COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
EN COMMISSION

Audition de M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville
et président des maires de Saine-et-Marne,
représentant de l'Association des maires de France
et des présidents d'intercommunalité (AMF)

(Mercredi 2 juin 2021)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Guy Geoffroy, représentant le président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF), dont nous regrettons l'absence et qui m'a prié de bien vouloir l'excuser. Nous inaugurons notre cycle d'auditions publiques sur le projet de loi, anciennement appelé « 4D », aujourdui dit « 3DS » pour « différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l'action publique », dont l'examen débutera au Sénat le 7 juillet. La commission se réunira le 30 juin pour examiner le rapport de Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. Nous avons délégué une partie des articles à la commission des affaires sociales, à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et à la commission des affaires économiques. Je salue à cet égard la présence d'Alain Milon et celle de Daniel Gueret.

Monsieur Geoffroy, nous attendons le sentiment général de l'AMF sur ce projet de loi. Ensuite, le jeu des questions-réponses nous fera entrer plus en détail dans le texte.

M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville et président des maires de Seine-et-Marne, représentant de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) . - Je vous remercie de m'accueillir dans cette salle, où je me trouve un peu en terrain connu, pour y avoir participé à un certain nombre de réunions de commissions mixtes paritaires.

Je vous demande une nouvelle fois de bien vouloir excuser l'absence du président Baroin, qui m'a chargé de le représenter. Ce n'est pas, de sa part, une marque de désintérêt envers le Sénat, loin de là.

Vous avez souhaité obtenir l'avis de l'AMF sur ce projet de loi « 4D », qui demeure l'association généraliste ayant vocation à représenter les maires de France et présidents d'intercommunalités. Je veux d'abord saluer le travail au long cours effectué par l'ensemble de mes collègues au sein de toutes les commissions spécialisées.

Ce texte suscitait de grands espoirs. Malheureusement, les attentes sont un peu déçues, même s'il a évolué quelque peu à la faveur de passages nombreux devant le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et après un avis du Conseil d'État qui, sans être complètement négatif, a été pour le moins critique.

Pour nous, ce texte est important pour au moins trois des D formant son intitulé : différenciation, décentralisation et déconcentration. Le quatrième D semble plutôt renvoyer à des dispositions diverses particulièrement disparates et de faible portée, ce qui résume un peu l'impression générale qui ressort du texte.

Tout d'abord, concernant la différenciation. J'ai eu l'honneur de représenter l'AMF à un travail passionnant dans le cadre d'un groupe de réflexion mis en place à la demande du Premier ministre au Conseil d'État, et qui avait justement comme objectif d'évaluer le dispositif national d'expérimentation, tel qu'il est prévu dans la Constitution. Nous avons immédiatement mis le doigt sur ce qui nous semblait indispensable à partir du moment où l'on parlait d'expérimenter des adaptations les plus fines possible au terrain, dans le respect du principe d'égalité, de dispositions nationales découlant de la loi et du règlement, de sorte que nos institutions fonctionnent de manière efficace et en proximité.

Le moins que l'on puisse dire est que cet objectif de différenciation, tel que nous pouvions l'attendre dans ce projet de loi, n'est pas atteint.

La décentralisation, ensuite. Les maires de France constatent, comme beaucoup d'élus locaux et nationaux, que nous sommes encore au milieu du gué en ce qui concerne la mise en oeuvre d'une décentralisation efficace. La question qui revient sans cesse est bien entendu celle des moyens, des transferts de crédits correspondant aux transferts de compétences, de l'autonomie financière et fiscale. Je ne m'étendrai pas sur la suppression de la taxe d'habitation, dernier exemple en date de ce long cortège de décisions qui réduisent à peau de chagrin la capacité des collectivités à assumer, par elles-mêmes et pour elles-mêmes, les choix qu'elles pourraient faire en toute responsabilité, sur le mandat de leurs électeurs.

Or il est clair que le volet décentralisation de ce texte est finalement anecdotique. Nous n'en sommes pas encore à cette ultime et décisive étape de la décentralisation, qui conduirait à ce que chacun s'installe dans ses compétences, avec une application effective du principe de subsidiarité, que nous appelons toujours de nos voeux.

