B. UN NON-RESPECT DE LA PROGRAMMATION VOTÉE EN MARS 2019

1. Une progression des crédits inférieure aux prévisions des lois de programmation des finances publiques et de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

La trajectoire de la mission « Justice », fixée par la loi de programmation des finances publiques 5 ( * ) , est ambitieuse et traduit la volonté, assez largement partagée, d'une nécessaire hausse des moyens pour l'exercice de cette mission régalienne.

Or, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits du ministère de la justice passeraient de 7,38 milliards d'euros en 2019 à 7,585 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de 2,8 % (205 millions d'euros) contre une augmentation de 4,5 % entre 2018 et 2019.

Cette augmentation est non seulement inférieure à la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) mais également à l'annuité 2020 prévue par l'article 1 er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice - l'article tel qu'adopté par le Sénat prévoyait, à l'initiative de sa commission des lois, une trajectoire plus ambitieuse à compter de 2021.

La hausse des moyens proposés pour la justice en 2020 serait ainsi inférieure de près de 100 millions d'euros à l'augmentation prévue par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice .

D'après le projet annuel de performances annexé à la mission, cet écart résulte principalement des crédits immobiliers de l'administration pénitentiaire : s'ils progressent en effet fortement (cf. infra ), ces crédits sont « ajustés par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation au vu de l'avancement réel des opérations ».

Cette révision à la baisse des crédits de la mission « Justice » remet en cause la trajectoire adoptée par le Parlement en mars dernier, que le Sénat avait déjà jugée insuffisante.

En effet, cette révision à la baisse des crédits ne serait pas rattrapée d'ici 2022. Comme l'indique le projet annuel de performances annexé à la mission, le Gouvernement prévoit de porter les crédits de la mission « Justice » à 8,185 milliards d'euros hors CAS « Pensions » en 2022, quand la loi de programmation fixe un montant de crédits de 8,3 milliards d'euros à cet horizon, soit un différentiel de 115 millions d'euros.

Force est donc de constater que quelques mois après l'adoption et la promulgation de la loi de programmation et de réforme pour la justice, la programmation financière est abandonnée. Cette évolution est particulièrement regrettable, alors même que les travaux de la commission des lois du Sénat sur le redressement de la justice ont montré la nécessité d'un renforcement du budget du ministère pour améliorer le fonctionnement des juridictions, pour développer le parc pénitentiaire et recruter des magistrats et des personnels judiciaires et pénitentiaires.

Trajectoires et évolution des crédits hors contribution au CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

* Il s'agit des plafonds de la mission sur le périmètre de la norme de dépenses pilotages au format du PLF pour 2020, qui figurent dans le projet annuel de performances.

** la LPFP publiée au début de l'année 2018 au format de la LFI 2018, a été retraitée des transferts, mesures de périmètre et amendements intervenus en 2019 puis 2020.

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire budgétaire et du projet annuel de performance

2. En 2020, la Justice ne fait pas partie des priorités budgétaires du Gouvernement

La mission « Justice » n'est que la huitième mission du budget de l'État dont les crédits de paiement augmentent le plus en valeur absolue en 2020, ex aequo avec les missions « Aide publique au développement », « Direction de l'action du Gouvernement » et « Sport, jeunesse et vie associative », dont les crédits augmentent également d'environ 200 millions d'euros.

Principales augmentations du budget général de l'État (2019-2020)
en valeur absolue (hors CAS « Pensions »)

(en milliards d'euros)

LFI 2019

PLF 2020 format 2019

Écart
LFI 2019

Défense

35,9

37,6

1,7

Investissements d'avenir

1

2,2

1,2

Enseignement scolaire

52,3

53,3

1

Solidarité, insertion et égalité des chances

23,7

24,7

1

Recherche et enseignement supérieur

27,9

28,4

0,5

Sécurités

13,6

14,1

0,5

Économie

1,7

2,1

0,4

Justice

7,3

7,5

0,2

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires


* 5 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

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