SOUS-TITRE II
SIMPLIFIER LEURS DÉMARCHES ADMINISTRATIVES

Article 13
Droit au compte pour les mineurs isolés

L'article 13 vise à étendre le « droit au compte » à tout mineur étranger dont les parents ne résident pas sur le sol français.

L'article L. 312-1 du code monétaire et financier fixe actuellement la liste des personnes ayant droit à l'ouverture d'un compte de dépôt dans l'établissement de crédit de leur choix, sous réserve d'être dépourvu d'un tel compte en France.

Dès lors que le droit au compte concerne déjà « toute personne physique ou morale domiciliée en France » , le rapporteur estime que le droit en vigueur permet déjà juridiquement l'exercice du « droit au compte » par des mineurs étrangers domiciliés en France, y compris si leurs parents ne résident pas sur le sol français. La possibilité de demandes d'exercice du « droit au compte » au nom d'une personne mineure est d'ailleurs rappelée par le dernier alinéa du A de l'article 1 er de l'arrêté du 31 juillet 2015 fixant la liste des pièces justificatives pour l'exercice du droit au compte auprès de la Banque de France.

Selon les informations recueillies par le rapporteur auprès de la Fédération bancaire française (FBF), le principal problème est d'ordre pratique et concerne les obligations d'identification et de vérification de l'identité des mineurs isolés étrangers.

En effet, la réglementation bancaire 46 ( * ) impose à ces établissements d'identifier leur client et de vérifier les éléments d'identification soit en ayant recours à des moyens d'identification électronique, soit sur présentation d'un document officiel d'identité en cours de validité comportant la photographie de la personne.

Les mineurs étrangers n'ayant pas besoin de titre de séjour pour justifier de la régularité de leur présence sur le territoire, ils ne disposent généralement pas de document officiel permettant d'attester de leur identité délivré par les autorités françaises (et ils ne disposent que dans de rares cas d'un passeport, d'une carte d'identité ou d'une carte consulaire délivrés par l'État dont ils sont ressortissants).

Le justificatif dont disposent les mineurs étrangers est donc souvent uniquement un document délivré par le conseil départemental qui les a recueillis. Les établissements bancaires éprouvent ainsi des difficultés pour considérer que ce document répond bien aux exigences de la réglementation qui leur impose de s'assurer de l'identité de leur client :

- le format du document n'est pas réglementé ni uniforme, ce qui rend difficile l'évaluation de l'authenticité du document (la présentation diffère ainsi d'un conseil départemental à un autre, elle n'est pas toujours sur papier à en-tête) ;

- la photographie du mineur est agrafée sur ce document, le rendant aisément falsifiable.

La principale difficulté rencontrée par les mineurs étrangers pour ouvrir un compte ne tient donc pas à la rédaction actuelle de la loi, mais est d'ordre pratique . Elle requiert une meilleure concertation entre les réseaux bancaires et les services départementaux en charge de la protection des MNA, initiative qui mériterait d'être coordonnée par la « mission mineurs non accompagnés » en place au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice.

La commission n'a pas adopté l'article 13 de la proposition de loi.

Article 14
Délivrance d'un certificat d'authentification
de titre d'identité par les douanes

L'article 14 vise à prévoir la délivrance obligatoire d'un « certificat d'authentification de titre d'identité » par les services de douanes, lors d'un premier contrôle.

Il s'agirait selon les auteurs de la proposition de loi « de simplifier les démarches administratives des mineurs isolés étrangers, notamment en cas de dysfonctionnement de leurs services consulaires ».

