B. LES DISPOSITIFS OUVERTS SUR LA MISSION « PLAN DE RELANCE » NE SERONT PAS SUFFISANTS POUR RELANCER LA CONSTRUCTION DANS LES TERRITOIRES

Deux dispositifs en faveur de la construction sont créés au sein de l'action 02 « Biodiversité, lutte contre l'artificialisation » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». L'un comme l'autre auraient pu être financés sur les crédits du programme 135, ce qui là encore aurait assuré une meilleure lisibilité aux politiques suivies.

1. Des crédits de 300 millions d'euros sont consacrés à la réhabilitation des friches

Le plan de relance comprend un fonds de 300 millions d'euros en faveur d'opérations de réhabilitation des friches urbaines et industrielles , ainsi que du foncier déjà artificialisé .

L'instruction des subventions relèvera des services déconcentrés. L'objectif fixé est de réhabiliter environ 900 hectares de friches sur près de 230 sites.

Un appel à projets a d'ores et déjà été lancé le 5 novembre 2020 par l'Agence de la transition écologique (ADEME) 23 ( * ) , dans le cadre des appels projets « Reconversion des friches polluées » que lance régulièrement l'Agence.

La réhabilitation des friches, notamment polluées, est une opération difficile mais indispensable pour permettre la reconversion d'un site et son intégration dans le tissu urbain.

Il convient toutefois de signaler le risque que peut faire porter sur de telles opérations leur financement dans le cadre de la mission « Plan de relance » . Comme cela a été signalé au rapporteur spécial au cours des auditions qu'il a menées, il s'agit d'opérations complexes et difficiles à monter. Il y a donc un risque que les crédits soient engagés plus rapidement sur d'autres opérations du même programme budgétaire. Le Gouvernement a en effet fait de l'engagement rapide des crédits une priorité de ce plan, encourageant de fait les porteurs de projets à accélérer la mise en oeuvre des opérations.

Une enveloppe budgétaire sur le programme 135 aurait probablement présenté une meilleure visibilité pour les services gestionnaires. La mission « Plan de relance » participe ainsi à l' émiettement des dépenses de l'État consacrées à l'urbanisme et à la construction , déjà réparties entre le programme 135 (528,4 millions d'euros de crédits de paiement), les taxes affectées aux opérateurs (957,8 millions d'euros 24 ( * ) ) et surtout les dépenses fiscales (9,5 milliards d'euros 25 ( * ) ).

2. L'aide aux « maires densificateurs » (350 millions d'euros) apporte une aide appréciable mais mal calibrée...

Un dispositif d'abord qualifié d'aides aux « maires densificateurs », qui a finalement reçu le nom d' aide à la relance de la construction durable , est doté de 350 millions d'euros sur deux ans, soit 175 millions d'euros par an.

Il s'agit d'une aide apportée en fin d'année aux communes qui, sur une période de douze mois allant du 1 er septembre de l'année précédente au 31 août de l'année en cours, ont accordé des permis de construire dont la densité dépasse un certain seuil .

Les communes sont classées en cinq catégories présentant des caractéristiques homogènes de densité de population et de bâti, de population et d'état du parc de logement 26 ( * ) . Un seuil de densité est associé à chacune de ces catégories de communes, à partir de la densité moyenne constatée des programmes de logements autorisés en 2019 sur les communes de la catégorie majorée d'un même coefficient. Ce seuil de densité varie de 0,5 en catégorie 5 à 2,2 en catégorie 1.

Classement des communes en cinq zones
de densité

Source : Ministère chargé du logement 27 ( * )

Les communes qui font l'objet d'un arrêté de carence au regard des obligations de construction de logement social sont exclues du dispositif. Par ailleurs, les opérations de construction neuve sur terrains nus dans les communes situées en zone C du zonage du dispositif d'investissement locatif ne sont pas éligibles à l'aide : dans ces communes, l'aide ne serait donc disponible que pour des opérations de densification de parcelles existantes.

Selon les éléments obtenus par le rapporteur spécial, les opérations de démolition-reconstruction sont éligibles à l'aide, qui serait même majorée de 20 % pour les communes signataires d'un projet partenarial d'aménagement (PPA) ou d'une opération de revitalisation de territoire (ORT).

Le montant de l'aide serait, selon le Gouvernement, d' environ 100 euros par mètre carré de surface nouvelle dépassant le seuil de densité . Ce montant est toutefois estimatif, car il sera fixé a posteriori de manière à ce que le coût de l'aide ne dépasse pas l'enveloppe annuelle de 175 millions d'euros.

Deux exemples d'aide

1) Commune appartenant à la catégorie 2 (forte densité) pour laquelle le seuil de densité déclenchant le bénéfice de l'aide est fixé à 1,5.

Pour un programme de démolition-reconstruction de 104 logements, soit 4 712 m 2 , créés sur un terrain de 1 964 m 2 , la densité calculée est de 2,4 (supérieure au seuil de densité de 1,5). Le nombre de mètres carrés créés au-delà du seuil est égal
à 4 712 - 1,5 x 1 964 = 1 766 m2. L'aide est de 176 600 €.

2) Commune appartenant à la catégorie 5 (faible densité) pour laquelle le seuil de densité déclenchant le bénéfice de l'aide est fixé à 0,5.

Pour un programme en extension de 10 logements , avec 645 m 2 de logements créés pour une surface totale de logements après travaux de 932 m 2 sur un terrain de 1 544 m 2 , la densité est de 0,60, supérieure au seuil de densité de 0,5. Le nombre de mètres carrés de logements créés au-delà du seuil est égal à 932 - 0,5 x 1 544, soit 160 m². L'aide est de 16 000 €.

