B. LES CRÉDITS DES AUTRES PROGRAMMES DE LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » CONNAISSENT ÉGALEMENT UNE BAISSE NOTABLE

La baisse constatée sur l'ensemble des autres programmes de la mission « Engagements financiers de l'État » est forte . La charge de la dette n'étant pas prise en compte dans la norme de dépenses pilotables, inscrite en loi de programmation des finances publiques (LPFP), seuls les crédits portés sur les programmes suivants sont concernés . En 2020, le plafond fixé pour 2020 sera respecté puisque les dépenses s'élèveront à 356 millions d'euros, contre 430 millions d'euros en LPFP . Cette diminution provient pour partie de facteurs conjoncturels et pour partie des premiers effets des mesures adoptées au début du quinquennat sur les dépenses de plusieurs programmes de la mission « Engagements financiers de l'État ».

1. Programme 114 « Appels en garantie de l'État » : une forte baisse répercutée sur l'ensemble des actions

Les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » sont destinés à couvrir les appels des garanties octroyées par l'État . L'État garantit principalement des dettes émises par des tiers , avec deux objectifs distincts : faire bénéficier ce tiers de conditions de financement plus favorables ou garantir le tiers sur un engagement qu'il a pris pour le compte de l'État. La garantie de l'État peut également permettre aux acteurs concernés de s'assurer contre certains risques que le marché ne peut lui-même assumer. Les crédits de ce programme sont évaluatifs puisqu'ils ne sont activés qu'en cas de défaut de paiement du bénéficiaire.

Crédits alloués en garanties de l'État par secteurs bénéficiaires

(en millions d'euros)

2019

2020

Part dans les crédits du programme

Évolution 2020/2019

01 - Agriculture et environnement

0,9

0,9

0,96 %

0,00 %

02 - Soutien au domaine social, logement, santé

53,0

43,0

45,70 %

- 18,87 %

03 - Financement des entreprises et industrie

1,4

1,2

1,28 %

- 14,29 %

04 - Développement international de l'économie française

69,5

48,5

51,54 %

- 30,22 %

04.02 Assurance-prospection

43,5

41,5

44,10 %

- 4,60 %

04.03 Garantie de change

1,0

1,0

1,06 %

0,00 %

04.06 Garantie du risque exportateur

25,0

6,0

6,38 %

- 76,00 %

Autres garanties

0,5

0,5

0,53 %

0,00 %

Total

125,3

94,1

100,00 %

- 24,90 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si le programme 114 prévoit une forte baisse de ses dépenses en 2020 (- 24,90 %), celles-ci demeureraient supérieures aux crédits de paiement consommés en 2018 (44,63 millions d'euros).

Les deux actions les plus importantes, et qui connaissent les évolutions les plus significatives sont les actions 02 et 04. Par l'action 02, l'État apporte sa garantie aux dispositifs de prêts à l'accession sociale à la propriété, de prêts à taux zéro et d'éco-prêts à taux zéro . La baisse constatée entre 2019 et 2020 provient d'un simple ajustement . Au regard des dépenses tendancielles, l'année 2019 apparaît en effet exceptionnelle : du fait de dysfonctionnements dans la procédure de déclaration des sinistres, un certain nombre de dossiers d'indemnisation ont été repoussés de 2018 à 2019 (1 093 sinistres déclarés sur l'année 2018 contre 1 566 en 2017 et 948 au premier semestre 2019).

L'action 04 , la plus importante du programme, est également celle dont le périmètre a le plus évolué ces dernières années. En octroyant ces garanties, l'État vise à protéger les entreprises françaises exportatrices contre des risques incertains et potentiellement trop dangereux pour que le marché ne puisse lui-même les assurer . Ces risques tiennent à la durée du contrat, à son montant, au risque de contrepartie ou encore au risque de change. L'action 04 du programme 114 agit en soutien du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur » : ses abondements viennent compenser l'évolution du solde de ce compte.

