III. LE PROGRAMME 364 « COHÉSION », DOTÉ DE 11,4 MILLIARDS D'EUROS, SOUTIENT PRINCIPALEMENT L'EMPLOI ET LES JEUNES

Le programme 364 « Cohésion » est doté de 12,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 11,4 milliards d'euros en crédits de paiement.

Deux des huit actions, à savoir l'action 01 « Sauvegarde de l'emploi » et l'action 02 « Jeunes », représentent environ 70 % des autorisations d'engagement et 80 % des crédits de paiement.

Crédits par action du programme 362

(en millions d'euros)

PLF 2021

en % du programme

01 - Sauvegarde de l'emploi

AE

4 988,0

41,6%

CP

4 988,0

43,7%

02 - Jeunes

AE

3 465,7

28,9%

CP

4 179,4

36,6%

03 - Handicap

AE

100,0

0,8%

CP

93,4

0,8%

04 - Formation professionnelle

AE

1 476,0

12,3%

CP

1 314,0

11,5%

05 - Recherche

AE

428,0

3,6%

CP

286,0

2,5%

06 - Coopération sanitaire

AE

50,0

0,4%

CP

50,0

0,4%

07 - Cohésion territoriale

AE

1 290,0

10,8%

CP

413,0

3,6%

08 - Soutien aux personnes précaires

AE

199,5

1,7%

CP

86,5

0,8%

Total programme 364

AE

11 997,2

100,0 %

CP

11 410,3

100,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

A. SAUVEGARDE DE L'EMPLOI

L'action « Sauvegarde de l'emploi » constitue en volume la principale action du programme « Cohésion », avec 5,0 milliards d'euros prévus en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Elle permet le financement de trois dispositifs :

- l'activité partielle ;

- l'activité partielle de longue durée ;

- la formation des salariés en activité partielle.

1. L'activité partielle : un instrument de soutien qui a démontré son efficacité durant la crise sanitaire

Comme la commission des finances l'a déjà souligné lors de l'examen des projets de lois de finances rectificatives qui se sont succédé au cours de l'année 2020, les mesures d'activité partielle (ou « chômage partiel ») constituent un instrument essentiel de soutien à l'économie.

Pour mémoire, le dispositif d'activité partielle , prévu par les articles L. 5122-1 et suivants du code du travail, vise à permettre aux entreprises en situation difficile de réduire ou suspendre temporairement leur activité tout en maintenant dans l'emploi leurs salariés , le temps de retrouver une situation plus favorable. Le salarié reçoit dans ce cadre une indemnisation versée par l'employeur fixée, jusqu'à récemment, à 70 % de son salaire brut (soit 84 % du salaire net) pour tous les salariés. En retour, l'employeur perçoit une allocation qui, avant la crise, était forfaitaire et permettait de prendre en charge les indemnités au niveau du Smic. Durant la crise sanitaire, l'allocation est devenue proportionnelle à l'indemnité versée, avec un taux de prise en charge égal à 100 % des indemnités afférentes aux salaires allant jusqu'à 4,5 Smic (70 % du salaire brut), avant d'être abaissée à compter du 1 er juin 2020 à 60 % du salaire brut (soit un reste à charge de 15 %). D'autres modifications ont été apportées par ordonnances et par décrets au dispositif de droit commun, permettant notamment un élargissement important des publics pouvant être couverts par le dispositif (voir encadré ci-dessous).

Le dispositif exceptionnel d'activité partielle durant la crise sanitaire

En France, le code du travail autorisait dès avant le déclenchement de la crise le placement de salariés en activité partielle en cas de fermeture temporaire de leur établissement ou de réduction de leur temps de travail 78 ( * ) . Afin d'éviter une vague de licenciements liée à l'effondrement de l'activité durant la crise sanitaire, le Gouvernement, à l'instar de l'essentiel des pays européens, a déployé un effort financier exceptionnel en faveur de ce dispositif. Les paramètres du dispositif ont été revus par rapport au droit commun pour rendre le dispositif plus généreux. Une série d'ordonnances 79 ( * ) et de mesures réglementaires 80 ( * ) ont sensiblement modifié le dispositif initial pour :

- accélérer les procédures , avec l'instauration d'un principe de « silence vaut acceptation » 48 heures après la demande d'autorisation préalable de placement en activité partielle ;

- porter la prise en charge par l'État et l'Unédic à 100 % du coût des indemnités d'activité partielle versées par l'employeur afférentes aux rémunérations allant jusqu'à 4,5 SMIC brut . Dans le dispositif ordinaire, celle-ci était forfaitaire et ne permettait de couvrir que l'indemnité au niveau du SMIC, le solde étant à la charge de l'employeur. L'indemnisation du salarié demeure quant à elle inchangée par rapport au droit commun à 70 % de son salaire brut (soit environ 84 % du salaire net) et ne pouvant être inférieure au SMIC ;

- étendre le champ des salariés éligibles au dispositif , pour y inclure notamment les salariés de droit privé de certaines entreprises publiques (par exemple la RATP et la SNCF), les salariés employés à domicile et assistants maternels ou encore les salariés en forfaits heures et en forfait jours. Il est par ailleurs à noter que la loi de finances rectificative du 25 avril 2020 81 ( * ) a prévu le placement en activité partielle à compter du 1 er mai 2020 des salariés vulnérables ou cohabitant avec des personnes vulnérables, ainsi que les parents d'enfants de moins de seize ans sans solution de garde, jusqu'ici couverts par le régime des indemnités journalières financé par l'employeur et l'assurance maladie.