Source : ministère chargé du logement

Par rapport à l'ancien dispositif de l'aide aux maires bâtisseurs (voir encadré), supprimé en cours de gestion en 2017, la nouvelle aide dispose d'un budget beaucoup plus élevé (175 millions d'euros par an contre 40 millions d'euros environ) et vise l'ensemble du territoire , même si l'exclusion des constructions neuves sur terrain nu en zone C devrait en limiter fortement l'utilisation dans les communes peu denses.

Le rapporteur spécial souligne toutefois que tout système de zonage présente des effets de seuil qui en rendent l'application parfois difficilement compréhensible. La détermination a posteriori du niveau de l'aide réduit également la lisibilité du dispositif pour les élus, même si la volonté d'en maîtriser le budget peut être comprise.

Or, dans les zones les plus denses, les seuils maximaux fixés par les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont souvent atteints : la marge de manoeuvre des communes est donc réduite pour densifier encore. L'aide bénéficierait plutôt, dans ces zones, aux programmes de démolition-reconstruction.

Le rapporteur spécial regrette surtout que l'aide non seulement ne prenne pas en compte la capacité financière des communes , mais exclue les communes carencées, infligeant à celles-ci en quelque sorte une « double peine ».

Il considère que l'aide devrait prendre en compte le potentiel fiscal des communes et demeurer accessible aux communes faisant l'objet d'un arrêté de carence lorsqu'elles ont signé un contrat de mixité sociale .

L'aide aux maires bâtisseurs

Mise en place par décret 28 ( * ) en 2015, l'aide aux « maires bâtisseurs » avait pour but d' encourager les communes qui engagent une politique volontariste de développement de l'offre de logements et de les aider à financer les équipements nécessaires à l'accueil des populations nouvelles.

Cette aide était réservée aux communes respectant trois critères cumulatifs :

- une situation géographique dans les zones denses (zones A, A bis et B1 des aides à l'investissement locatif) ;

- un potentiel financier par habitant inférieur à un plafond ;

- l'absence d'arrêté de carence au titre du non-respect des règles de construction de logement social prévues par l'article 55 de la loi SRU 29 ( * ) .

Les communes éligibles se voyaient attribuer une aide forfaitaire de l'ordre de 2 000 euros pour chaque logement autorisé au-delà d'un seuil de construction défini en pourcentage du parc de logements existants.

L'aide n'a été attribuée que pendant deux ans . Elle a bénéficié à 468 communes en 2015 et 532 communes en 2016, pour un montant total engagé de 33,8 millions d'euros la première année et 45,2 millions d'euros la seconde année . L'aide moyenne, qui était de 2 100 euros par logement en 2015, a été abaissée à 1 320 euros par logement en 2016. Le montant de l'aide faisait déjà l'objet d'un mécanisme d'ajustement visant à permettre de rester dans l'enveloppe globale fixée annuellement pour le dispositif, tout en tenant compte du nombre de logements autorisés.

Le dispositif a été supprimé en cours de gestion 2017, alors que des crédits avaient été prévus en loi de finances initiale.

Source : commission des finances du Sénat

3. ... qui ne suffira pas à rétablir le lien entre l'activité de construction locale et les recettes des communes

Aussi appréciable soit-elle, l'aide aux « maires densificateurs » , instituée pour une durée limitée à deux ans, ne constitue pas une solution à l'enjeu beaucoup plus durable des incitations que reçoivent les collectivités locales à construire.

La réforme de la fiscalité locale et des impôts de production, mise en oeuvre par la loi de finances pour 2020 et le présent projet de loi de finances , réduit fortement les incitations des collectivités locales à construire , puisque les communes ne percevront plus le produit de la taxe d'habitation.

Si elles reçoivent, en compensation, une part de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) actuellement perçue par les départements, il faut souligner que les logements sociaux bénéficient d ' une exonération de TFPB pendant 25 ans, voire 30 ans s ' ils respectent des critères environnementaux. Il en est de même, sur une durée de 20 ans, des logements locatifs intermédiaires nouvellement construits.

Enfin, la réforme des impôts de production réduit le montant de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour leurs établissements industriels, amoindrissant là encore les revenus que la commune peut recevoir de la construction sur son territoire.

Le rapporteur spécial s ' inquiète fortement des effets de la réforme de la fiscalité locale sur la construction de logements sociaux et intermédiaires dans les communes. Il constate que cette réforme rendra plus difficile encore l ' atteinte par celles-ci des objectifs SRU 30 ( * ) .


* 23 ADEME, Travaux de dépollution pour la reconversion de friches .

* 24 Source : calculs commission des finances, taxes affectées à des opérateurs rattachés au programme 135, fichier contenant la liste des dépenses fiscales, annexe « Voies et moyens », tome 1, au projet de loi de finances pour 2021.

* 25 Source : calculs commission des finances, dépenses fiscales rattachées au programme 135, fichier contenant la liste des dépenses fiscales, annexe « Voies et moyens », tome 2, au projet de loi de finances pour 2021.

* 26 Une carte présente sur le site du ministère de l'écologie permet de savoir à quelle zone appartient chaque commune : https://www.ecologie.gouv.fr/aide-relance-construction-durable

* 27 Ministère chargé du logement, Aide à la relance de la construction durable .

* 28 Décret n° 2015-734 du 24 juin 2015 portant création d'un dispositif d'aide aux communes participant à l'effort de construction de logements.

* 29 Article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, codifié aux articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

* 30 Article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, issu de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

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