SECONDE PARTIE :
LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. LES PROGRAMMES 304 « INCLUSION SOCIALE ET PROTECTION DES PERSONNES » ET 157 « HANDICAP ET DÉPENDANCE » : DES EFFORTS LOUABLES MAIS DES POINTS D'INQUIÉTUDES GRANDISSANTS

Les crédits de paiement portés par ces deux programmes 304 et 157 sont en hausse de 14 % et 2,5 %, mais masquent des points d'inquiétude .

S'agissant du programme 304 (« Inclusion sociale et protection des personnes ») , les crédits sont en hausse de 14 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2019. Cette hausse s'explique principalement, comme indiqué supra , par le dynamisme et la revalorisation de la prime d'activité (action 11), l'augmentation des mesures de protection ainsi que du nombre de mineurs non accompagnés (action 17 : la « protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables »), et la montée en charge de la stratégie pauvreté (action 19).

Évolution des crédits de paiement du programme 304
entre 2019 et 2020

(en euros)

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020 et rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Concernant le programme 157 (« Handicap et dépendance ») , les crédits, qui s'établissent à 12,2 milliards d'euros, sont en légère hausse (+ 2,5 %) , du fait de la revalorisation de l'AAH et son dynamisme, qui représente plus de 85 % des crédits du programme.

Évolution des crédits de paiement du programme 157
entre 2019 et 2020

(en euros)

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020 et rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Le programme s'articule autour de deux actions 7 ( * ) :

- l'action 12 « Allocations et aides en faveur des personnes handicapées » , qui regroupe l'allocation aux adultes handicapées (AAH), l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) et la part compensée aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT) par l'État au titre de l'aide au poste pour les travailleurs handicapés ;

- l'action 13 « Pilotage du programme et animation des politiques inclusives » , qui regroupe notamment les crédits alloués aux politiques de soutien à l'emploi accompagné, à la promotion de la bientraitance des personnes âgées et handicapées. Cette action comprend également des subventions à des organismes comme les instituts nationaux pour jeunes aveugles et jeunes sourds, le Centre national de formation des enseignants intervenant auprès des déficients sensoriels ou les centres régionaux d'études, d'actions et d'informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité. Enfin, les crédits de cette action comprennent également des subventions à des associations têtes de réseau , sur le fondement d'appels à projets.

A. L'AAH ET LA PRIME D'ACTIVITÉ : DES DÉPENSES EXPONENTIELLES À L'AVENIR INCERTAIN

1. Des dépenses qui s'envolent
a) La prime d'activité : une augmentation de 6 à 9,5 milliards d'euros entre 2019 et 2020

La prime d'activité , créée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, a remplacé au 1 er janvier 2016 la part « activité » du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la prime pour l'emploi (PPE). Cette prime est versée aux personnes en activité professionnelle dont les ressources sont inférieures à un certain montant garanti - pour une personne célibataire sans enfant, ce montant est environ égal à 1 806 euros net par mois.

Formule de calcul de la prime d'activité

Son montant est ainsi calculé sur la base d'un montant forfaitaire variable (551,51 euros depuis le 1 er octobre 2018), en fonction de la composition du foyer (dont le nombre d'enfants à charge), auquel s'ajoutent les revenus professionnels pris en compte à hauteur de 61 % afin de favoriser l'activité . Un bonus individuel est également ajouté pour chaque personne en activité, membre du foyer, dont les revenus d'activité sont compris entre 0,5 SMIC et 1 SMIC. Le montant du bonus est croissant entre 0,5 SMIC et 1 SMIC et atteint son maximum dès 1 SMIC (soit 160,49 euros au 1 er janvier 2019), plafond au-delà duquel son montant est fixe. De ce total est déduit l'ensemble des ressources du foyer (notamment les prestations sociales, les revenus de remplacement).

La prime d'activité est ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans , ainsi qu'aux étudiants et aux apprentis ayant perçu, au cours des trois derniers mois, un salaire mensuel supérieur à 78 % du SMIC. Elle a également été ouverte à compter du 1 er juillet 2016 8 ( * ) aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire.

Comme indiqué précédemment, l'augmentation du bonus individuel de 90 euros, comme mesure d'urgence sociale face au mouvement des « gilets jaunes », a permis un élargissement du nombre de bénéficiaires.

