B. LA SÉCURISATION DES SCRUTINS, UN IMPÉRATIF DÉMOCRATIQUE

Face à la crise sanitaire, la France a fait le choix de reporter ses échéances électorales , dont le second tour des élections municipales (juin 2020) et les élections consulaires des Français de l'étranger (mai 2021). L'épidémie contrarie, en effet, l'acte de vote, en particulier pour nos compatriotes les plus vulnérables face au virus.

Le report des élections est une solution de court terme. Il peut même s'apparenter à une solution de facilité.

D'une part, la démocratie ne peut pas rester confinée , les pouvoirs publics devant garantir la continuité de notre vie démocratique. D'autre part, le report des élections ne répondra pas indéfiniment aux difficultés rencontrées : qui pourrait imaginer le report de l'élection présidentielle , qui nécessiterait d'ailleurs une loi constitutionnelle dérogeant aux articles 6 et 7 de la Constitution ? La même question pourrait se poser pour la convocation d'un éventuel référendum visant à modifier la Constitution.

La situation sanitaire reste d'ailleurs très incertaine . Reporter les élections régionales et départementales en juin 2021 pourrait même paraître optimiste : l'immunité collective ne devrait pas être atteinte à cette date, malgré la campagne engagée pour vacciner la population.

Notre droit électoral doit ainsi s'adapter à la situation sanitaire pour permettre aux électeurs de s'exprimer en toute sécurité et préserver la santé des candidats et des membres des bureaux de vote .

La commission des lois du Sénat prend toute sa part à ce débat majeur pour nos institutions, comme le montre son récent rapport d'information sur la faisabilité du vote à distance 5 ( * ) .

Elle propose ainsi de faciliter le vote par procuration pour les élections régionales et départementales de juin 2021 (nouvel article 1 er bis ). Au regard de la gravité de la crise sanitaire, il est indispensable que le Gouvernement organise un véritable service public des procurations pour permettre à chaque électeur de connaître les procédures applicables lorsqu'il ne peut pas se rendre jusqu'à son bureau de vote.

L'extension du vote par procuration

Chaque électeur pourrait disposer de deux procurations ,
contre une seule aujourd'hui.

La « double procuration » permettrait, par exemple, à un citoyen de voter au nom de ses deux parents, grands-parents ou arrière-grands-parents. Ce dispositif semble d'ailleurs faire consensus : mis en oeuvre lors du second tour des élections municipales de 2020, il a été soutenu par 83,3 % des 43 présidents de région et de département ayant répondu au questionnaire de la mission d'information de la commission des lois sur le vote à distance.

Les électeurs qui, en raison de l'épidémie, ne peuvent pas se déplacer jusqu'au commissariat de police ou jusqu'à la gendarmerie (personnes vulnérables, « cas contacts », etc .) auraient le droit d'établir ou de retirer leur procuration depuis leur domicile . Ils pourraient saisir les autorités compétentes par courrier, téléphone ou courriel, sans avoir à fournir de certificat médical.

En complément de ces dispositions législatives, le ministère de l'intérieur a lancé un processus de dématérialisation des procurations, qui facilite les démarches administratives des électeurs (projet « MaProcuration »). Le mandant peut désormais remplir une « pré-demande » en ligne, avant de comparaître devant l'officier de police judiciaire. La commune reçoit la procuration par voie électronique, ce qui réduit utilement les délais d'envoi. Il est important que ce dispositif soit pleinement opérationnel pour les élections de juin prochain.

En revanche, la commission n'a pas souhaité d'organiser un vote par correspondance « papier » ou un vote par Internet . Ces modalités de vote présentent, en effet, de nombreuses difficultés pratiques, qui ne pourront pas être surmontées d'ici juin 2021.

S'agissant de l'organisation des bureaux de vote, la commission a souhaité que l'État prenne en charge l'achat des équipements de protection pour les électeurs qui n'en disposent pas et les personnes qui participent à l'organisation du scrutin (masques, visières, parois de plexiglas, etc .) (nouvel article 1 er bis précité).

La commission demande également au Gouvernement de préciser, sur la base de l'analyse du comité de scientifiques, les mesures particulières d'organisation qu'il mettra en oeuvre pour garantir la sécurité sanitaire des scrutins et de la campagne électorale (article 2). Il pourrait notamment s'inspirer du protocole mis en place lors du second tour des élections municipales de juin 2020.

Le protocole sanitaire dans les bureaux de vote :
l'exemple du second tour des élections municipales

- Organisation de files d'attente en extérieur, avec une priorité d'accès pour les personnes vulnérables ;

- Limitation à trois du nombre de votants présents simultanément dans le bureau de vote ;

- Port du masque obligatoire et mise à disposition d'une solution hydro-alcoolique ;

- Nettoyage régulier du bureau de vote ;

- Orientation spécifique des isoloirs (par exemple en direction d'un mur) pour garantir le secret du vote tout en évitant la manipulation des rideaux ;

- Limitation du nombre de personnes présentes au dépouillement.


* 5 « Le vote à distance : à quelles conditions ? », rapport d'information n° 240 (2020-2021) fait par François-Noël Buffet au nom de la commission des lois du Sénat.

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