EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi déposée par Mme Pascale Bories et plusieurs membres du groupe Les Républicains tend à résoudre un problème récurrent auquel les élus nationaux et les maires demandent de longue date une solution. Il s'agit, face à une réponse insuffisante de l'État, de mieux encadrer l'organisation de rassemblements festifs généralement connus sous le nom de « rave parties » hors des lieux spécialement aménagés à cet effet, voire sans autorisation. Or ces rassemblements appellent de la part des pouvoirs publics une attention particulière du fait des troubles qu'ils peuvent susciter pour le voisinage et l'environnement et des dangers qu'ils comportent pour les participants.

Au cours des dernières années, l'État a semblé chercher à obtenir l'adhésion des organisateurs au cadre législatif et réglementaire spécifique qui encadre ces rassemblements, quitte à l'assouplir, pour permettre la bonne gestion des événements les plus importants (qui peuvent réunir plusieurs dizaines de milliers de personnes) par les organisateurs sous la supervision des préfets. Pour leur part, les maires étaient appelés à gérer seuls les événements de moins de 500 personnes.

Mais en réalité le cadre juridique des « rave parties » est peu appliqué et aboutit à un paradoxe. Il est, en effet, davantage conçu pour prévenir un risque de trouble à l'ordre public que pour permettre une expression artistique ; partant, il disparaît totalement en deçà du seuil de 500 personnes et aboutit à les assimiler à de simples réunions dont l'organisation est, en droit, moins contraignante que pour n'importe quel spectacle ou manifestation culturelle. Parallèlement, les nombreuses tentatives de concertation menées depuis plus de quinze ans pour réguler les pratiques dans le cadre des textes actuels ont abouti à des échecs répétés, imputables tant aux pouvoirs publics qu'aux organisateurs.

Il apparaît donc nécessaire que le législateur se penche à nouveau sur le dispositif applicable pour donner aux maires les moyens de gérer ces rassemblements et tenter de remédier à une situation de fait particulièrement insatisfaisante pour toutes les parties prenantes de bonne volonté.

Une terminologie spécifique : rave-parties, free-parties, « fêtes libres »

Le terme « rave party », issu de l'anglais « to rave », « délirer » en français, est celui qui est généralement utilisé pour décrire les rassemblements de musique techno puisqu'il a été importé d'Outre-Manche avec ce genre musical. Il a cependant pris un sens spécifique pour les organisateurs et les participants à ces événements. Les rave-parties désignent désormais les événements de musique techno qui se conforment au cadre légal des spectacles et festivals et sont généralement professionnalisés et payants. Pour s'en distinguer, les événements relevant de pratiques amateurs et gratuits qui, à défaut de relever du régime des spectacles, sont soumis à l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure, se sont qualifiés de « free parties » ou « fêtes libres » en français, expression que préfère votre rapporteur.

I. L'ENCADREMENT DES « FÊTES LIBRES » REPOSE AUJOURD'HUI SUR LE PRÉFET QUI A ÉTÉ SUBSTITUÉ AUX MAIRES EN MATIÈRE DE POUVOIRS DE POLICE

L'encadrement des rave-parties est issu de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. À l'initiative du député Thierry Mariani, la possibilité de saisie du matériel de diffusion de la musique lors des rassemblements avait été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale avec le soutien du ministre de l'intérieur d'alors, Daniel Vaillant. Suite aux débats suscités par cette mesure dans l'opinion publique, c'est finalement un régime complet d'encadrement que le ministre de l'intérieur a présenté au Sénat et qui a été finalement adopté. Celui-ci repose sur le transfert de compétence en matière de rave-parties des communes au préfet. Ces dispositions sont désormais intégrées au code de la sécurité intérieure (articles L. 211-5 à L. 211-8, L. 211-15, l'article R. 211-27 reprenant la peine d'amende prévue).

En l'état du droit, les organisateurs d'un événement doivent le déclarer un mois avant au préfet du département (ou, à Paris, au préfet de police). Bien qu'étant présenté comme une simple obligation de déclaration, le contrôle préalable imposé aux organisateurs et la possibilité pour le préfet de surseoir à la délivrance du récépissé apparentent ce régime à celui de l'autorisation. Il est donc contraignant, cette contrainte étant le pendant du caractère spécifique de ces événements qui refusent de se plier aux règles des spectacles ou festivals, s'agissant notamment de l'organisation dans un lieu non aménagé pour l'accueil du public. En droit, les fêtes libres ne sont pas des spectacles mais des rassemblements. Cette qualification est une innovation juridique, le rassemblement se caractérisant traditionnellement par le fait qu'il se tient sur la voie publique, alors que les fêtes libres se caractérisent par l'occupation, avec ou sans autorisation, de terrains privés.

Bien que contraignant, ce cadre présente aussi des éléments de souplesse. Il prévoit une obligation de concertation au cas où le préfet constate que « les moyens envisagés paraissent insuffisants pour garantir le bon déroulement du rassemblement ». Le préfet doit alors tenter d'adapter les mesures prévues et « le cas échéant, [à] rechercher un local ou un terrain plus approprié ».

Ceci a pu conduire à ce que la puissance publique devienne, dans les faits, la véritable organisatrice d'un rassemblement, quitte à outrepasser ses droits en ignorant ceux des collectivités territoriales.

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