LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté 6 amendements .

L'amendement n° II-1847 déposé par la députée Sandrine Mörch et adopté avec un avis favorable de la rapporteure spéciale et du Gouvernement, rehausse de 2 millions d'euros en AE et en CP les crédits du programme n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », en faveur des écoles de production . Il est gagé à due concurrence en AE et en CP sur le programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi ».

L'amendement n° II-2240 déposé par la rapporteure spéciale Marie-Christine Verdier-Jouclas, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, rehausse de 6 millions d'euros en AE et en CP les crédits du programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi » en faveur du financement de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » . Il est gagé à due concurrence en AE et en CP sur le programme n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

L'amendement n° II-1253 déposé par la rapporteure spéciale Marie-Christine Verdier-Jouclas, adopté avec un avis favorable du Gouvernement, ainsi que les amendements identiques n° II-2232 du député Boris Vallaud, n° II-2385 du député Didier Baichère et n° II-2401 de la députée Valérie Six rehaussent de 5 millions d'euros en AE et en CP les crédits du programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi » en faveur du financement des maisons de l'emploi . Il est gagé à due concurrence en AE et en CP sur le programme n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 4 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Travail et emploi ».

M. Claude Raynal , président . - Je salue notre collègue Frédérique Puissat, rapporteur pour avis pour la commission des affaires sociales.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Comme à l'accoutumée, ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même allons présenter à deux voix notre rapport sur les crédits demandés pour la mission « Travail et emploi ». Malgré nos divergences, nous pouvons dans certains cas porter des constats communs.

En premier lieu, nous ne pouvons que nous satisfaire de la hausse substantielle de ces crédits, qui s'élèveraient, en 2021, à 14,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 13,4 milliards d'euros en crédits de paiement. Cela représente une hausse d'environ 3 %, en rupture avec la tendance observée les années précédentes de baisse importante, puis de stabilité des crédits.

Cette augmentation apparaît d'autant plus nécessaire que la situation du marché du travail s'est brutalement dégradée. Pour ne donner qu'un chiffre, le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A a déjà progressé de près de 10 % sur un an. Tous les indicateurs sont au rouge : augmentation des plans sociaux et du nombre de personnes en sous-emploi notamment. La situation est cependant trop instable pour que je vous livre des estimations précises de l'impact de la crise sur l'emploi à ce stade. Les prévisions - déjà pessimistes - que nous évoquons dans notre rapport avaient elles-mêmes été établies avant la décision du second confinement. Une certitude cependant : les ajustements à ces chocs sur le marché du travail touchent en premier lieu les jeunes et les salariés les plus précaires. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) relève ainsi, à titre d'exemple, que seulement 76 % de l'emploi intérimaire, où ces publics sont surreprésentés, détruit à fin avril 2020 avait été recréé à fin août.

Pour faire face à la crise, la mission « Plan de relance » prévoit d'allouer près de 10 milliards d'euros supplémentaires à la politique de l'emploi. Ces crédits permettront de venir renforcer des dispositifs existants d'ores et déjà financés par la mission, comme les Parcours emploi compétence (PEC) ou la Garantie jeunes. Ce choix est, selon moi, le bon : l'heure n'était pas à l'improvisation de mesures nouvelles dans la précipitation. Le principal enjeu est bien d'être en mesure de déployer les actions le plus rapidement et le plus puissamment possible.

Je relève cependant qu'au strict plan de la lisibilité budgétaire, la situation n'est pas vraiment optimale. Prenons l'exemple de l'activité partielle : alors que le dispositif de droit commun relevait de la mission « Travail et emploi », les 21 milliards d'euros débloqués au titre des lois de finances rectificatives en 2020 ont été retracés sur un programme ad hoc de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». En 2021, aucun crédit ne figure sur ce programme puisque le dispositif sera financé par la mission « Plan de relance ».

