B. DES FINANCEMENTS DONT L'ÉVALUATION GLOBALE FAIT DÉFAUT

Les deux programmes financés par le CAS poursuivent des objectifs analogues, encadrés par le Programme national de développement agricole et rural (PNDAR) pour les années 2014 à 2020. Mais ils sont mis en oeuvre par des organismes différents, tant au niveau du responsable de programme qu'à celui des entités auxquelles reviennent les ressources qui transitent par le CAS.

Il s'agit, selon le projet annuel de performances, de conforter le développement de systèmes de production innovants et performants du point de vue écologique, économique et environnemental, en s'appuyant sur une agronomie recherchant une amélioration des résultats techniques et économiques des exploitations.

Les interventions du CAS sont ainsi théoriquement guidées par le projet d'une transition vers l'agro écologie.

1. Les programmes 775 et 776, entre orientations complémentaires et spécialisation par organisme des concours publics

Les crédits des deux programmes financés par le CAS ont été rééquilibrés depuis 2015, le programme 775 atteignant une quasi-parité avec le programme 776.

Le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » finance des moyens qui sont principalement destinés 36 ( * ) aux chambres d'agriculture et à leur tête de réseau, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), ainsi qu'aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). La loi de finances pour 2011 a confié, en outre, à ce programme le financement des actions de génétique animale. Ces actions sont notamment placées sous la responsabilité des instituts techniques agricoles , qui doivent contribuer à l'amélioration et à la gestion des ressources génétiques des espèces relevant de leurs compétences, le cas échéant par délégation à des opérateurs.

Les dix premiers bénéficiaires des dépenses du programme 775 ont été les suivants en 2017.

Les dix premiers bénéficiaires des interventions du programme 775
en 2017

AE réalisé 2017

% / AE du P775

CRA Nouvelle Aquitaine

5 440 698

8,9 %

CRA Occitanie

4 942 330

8,1 %

CRA Auvergne Rhône Alpes

4 687 145

7,7 %

CRA Grand Est

3 248 314

5,3 %

CRA Bretagne

2 844 823

4,7 %

CRA Pays de la Loire

2 698 432

4,4 %

CRA Bourgogne Franche Comté

2 362 276

3,9 %

CRA Hauts de France

2 170 536

3,6 %

CRA Normandie

2 137 770

3,5 %

Coop de France

2 118 500

3,5 %

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Neuf chambres régionales d'agriculture totalisaient 50 % des dépenses.

Un contrôle est exercé sur l'emploi des fonds délégués aux organismes partenaires.

Avant paiement des soldes, s'exerce le contrôle systématique de tous les programmes de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Ce contrôle sur pièces peut être plus approfondi pour certains dossiers. Par ailleurs, après paiement des soldes, des contrôles approfondis sont réalisés par le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER).

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que ces contrôles conduisent fréquemment à recommander une plus grande mutualisation des résultats obtenus et la mise en oeuvre de prolongements plus pratiques aux actions, par l'élaboration de schémas de développement régionaux.

Les crédits du programme 775 demandés pour 2019 sont stables à 65 millions d'euros.

Quant au programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture » , il englobe le financement de travaux de recherche appliquée, et plus particulièrement des missions d' expérimentations de FranceAgriMer ainsi que des instituts techniques agricoles et, en particulier, de leurs projets de recherche à moyen et long terme coordonnés par l'association de coordination technique agricole (ACTA) .

Ses moyens sont également stables par rapport à la loi de finances pour 2019 avec une ouverture de 71 millions d'euros .

La gestion des interventions se caractérise par une certaine diversité : à côté du financement des programmes de recherche des organismes soutenus, on relève le recours à la procédure de l' appel à projets La gestion encourage également les partenariats alliant la recherche et l'innovation au développement agricole, d'où son appui sur les unités mixtes technologiques (UMT) et les réseaux mixtes thématiques (RMT).

2. Une information trop succincte sur l'évaluation des programmes

Le CAS-DAR comporte un indicateur pour le programme 775 et deux indicateurs pour le programme 776.

