DEUXIÈME PARTIE
LE FINANCEMENT DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES

I. LA POLITIQUE DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ : UNE STAGNATION DES MOYENS PARADOXALE DANS LE CONTEXTE DE LA MISE EN PLACE DE L'OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ

A. UNE STAGNATION DES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME 113

Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » met en oeuvre :

- la politique de l'eau , qui prend appui sur les dispositifs de la directive cadre eau (DCE) du 23 octobre 2000 et fixe des objectifs de protection et de restauration de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ;

- la politique relative au littoral et au milieu marin , principalement par la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) du 17 juin 2008 qui vise à réaliser ou maintenir un bon état écologique des eaux marines à l'horizon 2020 ;

- la politique relative à la biodiversité , par une meilleure connaissance de la biodiversité, la protection des espèces animales, la protection des espaces naturels, via les aires protégées (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles nationales, régionales, Natura 2000), la trame verte et bleue, etc.

Évolution des crédits du programme 113 entre 2019 et 2020

En millions d'euros

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

Action - Brique

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 1 - Sites, paysages, publicité

6,59

6,60

6,59

6,59

0,0%

-0,2%

Sites, paysage, publicité

6,59

6,60

6,59

6,59

0,0%

-0,2%

Action 2 - Logistique et contentieux

5,64

5,64

5,66

5,65

0,4%

0,2%

Logistique

0,60

0,60

0,60

0,60

0,0%

0,0%

Contentieux

5,04

5,04

5,06

5,05

0,4%

0,2%

Action 7 - Gestion des milieux et biodiversité

151,87

147,65

183,06

189,27

20,5%

28,2%

Espaces marins

20,06

20,05

20,09

20,07

0,1%

0,1%

Mesures territoriales dans le domaine de l'eau

15,92

15,87

15,87

15,82

-0,3%

-0,3%

TVB et autres espaces protégés

43,04

42,16

41,94

40,54

-2,6%

-3,8%

Natura 2000

35,88

36,74

32,83

33,73

-8,5%

-8,2%

Connaissance biodiversité

36,47

32,33

30,63

37,41

-16,0%

15,7%

Opérateurs

0,50

0,50

41,70

41,70

NS

NS

Total

164,10

159,89

195,31

201,51

19,0%

26,0%

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le projet de loi de finances pour 2020 propose une augmentation des crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » par rapport à la loi de finances initiale pour 2019 : + 19 % en autorisations d'engagement et + 26 % en crédits de paiement , soit respectivement une augmentation de 31,2 et 41,6 millions d'euros .

L'intégralité de cette augmentation est portée par l'action 7 « Gestion des milieux et biodiversité ».

1. L'augmentation des crédits du programme découle d'une subvention à destination de l'Office français de la biodiversité (OFB), compensant la réforme du permis de chasse intervenue en 2019

C'est sur l'action 7, qui a pour objectif d'appliquer les directives communautaires dans les domaines de l'eau et de la nature et de mettre en oeuvre la loi 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages, que sont portées les mesures nouvelles proposées par le projet de loi de finances pour 2020 :

- une subvention pour charges de service public de 41,2 millions d'euros (AE=CP) est créée à destination du nouvel opérateur qu'est l'Office français de la biodiversité (OFB), issu de la fusion de l'Agence française de la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ; celle-ci vise à garantir la mise en place de l'opérateur dans de bonnes conditions financières (cf . infra ) ;

- l'enveloppe consacrée à l'organisation du congrès mondial de la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui se tiendra à Marseille en 2020, est revue à la hausse : 9,2 millions d'euros ont été prévus en autorisations d'engagement en 2019 et 5 millions d'euros en crédits de paiement ; 6,2 millions d'euros sont proposés pour 2020, soit + 1,2 millions d'euros 5 ( * ) .

En réalité, cette subvention affectée à l'OFB compense la perte de recettes résultant pour l'office de la baisse des redevances cynégétiques décidée par le président de la République en août 2018. Il ne s'agit donc pas d'une augmentation des moyens alloués à la politique de la biodiversité, mais de la compensation d'une baisse de ressources qui fragilisait le budget de l'ONCFS.

Il en va de même de l'augmentation des crédits dédiés au congrès mondial de la nature, crédits qui auraient pu être consacrés à un renforcement des actions en faveur de la biodiversité.

2. Hors la subvention au nouvel opérateur, les moyens prévus pour la gestion des milieux et de la biodiversité sont stables

Le « plan biodiversité », lancé en 2019 et destiné à renforcer les actions pour la préservation de la biodiversité et à mobiliser des leviers pour la restaurer lorsqu'elle est dégradée, se poursuit. Présenté le 4 juillet 2018, il concourt à l'accélération de la mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) actuelle, et à l'anticipation de la prochaine SNB qui sera élaborée en 2021.

Le plan bénéficie en 2020 d'une enveloppe budgétaire identique à 2019, soit 10 millions d'euros en AE et en CP .