En mars 2019, on comptait 4 117 730 foyers allocataires , soit une augmentation de 47 % entre septembre 2018 et mars 2019. Le nombre de foyers allocataires supplémentaires liés à la réforme est estimé par la CNAF à 1 250 000 , dont 700 000 étaient éligibles à la prime d'activité avant la réforme mais n'y recouraient pas (« anciens éligibles nouveaux recourants ») et 550 000 sont devenus éligibles avec la réforme (« nouveaux éligibles nouveaux recourants »). Le montant moyen servi de prime d'activité s'élève à 186 euros en mars 2019 contre 159 euros en décembre 2017.

Une ouverture de crédits dans le PLFR pour 2019

Le projet de loi de finances rectificative pour 2019 prévoit une ouverture de crédits à hauteur de 778 millions d'euros , pour financer la montée en puissance des dépenses de prime d'activité, plus élevées que prévu. L'exécution des dépenses s'élève ainsi à près de 9,56 milliards d'euros sur 2019.

S'agissant de la prévisibilité de la dépense, il est vrai que l'augmentation du nombre d' « anciens éligibles nouveaux recourants » était difficile à anticiper. Néanmoins, la hausse des demandes induite par le relèvement du barème pouvait être mieux prévue dans les déterminants de la dépense en loi de finances initiale.

Par ailleurs, le montant exécuté étant supérieur à la prévision faite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, vos rapporteurs craignent - quand bien même le niveau d'allocataires stagnerait - une insuffisance des crédits pour couvrir l'année 2020.

Le Gouvernement doit ainsi veiller, alors que 2018 avait été marquée par une budgétisation plus sincère après des années de sous-budgétisation, à prévoir des montants en cohérence avec le dynamisme de la prestation.

b) L'AAH, une dépense de plus de 10 milliards d'euros en 2020, qui a augmenté de 40 % en 10 ans

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) est un minimum social versé, sous conditions de ressources, aux personnes handicapées de plus de vingt ans 9 ( * ) . Elle est subsidiaire par rapport à d'autres prestations, comme les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou les avantages vieillesse. Elle peut se cumuler avec des ressources personnelles, y compris des revenus d'activité 10 ( * ) , dans la limite d'un plafond annuel, fixé à 10 800 euros pour une personne seule sans enfant au 1 er novembre 2019 11 ( * ) .

Afin de bénéficier de l'AAH, la personne handicapée doit être atteinte :

- soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (« AAH 1 ») ;

- soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, et présenter une restriction substantielle et durable 12 ( * ) pour l'accès à l'emploi (RDSAE) ne pouvant être compensée par des mesures d'aménagement du poste du travail (« AAH 2 »).

Ces conditions sont appréciées par les commissions départementales des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) au sein des MDPH.

Comme les années précédentes, la dépense d'AAH poursuit sa progression en 2020 pour atteindre un montant de 10,6 milliards d'euros soit une hausse près de 40 % par rapport à 2010.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2019 prévoit d'ailleurs une ouverture de crédits de 54,5 millions d'euros sur le programme 157 pour notamment financer les dépenses d'AAH.

Évolution du nombre d'allocataires et du montant de dépense d'AAH
depuis 2010

Source : commission des finances du Sénat

L'harmonisation et la simplification des procédures MDPH :
des actions à poursuivre et à amplifier

Entre 2006 et 2017, le nombre de demandes traitées par les MDPH a été multiplié par 2,7 passant de 1,67 à 4,5 millions, avec en moyenne une hausse de 4 % par an entre 2013 et 2017. Le nombre de décisions rendues a quant à lui été multiplié par trois, passant de 1,58 à 4,66 millions.

La durée règlementaire de traitement des dossiers par les MDPH est fixée à quatre mois. En 2017, le délai moyen de traitement des demandes par les MDPH était de quatre mois et 12 jours pour les adultes et de trois mois et 20 jours pour les enfants 13 ( * ) . Toutefois, des disparités entre les départements existent avec un rapport de 1 à plus de 14 14 ( * ) , ce qui pose une question importante en termes d'équité de traitement sur le territoire.