Les indicateurs de performance de la mission couvrent principalement cet accompagnement des entreprises françaises à l'international. Si l'indice moyen pondéré du portefeuille des risques de l'assurance-crédit (risque pays) demeure bon (2,8 en prévision actualisée pour 2019 et 2,9 en prévision pour 2020), les flux de garanties sont davantage risqués et moins bien notés (3,5 en 2019 et 3,3 en 2018), ce qui pourrait à terme dégrader la note attribuée au stock de ces garanties. En parallèle, les pourcentages de moins bons risques parmi les entreprises bénéficiaires des garanties du risque exportateur devraient se stabiliser, tant en nombre qu'en montant. La gestion du risque apparaît donc maîtrisée, mais doit être surveillée .

La légère baisse constatée sur l'assurance prospection, qui assure les entreprises contre un éventuel échec de leurs actions de prospection et leur offre un relais de trésorerie, provient également d'une année 2019 exceptionnelle. Le fonctionnement de l'assurance prospection a en effet été modifié en 2018 : les versements ne sont plus effectués a posteriori mais 50 % des dépenses sont maintenant avancées, provoquant à court terme un accroissement des crédits de paiement mobilisés.

Au premier semestre 2019, deux dispositifs d'appels en garantie ont été mobilisés : 15 millions d'euros (AE=CP) pour la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (action 02) et 686 048 euros pour la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), au titre de la convention de garantie environnementale entre la SNPE et SAFRAN.

2. Programme 145 « Épargne » : une baisse intégrant les effets des réformes intervenues ces dernières années

Le programme 145 « Épargne » vise principalement à soutenir le secteur du logement et l'accession à la propriété.

Évolution des crédits du programme 145 « Épargne »

(en millions d'euros)

2019

2020

Part dans les crédits du programme

Évolution 2020/2019

Épargne logement

101,00

86,99

99,79 %

- 13,87 %

Instrument de financement du logement

0,88

0,18

0,21 %

- 79,07 %

Total

101,88

87,18

100,00 %

- 14,43 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les primes d'épargne logement constituent le principal dispositif : elles sont versées lors de la mobilisation des comptes épargne-logement (CEL) ou de la clôture de plans d'épargne-logement (PEL) et lorsque ceux-ci servent à financer un investissement immobilier. Tenant compte de l'évolution intervenue dans l'usage de ces produits, devenus davantage un outil d'épargne que le relais d'un achat immobilier 19 ( * ) , la loi de finances pour 2018 a mis fin au versement de cette prime pour les CEL et les PEL ouverts à partir du 1er janvier 2018 . Cette mesure n'aura de plein effet qu'à partir de 2021, le versement de la prime étant conditionné à une durée de détention minimale du CEL de 18 mois et du PEL de trois ans.

La baisse des crédits constatée dès 2020 sur l'action « Épargne logement » résulte donc à la fois de l'utilisation par les ménages du PEL comme un instrument d'épargne et du conditionnement de la prime à la souscription d'un prêt d'épargne-logement de 5 000 euros minimum, alors même que les taux offerts par ces instruments sont supérieurs aux taux actuels du marché bancaire.

La deuxième action reprend quant à elle un dispositif ancien et en voie d'extinction , ce qui explique l'atrophie des crédits proposés dans le projet de loi de finances pour 2020.

3. Programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque »

Le fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque , créé par l'article 92 de la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, vise à accompagner les collectivités territoriales ayant souscrit à ce type de prêts, aussi appelés « prêts toxiques ». Abondé à hauteur de trois milliards d'euros en 2016, il intervient de deux manières :

- soit en apportant une aide au remboursement anticipé des emprunts , dans la limite d'un taux maximal de 75 % des indemnités de remboursement anticipé, auquel s'ajoute un taux complémentaire maximal de 5 % pour les situations les plus graves ;

- soit en prenant en charge une partie des intérêts dus sur les échéances dégradées . Ce dispositif, dérogatoire et versé par période de trois ans reconductible, concerne 15 % des collectivités territoriales soutenues par le fonds.