Source : Emmanuel CAPUS et Sophie TAILLÉ-POLIAN, Note de suivi des mesures de crise dans le domaine du travail et de l'emploi du 17 juillet 2020 à destination des membres de la commission des finances

Face à un choc économique, les mesures d'activité partielle (ou « chômage partiel ») favorisent ainsi l'ajustement des entreprises par les salaires plutôt que par les licenciements, ce qui garantit la préservation du capital humain et doit faciliter in fine la reprise de l'activité.

Ainsi, la destruction de 22,4 millions d'emplois salariés au mois d'avril 2020 aux États-Unis 82 ( * ) (14,6 % de l'emploi salarié total) s'explique notamment par l'absence de recours à des mesures de chômage partiel, contrairement à la plupart des pays européens.

L'effort financier en faveur de ce dispositif a été massif en France durant la crise sanitaire. Les crédits ouverts en lois de finances rectificatives successives s'élèvent à 22,6 milliards d'euros pour ce qui concerne la contribution de l'État, soit un total de 33,9 milliards d'euros alloués au dispositif en 2020.

Il est à noter que le coût global du dispositif pour les finances publiques est encore plus élevé en tenant compte des moindres recettes pour les administrations de sécurité sociale et pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) au titre des exonérations applicables aux indemnités d'activité partielle.

À la date du 4 octobre 2020, plus d'un million d'entreprises ont effectivement reçu une indemnisation pour leurs heures chômées sur les mois de mars à août 2020 pour un montant total de 18,4 milliards d'euros versés (dont 44 % au titre du seul mois d'avril). Selon les estimations de la DARES, jusqu'à 8,6 millions de salariés auraient été placés en activité partielle au cours du seul mois d'avril, soit 44 % des salariés du secteur privé.

Estimation du nombre de salariés placés en activité partielle
depuis mars 2020

(en millions)

Source : DARES, situation sur le marché du travail au 27 octobre 2020

2. L'activité partielle de longue durée : un instrument utile pour accompagner la reprise dans les secteurs les plus sinistrés par la crise

Afin de s'adapter au contexte de la reprise, le Gouvernement a décidé de ressusciter le dispositif d' « activité partielle de longue durée (APLD) » 83 ( * ) , qui avait été institué au lendemain de la crise de 2009 et fusionné, dans un souci de simplification, avec l'activité partielle « classique » en 2013 84 ( * ) .

L'entrée dans le dispositif sera soumise soit à la conclusion d'un accord d'entreprise, soit à l'élaboration d'un document par l'employeur conformément à un accord de branche. Cet accord ou ce document doit ensuite être homologué par la DIRECCTE (avec un contrôle renforcé dans le second cas).

L'accompagnement passera par une indemnisation majorée 85 ( * ) des heures chômées par rapport au droit commun et des allocations afférentes par rapport à l'activité partielle de droit commun, sur une période d'autorisation plus longue 86 ( * ) . Contrairement à celle-ci, son bénéfice sera conditionné à la formalisation d'engagements spécifiques de l'employeur en termes de maintien de l'emploi 87 ( * ) .

Début octobre 2020, quatre accords de branches professionnelles ont déjà été conclus. Il est à noter que la branche de la métallurgie s'est très rapidement saisie de cet outil. Un accord de branche a fait l'objet d'un arrêté d'extension le 25 août 2020, ce qui permet aux entreprises dès à présent de mettre en oeuvre l'APLD en prenant des documents unilatéraux en application de cet accord. Une vingtaine d'autres branches sont en cours de négociation ou projettent des négociations 88 ( * ) .

3. Des incertitudes sur le coût du dispositif en 2021, qui dépendra de l'évolution de la situation sanitaire

La mission « Plan de relance » prévoit d'allouer 4,4 milliards d'euros de crédits budgétaires au titre de ces deux dispositifs d'activité partielle, la ventilation entre les deux n'étant pas précisée. En tenant compte de la contribution de l'Unédic, l'enveloppe totale prévue est de 6,6 milliards d'euros en AE et en CP . Cette budgétisation se fonde sur une évaluation à 1 million du nombre de salariés placés en activité partielle, sur 45 % du nombre d'heures habituellement travaillées pendant un an.

L'action « Sauvegarde de l'emploi » prévoit également, conformément à un engagement du Gouvernement, la prise en charge d'une partie des coûts de formation des salariés en activité partielle via le FNE-Formation. Une enveloppe de 588 millions d'euros est prévue, devant concerner 225 000 salariés.

Ces estimations sont toutefois affectées d'incertitudes à deux titres au moins.