Toutes les mesures permettant la simplification des procédures MDPH et parallèlement celle de la vie des allocataires de prestations de handicap doivent être ainsi encouragées . Vos rapporteurs se félicitent ainsi de la possibilité pour les MDPH d'attribuer la RQTH à titre permanent lorsque le handicap est irréversible introduite par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et de l'allongement de la durée maximale d'attribution de 5 à 10 ans de certains droits ainsi que l'attribution sans limitation de durée, aux personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, de certains droits (dont notamment l'AAH et la RQTH), permise par un décret du 24 décembre 2018.

Par ailleurs, la politique d'harmonisation des pratiques d'attribution de l'AAH doit être poursuivie et renforcée . Ainsi, un guide a été publié début 2017, par la DGCS, en collaboration avec les MDPH et la CNSA, permettant de faciliter l'appréciation du handicap de la personne en vue de l'attribution de la prestation. Mais il faut aller plus loin. Vos rapporteurs seront ainsi attentifs aux conclusions de la mission confiée à l'IGAS en avril 2019 sur l'opportunité de mettre en place une mission nationale de contrôle et d'audit des MDPH, en lien avec les départements.

2. La réforme de la prime d'activité : une mise en oeuvre difficile dans les CAF due à une montée en charge très rapide du dispositif, bénéficiant aux tranches de revenus les plus élevés
a) Une montée en charge extrêmement rapide du dispositif...

Le nombre de foyers bénéficiaires est passé de 2,710 à 4,118 millions entre mars 2018 et 2019.

Évolution du nombre de foyers bénéficiaires entre 2018 et 2019

(en milliers)

2018

2019

Mars

Juin

Septembre

Décembre

Mars

Nombre de foyers bénéficiaires

2 710

2 757

2 800

3 064

4 118

Source : rapport d'évaluation de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, juillet 2019, DGCS, DREES, CNAF, CCMSA

Le rapport précité, remis au Parlement en octobre dernier, indique que ces nouveaux foyers se décomposent en deux catégories :

• 700 000 d' « anciens éligibles nouveaux recourants ». Est précisé dans le rapport que « la décision de recourir après la réforme peut s'expliquer par le fait que la revalorisation rend le barème plus « rémunérateur . C'est particulièrement vrai pour les personnes qui étaient proches du point de sortie dans l'ancien barème et donc éligibles à de faibles montants de prime d'activité. ». Le montant moyen de prime d'activité servi à ces nouveaux bénéficiaires est de 164 euros.

• 550 000 sont devenus éligibles avec la réforme (« nouveaux éligibles nouveaux recourants ») . L'augmentation du bonus conduit, en effet, à faire reculer le point de sortie de la prime d'activité, qui correspond au revenu d'activité net maximum donnant le droit à une prestation. Autrement dit, des personnes au revenu plus élevé deviennent éligibles à la prestation . Le montant moyen de prime d'activité servi à ces nouveaux bénéficiaires est de 57 euros.

Ainsi, au vu de cette augmentation du nombre de bénéficiaires , le nombre de personne couvertes en France par la prime d'activité s'élève ainsi à 12,3 % au 1 er janvier 2019 , sur une population de plus de 67 millions d'individus au 1 er janvier 2019, contre 7,7 % en décembre 2016, un an après la création de la prime d'activité.

Toutefois, des disparités territoriales demeurent fortes ( cf. carte infra ). S'agissant de l'outre-mer, le taux de couverture varie entre 0,9 % à Mayotte et 18,7 % à la Réunion.

Taux de couverture de la prime d'activité par département

Source : rapport d'évaluation de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, juillet 2019, DGCS, DREES, CNAF, CCMSA

b) ... qui a entraîné un surcroît d'activité dans des CAF déjà sous tension

Selon le rapport précité remis au Parlement, le nombre de demandes arrivées en CAF en moyenne par jour a été de 4 700 en décembre 2018, contre 2 100 sur les 11 mois précédents . Ce doublement des demandes correspondrait en partie à des nouveaux recourants qui étaient éligibles à la prime d'activité avant la réforme mais qui n'ont entamé leur démarche qu'après la publicité autour de la prime d'activité.