Cette architecture permet donc difficilement aux parlementaires de connaître avec précision l'effort budgétaire que le Gouvernement entend déployer en faveur de la politique de l'emploi, pourtant cruciale pour l'année à venir. En gestion, les modalités précises du pilotage du plan de relance, qui fait intervenir la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la direction du budget, ne sont pas encore parfaitement clarifiées.

Sur le fond des politiques menées, la stratégie est sensiblement la même que les années précédentes et me semble être la bonne : concentrer les moyens sur les publics les plus fragiles grâce à des dispositifs ciblés, tout en conduisant dans le même temps des efforts structurels, notamment en matière d'effectifs.

Pour ne prendre que quelques exemples, on constate que, pour la seconde année consécutive, les crédits alloués au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui emploie des personnes rencontrant des difficultés particulièrement importantes d'accès au marché du travail, dépassent le milliard d'euros. Les crédits mobilisés en faveur des travailleurs en situation de handicap au titre des aides aux postes dans les entreprises adaptées progressent également. On relève aussi une augmentation des moyens octroyés au dispositif des emplois francs, qui vise à favoriser l'emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, même si la complète évaluation du dispositif et de ses effets d'aubaine potentiels reste à faire.

En tout état de cause, les publics concernés par ces dispositifs sont frappés de plein fouet par la crise. Plus préoccupant encore, l'expérience des crises passées indique qu'ils ne bénéficieront pas spontanément des effets de la reprise lorsqu'elle aura lieu. Il faudra les accompagner dans la durée ; ce sera notre rôle de rapporteurs spéciaux d'y veiller.

Le budget qui nous est proposé, renforcé par les crédits du plan de relance, apparaît, dans l'ensemble, sérieux et nécessaire. Je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Mon appréciation du budget qui nous est proposé pour la mission « Travail et emploi » diffère de celle portée par mon collègue.

L'augmentation de 3 % des crédits demandés pour 2021 va naturellement dans le bon sens, même s'il ne faut pas en exagérer la portée, puisqu'elle ne fait que se conformer à la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques votée en 2018.

Je partage le constat relatif au manque de lisibilité budgétaire, avec des crédits issus de deux missions distinctes. Cela a néanmoins la vertu de mettre en évidence, au-delà du renfort ponctuel de crédits issus du plan de relance, les moyens que le Gouvernement entend structurellement allouer aux politiques du travail et de l'emploi. Force est de constater qu'ils sont insuffisants et restent même nettement inférieurs à leur niveau de 2017, où ils s'élevaient à près de 17 milliards d'euros.

Un bon exemple de cette tendance concerne le financement de Pôle emploi à qui l'État donne d'une main, via le plan de relance, des crédits supplémentaires qu'il lui reprend partiellement de l'autre, en abaissant la subvention pour charges de service public financée par la mission « Travail et emploi ». On peut également déplorer que, dans le même temps, la contribution de l'Unedic au financement de Pôle emploi reste fixée à 11 %, dans la continuité de la hausse observée en 2020. On ne dira jamais assez que cette mesure revient in fine à faire supporter aux chômeurs le coût du service public de l'emploi, car c'est la nécessité d'améliorer les comptes de l'assurance-chômage, déjà lourdement affectés par la crise et la prise en charge du chômage partiel, qui, je le crains, viendra demain servir de justification à une nouvelle restriction de leurs droits.

La poursuite obstinée de l'effort de réduction des effectifs du ministère du travail m'a davantage étonnée encore. L'exercice 2021 se traduirait à nouveau par un schéma d'emploi fortement négatif, fixé à 221 équivalents temps plein (ETP) en moins, et à périmètre constant, le plafond d'emploi serait inférieur de plus de 1 100 EPT par rapport à 2017.

Pour faire face aux besoins urgents liés à la crise sanitaire, il nous a été indiqué que, comme cette année, le ministère pourrait recourir en 2021 au recrutement d'agents vacataires pour colmater les brèches, notamment dans les services déconcentrés. Ces renforts seront bienvenus, mais la méthode retenue envoie le signal paradoxal d'un ministère chargé de l'amélioration de la qualité de l'emploi, mais créateur de précarité pour ses propres agents. La forte dégradation attendue du marché du travail et ses conséquences sociales de long terme appellent, à l'inverse, une augmentation pérenne et structurelle des effectifs.