Premièrement, les estimations du nombre de salariés placés en activité partielle dépendront nécessairement des évolutions de la situation sanitaire et d'éventuelles mesures de fermetures administratives en 2021. L'estimation ici proposée impliquerait que le nombre total de salariés placés en activité partielle reste toute l'année à celui constaté en septembre 2020, où le « déconfinement » était intégral.

En second lieu, elles dépendront de l'évolution des taux d'allocation , qui sont fixées par voie réglementaire et ont fait l'objet de modifications récurrentes. Suite à la décision de second confinement, le décret n° 2020-1319 du 30 octobre 2020 relatif à l'activité partielle prévoit que l'abaissement du taux horaire de l'allocation versée aux entreprises de 60 % à 36 % du salaire brut, initialement prévu pour le 1 er novembre 2020, soit reporté au 1 er janvier 2021. Ce taux de 36 % est appelé à être pérenne, mais pourrait être à nouveau remis en cause en fonction de l'évolution de la situation sanitaire.

De même, les règles de modulation du taux d'allocation en faveur des secteurs et des entreprises les plus affectées par la crise 89 ( * ) devaient prendre fin à compter du 1 er janvier 2021, mais la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire prévoit de proroger l'habilitation du Gouvernement à moduler par ordonnance le taux d'allocation en fonction des secteurs au-delà de cette date.

Évolution des taux d'indemnisation et d'allocation de l'activité partielle

Taux d'indemnisation des salariés

Taux d'allocation des employeurs

Avant le 12 mars 2020

70 % du salaire brut

Allocation forfaitaire au niveau du Smic

Du 12 mars au 31 mai 2020

70 % du salaire brut

70 % du salaire brut jusqu'à 4,5 SMIC

Du 1 er juin au 1 er janvier 2021

70 % du salaire brut

60 % du salaire brut jusqu'à 4,5 Smic

Maintien du taux à 70 % pour les secteurs et les employeurs les plus touchés par la crise

À compter du 1 er janvier 2021

60 % du salaire brut jusqu'à 4,5 Smic

36 % du salaire brut

Source : commission des finances du Sénat

4. Une intégration discutable au plan de relance

Les dispositifs d'activité partielle s'apparentent plus à un soutien - certes indispensable - à l'économie qu'à une réelle mesure de relance.

Le rapporteur spécial peut donc s'étonner du financement de cette mesure sur les crédits de la mission « Plan de relance », alors même que ce dispositif avait été financé en 2020 sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et que celle-ci est reconduite en 2020 (mais dotée de 0 euro).

Il semblerait que ce choix témoigne, une fois de plus, du souci d'atteindre artificiellement l'objectif de 100 milliards d'euros dédiés au plan de relance, et donc de faire primer l'affichage politique sur la lisibilité budgétaire.


* 78 Articles L. 5122-1 et suivants du code du travail.

* 79 Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle ; ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d'autorisation d'activité partielle ; ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

* 80 Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l'activité partielle ; décret n° 2020-435 du 16 avril 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle ; arrêté du 31 mars 2020 modifiant le contingent annuel d'heures indemnisables au titre de l'activité partielle pour l'année 2020 ; arrêté du 6 mai 2020 portant fixation des montants horaires des salaires forfaitaires servant au calcul de l'indemnité et de l'allocation d'activité partielle des marins à la pêche rémunérés à la part.

* 81 Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 82 Source : Bureau of Labor Statistics.

* 83 Article 53 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ; décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 relatif au dispositif spécifique d'activité partielle en cas de réduction d'activité durable.

* 84 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 85 L'allocation au titre de l'APLD est fixée à 60 % du salaire brut, contre 36 % pour l'activité partielle de droit commun à compter du 1 er janvier 2020.

* 86 Le placement en APLD peut durer jusqu'à 6 mois renouvelables jusqu'à atteindre un maximum de 24 mois sur une période de 36 mois, contre une période de 3 mois renouvelable une fois pour l'activité partielle de droit commun.

* 87 Dans le dispositif de droit commun, seul le renouvellement du placement en position d'activité partielle est soumis à des engagements spécifiques de l'employeur.

* 88 Transports aérien, transports routiers de voyageurs, radiodiffusion, cafétérias, huissiers de justice, commerce de détail non alimentaire, négoce et prestations médico-techniques, plasturgie, commerce de gros, commerce d'articles de sport, exploitations cinématographiques, esthétique, restauration rapide, hôtellerie de plein air, distribution de papiers cartons, négoce de l'ameublement, maisons à succursales de vente au détail d'habillement, personnel des avocats et avocats salariés, coiffure, spectacle vivant privé.

* 89 En application de l'ordonnance n° 2020-770 du 24 juin 2020 relative à l'adaptation du taux horaire de l'allocation d'activité partielle, le décret n° 2020-810 du 29 juin 2020 portant modulation temporaire du taux horaire de l'allocation d'activité partielle prévoit le maintien du taux d'allocation à 70 % du salaire brut pour les employeurs relevant des secteurs les plus affectés par la crise, dont la liste est annexée à ce décret.

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