L'innovation juridique proposée ne semble ni opérationnellement possible, ni juridiquement souhaitable :

- les services des douanes ne sont pas compétents pour vérifier l'authenticité des actes d'état civil qui leur sont soumis. Cette responsabilité échoit aux consulats, aux forces de sécurité intérieure et aux préfectures ;

- la rédaction proposée est trop large (elle ne concernerait pas seulement les MNA mais bien tout étranger contrôlé sur le territoire), elle aurait une portée juridique incertaine (quelle valeur probatoire exacte aurait le certificat par rapport au titre d'identité ?), et poserait de très importantes difficultés opérationnelles (comment le certificat serait-il attaché au titre d'identité ? ne serait-il pas facilement falsifiable à son tour ?) ;

- au final, une telle procédure ne manquerait pas d'inciter à la fraude et de susciter l'intérêt des filières d'immigration illégale .

En tout état de cause, le droit existant prévoit déjà qu'en cas de doute sur l'état civil d'un mineur non accompagné confié à l'aide sociale à l'enfance, c'est au préfet qu'il appartient de renverser par tous moyens la présomption de validité qui bénéficie aux actes d'état civil étrangers (article 47 du code civil).

La commission n'a pas adopté l'article 14 de la proposition de loi.

Article 15
Admission exceptionnelle au séjour des mineurs isolés
recueillis par l'ASE après leurs 16 ans et en formation professionnelle

L'article 15 vise à faciliter l'admission exceptionnelle au séjour des mineurs isolés recueillis par l'ASE après leurs 16 ans et intégrés dans des cursus professionnalisant.

Les mineurs étrangers confiés aux services de l'ASE au plus tard à l'âge de 16 ans disposent d'une voie d'accès spécifique au séjour grâce à la délivrance, de plein droit, d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » (2° bis de l'article L. 313-11 du CESEDA 47 ( * ) ).

Il en va différemment pour les MNA confiés à ces services après l'âge de 16 ans : pour eux, la délivrance d'un titre relève alors de l'admission exceptionnelle au séjour (article L. 313-15 du CESEDA). Il s'agit d'une délivrance discrétionnaire par l'autorité préfectorale à titre exceptionnel »), sous réserve de remplir certaines conditions (dont notamment l'inscription à une formation professionnelle depuis au moins six mois) 48 ( * ) .

L'article 15 de la proposition de loi supprimerait tant le caractère exceptionnel de la délivrance du titre que la condition de durée de six mois de la formation suivie nécessaire pour déposer une demande.

Ces modifications ne semblent pas opportunes au rapporteur : la commission des lois du Sénat a régulièrement rappelé que l'admission exceptionnelle au séjour, très contestée dans son principe même, devait rester une compétence discrétionnaire du préfet, limitée, et appréciée au cas par cas en fonction des perspectives concrètes d'intégration des étrangers concernés . À l'inverse, adopter cet article de la proposition de loi tendrait à généraliser l'attribution de titres de séjours aux jeunes apprentis étrangers, à leur majorité, en amoindrissant les pouvoirs de contrôle de l'autorité préfectorale.

Au surplus, interrogé par le rapporteur sur ce sujet, le ministère de l'intérieur l'a informé que, pour favoriser l'intégration des MNA qui ont vocation à se maintenir sur le territoire après leur majorité, le Gouvernement a annoncé, le 6 novembre 2019 la publication d'une circulaire permettant aux préfets d'examiner de manière anticipée le droit au séjour des mineurs étrangers confiés à l'ASE . L'objectif est de sécuriser ainsi en amont la situation administrative de ces jeunes, par un examen anticipé du droit au séjour dès 16 ou 17 ans, pour éviter les ruptures de droits.

La commission n'a pas adopté l'article 15 de la proposition de loi.

*

* *

La commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi n° 311 (2019-2020) visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution , la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi.


* 46 Articles L. 561-5 et R. 561-5-1 du code monétaire et financier et directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme

* 47 Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 48 La délivrance est également subordonnée au caractère réel et sérieux du suivi de ladite formation, à la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine, et à l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion. Ils peuvent obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » (en vue de l'exercice d'une activité sous contrat de travail à durée indéterminée) ou la mention « travailleur temporaire» (en vue de l'exercice d'une activité sous contrat de travail à durée déterminée).

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