Enfin, s'agissant de la déconcentration, qui est pour nous le corollaire indispensable de la décentralisation. Il n'y a pas de bonne gestion des affaires publiques à l'échelle locale sans ce fameux couple maire-préfet, revenu en grâce ces derniers mois à la faveur de la crise sanitaire, pour avoir fait la preuve de son efficacité. C'est surtout le maire qui a connu une sorte de renaissance, après être passé à la moulinette de toutes les réformes successives, et notamment de la baisse drastique de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Avec la pandémie, un constat s'est imposé : sans les maires, rien n'aurait été possible. Aussi, nous attendions plus de cet acte de décentralisation. C'est pour cela, aussi, que nous avons fait des propositions sur la transition écologique, la santé, le logement, la culture, le sport.

Il est plus que jamais nécessaire d'approfondir les relations entre les maires et l'État au contact des habitants. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère que vous saurez enrichir ce texte.

À cet instant, je veux faire référence aux 50 propositions que porte le Sénat, et qui sont, pour l'essentiel, des propositions que nous pourrions revendiquer comme étant les nôtres. Cela n'est pas étonnant de la part de la chambre qui représente les collectivités locales. Je tiens à saluer, au nom de l'AMF, les avancées volontaristes que vous portez à travers trois propositions de loi, dont deux, organique et constitutionnelle, ont déjà été votées en première lecture par votre assemblée. La troisième proposition de loi, ordinaire, qui reprend certaines de ces 50 propositions, pourra, je l'espère, prospérer prochainement à travers vos amendements au texte du Gouvernement. C'est en tout cas l'invitation amicale que vous adresse l'AMF, pour redonner du souffle et une architecture puissante à ces 83 articles qui manquent cruellement d'ambition.

En fait, nous sommes face à une addition de dispositions qui, dans leur principe, vont dans le bon sens, mais qui sont dévoyées dans leur déclinaison. Je pense notamment au titre relatif aux outre-mer, et tout particulièrement à l'article 83 relatif aux modalités de cession du foncier de l'État en Guyane, sur lequel je reviendrai plus précisément par la suite.

Avant d'entrer dans le détail, en réponse à vos questions, je veux aborder devant vous quelques motifs d'insatisfaction.

Il y a en premier lieu le sujet de la gouvernance des agences régionales de santé (ARS). Ce qui est proposé est insuffisant à la lumière de ce qu'a révélé la crise sanitaire. Nous militons pour un renforcement du rôle des délégués départementaux à l'article 31 du projet de loi.

À l'article 46 du texte, qui concerne la politique locale de l'eau, le dispositif nous semble très pervers et s'apparente, pour nous, à une véritable recentralisation. En effet, cet article remet en cause, et nous ne l'acceptons pas, les fondements mêmes des comités de bassin, qui sont des organes délibérants faits pour être décentralisés. Le texte de l'article que vous examinerez ne peut aboutir en l'état, même s'il est moins inacceptable que l'avant-projet qui nous avait été présenté.

En matière de transition énergétique, les collectivités, et particulièrement le bloc local, sont perplexes et inquiètes, car elles se voient assigner un rôle non pas de partenaires, mais de sous-traitants de cette politique publique. Il ne faut pas oublier que la fonction de coordonnateur de la transition énergétique a été déléguée par la loi en 2015 aux intercommunalités dotées d'un plan climat-air-énergie territorial (PCAET). De plus en plus d'intercommunalités en étant pourvues, il nous semble émerger un conflit de normes si le texte est maintenu en l'état.

Au sujet de l'article 47, nous souhaitons faire remarquer que les communes et intercommunalités ne peuvent pas être écartées de l'élaboration et de la signature de futurs contrats de cohésion territoriale, qui visent à coordonner les politiques et modalités d'intervention comme de soutien de l'État aux politiques que portent les communes et intercommunalités. Elles doivent donc être présentes au stade de la préparation, comme de la signature.

À vouloir trop simplifier l'action publique locale, il arrive malheureusement qu'on la complexifie. C'est le cas avec l'évolution du rôle des collectivités aux côtés de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Nous nous interrogeons sur l'efficacité du dispositif qui est proposé. Ce puissant levier financier a plus que jamais besoin d'agilité pour venir en support des collectivités.

L'article 83, qui concerne l'établissement public foncier et d'aménagement de la Guyane, nous préoccupe énormément. C'est une recentralisation de fait. Espérons que la sagesse l'emportera et que le Parlement ne confirmera pas par son vote un tel choix.