De même, on peut s'interroger sur l'urgence qu'il y avait à mener la réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE) qui concerne tout particulièrement les ministères sociaux. Je crains qu'elle n'entraîne une certaine désorganisation, à l'heure où les services doivent être entièrement occupés à la gestion des conséquences de la crise.

Il y a certes des points positifs dans ce budget, avec des moyens conséquents octroyés en faveur de l'inclusion dans l'emploi des publics les plus fragiles, notamment pour le secteur de l'IAE, même si la question de la capacité à proposer des solutions de long terme à ses bénéficiaires à l'issue des contrats d'insertion reste posée. Je pense aussi à la montée en puissance de l'expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), que je défends de longue date et qu'une proposition de loi en cours d'examen doit permettre d'étendre. Les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte doivent être examinées cet après-midi au Sénat.

En dépit de certaines avancées, la trajectoire de baisse des effectifs du ministère indique que l'esprit d'austérité semble encore dominer, en décalage de plus en plus flagrant avec la situation sociale du pays. Pour cette raison, je vous proposerai de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi » pour la commission des affaires sociales . - Je remercie les deux rapporteurs spéciaux qui, avec les mêmes chiffres, livrent un panel de propositions très différentes. Notre commission des affaires sociales, en phase d'auditions, n'a pas encore conclu sur les crédits de la mission, lesquels, à court terme, s'inscrivent dans une logique de continuité. Le plan de relance semble, s'agissant des mesures relatives à l'emploi, satisfaire les partenaires sociaux comme nos autres interlocuteurs. Des inquiétudes demeurent toutefois concernant l'équilibre des comptes sociaux et de l'Unedic. À cet égard, une réflexion sur la dissociation de la dette classique et de celle liée à la pandémie nous semble pertinente. La commission rendra son avis lors de sa réunion du 25 novembre.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Tout en les remerciant pour leur travail, je constate que nos deux rapporteurs spéciaux continuent d'avoir des positions divergentes sur les crédits de la mission. Dans le troisième projet de loi de finances rectificative, la commission des finances avait poussé à la création d'une prime à l'embauche dans le secteur marchand, pour soutenir le recrutement dans les petites et moyennes entreprises (PME). Le Gouvernement avait retenu l'idée, mais avec des critères différents : elle est destinée à toutes les entreprises, mais seulement pour les jeunes. Disposez-vous d'une première évaluation du dispositif ?

S'agissant du secteur de l'IAE, le Gouvernement s'est engagé à accompagner la création de plus de 100 000 postes supplémentaires sur cinq ans. Par ailleurs, le plan de relance prévoit d'en financer 35 000 pour la seule année 2021, exclusivement réservés à des jeunes. Est-ce bien réaliste ?

Ma troisième question porte sur les emplois francs imaginés au début du quinquennat précédent, puis abandonnés faute de succès. Après une tentative de relance, le dispositif semble à nouveau marquer le pas. Serait-ce une fausse bonne idée ?

M. Antoine Lefèvre . - Je regrette l'insuffisance des crédits destinés à l'emploi dans une période si tendue. L'an dernier, nous avions longuement débattu des missions locales et des maisons de l'emploi, sujet auquel je demeure attentif. Le Président de la République a annoncé donner la priorité à la jeunesse, mais les crédits destinés à ces structures semblent encore trop limités. La troisième vague de l'appel à projets 100 % inclusion est, hélas, décalée. Toutefois, il convient de saluer l'augmentation de 1,3 % des crédits du plan « 1 jeune, 1 solution ». Les difficultés demeurent également concernant la Garantie jeunes : seuls 60 % des objectifs annuels sont remplis. Pourquoi, dès lors, ne pas l'élargir au-delà de la seule exonération d'impôt pour le foyer du jeune ? En effet, de nombreux jeunes se trouvent, du fait de la crise, en grande difficulté. La politique de l'emploi favorise les solutions de court terme et comporte trop de dispositifs empilés : il serait utile de les concentrer davantage et de les rendre plus lisibles pour les demandeurs d'emploi comme pour les entreprises.

