B. LA HAUSSE DES DÉPENSES DE PENSIONS N'EQUIVAUT PAS NÉCESSAIREMENT À UNE HAUSSE DU POUVOIR D'ACHAT DES PENSIONNÉS

La hausse de long terme des dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État est attribuée pour environ 60 % à l'augmentation de la valeur moyenne de la pension (+ 2,3 % par an).

L'autre facteur d'augmentation des dépenses réside dans la croissance des effectifs de pensionnés. Ils ont progressé de 1,6 % par an si bien qu'en 2018 le nombre des pensionnés civils atteignait à peu près 1,9 fois le niveau de 1990.

Ces données appellent des analyses complémentaires afin de cerner plus précisément les composantes de la dynamique des dépenses de pensions et d'en suggérer quelques conclusions sur la politique implicitement suivie en la matière.

1. La progression du nombre des pensionnés a fortement ralenti ces dernières années

Le nombre des bénéficiaires de pensions civiles (hors pensions d'Orange et de La Poste) a enregistré une augmentation de l'ordre de 300 000 depuis 2000 dans un contexte de baisse du nombre des pensions militaires.

La population des retraités de la CNRACL a, de son côté, fortement augmenté.

Évolution du nombre des pensionnés depuis 1990

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2020

À part pour les pensions servies par la CNRACL, on constate un net ralentissement de la croissance du nombre des pensionnés à partir de 2008, notamment en raison d'évolutions réglementaires, qui joueraient encore sur la dynamique du volume des pensions l'an prochain et à l'avenir.

Taux de variation du stock de pensionnés par an
(1990--2016)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2020

Depuis 2010, l'ensemble des pensions civiles de droits directs et de droits dérivés n'a progressé que de 12,5 %, contre une augmentation de 60 % lors de la décennie précédente, les pensions de droit direct augmentant d'un peu plus de 14 %

Évolution du nombre des pensionnés civils de la fonction publique d'État
(2010-2019)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans la fonction publique militaire , la progression a été encore plus limitée (+ 0,4 %).

Évolution du nombre des pensionnés militaires de la fonction publique d'État
(2010-2019)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans un contexte où les sorties de pension sont en légère augmentation, ces évolutions sont largement le résultat d'une baisse du nombre des entrées en pension au cours de la période, qui ont chuté après 2010 pour se stabiliser au-delà sur un plateau inférieur de l'ordre de 15 000 unités par an pour les pensions civiles.

Évolution des entrées en pensions de droit direct
(1990-2018)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2020

Pour les pensions de droit dérivé, les entrées en pension progressent de l'ordre de 1,3 % par an.

Évolution des entrées en pensions de droit dérivé
(1990-2018)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2020

2. La hausse de la valeur moyenne des pensions est tributaire d'un effet de noria dont l'impact en valeur réelle est affaibli ces dernières années du fait du décrochage des bases de liquidation de l'inflation

Sur longue période, la pension moyenne servie aux différentes catégories de retraités de la fonction publique a connu des augmentations en valeur plus ou moins fortes selon les types d'emplois concernés.

Évolution de la pension mensuelle moyenne en stock dans les différents volets de la fonction publique et comparaison avec l'inflation

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2020

Entre 2000 et 2018, la valeur réelle de la pension moyenne en stock a progressé modérément, de 0,27 % par an en moyenne pour les fonctionnaires civils de l'État et de 0,54 % pour les fonctionnaires hospitaliers. Cette variation s'est traduite par une augmentation de la valeur réelle de la pension moyenne de 91 euros en dix-huit ans pour les fonctionnaires civils de l'État et de 19 euros pour les fonctionnaires territoriaux (126 euros pour les fonctionnaires hospitaliers).

On relève un net ralentissement de la progression de la valeur de la pension moyenne en stock au long de la période si bien que ces dernières années, la valeur réelle de la pension moyenne du stock baisse.

Évolution de la valeur de la pension moyenne en stock
par catégorie et de l'inflation (2000-2018)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2020

Dans la mesure où les pensions en stock sont au mieux revalorisées sur l'inflation, ces évolutions sont tributaires de deux facteurs très différents, parmi lesquels il y a lieu de mentionner ici un effet de noria.

Les pensions nouvellement liquidées sont supérieures aux pensions du stock en raison, en particulier, de la hausse des rémunérations servant de bases liquidatives aux pensions au fil des générations qui conduisent à élever la valeur moyenne de la pension.

Cette hausse est elle-même, avant tout, le résultat d'une recomposition de la population des pensionnés qui implique une élévation de l'indice de liquidation des pensions.

Ainsi pour les fonctionnaires de l'État, l'indice moyen de liquidation est passé de 498 en 1992 à 612 en 2010. Il est de 653 en 2018. Pour les fonctionnaires territoriaux, l'indice moyen est passé de 352 en 1992 à 440 en 2010 et 466 en 2018.

Le graphique ci-après qui recense la valeur des pensions liquidées au cours de chacune des années de 2000 à 2018, et les évolutions au cours de la période concernée, montre par exemple qu'en 2018 la valeur moyenne d'une pension nouvellement liquidée au titre de la fonction publique civile de l'État était supérieure à la valeur moyenne des pensions de cette catégorie de 230 euros (soit un montant supérieur de plus de 12 %).

Évolution de la valeur de la pension moyenne des nouveaux pensionnés
par catégorie et inflation (2000-2017)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2020

Néanmoins, il montre également que la progression de la valeur des pensions nouvellement liquidées au cours de la période après avoir à peu près suivi l'inflation a décroché de celle-ci à partir de 2010.

Ce décrochage, qui est intervenu malgré l'élévation de la base indiciaire des liquidations relevée plus haut et en dépit de l'augmentation de l'âge de liquidation des droits, témoigne notamment de l'impact de la perte de valeur réelle du point d'indice de la fonction publique au cours de la période et d'une baisse des taux de liquidation qui se traduit par une baisse des taux de remplacement des pensions.

Le taux de liquidation des pensions nouvellement liquidées tend en effet à baisser.

Entre 2013 et 2018, il est passé de 70,1 % à 68,9 % pour les fonctionnaires civils de l'État et de 67,7 % à 66,3 % pour les militaires.

Au total, c'est même la valeur liquidative absolue des pensions qui diminue passant, par exemple, pour les pensions civiles de 2 092 euros (avantage principal) en 2017 à 2 075 euros en 2018.

Cette évolution implique une réduction des taux de remplacement qui devrait de prolonger.

Évolution des taux de remplacement par génération
(1936-1946)

Source : DREES, panorama des retraites 2019

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