L'AMF porte un jugement plutôt favorable sur les mesures relatives au logement, notamment la prolongation des dispositifs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU », au-delà de 2025. Certes, nous aurions quelques suggestions complémentaires. La question des communes lourdement carencées mérite d'être mieux traitée qu'elle ne l'est actuellement dans le projet de loi.

Encore une fois, les maires de France sont à votre disposition pour répondre à vos questions, vous fournir des informations qui vous auraient pu vous échapper, voire - pourquoi pas ? - vous adresser des suggestions dans le cadre du nécessaire travail d'amélioration du projet de loi.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Le travail que nous avons mené avec les associations d'élus rassemblées au sein de Territoires unis a abouti aux fameuses cinquante propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales, remises au Président de la République au mois de juillet dernier.

Certes, le projet de loi s'intitule « 4D ». Mais le Conseil d'État a considéré que le « D » de décomplexification était assez léger et qu'il s'agissait plutôt de dispositions disparates... La différenciation, la décentralisation et la déconcentration sont des outils très utiles. Mais ce qui nous intéresse le plus au Sénat, c'est une autre lettre de l'alphabet : le E, pour « efficacité de l'action publique ». Or celle-ci passe - vous y avez fait référence - par la subsidiarité : quel est l'échelon le plus pertinent pour traiter d'un sujet ? La crise sanitaire a révélé à ceux qui en doutaient ou qui l'ignoraient combien les collectivités pouvaient inventer les réponses les plus efficaces.

Ce texte nous inspire un certain nombre d'interrogations. Il nous paraît insuffisant. Le Sénat, dont l'état d'esprit est constructif, mais très exigeant, aura à coeur de l'enrichir avec de nombreuses propositions. Nous voulons encourager la ministre à faire preuve de plus l'audace pour plus de pertinence.

L'article 1 er inscrit dans la loi le principe de différenciation territoriale. Le Sénat, qui n'avait pas été entendu lors de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, plaide pour la différenciation. Mais cet article semble largement dépourvu de portée normative. Comment interprétez-vous cette disposition ? Est-ce un simple vernis ou une possibilité offerte pour aller plus loin ? Les nombreux élus que nous avons consultés ont manifesté une forte adhésion envers nos cinquante propositions. La différenciation n'est pas la rupture avec le principe d'égalité, qui suppose au contraire de pouvoir différencier les moyens mobilisés.

Le projet de loi prévoit le renforcement des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), en les positionnant comme un lieu de décision des délégations de compétences entre collectivités, autour de projets structurants. Le Sénat a souvent critiqué l'inefficacité des CTAP, instances pléthoriques qui ne permettent pas un dialogue concret entre collectivités sur l'exercice des compétences qui leur sont dévolues. Estimez-vous que les CTAP constituent l'échelon pertinent pour favoriser les délégations de compétences entre collectivités ?

Le texte évoque peu les intercommunalités. Nous n'avons pas été entendus, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, sur la territorialisation de compétences, les transferts « à la carte » ou le rétablissement de l'intérêt communautaire. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), qui visait à rationaliser les intercommunalités, prévoyait de supprimer des syndicats. Or, faute de territorialisation de certaines compétences, un certain nombre ont été maintenus. Êtes-vous favorable à ce que nous réintroduisions des dispositions relatives à l'intérêt communautaire et aux transferts de compétences dans le projet de loi ?

Enfin, que pensez-vous de la position du Conseil d'État qui, dans son avis très critique sur le projet de loi, a justement fait remarquer que les dispositions visant à renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales étaient particulièrement peu nombreuses, reprochant ainsi au Gouvernement de n'être pas allé assez loin ?

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Je fais miennes les observations de ma collègue Françoise Gatel.

Nous vous rejoignons sur la déconcentration et la nécessité de trouver des leviers pour renforcer cette forme d'agilité qui peut et doit exister. Vous avez évoqué le rôle du couple préfet-maire pendant la crise sanitaire. Pensez-vous qu'il faille renforcer la possibilité pour le préfet de prendre des mesures à titre dérogatoire afin de répondre avec plus de souplesse et d'agilité aux demandes des collectivités territoriales, notamment des communes ? J'ai notamment en tête ce que nous avons vécu sur la vaccination.

