B. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LES ÉTATS MEMBRES

Afin de mettre en oeuvre l'arrêt Achmea , la Commission européenne et les États membres ont retenu une approche en deux temps : une déclaration politique signalant les conséquences juridiques de l'arrêt aux investisseurs et aux tribunaux arbitraux saisis de litiges intra-européens, puis un accord plurilatéral conclu entre les États membres pour organiser le démantèlement coordonné des TBI en vigueur.

1. Les déclarations politiques de janvier 2019

Après des négociations difficiles, trois déclarations politiques ont été rendues publiques.

Le 15 janvier 2019, 22 États membres 5 ( * ) , dont la France, ont adopté une déclaration politique relative aux conséquences juridiques de l'arrêt Achmea , dans laquelle les États signataires :

- s'engagent à informer les tribunaux arbitraux saisis de litiges intra-européens fondés sur des accords bilatéraux ou sur le Traité sur la charte de l'énergie (TCE) des conséquences de l'arrêt ;

- enjoignent aux investisseurs de ne plus engager de nouvelles procédures d'arbitrage sur la base de ces accords ;

- s'engagent à garantir, une protection juridictionnelle effective aux investisseurs, sous le contrôle de la CJUE ;

- soulignent que les sentences arbitrales définitives et déjà exécutées à la date de l'arrêt Achmea - soit au 6 mars 2018 - ne peuvent être remises en cause ;

- affirment leur engagement à finaliser, si possible avant le 6 décembre 2019, les modalités de dénonciation des accords d'investissement intra-européens, via un accord plurilatéral ou des dénonciations bilatérales ;

- s'engagent à examiner au plus vite les conséquences de l'arrêt Achmea sur l'application intra-européenne du TCE.

Pour ces États membres, de même que pour la Commission européenne, le but et l'objet du TCE était de régir, dans le domaine du commerce et de l'investissement dans le secteur énergétique, les relations entre l'Union européenne et ses États membres d'une part, et entre l'UE et des pays tiers d'autre part, de sorte que la clause de règlement des différends investisseur-État de ce traité ne devrait pas être interprétée comme étant applicable entre deux États membres de l'Union. L'application du TCE entre deux États membres est donc considérée comme contraire au droit de l'Union pour les motifs retenus par la CJUE dans l'arrêt Achmea , qui sont transposables mutatis mutandis au cas de figure du TCE.

Parallèlement, les États qui ne souhaitaient pas s'avancer sur le sort réservé au TCE avant que la Cour ne se prononce 6 ( * ) , ont adopté, séparément, deux déclarations :

- le 16 janvier 2019, un groupe de 5 États membres (Finlande, Luxembourg, Malte, Slovénie et Suède) a adopté une déclaration présentant une analyse alternative des conséquences de l'arrêt Achmea du point de vue du droit international et sur les procédures fondées sur le TCE. Ces États s'engagent à dénoncer les accords bilatéraux d'investissement et à assurer les interventions nécessaires devant les tribunaux arbitraux ;

- à la même date, la Hongrie s'est publiquement opposée à l'application de l'arrêt Achmea au mécanisme d'arbitrage investisseur-État du TCE, tout en rejoignant les États membres majoritaires s'agissant de la description des effets de l'arrêt sous l'angle du droit international public et les autres engagements relatifs aux TBI intra-UE.

2. L'accord plurilatéral du 5 mai 2020

En raison, d'une part, de l'opposition persistante de certains États membres sur la question du sort devant être réservé au TCE, et d'autre part, du souhait de parvenir à un texte aussi consensuel que possible, le projet d'accord plurilatéral ne couvre finalement que les accords bilatéraux de protection des investissements intra-européens et les procédures d'arbitrage, achevées, pendantes ou postérieures à l'arrêt Achmea , intentées sur leur fondement.

La Suède et la Finlande n'ont pas approuvé la rédaction proposée, non plus que le Royaume-Uni, dans le contexte du Brexit. Après avoir marqué leur accord de principe sur le projet final d'accord, l'Irlande - qui n'avait pas conclu d'accords bilatéraux d'investissement - et l'Autriche ont finalement renoncé à le signer.


* 5 Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, France, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni et Slovaquie.

* 6 Une réponse est attendue en 2022.

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