C. LA PROROGATION DU RÉGIME DE SORTIE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE JUSQU'AU 30 SEPTEMBRE 2021

Par ailleurs, le Gouvernement souhaite proroger jusqu'au 30 septembre 2021 le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire défini à l'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020 ( article 3 du projet de loi), dont la loi du 14 novembre 2020 avait déjà prolongé la durée d'application jusqu'au 1 er avril 2021.

Ce régime , dont la création a été inspirée par des considérations psychologiques et politiques plus que juridiques, est en réalité très proche de celui de l'état d'urgence sanitaire . Les autorités de l'État y conservent les mêmes prérogatives pour lutter contre l'épidémie 14 ( * ) , à l'exception :

- du pouvoir d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile (sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé), qui sert de fondement non seulement aux mesures de confinement, mais aussi de couvre-feu 15 ( * ) ;

- du pouvoir de prendre toute mesure limitant la liberté d'entreprendre, autre que la fermeture d'établissements recevant du public, les réquisitions et les autres mesures visées aux 1° à 9° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, pouvoir résiduel dont le Gouvernement n'a encore jamais fait usage.

Le régime de la loi du 9 juillet 2020 n'est applicable que sur les parties du territoire où l'état d'urgence sanitaire n'est pas en vigueur. Autrement dit, malgré sa prolongation, il n'a pas trouvé à s'appliquer depuis le 17 octobre 2020, date d'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire de la République.

Initialement, le Gouvernement prévoyait de demander la prorogation de ce régime de sortie jusqu'au 31 décembre 2021 . Il s'est cependant rangé à l'avis du Conseil d'État, qui avait souligné combien il était « délicat » d'évaluer le bien-fondé d'une telle demande, plus de onze mois avant l'échéance prévue et alors même que ce régime habilite le Premier ministre « à prendre des mesures de police sanitaire exceptionnelles affectant les droits et libertés constitutionnellement garantis ». Le Conseil d'État avait donc estimé qu'au-delà du 30 septembre prochain, une nouvelle prolongation supposait « une nouvelle appréciation par le Parlement de la nécessité d'une telle option, au vu des données sanitaires alors disponibles ».

D. LA PROLONGATION JUSQU'À LA FIN 2021 DES SYSTÈMES D'INFORMATION DÉDIÉS À LA LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE

L'article 4 du projet de loi vise à prolonger jusqu'au 31 décembre 2021 l'autorisation de mettre en oeuvre les systèmes d'information dédiés à la lutte contre l'épidémie .

Pour mémoire, au regard de l'ampleur de la tâche et du caractère massif de l'épidémie, le législateur a autorisé de façon exceptionnelle que le traitement de certaines informations s'affranchisse du secret médical et du consentement des intéressés pour pouvoir partager les données de santé indispensables au traçage des contacts.

Plusieurs fichiers et outils numériques ont ainsi été créés ou adaptés pour équiper les professionnels de santé en charge de la lutte contre l'épidémie afin de faciliter les opérations de prévention et de dépistage et de permettre la remontée d'informations épidémiologiques :

- le système d'information national de dépistage (« SI-DEP » ), mis en oeuvre sous la responsabilité du ministère de la santé, essentiellement par les laboratoires de tests et les médecins, sert à enregistrer les résultats des laboratoires de tests covid-19 et permet le suivi des opérations de dépistage et la diffusion des résultats des tests ;

- le téléservice « Contact covid », élaboré par l'Assurance maladie, permet le suivi des personnes contaminées et des cas-contacts .

Concernant spécifiquement l'utilisation de ces fichiers aux fins de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus :

- les données doivent être pseudonymisées (les nom et prénoms des intéressés, leur numéro de sécurité sociale, et leur adresse devant être supprimés) ;

- la durée de conservation desdites données peut être allongée au-delà du délai normal de suppression de trois mois après leur collecte (pour cette seule finalité, pour des données non directement identifiantes, dans la limite de la durée d'autorisation globale des systèmes d'information, et de façon encadrée par un décret soumis à avis public de la CNIL et du comité de contrôle et de liaison).