Le Sénat souhaite évidemment aller vers plus de décentralisation dans la gestion de l'eau. Même si les comités de bassin sont des organes délibérants, il faut bien reconnaître qu'il y a un sujet sur l'attribution des subventions. Et aussi imparfaites soient-elles, les propositions formulées à l'article 46 nous interpellent. Comment mieux prendre en compte la situation des départements pour qui la question de la ressource en eau et du financement des investissements, notamment communaux, voire intercommunaux devient primordiale ? Sans doute faut-il revoir les procédures actuelles. Vous connaissez la constance du Sénat : nous avions déjà critiqué la nouvelle architecture proposée en matière d'eau et d'assainissement dans le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, et nous reviendrons probablement à la charge dans le cadre de l'examen de ce texte.

Vous avez rappelé le souffle simplificateur qui animait à la base l'élaboration du projet de loi. Nous avons également essayé de travailler dans le sens de la simplification, avec le concours du Conseil national d'évaluation des normes. Selon vous, quelles autres mesures de simplification pourraient utilement enrichir ce texte ?

M. Alain Milon , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Les articles 31 et 32 portent sur des thématiques qui intéressent la commission des affaires sociales.

L'article 31 transforme le conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS) en conseil d'administration. Le Sénat avait suggéré que ce conseil d'administration soit présidé par le président du conseil régional ou son représentant. Par ailleurs, l'idée d'un objectif régional des dépenses d'assurance maladie est parfois avancée. Quelle est la position de l'AMF à cet égard ?

L'article 32, qui concerne le financement des investissements hospitaliers par les collectivités territoriales, m'inquiète particulièrement. Je ne suis pas certain que tout le monde réalise bien de quoi il retourne. Prenons un exemple tout simple : l'État pourrait désormais demander à la commune d'Avignon une participation financière aux opérations de remise en état du service de réanimation et du service de soins palliatifs de l'hôpital public de la ville, dont le coût total est de 100 millions d'euros. Comme il n'est pas du tout certain que la commune ait les moyens d'une telle participation, l'État en tirera-t-il prétexte pour ne pas procéder aux améliorations nécessaires ? Une telle disposition représente donc un véritable danger. Le risque est également que les hôpitaux de villes moyennes soient fermés, sauf participation financière de la commune. Il ne me paraît guère pertinent de prévoir la participation des collectivités territoriales au financement du programme d'investissement des hôpitaux et des cliniques privées. De la même manière, la clinique construite récemment à Montpellier pour 1,5 milliard d'euros aurait-elle pu voir le jour si l'on avait exigé une participation financière de la ville et de la région ?

La décentralisation, c'est bien, mais elle a des limites. En Espagne, où elle est importante, la qualité des soins diffère selon les régions et avec elle, l'espérance de vie ; en Allemagne, la troisième vague de l'épidémie de covid-19 a nécessité une recentralisation de la décision, pour des raisons d'efficacité.

M. Daniel Gueret , rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Notre commission a reçu délégation au fond des articles 9, 13, 61 et 62, qui concernent le transport ferroviaire, la protection des paysages et la biodiversité ; elle s'est, en outre, saisie pour avis de vingt-cinq autres articles relatifs à la transition énergétique, aux transports, routier et fluvial, à la gestion de l'eau et à l'aménagement du territoire.

S'agissant de la gouvernance d'instances nationales qui mènent des actions territoriales, qu'attendez-vous d'organismes comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ou l'Ademe ? Comment améliorer leur mode d'intervention au niveau local ?

Notre commission s'était saisie pour avis, à l'époque, des dispositions instituant l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), destinée à proposer aux élus locaux un guichet unique pour la conduite de leurs projets. Faut-il, selon vous, approfondir cette démarche de rationalisation en articulant mieux les actions menées par l'ANCT, l'Ademe et le Cerema ?

Que pensez-vous des dispositions du projet de loi renforçant le rôle des élus locaux dans la gouvernance de ces agences et des ARS ? Celles-ci vont-elles assez loin ? Les agences que je viens d'évoquer devraient-elles, par exemple, accueillir davantage d'élus de territoires ruraux ou fragilisés ?

Enfin, quel est votre sentiment à propos de l'article 14 attribuant un pouvoir de police spécial aux maires en matière de réglementation de la circulation dans les espaces naturels protégés ?