État d'avancement du « Plan biodiversité »

Pour en faciliter la gestion opérationnelle, les 90 actions ont été distinguées en 153 sous actions, dont 132 sont en cours et 15 déjà réalisées à la date anniversaire du 4 juillet 2019, notamment la réintroduction de 2 ourses, la lutte contre l'étalement urbain intégré dans la Loi ELAN, la relance de la politique de protection des zones humides par la remise d'un rapport parlementaire dédié, le renforcement de la législation relative à la pollution lumineuse, l'adoption de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), la publication du décret permettant la protection des habitats naturels, la signature du contrat de transition écologique dédié à la biodiversité avec la communauté d'agglomération du Pays de Grasse et le parc naturel régional des Préalpes d'Azur.

D'autres devraient aboutir dans les prochains mois, comme la création du 11ème parc national en Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, ou l'adoption en fin d'année d'un plan national d'actions pour les cétacés. En outre-mer, l'Agence française pour la biodiversité finalise l'installation de son service « Valorisation économique de la biodiversité » en Guyane. Au niveau international, la protection des forêts tropicales et des grands singes, inscrite dans le plan, vient notamment de se traduire par l'engagement financier de fonds français pour l'environnement mondial, à hauteur de 915 000 euros, au projet FoFauPu (2018-2023) en Ouganda.

Les autres actions de plus long court sont engagées et produisent déjà leurs effets. Par exemple, 3 700 ha supplémentaires ont été acquis en maîtrise de gestion par le Conservatoire du littoral en 1 an, sur les 10 000 ha objectif du plan à l'horizon 2022. L'effacement de 2 barrages sur la Sélune, opération de grande ampleur en cours, illustre la mise en oeuvre de l'action de restauration de 25 000 km de cours d'eau.

Source : réponses du ministère de la transition écologique et solidaire au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Toutefois, il y a lieu de rappeler que le Gouvernement indique que 600 millions d'euros sont mobilisés pour la mise en oeuvre des actions du plan, sur une durée de quatre ans. Les quelques 10 millions d'euros de crédits de paiement renouvelés pour 2020 apparaissent donc bien dérisoires, le plan étant en pratique financé par les agences de l'eau.

Modalités de financement du « Plan biodiversité »

Le « plan biodiversité » prévoit bien de mobiliser 600 millions d'euros de crédits sur les quatre prochaines années, décomposés comme suit :

- 150 millions d'euros seraient consacrés aux paiements pour les services environnementaux dans le domaine de l'agriculture, afin de préserver les prairies, restaurer les haies, développer le couvert végétal et protéger les sols ;

- 250 millions d'euros seront dédiés au renforcement des actions engagées par le ministère et ses opérateurs pour la restauration et la gestion des milieux, la lutte contre les plastiques, les actions destinées à encourager le développement de la nature en ville , et pour le déploiement des solutions innovantes fondées sur la nature ;

- enfin, 200 millions d'euros seront issus de la hausse de la redevance sur les pollutions diffuses et viendront financer le développement de l'agriculture biologique .

En réalité, peu de crédits supplémentaires sont apportés par l'État, dès lors qu' environ 510 millions d'euros proviendraient d'un redéploiement des interventions des agences de l'eau entre le 10? et le 11? programme d'intervention :

- 200 millions d'euros sur l'agriculture biologique ;

- 150 millions d'euros sur les paiements pour services environnementaux ;

- 160 millions d'euros sur la restauration et la gestion des milieux aquatiques, terrestres et marins.

Source : commission des finances du Sénat

Surtout, hors subvention à l'OFB, les crédits de l'action 7 « Gestion des milieux et biodiversité », qui portent le « Plan biodiversité », apparaissent en diminution :

- les crédits alloués à protection des espaces naturels diminuent : 40,5 millions d'euros sont prévus en 2020 pour financer les 54 parcs naturels régionaux, les 167 réserves naturelles régionales et les 21 conservatoires nationaux des espaces naturels, contre 43 millions d'euros en 2019 (- 3,8 %).

- les crédits alloués au réseau Natura 2000 sont également en baisse (- 8,2 %).

Seule la sous-action consacrée à la connaissance et la préservation de la biodiversité enregistre une augmentation des crédits : 37,4 millions d'euros sont ainsi prévus (+ 5,4 millions d'euros), en raison de la hausse des dépenses consacrées aux indemnisations des éleveurs dont les troupeaux sont attaqués par le loup.

Hors subvention nouvelle à l'OFB, les crédits de paiement du programme 113 sont équivalents à ceux prévus en loi de finances initiale pour 2019, et stagnent à 159,9 millions d'euros .


* 5 En outre, un « débasage » de 800 000 euros est effectué en AE et en CP, vers le programme 162 « PITE » dans le cadre de la création en 2020 de la nouvelle action en faveur de la Guyane

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