En ce qui concerne le programme 775, l'indicateur suivi réside dans la part des effectifs consacrés aux thématiques prioritaires du programme national de développement rural (PNDAR) dans les emplois des organismes bénéficiaires du programme.

Cet indicateur, qui restitue année après année que les effectifs ainsi « spécialisés » s'élèvent à environ 70 % des emplois des organismes concernés ne présente guère d'intérêt au vu de la priorisation très extensive des objectifs du PNDAR. Et de l'objet des organismes bénéficiaires. On ne sait au juste combien de forces et de coûts suppose le suivi de l'indicateur (il s'agit d'inscrire chaque année depuis 2009 dans l'application Darwin, dont le nom ne devrait pas être à ce point galvaudé, les effectifs pouvant correspondre au profil exigé). Si quelques économies pouvaient découler de la suppression de cette procédure, nul ne s'en plaindrait, d'autant que la réalité des chiffres avancés laisse un peu perplexe.

Si réellement 70 % des personnels des organismes se consacraient à la transition agro-écologique, cette dernière serait sans doute accomplie de longue date.

A l'inverse, il serait souhaitable d'avoir quelque aperçu sur les progrès réalisés.

Quant au programme 776, les deux indicateurs de suivi des objectifs présentent l'un (le premier) un intérêt assez médiocre pour des raisons proches de celles exposées ci-dessus, l'autre (le second) un peu plus de sens. Il s'agit de suivre la part des financements provenant du programme attribuée à des projets de recherche commun dans le cadre d'une unité mixte technologique ou d'un réseau mixte technologique conduits selon une procédure d'appel à projets.

Vos rapporteurs spéciaux s'étaient félicités de son amélioration. Mais une évolution moins favorable doit être notée ces dernières années.

La cible 2019 (57 %) apparaît en net retrait par rapport aux réalisations antérieures, en particulier, l'année 2017, où un taux de 72,6 % des appels à projets impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) avait pu être constaté. Il en va de même pour 2020, ce qui paraît traduire une regrettable difficulté à imprimer aux projets financés par le programme une dimension collective sans laquelle les synergies recherchées peuvent rester assez illusoires.

Vos rapporteurs spéciaux plaident pour un accroissement de la part des dépenses destinées à ce type d'actions.

Ce souhait résulte notamment du constat déjà formulé relatif à la justification insuffisante des crédits : cette insuffisance ne permet pas de s'assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres, les instituts ou les ONVAR vont aux projets de développement et non aux structures elles-mêmes. Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes avait ainsi relevé qu'en matière de développement agricole, « la répartition des aides a toujours été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction des subventions dans une logique de financement pérenne des structures ».

Une telle « logique d'abonnement aux aides » est aux antipodes d'une démarche de performance.

La concentration des interventions sur les dix premiers bénéficiaires du programme 776 témoigne à sa manière d'une forme de gestion « organique ».

Les dix premiers bénéficiaires des interventions du programme 776
en 2017

(en euros)

Nom bénéficiaire

AE réalisé 2017

% / AE du P776

IDELE

Institut de l'élevage

12 681 094

18,7 %

FranceAgriMer (1)

11 579 213

17,0 %

ARVALIS

Institut du végétal

10 517 935

15,5 %

ACTA

réseau des instituts techniques agricoles

6 064 905

8,9 %

IFV

Institut français de la vigne

6 007 085

8,8 %

CTIFL

Centre technique inter professionnel des fruits et légumes

4 590 695

6,8 %

IFIP

Institut français des industries du porc

4 404 334

6,5 %

ITAB

Institut technique de l'agriculture biologique

1 744 788

2,6 %

ITAVI

Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole

1 714 295

2,5 %

Terres Innovia

Institut technique des oléo-protéagineux et du chanvre

1 574 712

2,3 %

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses se répartissent entre les instituts techniques professionnels hormis les concours à FranceAgriMer qui n'a pas une vocation centrée sur un type de spéculation agricole donné.

Les indicateurs de la maquette de performances du compte illustrent par leur pauvreté, au niveau de l'information budgétaire une telle carence. Ils ne comportent aucune donnée réellement utile pour apprécier les résultats.