M. Alain Marc . - Deux textes s'entrechoquent ; cela pose problème : nous examinons en séance le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit « Climat et résilience », à partir du 15 juin, et nous allons évoquer ce texte dit « 4D » peu après, à partir du 7 juillet en séance. Or le sujet qui est revenu durant la dernière campagne électorale était l'aménagement du territoire, notamment la constructibilité, avec des débats concernant les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et leur déclinaison, les plans locaux d'urbanisme intercommunal (PLUI). L'objectif zéro artificialisation nette en 2050, qui figure dans le projet de loi Climat et résilience, s'appuie sur une projection qui va déséquilibrer les territoires alors même que l'on relève une forte volonté de réoccuper l'espace rural. Des communes ayant déjà construit pourront, par exemple, opérer une « renaturation » des parkings de supermarché pour dégager de nouveaux espaces de construction, alors que les communes qui n'en ont pas, parce qu'elles sont, par exemple, trop éloignées des métropoles, ne pourront pas le faire malgré une forte demande. C'est dans ce type de situations qu'il faudrait actionner la différenciation. Qu'en pensez-vous ? Ces deux lois me semblent arriver de façon trop précipitée pour que nous travaillions au bénéfice de l'aménagement du territoire qui est pourtant en train de se redessiner.

M. Guy Geoffroy . - Beaucoup d'entre vous ont fait référence à la lettre « E », pour « efficacité », qui manque au titre de ce texte. J'avais moi-même utilisé ce mot avec son frère jumeau « efficience ». Nos politiques publiques doivent être efficientes, pour répondre aux problèmes qui se posent, et efficaces, pour bien y répondre. De ce point de vue, la seule règle applicable devrait être le mot-clé « subsidiarité », pourvu qu'il soit correctement employé.

La portée de la différenciation, telle que définie à l'article 1 er du projet de loi, se limite-t-elle à du vernis ? Je reprends ce terme, il correspond à l'affirmation d'un principe qui fait son chemin. Au-delà, alors que le Conseil constitutionnel remarque lui-même que l'esprit de différenciation est déjà présent dans la Constitution, le Conseil d'État a quant à lui relevé que ce texte n'était pas assez normatif pour aller plus loin dans ce domaine. C'est aussi notre avis ; il ne s'agit de rien de plus que d'une déclaration de principe supplémentaire. Cette aspiration recoupe pourtant le besoin de proximité : on n'y arrivera pas si tout le monde passe sous la même toise, vis-à-vis de l'État comme des autres niveaux. De ce point de vue, nous sommes réticents à ces chefs de filat supplémentaires qui conduiront à faire des communes des subordonnées de fait des collectivités les plus dotées.

S'agissant des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), il me semble nécessaire que des outils de ce type fonctionnent, même si nous jugeons que ces conférences n'ont pas démontré leur capacité à apporter quelque chose. C'est dommage, dans la mesure où leur mission précise est de se pencher après chaque renouvellement des instances locales sur le développement de la décentralisation. Leur organisation n'est pas satisfaisante, il faut aller vers des CTAP plus proches du terrain, par exemple à l'échelle départementale, afin d'ouvrir une réflexion plus concrète et dirigée vers la mise en oeuvre. De ce point de vue, nous nous interrogeons sur la multiplicité des outils. Comment situer les CTAP au regard des nouvelles instances territoriales, comme la conférence régionale du sport, par exemple, ou les conférences de financement ? Soyons plus ramassés, plus précis et moins dispersés : ces outils sont intéressants, mais la réalité de leur fonctionnement ne l'est pas assez.

L'exigence de proximité doit permettre la territorialisation des compétences, laquelle ne constitue pas une entorse grave à la complémentarité entre communes et intercommunalité. L'intercommunalité n'est pas la supracommunalité, comme son nom l'indique, et le bloc communal n'est pas un bloc intercommunal. Si la loi a fixé des compétences obligatoires à l'échelle intercommunale, c'est parce que certaines d'entre elles s'y exercent de manière plus pertinente, mais ce n'est ni immuable ni invariable, si certains territoires mettent en place des coopérations limitées, par exemple à l'échelle européenne. La possibilité d'une territorialisation des compétences au sein du bloc communal doit être mise à disposition des instances locales, à travers des pactes de gouvernance, par exemple, susceptibles de mettre en oeuvre utilement ce principe.