En janvier 2019, premier mois de mise en oeuvre, le nombre de demandes de prime d'activité arrivées en CAF en moyenne par jour atteint 25 000 . Il passe à 12 000 en février 2019, 6 000 en mars 2019 et 5 500 en avril 2019, traduisant une montée en charge très rapide de la réforme. Ces chiffres peuvent être comparés à ceux de l'année 2016, année de mise en oeuvre de la prime d'activité , le nombre moyen de demandes arrivées par jour était de 19 000 en janvier 2016, de 14 000 en février 2016 et de 10 000 en mars 2016.

Nombre de demandes de prime d'activité arrivées
du 1 er janvier au 30 avril dans les CAF (2016 à 2019)

Source : rapport d'évaluation de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, juillet 2019, DGCS, DREES, CNAF, CCMSA

Outre l'augmentation du nombre de demandes, les CAF ont été très sollicitées par ailleurs. En cumulé, du 1 er janvier 2019 au 30 juin 2019, 20,5 millions de simulations ont été réalisées sur le simulateur caf.fr , avec un pic à 9 808 841 simulations au moins de janvier 2019. Par ailleurs, sur la même période, les CAF ont reçu 516 614 courriels de demande d'information sur la prime d'activité.

Le nombre de demandes extrêmement important a conduit à augmenter le stock de demandes à traiter dans les CAF . Ainsi, 100 200 demandes étaient en stock du 1 er janvier au 30 avril 2019 (contre 37 300 en 2018, 53 400 en 2017, 201 900 en 2016).

Afin de pouvoir absorber ce flux de demandes, il a été demandé aux CAF de prioriser le traitement de la prime d'activité . En outre, une quarantaine de caisses ont fermé le canal courriel entre mi-février et mi-mars. Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé le recrutement de 140 agents en CDD, qui ont été affectés au service national d'appui à la production.

Toutefois, vos rapporteurs considèrent ces solutions comme n'étant pas pleinement satisfaisantes . Ainsi, la priorisation s'est faite au détriment d'autres prestations (APL, prime à la naissance, garde enfant...). Par ailleurs, des caisses n'ont pas voulu fermer l'accueil au public pour garantir une continuité de service. En outre, il semblerait que les renforts affectés aux CAF devront être « rendus » par les caisses en fin de conventions avec l'État. Plus largement, la montée en charge très forte et rapide de la prime d'activité s'est faite dans un contexte déjà difficile pour les CAF , qui devront d'ailleurs mettre en oeuvre, au 1 er janvier prochain, la réforme de l'APL.

Vos rapporteurs seront donc attentifs à ce que « la charge de gestion des nouveaux allocataires de la prime d'activité soit à nouveau évaluée à la fin de l'année 2019 », comme indiqué dans le rapport.

Parmi les pistes à mettre en oeuvre pour désengorger les CAF, vos rapporteurs privilégient celle de la dématérialisation , que ce soit pour les bénéficiaires, via des demandes faites sur internet, ou pour les CAF elles-mêmes, par le biais des traitements automatisés des demandes. Ce travail est a déjà été entamé dans certaines CAF, comme ont pu le constater vos rapporteurs en déplacement dans le Nord et le Val-d'Oise ( cf. infra ). Par ailleurs, le travail engagé par le Gouvernement sur le dossier social nominatif (DSN) et la « base ressource mensuelle » (BRM) doit être encouragé.

Par ailleurs, à l'occasion de ces visites de terrain, vos rapporteurs ont pu être sensibilisés à la complexité de gestion de ces prestations. En effet, les multiples modalités de prise en charge des ressources pour le calcul des prestations versées par la CAF (ressources N-2, ressources trimestrielles passé, net perçu ou net imposable etc.) mériteraient d'être harmonisées ou tout du moins simplifiées , en vue d'une meilleure lisibilité des prestations et efficacité de traitement. C'est notamment le travail qui est engagé autour du revenu universel d'activité.

Focus sur les CAF du Nord et du Val-d'Oise

Vos rapporteurs se sont rendus dans ces deux CAF qui ont subi cette montée en charge très rapide de la prime d'activité.

La CAF du Nord, est d'ailleurs la première CAF de France, en termes de nombre d'allocataires : près de 600 000 au 31 décembre 2018. La CAF du Val d'Oise en compte, elle, près de 240 000.

