B. L'ANNÉE 2021 CONNAÎTRA UN DÉFICIT ÉGALEMENT CONSIDÉRABLE, MAIS DONT LE NIVEAU RESTE SOUMIS À DE NOMBREUSES INCERTITUDES

Le projet de loi de finances prévoit une réduction du déficit budgétaire de l'État en 2021 , qui atteindrait 152,7 milliards d'euros, soit une amélioration de 70,1 milliards d'euros par rapport au niveau désormais prévu à 222,9 milliards d'euros en 2020. Comme on l'a vu, cette estimation ne prend toutefois pas en compte les éventuelles conséquences du nouveau confinement sur la rapidité de la reprise en 2021.

1. Le déficit budgétaire s'améliorerait à condition que la « seconde vague » de la crise n'accentue pas le coup de ciseau entre chute des recettes et augmentation des dépenses

Le déficit budgétaire serait donc comparable aux niveaux records atteint pendant la crise financière de 2009 et 2010, après avoir été très supérieur à ces niveaux en 2020.

Évolution du solde budgétaire de l'État depuis 2007

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

L'amélioration relative du solde budgétaire en 2021 tiendrait au rebond de la conjoncture , qui améliorerait les recettes, comme à la diminution relative des dépenses , malgré le lancement du plan de relance.

Évolution du déficit budgétaire de l'État entre 2020 et 2021

(en milliards d'euros)

PSR : prélèvements sur recettes. L'effet retour de la réforme des impôts de production sur les recettes d'impôt sur les sociétés est intégré ici dans le coût de la réforme des impôts de production et non dans le rebond des recettes fiscales.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

La chute des recettes fiscales ayant été le résultat, pour l'essentiel, de la période de confinement au printemps 2020, elles devraient connaître logiquement une croissance nette en 2021. Le rebond des recettes fiscales en 2021 dû à l'amélioration du contexte macroéconomique est estimé par le projet de loi de finances à 30,6 milliards d'euros, par rapport à l'estimation révisée présentée pour 2020 dans le cadre du même projet de loi de finances. Cela représente une augmentation de 29,2 milliards d'euros si on en soustrait une partie de l'augmentation de l'impôt sur les sociétés qui ne dépend pas de la conjoncture, mais résulte des effets mécaniques de la réforme des impôts de production sur les bénéfices des entreprises. Le rebond devrait être plus important par rapport à l'estimation du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui prévoit une augmentation de 9,9 milliards d'euros des remboursements et dégrèvements.

Le coût de la diminution des impôts de production est, en chiffres bruts, de 10 milliards d'euros, soit 8,6 milliards d'euros en y incorporant l'effet retour, positif pour l'État, sur le rendement de l'impôt sur les sociétés.

S'agissant des dépenses , le plan de relance entraînerait des dépenses de 22,0 milliards d'euros en 2021, mais la fin du plan d'urgence, reports de crédits mis à part, entraînerait une diminution des dépenses liées à la crise sanitaire. Toutefois les dépenses des ministères, même non liées à la crise, poursuivraient leur augmentation pour un montant supérieur à 10 milliards d'euros.

Les prévisions sont tout autant incertaines pour les dépenses que pour les recettes : comme il a déjà été indiqué, une prolongation de la crise dans sa phase la plus intense pourrait nécessiter la poursuite ou la reprise en 2021 des dispositifs d'urgence, qu'il s'agisse d'aider les ménages soumis à une perte de revenus, notamment les personnes précaires, ou les entreprises contraintes à l'arrêt. Dans ce cas le besoin de mesures de soutien augmenterait, mais le coût budgétaire du plan de relance pourrait, en revanche, être paradoxalement réduit si les entreprises n'étaient pas en capacité de développer leur production ou de trouver des consommateurs.

Les recettes et les dépenses de l'État prévues par le projet de loi de finances pour l'exercice 2021 font l'objet d'une présentation plus approfondie dans les sections suivantes.

2. La charge de la dette restera basse mais la menace de l'endettement s'intensifie à terme

L'impact sur les finances de l'État en 2020 et 2021 serait donc encore plus important que pendant la crise de 2009-2010 , ce qui ne saurait surprendre étant donné la gravité exceptionnelle du choc, mais il survient alors que la situation des finances de l'État était déjà dégradée .

En effet, le déficit budgétaire, après la crise financière, n'a jamais retrouvé son niveau antérieur et a même augmenté nettement en 2019, sous l'effet de la transformation du crédit d'impôt compétitivité entreprise (CICE) en baisse de charges.

En conséquence, l'encours de la dette négociable de l'État, qui atteignait un niveau de 1 796,7 milliards d'euros à la fin de 2019, était, à la veille de la crise actuelle, supérieure de 80 % à son niveau de la fin 2008 (1 000,3 milliards d'euros) 115 ( * ) .

Sur l'ensemble de l'année 2020, elle devrait connaître un accroissement historique de 11,4 %. Dès le mois d'août elle a dépassé pour la première fois le seuil de 2 000 milliards d'euros.

L'accroissement de la dette ne se fait pas encore sentir sur la charge qu'elle entraîne sur le budget de l'État. Celle-ci a poursuivi et même amplifié son mouvement de baisse en 2020, sous l'effet du maintien de taux bas qui permettent de refinancer la dette existante à moindre coût mais aussi d'une inflation nettement plus faible qu'anticipé, en raison de la forte baisse des prix du pétrole intervenue au printemps 2020. La prévision de charge de la dette au titre de 2020, qui était de 38,1 milliards d'euros en loi de finances initiale, n'est plus que de 35,8 milliards d'euros.

En 2021, le projet de loi de finances prévoit une légère augmentation de la charge de la dette , qui passerait à 36,4 milliards d'euros. Cette augmentation se fonde sur un scénario de remontée des taux longs, avec un taux à 10 ans attendu à 0,20 % fin 2020 et 0,70 % fin 2021. Des taux moins élevés pourraient donc conduire à une nouvelle réduction de la charge de la dette par rapport aux estimations, ainsi que cela a été précédemment rappelé.

Évolution de la charge de la dette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires ; charge de la dette hors SCNF Réseau, programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État »)

En revanche, l'accroissement du stock de dette a un impact sur le refinancement des OAT arrivant à terme, qui s'ajoute chaque année à la nécessité de financer le déficit de l'année. C'est donc un montant de plus en plus élevé de dette qui doit être émis par l'Agence France Trésor chaque année. Le montant des émissions d'OAT sera en 2021, comme en 2020, de 260 milliards d'euros . Il est désormais égal au montant des recettes fiscales nettes de l'État, alors qu'il était deux fois inférieur avant la crise de 2009-2010 : l'État français se finance désormais autant par l'endettement que par l'impôt .

Évolution comparée des émissions d'OAT
et des recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

La diminution de la charge de la dette ne doit donc pas masquer le risque latent que fait peser l'accumulation du stock de la dette sur les marges financières de l'État le jour où les taux d'intérêt augmenteront, surtout si l'État ne parvenait plus à réaliser chaque année un programme d'émission d'obligations aussi massif. Il est nécessaire de s'inquiéter de la capacité qu'aurait l'État à répondre, sur son budget, à une nouvelle crise dans les dix années à venir.


* 115 Projets annuels de performance de la mission « Engagements financiers de l'État » annexés aux projets de loi de règlement pour 2011 et de finances pour 2021.

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