M. Éric Jeansannetas . - Je remercie nos rapporteurs spéciaux pour leurs analyses. Je salue l'effort budgétaire conséquent réalisé en faveur de l'accès à l'emploi, notamment au travers de l'IAE et du renforcement du plan d'investissement dans les compétences (PIC), et pour l'insertion des jeunes. Comme président des missions locales de la Creuse, je témoigne de l'engagement du personnel pour accompagner les jeunes sans qualification qui, avec la crise, affluent en nombre. Je suis particulièrement attaché aux outils locaux de la politique de l'emploi. Les missions locales ont été dotées de 100 millions d'euros supplémentaires ; je m'en réjouis. Leur action vous semble-t-elle efficace ? Le nombre de parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) et de garanties jeunes devrait augmenter, cela sera-t-il suffisant ?

Les maisons de l'emploi, hélas, ne bénéficieront en revanche pas de crédits supplémentaires, alors qu'il s'agit d'un outil intéressant, malgré des dysfonctionnements observés dans certains territoires : pour quelle raison ?

À la faveur du plan de relance, les effectifs de Pôle emploi, dont le rôle apparaît primordial en période de crise, augmenteront. Cette croissance, fondée sur des embauches sur contrat à durée déterminée (CDD), sera-t-elle pérenne ? Il le faudrait pour accompagner les chômeurs sur le long terme. Les relations entre l'opérateur et les missions locales semblent satisfaisantes, tout comme l'évolution des objectifs du Gouvernement : alors que l'ancien Premier ministre évoquait une fusion, l'actuelle ministre du travail préfère parler de coopération. Chaque opérateur peut, ainsi, travailler plus sereinement.

Je fais partie de ceux qui croient à l'utilité des emplois aidés pour favoriser l'insertion. J'approuve leur augmentation, mais, une fois de plus, cet effort sera-t-il suffisant ?

Je remercie enfin Frédérique Puissat pour ses éclairages. Les partenaires sociaux apparaissent effectivement réceptifs aux mesures du plan de relance. Il faut maintenant espérer une pérennisation de ces crédits.

M. Jérôme Bascher . - Pour les crédits de cette mission, le niveau satisfaisant serait nul. De fait, ils augmentent comme le chômage... Le Gouvernement, compte tenu de la dégradation de la situation depuis l'établissement du présent projet de loi de finances, a-t-il prévu d'amender les crédits de la mission ?

Sophie Taillé-Polian a évoqué la situation de Pôle emploi qui bénéficie de recrutements supplémentaires tout en accusant une réduction structurelle de ses effectifs. Cela pose un problème de sincérité budgétaire. D'autres petits établissements publics existent en matière de politique de l'emploi, notamment dans le domaine de la formation, sans être financés par la présente mission. Leur fusion est-elle envisagée, afin de dégager quelques économies ?

Je partage, par ailleurs, les interrogations de notre rapporteur général sur les emplois francs. Enfin, la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion a créé les contrats uniques d'insertion, dont le pluriel semble quelque peu anachronique. Ne serait-il pas temps de revoir les différents contrats d'insertion créés depuis ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Les effectifs du ministère du travail, après avoir diminué en 2019 et en 2020, enregistreront la suppression de 221 ETP en 2021. Or, le contrôle du dispositif d'activité partielle a nécessité le recrutement de 300 vacataires, par nature moins expérimentés que les agents titulaires. Avez-vous un retour sur les opérations de contrôle ? J'ai été saisie de cas d'abus ; je pense notamment au secteur du prêt-à-porter.

