblements, qui ne sont pas illégaux s'ils disposent d'une autorisation, suscitent à la fois des nuisances et des réactions de rejet que le maire se voit contraint de gérer.

Ce statu quo dans lequel les pouvoirs publics tolèrent en pratique la tenue des rassemblements aboutit, comme l'a indiqué notre collègue Henri Cabanel lors de son audition, à une roulette russe où, sachant que les rassemblements vont se tenir même dans l'illégalité, chaque préfet ou collectivité espère qu'ils ne se tiendront pas sur son territoire et tente de les empêcher, quitte à simplement les déplacer géographiquement.

À cette tolérance de fait des pouvoirs publics qui, sans permettre l'entrée dans la légalité, ne va pas jusqu'à l'interdiction pratique, s'ajoute parfois celle de propriétaires de terrains qui, sans risquer l'opprobre que pourrait porter le fait de donner explicitement l'organisation d'une fête, la laissent se tenir par sympathie, crainte de la confrontation ou moyennant indemnisation.

À l'inverse, de nombreuses personnes auditionnées ont fait part des pressions d'élus sur les propriétaires pour qu'ils refusent le droit à un rassemblement de se tenir sur leur terrain, quand bien même une concertation avec les services préfectoraux aurait apporté des garanties sur son bon déroulement.

Il est aisé de comprendre les réticences des maires, pour qui ces rassemblements sont avant tout porteurs de nuisances. Ils ne génèrent aucune retombée positive pour la commune (attractivité, commerce, cadre de vie) et font l'objet d'une défiance de la population. Aux réticences des maires s'ajoutent celles des services de sécurité et de secours (principalement gendarmerie et pompiers) dont les ressources ne permettent pas de couvrir de multiples événements organisés le plus souvent en zone rurale et hors des lieux aménagés pour recevoir du public.

En l'état, donc, les services préfectoraux ne parviennent pas à gérer les rassemblements de plus de 500 participants et les maires se trouvent démunis pour gérer ceux de moins de 500 face à un mouvement spontané de jeunes gens qui estiment, sans doute à raison, que toute démarche officielle qu'ils entreprendront conduira à l'interdiction de leur fête .

2. Des sanctions peu nombreuses

Au regard de l'ampleur du phénomène des rassemblements illégaux, le nombre de condamnations paraît faible. D'après les éléments communiqués à votre rapporteur, il y aurait 70 condamnations par an à la contravention prévue par l'article R. 211-27 du code de la sécurité intérieure pour un montant de 418 euros en moyenne. Ce montant apparaît relativement élevé par rapport au montant maximal encouru lorsqu'on le compare à celui des amendes prononcées pour d'autres contraventions, mais il demeure faible dans l'absolu.

La peine complémentaire de confiscation du matériel n'est pour sa part prononcée qu'en moyenne deux fois par an.

Comme l'on souligné les représentants du ministère de la justice lors de leur audition, ces chiffres masquent le travail qui a pu être conduit sous l'égide des officiers de police judiciaire, des procureurs et des juges pour faire cesser les rassemblements illégaux ou en réparer les conséquences en amont des jugements.

Ils apparaissent cependant à votre rapporteur comme la preuve que la répression est pour le moment inadéquate et qu'un régime de prévention plus adapté doit être mis en place.

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