Le ministère de l'agriculture indique procéder à des évaluations des actions financées par le truchement du compte mais cette évaluation paraît orientée plutôt vers un contrôle de conformité que vers une évaluation des impacts seule à même de fonder une appréciation de la valeur ajoutée des financements publics.

Il est vrai que les résultats des contrôles, dont une synthèse a été communiquée à vos rapporteurs spéciaux, invitent à renforcer la gouvernance des utilisations des crédits versés aux organismes, mais aussi à améliorer les moyens mis en oeuvre pour que les actions financées s'inscrivent plus efficacement dans les objectifs poursuivis, en particulier, la valorisation des résultats obtenus.

Cette lacune doit être corrigée , objectif fixé par vos rapporteurs spéciaux d'autant plus aisément atteignable que le ministère de l'agriculture publie un compte rendu d'activité du CASDAR riche en informations sur les programmes soutenus mais qu'il conviendrait de compléter par l'adoption d'une démarche évaluative.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent avec satisfaction l'orientation consistant à développer des « projets pilotes régionaux » faisant intervenir les partenaires de terrain et pouvant favoriser, de ce fait, un effet de levier susceptible de démultiplier les moyens consacrés à chaque projet. Cette évolution correspond par ailleurs à l'esprit même des interventions financées par le programme qui porte notamment sur la diffusion de bonnes pratiques à partir de pilotes.

Il restera à vérifier que l'émergence d'une matrice régionale débouchera effectivement sur un renforcement des ressources et qu'elle aboutira à la préservation des équilibres locaux d'intervention du CAS-DAR .

3. Le CAS-DAR et l'agriculture biologique, un mariage à mieux consommer

Le développement de l'agriculture biologique conduit logiquement les exploitants concernés à contribuer de plus en plus aux recettes du CAS.

Cependant, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne dispose pas d'estimations relatives à la part des recettes du CAS assise sur le chiffre d'affaires de la production biologique.

Il faut à ce propos regretter que l'Agence bio qui informe sur les succès de l'agriculture biologique et la progression du chiffre d'affaires final correspondante (9,7 milliards d'euros en 2018) ne donne pas d'indication quant au chiffre d'affaires résultant du passage au bio pour les exploitants agricoles.

Sans céder à une étroite logique du juste retour, il serait intéressant de mesurer la contribution assise sur ce chiffre d'affaires pour apprécier l'effort comparatif consacré dans le cadre du CAS-DAR à l'agriculture biologique.

Interrogé sur ce dernier point, le ministère a fait valoir que, pour ce qui concerne les dépenses du compte, l'agriculture biologique aurait bénéficié d'engagements à hauteur de 10,8 millions d'euros, soit 8,2 % des engagements de l'ensemble des deux programmes.

Sur le programme 775 , l'agriculture biologique et ses filières auraient été soutenues principalement via les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) coordonnés par les chambres régionales d'agriculture et par les programmes annuels des organismes nationaux à vocation agricole et rural (ONVAR). En outre, elle aurait bénéficié de plusieurs formes d'intervention à travers les appels à projets suivants :

- l'appel à projets « Animation des groupements d'intérêts économique et environnemental (GIEE) » appuie des collectifs d'agriculteurs en transition écologique dont certains sont en agriculture biologique ou se convertissent à l'agriculture biologique.

- l'appel à projet « Animation régionale des partenariats pour l'innovation et le développement agricole (ARPIDA) » renforce la multi-performance des exploitations agricoles dans le cadre de projets multi-partenaires associant certains organismes promouvant l'agriculture biologique.

Un montant total de 4,28 millions d'euros (soit 6,6% du total des engagements du programme 775), répartis de la façon suivante est mentionné :

- 2 891 670 euros pour les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) mis en oeuvre par les chambres d'agriculture ;

- un total de 989 530 euros pour les programmes annuels des ONVAR, dont 700 000 euros pour le programme annuel de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) ;

- un total de 300 000 euros pour l'appel à projets « Animation des GIEE » ;

- un total de 100 000 euros dans le cadre de l'appel à projets « ARPIDA ».