M. Marc Laménie . - Je remercie à mon tour nos rapporteurs spéciaux. La mission « Travail et emploi », avec 13,4 milliards d'euros de crédits de paiement, comporte un enjeu financier important. Je m'interroge, pour ma part, sur les effectifs des opérateurs, notamment de Pôle emploi, qui enregistrent une augmentation, alors que le ministère continue de supprimer des postes. Cette politique est-elle efficace sur le terrain ?

Je m'intéresse également à l'égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, sujet fréquemment évoqué par la délégation sénatoriale. Observe-t-on une évolution positive dans ce domaine ? Des moyens humains sont-ils spécifiquement dédiés à cette politique ?

J'aimerais enfin savoir si un effort serait, compte tenu de la crise sanitaire, réalisé au bénéfice des services de santé au travail, dont les effectifs sont très réduits.

Mme Christine Lavarde . - Le plan de relance injecte des milliards d'euros pour la rénovation thermique des bâtiments. Le secteur a besoin de main d'oeuvre pour répondre à la demande ; il convient d'organiser des formations en conséquence. Les cinq axes du PIC indiqués dans votre rapport spécial me laissent, hélas, à penser que nous ne serons prêts que dans cinq ou six ans : il s'agit d'abord de financer des études prospectives et des expérimentations... Investissons-nous réellement dans l'emploi ?

M. Sébastien Meurant . - Quel bilan tirez-vous de la fusion des missions locales dans les grandes agglomérations ? A-t-elle été efficace ? Disposez-vous, par ailleurs, de retours d'expérience sur le dispositif TZCLD ?

M. Michel Canevet . - Le dispositif TZCLD suscite de nombreuses attentes de la part des territoires : cinquante d'entre eux devraient rejoindre l'expérimentation en cours. Pour combien de nouveaux territoires les crédits qui y sont consacrés en 2021 permettront de lancer l'expérimentation ? Par ailleurs, le plan de retour à l'équilibre de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est-il bien avancé ? Votre rapport spécial évoque enfin la réorganisation des services déconcentrés chargés de la politique de l'emploi. Qu'en est-il concrètement ? Quel serait le calendrier de cette réforme ?

M. Christian Bilhac . - Nous savons que les difficultés et le coût du retour à l'emploi des chômeurs s'amplifient avec le temps. Aussi, au risque d'une lapalissade, il convient d'éviter le chômage de longue durée. Il existe à cet effet plusieurs dispositifs, mais la mesure TZCLD ne bénéficie qu'à quelques territoires et ses crédits restent insuffisants.

Je soutiens le recours aux contrats PEC, dont l'usage est bien maîtrisé par les élus locaux. Hélas, l'État ne participe plus à leur financement qu'à hauteur de 50 %. Au nombre de 450 000 il y a quatre ans, ils ne sont plus désormais que 100 000. Souvent critiqués, ces contrats ont le mérite de maintenir dans l'emploi et, partant, dans la dignité. J'en ai signé plusieurs pour ma commune et je déplore que les maires ne puissent plus apporter de réponse à ceux qui souhaitent travailler. Sur les dix employés de ma commune, six sont passés par un contrat aidé avant de devenir fonctionnaires titulaires : je pense avoir, sans ruiné l'État, fait oeuvre sociale et de professionnalisation. Nous avons un peu rapidement jeté l'opprobre sur ces contrats...

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Je vous remercie pour vos nombreuses questions et de votre mobilisation sur ces sujets majeurs.

Jérôme Bascher, cette mission ne finance pas seulement la politique de lutte contre le chômage, mais également la santé au travail et l'inspection du travail : même en l'absence de demandeurs d'emploi, il existera toujours une mission « Travail et emploi » ! Il est difficile d'évaluer à ce stade le dispositif d'aide à l'embauche des jeunes dans toutes les entreprises, qui vient d'être lancé. L'OFCE nous alerte cependant sur le fait que les mesures en faveur de l'emploi mériteraient d'être davantage ciblées ; cela doit nous interroger. Les objectifs fixés à l'IAE ne pourront être atteints que si nous accompagnons les structures dans leur diversité, y compris donc plus modestes et sur l'ensemble du territoire, et si nous les aidons à résister à la crise. Le montant de l'aide au poste prévue par le projet de loi de finances reste sans doute trop faible pour certains types de structures.