85 % des 676 collectivités ayant déposé un dossier au 30 avril 2015 ont reçu ou reçoivent une aide du fonds et 86,14 % des prêts ont déjà fait l'objet d'un remboursement anticipé au 31 décembre 2018 . Ce fonds est à la fois financé par l'État et par le secteur bancaire , par le biais d'une taxe additionnelle à la taxe systémique (article 26 de la loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014). À ses crédits de paiement, dont le montant s'élève en 2020 à 174,90 millions d'euros (- 4,79 % par rapport à 2019) s'ajoutent, sous la forme de fonds de concours , 11,5 millions d'euros en provenance de la société de financement local et de sa filiale la Caisse française de financement local (10 millions d'euros), ainsi que de Dexia (1,5 million d'euros), toutes trois non assujetties à la taxe systémique.

4. Programme 338 « Augmentation de capital de Banque européenne d'investissement » : aucune dotation

Le programme 338 est le support budgétaire de la participation de la France à l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI), décidée en 2012. Malgré le départ prévu du Royaume-Uni de l'Union européenne , et donc la fin de son actionnariat au sein de la BEI, le programme n'est abondé d'aucun crédit en 2020 . En effet, le conseil d'administration et le conseil des gouverneurs ont, par un accord unanime 20 ( * ) , décidé de compenser le capital libéré britannique par une partie des réserves de la BEI et d'augmenter le capital appelable des 27 États membres pour remplacer la part britannique. Aucune de ces deux opérations ne nécessite l'ouverture de crédits. Seuls les montants des engagements hors bilan inscrits dans le compte général de l'État devront être réajustés afin de prendre en compte la hausse du capital appelable français (de 39,2 milliards d'euros à 42,6 milliards d'euros).

5. Programme 336 « Mécanisme européen de stabilité » : aucune dotation, mais le risque de faire à nouveau appel aux crédits non répartis

Ce programme soutient la contribution française au capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), organisation permanente inaugurée en octobre 2012 21 ( * ) pour remplacer le Fonds européen de stabilité financière, une institution temporaire créée pour financer les programmes d'assistance financière à destination de trois pays de la zone euro (Irlande, Portugal, Grèce).

La contribution de la France au MES est légèrement supérieure à 20 % de son capital , composé à la fois de parts libérées (80,5 milliards d'euros au total dont 16,3 pour la France) et de parts appelables (624,3 milliards d'euros au total dont 126,3 pour la France). La participation de la France aux parts libérées a déjà été versée, sous la forme de cinq tranches de 3,3 milliards d'euros.

Cependant, en 2017, le MES s'est vu retirer la dérogation lui permettant de ne pas payer les intérêts négatifs sur ses facilités de dépôt placées auprès des banques centrales nationales composant l'Eurosystème (taux de - 0,4 %). Pour que la levée de cette dérogation n'affecte pas le capital du MES, les autorités françaises et allemandes ont pris l'engagement de rétrocéder au MES les intérêts perçus sur les dépôts placés auprès de la Banque de France et de la Bundesbank 22 ( * ) . Considérant que la rétrocession reste conditionnée à un engagement similaire de l'Allemagne et ne constitue donc pas une dépense certaine, le Gouvernement ne dote pas ce programme.

Votre rapporteur spécial regrette ce choix, le Gouvernement ayant déjà fait appel en 2018 au programme « dépenses accidentelles et non prévisibles » de la mission « Crédits non répartis » pour abonder en cours d'année le programme 336 . L'occurrence se répétant, après une ouverture de crédits en cours d'année en 2017, votre rapporteur spécial constate qu' on s'éloigne de l'objet même des crédits non répartis . Si l'inscription de 100 millions d'euros 23 ( * ) conduirait certes à dépasser le plafond de dépenses inscrit en LPFP, elle répondrait au souci, constamment réaffirmé par le Gouvernement, de sincérité de la budgétisation . C'est également l'une des recommandations de la Cour des comptes.


* 19 Selon le projet annuel de performance de la mission « Engagements financiers de l'État », annexé au projet de loi de finances pour 2020, seules 0,4 % des clôtures de PEL ont donné lieu à un prêt d'épargne logement en 2017 et en 2018.

* 20 La modification des statuts de la BEI a ensuite été approuvée par le Conseil de l'Union européenne le 15 avril 2019.

* 21 Le traité instituant le MES est entré en vigueur le 27 septembre 2012.

* 22 Les Pays-Bas et l'Espagne pourraient prochainement prendre ce même engagement.

* 23 Exécution des crédits de paiement du programme 336 en 2018.

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