Une hausse significative des demandes traitées et des bénéficiaires

La CAF du Nord a connu une hausse de son nombre de bénéficiaires de 42% : de 127 459 au 30 juin 2019 à 180 480 au 30 juin 2019. De même, pour la CAF du Val d'Oise qui a connu une augmentation de 40 %, comptant 61 063 bénéficiaires en mai 2019 contre 43 628 en décembre 2018.

Le nombre de demande a explosé . La CAF du Val d'Oise a enregistré quatre fois plus de demandes et traité trois fois plus de demandes entre le 1 er semestre 2018 et 2019. De même, la CAF du Nord a traité 4 fois plus de demandes (63 756 au 30 juin 2018 contre 17 167 au 30 juin 2019)

Ainsi, en termes de jours de stock, la CAF du Nord se situait, en juin 2019, à 7 jours de stock au lieu de 5 jours. De même, la CAF du Val D'Oise  comptait 6,6 jours de stock, ayant connu son point le plus haut à 9,5 jours.

Une prestation dont le poids financier s'accroît mais qui reste en deçà des autres prestations

La CAF du Nord représente un montant de prestations versées annuellement de l'ordre de 4 milliards d'euros dont 3,7 milliards au titre des prestations légales. La prime d'activité, au 31 décembre 2018, représentent 268,27 millions d'euros , contre 677,8 millions d'euros pour les allocations logement, 660,2 millions d'euros pour le RSA, 564,2 millions d'euros pour les allocations familiales et 488 millions d'euros pour l'AAH.

S'agissant de la CAF du Val d'Oise, le montant de prime d'activité représentait 95 millions d'euros en 2018 soit 6,6% du total des prestations. Cependant, au 30 juin 2019, le montant était déjà de 80,3 millions d'euros , laissant présager une augmentation de sa part dans le total des prestations servies.

Un renfort d'effectifs qui restent cependant contraints

Cette charge de travail - due à la montée en charge de la prime d'activité - n'était pas prévue dans la convention qui lie les CAF à l'État. Les agents ont dû faire preuve d'une capacité d''adaptation que vos rapporteurs saluent . Des efforts certains leur ont été demandé.

Sur les 140 CDI supplémentaires prévus pour faire face à ce surcroît de travail, 10 CDI ont été affectés aux Hauts-de-France. La CAF du Val d'Oise, a également, renforcé son équipe d'accueil physique et téléphonique (+4 CDD). Toutefois, ces effectifs supplémentaires devront « être rendus » en fin de convention.

Une digitalisation des demandes et des traitements encouragée

La CAF du Nord travaille ainsi, avec ses allocataire, pour renforcer l'inclusion numérique de ces derniers (« chèque numérique », formation au numérique etc.). La plupart des demandes de prime d'activité sont effectuées de façon dématérialisée. Par ailleurs, 24,7 % de la liquidation est automatique au 30 juin 2019. La totalité des processus de liquidation est numérisée.

Il en est de même dans la Caf du Val-d'Oise, dont le taux de liquidation des demandes est de 19,5%. Elle a notamment recours à un « assistant digital prime d'activité » développé par la CNAF, qui est mis en oeuvre depuis mars 2019. Ainsi, une centaine de dossiers « simples » de primo-demandeurs est sélectionnée chaque semaine avec un taux de liquidation de 30%. Par ailleurs, au 30 juin 2019, le taux de dématérialisation des demandes de prime d'activité était de 94%.

c) Une évolution des profils des bénéficiaires : la revalorisation bénéficie aux tranches de revenus les plus élevés....

La revalorisation de la prime d'activité a conduit à une évolution du profil des bénéficiaires . Les tranches de revenus les plus élevés, parmi les bénéficiaires, progressent : ainsi 55 % des foyers bénéficiaires ont des revenus compris entre 1 250 et  2000 euros par mois en mars 2019 contre 39 % en mars 2018 . A contrario, le nombre de foyers dont les revenus sont inférieurs à 1 000 euros passe de 41 % à 30 %.