De nombreuses questions portent sur les missions locales. Je rappelle que les structures qui ont pris la décision de fusionner étaient volontaires. Elles nous ont fait part de leur mobilisation et des difficultés rencontrées pendant la crise et à venir, au vu de la hausse très forte des besoins d'accompagnement qui est attendue. Elles s'interrogent, en outre, sur l'évolution des indicateurs de la mission : le taux de sortie positive du parcours d'accompagnement, auquel est lié leur niveau de financement, ne prendrait plus en compte les sorties en formation professionnelle, ce qui paraît effectivement difficile à comprendre.

Avec la crise, les opérateurs ont été largement mis à contribution, mais demeurent fragilisés. L'AFPA, notamment, a joué, grâce à son offre dématérialisée de formation, un rôle important. Pourtant, la réforme et le plan social se poursuivent : 313 postes seront supprimés en 2021. M. Bascher a évoqué les autres petites structures. La mutualisation de celles oeuvrant dans le domaine de la santé au travail a été évoquée par le rapport Lecocq et annoncée dans le cadre d'un prochain projet de loi sur le sujet. Nous serons donc amenés à en débattre. L'Agence nationale des conditions de travail (Anact) a, quant à elle, perdu 10 % de ses effectifs. Les petites structures sont fragilisées, alors qu'elles constituent des outils efficaces. L'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) a, par exemple, produit dans l'urgence les protocoles sanitaires. Nous avons besoin de ces organismes spécialisés en période de crise. Les inspecteurs du travail verront également leur nombre reculer, ce qui limitera d'autant leurs interventions, y compris pour contrôler l'application du dispositif d'activité partielle.

S'agissant de l'OTE, un premier volet de la réforme a déjà été mis en oeuvre : certaines enveloppes financières concernant les moyens matériels des services et l'immobilier du ministère du travail ont été versées au ministère de l'intérieur. Au 1 er janvier, les moyens humains seront mutualisés, ce qui pourrait poser des difficultés en matière de mobilité des agents. Seront ensuite créées, au 1 er avril, les directions régionales en charge de l'économie, du travail, de l'emploi et des solidarités (DRETS) et les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS). Je l'interroge sur l'intérêt de poursuivre cette réforme à marche forcée, alors que les services de l'État sont mobilisés par la crise. Il conviendra de veiller à ce que le système d'inspection du travail continue à dépendre du ministère du travail et non de celui de l'intérieur, conformément aux engagements de la France dans le cadre de l'OIT.

Les crédits alloués en 2021 permettront à cinquante nouveaux territoires de lancer l'expérimentation TZCLD. Des interrogations subsistent sur les crédits destinés à la gestion du fonds, mais cela ne semble pas bloquant. Le texte issu de la CMP permet d'aller au-delà de 50 nouveaux territoires. Il faudra bien entendu que les crédits budgétaires suivent le cas échéant.

Enfin, je rejoins Christian Bilhac sur les contrats aidés, outils indispensables pour les petites collectivités territoriales et le tissu associatif. On peut toutefois regretter que le taux de prise en charge de ces contrats soit encore insuffisant élevé. Le plan de relance permet de le relever en 2021, mais uniquement pour les publics jeunes...