Nous sommes, par ailleurs, favorables à de nouvelles délégations aux maires ; allons au-delà de ce qui est prévu par le texte, car cela reste encore insuffisant. Les maires ont la capacité de décider ou non de le faire. Le maître mot doit être l'efficacité au quotidien. Toutes les communes ne réunissent pas leur conseil municipal onze fois par an, comme je le fais, et entre temps, tout ce qui pourra permettre au maire de bénéficier de délégations nouvelles, y compris venant de l'État - dont il est aussi un représentant - serait bienvenu dans le cadre de la mise en oeuvre de ce principe, sous le contrôle, toujours, de l'assemblée municipale, conformément aux principes de différenciation et d'adaptation au plus près des réalités du terrain pour rendre efficaces les politiques publiques.

Faut-il aller plus loin dans les pouvoirs dérogatoires accordés aux préfets ? À mon sens, oui. Comme président d'union départementale des maires, j'ai cheminé bras dessus bras dessous avec le préfet et une telle évolution me semble positive pour nos concitoyens. Nous avons mesuré combien les préfets, représentant toutes les administrations de l'État, étaient à la peine pour sortir de ce qui avait été fixé par l'État, alors même qu'il leur apparaissait évident qu'il fallait trouver les moyens d'une différenciation dans l'adaptation de la politique publique locale. J'en veux pour exemple la question de l'ouverture des marchés durant le premier confinement : j'ai sollicité le préfet pour ouvrir le marché de ma commune, celui-ci m'a demandé mon avis sur l'opportunité qu'il souhaitait saisir d'accorder à certaines autres communes la possibilité de le faire. Je lui ai répondu que son hypothèse allait dans le sens de ce que nous souhaitions : aller le plus loin possible localement, en restant responsables et concrets. Il a pris la décision d'autoriser cinq ou six marchés à ouvrir et il est venu faire ses courses dans ma commune le lendemain, pour vérifier que l'autorisation accordée au nom de l'État l'avait été à juste titre. Il me l'a dit lui-même : sa décision était « borderline », mais elle était fondamentale pour nos concitoyens.

Les préfets ont une capacité reconnue à l'agilité. Au quotidien, ils aimeraient cumuler leur agilité et la nôtre pour rendre l'action publique plus lisible et donc plus efficace. Je plaide pour cela : il n'y a pas de raison d'être toujours obligés de remonter jusqu'on ne sait où des questions qui appellent des réponses locales.

Quant à la gestion de l'eau et de l'assainissement au sein du bloc communal, vous avez raison : rien n'est réglé. En la matière, la différenciation doit trouver une place éminente. Dans beaucoup de territoires, il est logique que ces questions soient traitées à une échelle plus large que celle de la commune. Bien souvent, on n'a pas attendu les lois récentes pour tirer les conséquences de cette évidence : dans mon territoire, cela fait quarante ans ! En revanche, dans certaines zones rurales, l'assainissement reste géré à l'échelle communale, parfois avec des nouvelles technologies très écologiques ; des choses peuvent et doivent se faire à cette échelle. Quant à la distribution de l'eau, on assiste au retour en force d'une volonté de gestion par soi-même, en régie. Permettre plus de différenciation à l'échelle du bloc communal me semble tout à fait bienvenu.

L'idée de simplification qui s'exprime dans ce texte risque plutôt de se traduire par une complexité accrue ! On connaît bien le problème général des normes : le principe selon lequel toute norme nouvelle doit s'accompagner de la suppression d'une norme ancienne n'est jamais appliqué, quand bien même nous le prônons tous.

Monsieur Milon, les maires entendent votre message sur la différence à faire entre les initiatives des communes en matière de soins de proximité, ainsi que le concours financier qu'elles apportent à la construction de ces locaux, et des participations qui seraient imposées aux communes. Nous voulons encourager le maintien, voire le développement d'une capacité hospitalière de proximité. Certes, on court un risque d'inégalité entre ceux qui peuvent financer de tels équipements et les autres. Néanmoins, nous sommes ouverts à cette proposition, parce que nous souhaitons que les collectivités territoriales retrouvent une place qu'elles ont quelque peu perdue dans le monde hospitalier ; ainsi, nous souhaitons que soient recréés les conseils d'administration des établissements hospitaliers. Nos concitoyens n'ont jamais eu autant besoin des élus locaux que pendant cette crise, y compris dans le domaine sanitaire ! Ce n'est faire injure à personne, ni à l'État ni au monde de la santé, que de reconnaître que, sans les collectivités locales, il n'y aurait pas eu de vaccination à l'échelle que nous connaissons enfin aujourd'hui. Nous sommes interpellés parce que nous avons une agilité et une inventivité réelles, au plus près du terrain. C'est pourquoi nous revendiquons que les élus locaux aient leur place dans le monde hospitalier. Cela n'exclut d'ailleurs pas une certaine modestie : pour l'organisation de la vaccination dans ma commune, je me suis concentré sur la logistique et non sur le recrutement des médecins, pour lequel je me suis appuyé sur l'hôpital et la préfecture.