Répartition par tranche de revenus d'activité mensuels du foyer
(régime général uniquement)

Source : rapport d'évaluation de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, juillet 2019, DGCS, DREES, CNAF, CCMSA

L'augmentation de la part des revenus les plus élevés parmi les bénéficiaires influe sur d'autres paramètres . Ainsi, en mars 2019, 47 % des bénéficiaires de la prime d'activité ne perçoivent pas d'autres aides de la CAF contre 39 % en mars 2018 et 36 % en décembre 2016. La part des bénéficiaires percevant les aides aux logements et le RSA a baissé respectivement de 49 % à 39 % et de 12 % à 8 % entre mars 2018 et 2019, même si leur nombre, en valeur absolue, est en légère augmentation.

La prime d'activité bénéficie majoritairement à des personnes seules - qui constituent 58 % des « anciens éligibles nouveaux recourants » - mais 36 % des nouveaux éligibles sont des couples notamment bi-actifs, en raison de la revalorisation du bonus individuel. Les couples bi-actifs représentent 13 % des effectifs en mars 2019 contre 8 % en décembre 2016.

Ainsi, même si au global, la distribution des foyers bénéficiaires par composition familiale reste relativement stable entre mars 2018 et mars 2019, la part des personnes seules sans enfants et des couples qui augmente fait baisser en conséquence la part des familles monoparentales . Elles représentent 20 % des foyers allocataires contre 23 % en mars 2018, même si en valeur absolue leur nombre augmente de 183 000.

d) ... et fait baisser le taux de pauvreté de 0,5 point mais augmenter son taux d'intensité

D'après les simulations réalisées dans le rapport remis au Parlement, la revalorisation de la prime d'activité fait baisser le taux de pauvreté de 0,5 point 15 ( * ) . Elle s'accompagne cependant d'une hausse de 0,5 point de l'intensité de la pauvreté 16 ( * ) , c'est-à-dire que le niveau de vie médian des ménages pauvres est plus éloigné du seuil de pauvreté qu'avant mise en place de la réforme.

Ces résultats sont liés au ciblage de la réforme sur les travailleurs dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic.

3. La mise en place du revenu universel d'activité (RUA) questionne

Dans son discours du 13 septembre 2018 de lancement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, le président de la République avait annoncé son intention de rénover en profondeur le système de minima sociaux, à travers la création, par une loi en 2020, d'un revenu universel d'activité fusionnant « le plus grand nombre possible de prestations » « du RSA aux APL », et dont l'État serait « entièrement responsable ».

L'objectif annoncé de cette réforme est de simplifier le système de prestations sociales existant afin de renforcer sa cohérence, son équité, sa lisibilité et de procurer toujours un gain à la reprise d'un emploi , pour encourager le retour à l'activité.

Calendrier de mise en place du RUA

Pour piloter ce chantier, Fabrice Lenglart a été nommé le 24 janvier 2019 rapporteur général à la réforme sur le revenu universel d'activité, dont le rôle est de coordonner le travail des différents ministères sur le sujet. Par ailleurs, un travail de concertation a été prévu, piloté par Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la pauvreté, selon trois phases :

- la concertation institutionnelle (de juin 2019 à début 2020 conduite avec l'ensemble des parties prenantes : territoires, associations et partenaires sociaux. Ces travaux sont organisés en cinq phases successives : principaux constats, grands principes et objectifs de la réforme, périmètre, parcours de l'allocataire, gouvernance et financement .

- la concertation publique (9 octobre au 20 novembre 2019) comprenant des ateliers citoyens,

- le jury citoyen (janvier 2020)

À l'issue de cette concertation, le rapport rédigé par F. Lenglart devra être remis mi-février 2020, pour une présentation du projet de loi mi-2020 et une mise en oeuvre en 2022/2023. Ce calendrier de mise en oeuvre est jugé néanmoins très optimiste, par le rapporteur, puisqu'il y aura un très important travail de mise en cohérence des systèmes d'information, et d'adaptation des CAF. Par ailleurs, selon le rapporteur, au vu des implications pratiques pour les CAF et les bénéficiaires, la mise en oeuvre du RUA ne pourra pas faire l'économie d'un système transitoire.

Le travail fait dans le cadre de cette concertation est utile et intéressant . Il permet de réfléchir et d'évaluer les conséquences des différents scenarii de prise en compte, notamment de la base ressources (l'éligibilité à la prestation peut être basée sur les ressources du couple ou de l'individu par exemple).