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Le rapporteur général m'interroge sur l'aide à l'embauche. Nous avions eu ce débat au Sénat : un tel dispositif doit-il - plutôt viser l'embauche de personnes peu qualifiées dans les PME ou, comme l'a choisi le Gouvernement, les jeunes ? Les économistes que nous avons entendus en commission des finances il y a quinze jours semblaient d'accord pour considérer que les aides à l'embauche constituent un outil efficace en bas de cycle économique. Pour ce qui concerne plus précisément le public à cibler, ils tendaient à donner raison au Sénat : le critère pertinent serait plutôt l'absence de qualification, bien que les publics soient en réalité proches, puisque les jeunes éloignés de l'emploi manquent souvent de qualification. Le dispositif s'applique à tous les CDD de plus de trois mois et aux contrats à durée indéterminée (CDI) pour les jeunes de moins de vingt-six ans. Le dispositif est bien lancé et le décret afférent a bien été pris le 5 août dernier, mais nous ne disposons d'aucune évaluation à ce stade. Du reste, toutes les entreprises ne connaissent pas l'existence de la prime : il faudra en faire la promotion dans les territoires. Le système apparaît assez généreux, puisque la prime est renouvelée avec le CDD, y compris passé l'âge de vingt-six ans, et si un contrat d'apprentissage a été signé préalablement avec le salarié.

S'agissant de l'IAE, l'objectif est la création de 100 000 postes en cinq ans, auxquels s'ajoutent les 35 000 postes financés par le plan de relance pour l'année 2021. Cela semble ambitieux, alors que les structures compétentes ne sont pas spécialisées sur ces publics. Méfions-nous d'une politique du chiffre... En cas de sous-consommation, les crédits restants pourront abonder, comme cette année, le fonds d'aide aux structures.

L'évaluation des emplois francs apparaît également complexe. Un premier système a échoué sous un gouvernement précédent, puis les critères ont été assouplis et la liste des quartiers éligibles étendue, permettant un démarrage sensible début 2020, que le premier confinement a cassé net. Cet outil correspond aux besoins actuels, mais il conviendra d'être vigilant, dans le futur, à d'éventuels effets d'aubaine.

Éric Jeansannetas, nous souhaitons le rétablissement des crédits des maisons de l'emploi au sein de la mission et avons bon espoir que, comme l'an passé, l'Assemblée nationale leur consacre une ligne de 5 millions d'euros. Nous réfléchirons alors pour la porter à 10 millions d'euros, car il s'agit d'un outil utile, comme nous l'avions montré dans un précédent rapport.

Sylvie Vermeillet, il est effectivement nécessaire de contrôler l'usage de l'activité partielle, qui bénéficie de montants exceptionnels. Durant l'été, 50 000 contrôles a posteriori ont été réalisés : 7 % ont fait l'objet d'une suspicion de fraude et, parmi eux, 580 ont conduit à l'engagement d'une procédure pénale. Le montant des fraudes est estimé à 225 millions d'euros. Il faut par ailleurs continuer de développer les contrôles a priori, notamment pour les entreprises qui déposent de nouvelles demandes. Les contrôles visent davantage les entreprises dont l'activité permet le télétravail.

Christine Lavarde, j'entends votre remarque. Il faut, bien entendu, que les formations soient rapidement utiles. J'ai bon espoir, car le PIC est géré par les régions qui, à l'exception de deux d'entre elles, ont contractualisé sur le sujet.

S'agissant des contrats aidés, je n'ai jamais été favorable à un recours massif à ce dispositif. Les 100 000 PEC prévus sont maintenus. Il est également prévu de relancer les contrats aidés dans le secteur marchand en 2021, qui pourront être des outils utiles pour véritablement favoriser un retour rapide à l'emploi. Le dispositif doit cependant rester temporaire et il faudra rester attentif aux effets d'aubaine.

Enfin, Marc Laménie m'a interrogé sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail. L'Index de l'égalité professionnelle a été mis en place dans toutes les entreprises de plus de cinquante salariés depuis le 1 er mars. Il s'agit d'une mesure tout à fait positive. Les sanctions sont, par ailleurs, élevées - jusqu'à 1 % de la masse salariale - en l'absence d'actions menées pour améliorer la situation des femmes au sein de l'entreprise.

M. Claude Raynal , président . - Nous vous remercions pour vos réponses.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Travail et emploi ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.

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