Les garanties encadrant le traitement des données de santé
par les systèmes d'information destinés au suivi des contacts
et à la lutte contre la covid-19

L'article 11 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions fixe un cadre juridique général pour les systèmes d'information déployés en appui à la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19 et que doivent respecter les traitements de données ultérieurement créés ou modifiés.

Il autorise expressément que le partage de données traitées dans le cadre de ces systèmes d'information déroge au secret médical 16 ( * ) et à la nécessité de recueillir le consentement des intéressés.

Eu égard au caractère exceptionnel et particulièrement sensible de ces traitements, le législateur les a assortis d'importantes garanties , qui répondent ainsi aux exigences du Règlement général sur la protection des données (RGPD) :

- limitation du périmètre des données de santé pouvant être traitées (statut virologique ou sérologique de la personne à l'égard du virus et éléments probants de diagnostic clinique et d'imagerie médicale) ;

- double encadrement dans le temps , non seulement pour la durée de vie des systèmes d'information (initialement « six mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire », et désormais jusqu'au 1 er avril 2021 ), mais également pour la durée autorisée pour le traitement des données personnelles collectées (« trois mois après leur collecte ») ;

- identification précise des responsables de traitement pour les dispositifs envisagés et des catégories de personnes pouvant avoir accès à ces informations ;

- limitation des finalités poursuivies (identification des personnes infectées et des « cas-contacts », orientation et suivi, recherche et surveillance épidémiologique, accompagnement social) ;

- instauration de contrôles spécifiques , par un « comité de contrôle et de liaison covid-19 » (chargé d'associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l'épidémie par suivi des contacts ainsi qu'au déploiement des systèmes d'information prévus à cet effet) et l'obligation de remise d'un rapport trimestriel au Parlement rendu après avis public de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

C'est au regard de l'ensemble de ces garde fous, et après leur analyse détaillée, que le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions autorisant ces traitements de données conformes à la Constitution 17 ( * ) .

Ces systèmes d'information ont été mis en place le 13 mai 2020 .

La durée de l'autorisation consentie par le législateur, initialement prévue jusqu'à six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, a déjà été prolongée une première fois, jusqu'au 1 er avril 2021 (loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire).

Au vu de l'importance des systèmes d'information pour gérer et suivre efficacement la situation sanitaire, et pour les mêmes raisons qui justifient de proroger l'état d'urgence sanitaire , l'article 4 du présent projet de loi vise à prolonger de neuf mois la mise en oeuvre de ces outils, fixant au 31 décembre 2021 la nouvelle date de caducité de l'autorisation donnée par le législateur.

L'article 4 du présent projet de loi permettrait également au Gouvernement de prolonger par décret jusqu'au 31 décembre 2021 la durée de conservation des données pseudonymisées pour les finalités spécifiques de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus .


* 14 Aux pouvoirs conférés au Premier ministre et, sur son habilitation, au préfet de département par l'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020, il faut, en effet, ajouter ceux dont dispose le ministre de la santé en application de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, ainsi que d'autres dispositions éparses dans notre législation (par exemple l'article L. 410-2 du code de commerce relatif au contrôle des prix).

* 15 Si l'on pouvait s'interroger lors de l'adoption de la loi du 9 juillet 2020, il est désormais établi que les mesures de couvre-feu se fondent sur le pouvoir d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile, prévu au 2° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique (au sein du chapitre relatif à l'état d'urgence sanitaire), et non pas sur le pouvoir de réglementer ou d'interdire la circulation des personnes et des véhicules (prévu aussi bien par le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire). Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020, cons. 15, et l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi, § 7.

* 16 Aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : « Toute personne prise en charge (...) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »

* 17 Voir la décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, Loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Selon le considérant de principe énoncé par le Conseil constitutionnel : « Il résulte du droit au respect de la vie privée que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page