COMMENTAIRES D'ARTICLES

ARTICLE 1ER
DIVERSES HABILITATIONS À LÉGIFERER PAR ORDONNANCES
POUR FAIRE FACE À L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19

A. LE CADRE GÉNÉRAL DES HABILITATIONS

1. Les finalités des ordonnances

Tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, l'article 1 er comprend 15 habilitations à légiférer par ordonnances, contre 28 dans le projet de loi initial .

D'après le Gouvernement, ces ordonnances poursuivent trois principales finalités :

- faire face aux conséquences, notamment administratives, de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ;

- garantir le maintien des compétences et des moyens nécessaires à la continuité de l'exercice des missions militaires et de service public ;

- assurer la poursuite de l'activité économique.

Les sujets abordés sont toutefois très divers et souvent dénués de ligne directrice .

Sur le plan technique, les habilitations permettent d'étendre et d'adapter les dispositions des ordonnances aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, régies par le principe de spécialité législative.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, les députés ont supprimé l'habilitation « balai » , qui aurait permis de reporter jusqu'au 1 er janvier 2022 la date d'entrée en vigueur ou d'application de toute disposition législative ou expérimentale.

Reconnaissant lui-même le caractère trop large de cette habilitation, le Gouvernement a proposé d'inscrire les dispositions correspondantes « en clair », dans des articles additionnels après l'article 1 er .

2. Des dispositions pouvant être rétroactives

Les dispositions des ordonnances pourraient avoir un effet rétroactif et entrer en vigueur, « si nécessaire, à compter du 12 mars 2020 » 27 ( * ) .

Pour le Conseil d'État, « il s'agit là d'une faculté, dont la mise en oeuvre est subordonnée à une condition de nécessité ». Selon lui, « le principe et l'étendue de la rétroactivité » devront faire l'objet, de la part du Gouvernement, « d'un examen attentif au cas par cas, au vu des justifications apportées » 28 ( * ) .

L a commission a supprimé cette disposition ( amendement COM-52 du rapporteur) , faute pour le Gouvernement d'avoir explicité les mesures auxquelles il envisage de conférer un caractère rétroactif. Si elle n'exclut pas qu'une portée rétroactive puisse, dans certains cas, se justifier, elle demande au Gouvernement, d'ici la séance publique, de dresser la liste des mesures rétroactives afin de pouvoir décider, au cas par cas, de leur opportunité.

3. Le délai d'habilitation

Le Gouvernement serait habilité à légiférer par ordonnances pour une durée de six mois à compter de la publication de la présente loi. Le Conseil d'État a considéré ce délai comme « très opportun » car permettant, « au stade de l'examen des projets d'ordonnance, une meilleure organisation du travail du Gouvernement comme celui des formations consultatives du Conseil d'État ».

Sur proposition du rapporteur, la commission a toutefois réduit ce délai de six à trois mois (amendement COM-52) , pour deux raisons :

- ce projet de loi étant motivé par l'urgence , ses dispositions doivent entrer en vigueur rapidement ;

- la discussion parlementaire a permis de réduire drastiquement le nombre d'habilitations .

4. La dispense de consultation

Le projet de loi dispense le Gouvernement de « toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire » .

Cette dispense générale s'inspire de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et constitue, selon le Conseil d'État, « un choix d'opportunité qui reste justifié par les circonstances présentes » 29 ( * ) .

Elle ne couvre pas les obligations prévues par une loi organique : à titre d'exemple, l'Assemblée de la Polynésie française devra toujours être consultée sur les projets d'ordonnance qui « introduisent, modifient ou suppriment des dispositions particulières » à cette collectivité 30 ( * ) .

Au cours de ses travaux, la commission des lois a supprimé cette dispense de consultation (amendements COM-53 du rapporteur et COM-19 d'Éric Kerrouche) : pendant la rédaction de ses ordonnances, le Gouvernement aura l'obligation de consulter les instances prévues par les lois et règlements.

Ce choix s'explique par la réduction du nombre d'habilitations prévues par cet article mais également par le développement de la visioconférence 31 ( * ) , qui permet aux instances consultatives de continuer à travailler malgré l'état d'urgence sanitaire.

Ces consultations restent utiles pour recueillir l'avis des parties prenantes et mieux évaluer l'impact des ordonnances . Tel est par exemple le cas des avis du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP).

5. Le délai pour le dépôt des projets de loi de ratification

À compter de la publication de chaque ordonnance, le Gouvernement disposerait d'un délai de trois mois pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.

La commission a réduit ce délai de trois à deux mois (amendement COM-54 du rapporteur) , s'inspirant du dispositif retenu par la loi d'urgence du 23 mars 2020.

Les projets de loi de ratification doivent être déposés le plus rapidement possible afin de permettre au Parlement d'en débattre.


* 27 Pour mémoire, l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a également retenu la date du 12 mars 2020 comme début de la crise sanitaire. Cette date ne doit pas être confondue avec le début de l'état d'urgence sanitaire (23 mars 2020).

* 28 Conseil d'État, 4 mai 2020, avis n° 400 060 sur le projet de loi.

* 29 Avis précité du Conseil d'État.

* 30 Article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 31 Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire.

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