Sur le programme 776, l'agriculture biologique a été soutenue via les programmes annuels des instituts techniques agricoles (ITA) et une action thématique transversale dédiée coordonnée par l'ACTA et via des projets lauréats d'appels à projets. En 2018, un montant d'engagements de 6,49 millions d'euros (soit 9,4% du total des engagements du programme 776) , est mentionné répartis de la façon suivante :

- un total de 3 949 686 euros d'autorisations d'engagement pour les programmes annuels et l'action thématique transversale commune aux différents ITA, dont 1 024 952 euros pour le programme annuel de l'institut technique de l'agriculture biologique (ITAB) et 714 324 euros pour l'action thématique transversale consacrée à l'agriculture biologique ;

- un total de 2 536 077 euros d'autorisations d'engagement pour soutenir des projets consacrés à l'agriculture biologique, lauréats de différents appels à projets(voir l'encadré ci-dessous).

Appels à projets agriculture biologique du programme 776

Appel à projets de développement agricole et rural « d'innovation et de partenariat ». Cet appel à projets vise à mobiliser les acteurs du développement agricole et rural sur des actions de recherche appliquée et d'innovation permettant d'apporter des résultats ou des outils rapidement transférables vers le développement et la production agricole. En 2018, deux projets portant sur l'agriculture biologique ont été lauréats pour un montant total de de subvention de 991 127 euros (un projet porté par l'ACTA et un projet porté par l'ITAB). En 2019, 3 projets ont été désignés lauréats pour un montant total de subvention de 1 467 790 euros (un porté par l'institut de l'élevage (IDELE), un par l'ACTA et un par la FNAB) ;

Appel à projets « expérimentation, méthode et outils ». Cet appel à projets opéré par FranceAgrimer vise à renforcer l'efficacité économique des filières en contribuant à la mise en place d'une politique de développement durable en appui au projet agro-écologique pour la France. En 2018, 7 projets portant sur l'agriculture biologique ont été lauréats pour un montant total de subvention de 1 043 050 euros (deux projets portés par l'ITAB, un par l'institut français de la vigne et du vin (IFV), deux par des chambres régionales d'agriculture, deux par des stations expérimentales). En 2019, 5 projets ont été désignés lauréats pour un montant de 541 181 euros (quatre projets portés par des stations expérimentales et un par une fédération régionale des agriculteurs biologiques) ;

Appel à projets européen Core Organic Cofund . Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est partenaire de l'ERA Net Core Organic Cofund . Ce consortium de 24 ministères ou agences de financement de la recherche issues de 21 États membres de l'Union européenne a pour objectifs d'améliorer la base des connaissances et de développer l'innovation pour soutenir le développement de l'agriculture biologique au niveau européen. Sur 12 projets lauréats, 9 impliquent des équipes françaises . Le financement des équipes françaises est assuré par l'implication de chercheurs de l'INRA, par 380 000 euros de contreparties européennes et par le CASDAR à hauteur de 501 900 euros. Ces crédits permettent de financer des projets éligibles au CASDAR impliquant des instituts techniques (CTIF, IDELE, ITAB) et des acteurs du secteur agricole (groupe de recherche en agriculture biologique « GRAB », entreprises privées).

Les estimations fournies peinent parfois à convaincre dans la mesure où certains financements cités comme ressortissant des aides à l'agriculture biologique ne le sont que parce que cette dernière n'est pas entièrement étrangère aux bénéficiaires. En outre, on peut s'étonner que l'avant-garde de la transition agro-écologique ne mobilise qu'une proportion de l'ordre de 10 % des soutiens d'un mécanisme destiné à soutenir la transition agro-écologique.

À cet égard, doit être particulièrement regrettée la proportion trop réduite des crédits du programme 775 consacrée à cette thématique.


* 36 Sur la base du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) fixé par l'agence pour le développement agricole et rural (ADAR). Conformément à l'article R. 822-1 du code rural et de la pêche maritime, les actions relevant du PNDAR peuvent faire l'objet d'une subvention financée par le CAS-DAR.

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