Quant à l'article 48, qui porte sur la gouvernance du Cerema, dans la mesure où il renvoie les dispositions en question à une ordonnance, nous ne pourrons nous prononcer qu'au vu du texte de celle-ci.

Concernant un éventuel guichet unique pour l'ANCT, le Cerema et l'Ademe, nous n'avons ni revendication ni prévention. Avoir beaucoup d'interlocuteurs à l'échelle régionale peut être utile pour traiter certaines questions de manière spécifique, mais il peut y en avoir trop, auquel cas on ne s'y retrouve pas. Dans le projet de loi Climat et résilience, on veut créer un guichet unique alors qu'il existe déjà des interlocuteurs que l'on pourrait évaluer et dont on pourrait renforcer les capacités. L'État préfère toujours créer quelque chose de nouveau, au détriment de l'évaluation des expérimentations. Nous approuvons tout ce qui peut permettre plus de simplicité, mais faire du guichet unique une exigence permanente pour tous les sujets n'est probablement pas pertinent.

Quant aux dispositions de l'article 14 sur les pouvoirs de police spéciale des maires, j'estime que les maires savent exercer leurs responsabilités et assumer l'ensemble des missions qui leur sont confiées. Nous ne voudrions pas que certaines actions relevant d'un pouvoir de police soient confiées à d'autres, mais que nous en assumions malgré tout la responsabilité. Vous aurez compris ce qui doit en découler dans la formulation législative.

Monsieur Marc, j'ai eu l'occasion ici même d'exprimer ce que les maires pensent des dispositions relatives à l'objectif « zéro artificialisation nette » du projet de loi Climat et résilience : on en dit à la fois trop et trop peu. On renvoie beaucoup au décret, sans fixer les règles qui permettraient à celui-ci de ne pas déborder de son domaine. L'imprécision de l'objectif fixé ouvre la porte à des déséquilibres fondamentaux entre ceux qui n'ont pas attendu la loi pour s'engager dans une démarche en ce sens et ceux à qui la loi offrira plus de souplesse pour faire évoluer leur territoire. La référence prévue aux années antérieures, plaquée de manière uniforme sur les territoires, causera des injustices territoriales. C'est une nécessité de lutter contre l'étalement urbain et l'imperméabilisation des sols, mais il faut trouver les voies et moyens adéquats. Là encore, « différenciation » doit être le mot-clé pour la mise en oeuvre de ce principe national.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Beaucoup de maires nous ont fait part de leurs inquiétudes quant à l'article 4, relatif à la participation citoyenne locale. Il peut apparaître comme un apport intéressant, une passerelle vertueuse entre citoyens et élus, mais beaucoup d'élus, notamment dans les petites communes, craignent que cet outil ne soit utilisé par des oppositions constituées pour faire de l'obstruction, en obligeant une collectivité qui ne disposerait pas de moyens suffisants à répondre à leurs nombreuses sollicitations.

M. Ludovic Haye . - Pour lutter contre l'artificialisation des sols et l'étalement urbain, il existe une solution, pour laquelle je milite : favoriser la réhabilitation de friches ou de bâtiments existants plutôt que la construction. Il est toujours plus facile pour les maires de présenter à leurs concitoyens des projets portant sur le patrimoine existant. Le problème est que la réhabilitation coûte bien souvent plus cher que de nouvelles constructions, qu'elle va moins vite et que le nombre de logements produits est plus faible ; l'efficience est globalement moindre. De la même manière, un programme triennal est plus difficile à tenir. Cette solution impose de sortir d'une logique arithmétique.