Toutefois, plusieurs aspects de ce RUA demeurent flous à ce jour ou interrogent vos rapporteurs :

• S'agissant de ses objectifs , une double injonction presque contradictoire, comme pour la prime d'activité d'ailleurs, semble motiver ce dispositif : faire diminuer le taux de pauvreté et inciter au retour à l'emploi. La balance pèsera inéluctablement d'un côté plutôt que de l'autre.

• S'agissant de son périmètre , la base « certaine » de ce revenu regroupe le RSA, la prime d'activité, et les aides au logement mais pourrait être élargie à l'AAH (cf.infra ), l'ASPA, les jeunes de 18 à 24 ans via le système de bourse, et l'ASS. La question de la base ressources (individualisée, conjugalisée, année de référence...) devra aussi être tranchée et harmonisée.

• S'agissant de son financement , F. Lenglart a néanmoins précisé à vos rapporteurs que le cadre de concertation « rimé » était une « hypothèse conventionnelle de neutralité budgétaire ». La mise en place de ce revenu devrait ainsi se faire à moyens constants. Toutefois, un des objectifs de la réforme est également d'accroître le taux de recours des prestations . On peut donc imaginer que des moyens budgétaires supplémentaires seront nécessaires . Par ailleurs, se posera la question de la compensation des dépenses de RSA aux départements , à laquelle vos rapporteurs seront attentifs. Vos rapporteurs regrettent d'ailleurs que le sujet central du financement intervienne comme dernier sujet de la concertation institutionnelle.

• S'agissant de ses futurs bénéficiaires, il y aura forcément des gagnants et des perdants puisque le barème sera modifié. L'enjeu, pour le rapporteur au RUA, sera de minimiser les gains et pertes moyens.

• S'agissant de son articulation avec le service public de l'insertion , qui devra être mis en oeuvre en cohérence avec ce futur RUA.

L'AAH sera-t-elle incluse dans le RUA ?

L'AAH est prise en compte dans la réflexion en cours, en veillant au respect de deux exigences , selon le Gouvernement : d'une part, aucune conditionnalité en termes d'activité ne sera exigée pour le versement du revenu minimum s'agissant du handicap, et d'autre part, les moyens mobilisés aujourd'hui pour le handicap lui resteront affectés.

Toutefois, les associations de défense des personnes handicapées s'inquiètent de cette possible intégration, considérant que l'AAH n'est pas un minimum social comme les autres. Loin de l'objectif de simplification, cette possible intégration de l'AAH dans le RUA serait synonyme de complexification pour les allocataires. Par ailleurs, 80 % des allocataires de l'AAH sont en incapacité de travailler et ne sont donc pas concernés par cet enjeu.

Vos rapporteurs seront très vigilants au respect de ces deux exigences fixées par le Gouvernement, qu'ils considèrent comme des lignes rouges à ne pas franchir.


* 7 L'action 11 relative au « Fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées », ne figurant plus dans la maquette budgétaire, puisque le financement des MDPH a été confié à la CNSA depuis la loi de finances initiale pour 2017.

* 8 À compter rétroactivement du 1 er janvier 2016.

* 9 Ou plus de 16 ans pour un jeune qui n'est plus considéré à la charge des parents pour le bénéfice des prestations familiales .

* 10 Les modalités de cumul de l'allocation avec des revenus d'activité sont précisées par le décret n°2010-1403 du 12 novembre 2010, et visent à encourager l'accès durable à l'emploi : pendant six mois au maximum à compter de la reprise d'un emploi, puis partiel sans limite dans le temps.

* 11 Ce plafond est multiplié par 1,81 pour un couple et majoré de 50 % par enfant à charge.

* 12 Elle est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à partir du dépôt de la demande.

* 13 Source : CNSA

* 14 Source : CNSA, Synthèse des rapports d'activité 2017 des MDPH.

* 15 En France métropolitaine dans un logement ordinaire, hors ménages dont la personne de référence est étudiante. Les personnes pauvres sont celles dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian de la population sur le champ indiqué.

* 16 L'intensité de la pauvreté mesure l'écart entre le niveau de vie de la population pauvre et le seuil de pauvreté. Cet indicateur est défini sur l'ensemble de la population, plus il est élevé plus la pauvreté est dite "intense", au sens où le niveau de vie des plus pauvres est très inférieur au seuil de pauvreté.

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