M. Guy Geoffroy. - J'ai justement eu hier soir un échange intéressant et passionné avec les maires de mon intercommunalité sur la participation citoyenne. À mon sens, le terme de « démocratie participative » n'a aucun sens ; la seule formule qui vaille, c'est la participation des citoyens au bon fonctionnement de l'outil démocratique de proximité qu'est la commune. On est tenté de faire du mot « citoyen » le concept qui va remplacer le malheureux élu de passage ; l'autoproclamation par lesdits citoyens d'une expertise doit être regardée avec beaucoup de prudence : on ne doit pas, même à l'échelle locale, donner à nos concitoyens le sentiment illusoire que leur parole devra faire loi, comme cela a été le cas à l'occasion d'une certaine convention citoyenne. De la sorte, on passerait complètement à côté de la renaissance démocratique à laquelle nous aspirons. Il faut plutôt travailler à ce qui peut permettre le retour aux urnes de nos concitoyens, sans se priver de demander l'avis de ceux qui souhaitent le donner, mais sans que ce soit une préfiguration de la décision que nous serons censés appliquer. Je regrette le vocabulaire assez verbeux, pour ne pas dire le galimatias dont on abuse en la matière : « université populaire », « assemblée citoyenne »... Le terme d' « assemblée » ne peut s'appliquer qu'à un organe pouvant prendre des décisions !

Les élus sont aussi des citoyens ; ils sont sans doute plus engagés et plus avertis, ils prennent à coup sûr plus de risques. Voilà ce qui doit gouverner nos tentatives de se saisir de tout ce qui peut être utile à la fabrication des décisions locales : ouvrir la porte aux électeurs sans pour autant faire entrer par la fenêtre ceux que l'isoloir a envoyés dans l'opposition.

En matière de logement, nous devons trouver les moyens de la réhabilitation. Ces moyens sont nécessaires en grand nombre pour que la réhabilitation ne devienne pas un chemin de croix tel qu'on y renonce avant même d'avoir commencé à y penser. Sont en cause non seulement les difficultés administratives dont il a été fait état, mais aussi des éléments proprement concrets en ce qui concerne le prix du foncier dans tous les espaces méritant réhabilitation. Qu'il s'agisse de sites artisanaux ou industriels, ces espaces ont parfois vocation à trouver une seconde vie, via des usages nouveaux en matière de logement ou de mixité sociale par exemple.

C'est toujours sur les questions de financement que l'on finit par buter, auxquelles s'ajoutent toutes les difficultés de fonctionnement administratif et de procédures. Ces dernières sont quelquefois nécessaires : des sols anciens peuvent être pollués et nécessiter des interventions indispensables. Personne, maires ou experts, n'a la solution miracle. La lutte contre l'étalement urbain, c'est plus de verticalité - il n'est pas facile de le faire admettre à nos concitoyens ! - et c'est également plus de capacité à réutiliser des sols existants dans l'enceinte urbaine, car nous avons précisément peine à les réutiliser en raison des difficultés budgétaires qui en découlent.

Des outils de l'État ou de la région peuvent certainement être utiles, comme les établissements publics fonciers locaux. Mais ces derniers ont besoin, en particulier dans le cadre du plan de relance, d'un soutien plus affirmé de l'État pour accompagner les élus locaux dans des prises de terrain disponibles à des fins de réhabilitation, pour un autre usage qui réponde à l'ensemble des critères que nous partageons.

M. François-Noël Buffet , président . - Je vous remercie, monsieur Guy Geoffroy, des propos très complets que vous avez tenus pour l'AMF.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

Audition de M. Dominique Bussereau,
président de l'Assemblée des départements de France

(Mercredi 9 juin 2021)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous accueillons ce matin Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

M. Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France . - Ce projet de loi était attendu, même s'il est bien loin des grandes réformes Defferre ou Raffarin. C'est un texte à l'ambition très limitée, ce qui explique la déception des principales associations d'élus.

Très technique, voire technocratique, le texte ne met pas fin à la période très centralisatrice que nous connaissons depuis quelques années et il ne tient pas compte des préconisations que nous avons formulées à la suite de la crise sanitaire, notamment devant la commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, constituée par votre assemblée.

Lors de l'adoption de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », nous avions fondé beaucoup d'espoirs dans les conférences territoriales de l'action publique (CTAP), qui devaient être le lieu dans chaque territoire de la coordination entre la région, les départements et les principaux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Mais ce schéma n'a pas bien fonctionné, à quelques exceptions près ; je pense notamment à l'exemple breton. Les élus ne s'y rendent plus et l'absentéisme ne cesse d'y croître. Or ce projet de loi n'apporte presque aucune amélioration à cet état de fait.

Je souhaite également aborder le sujet des routes. Il y a de moins en moins de routes nationales : en Charente-Maritime, on compte 6 000 kilomètres de routes départementales, pour seulement 138 kilomètres de routes nationales. En outre, la carte administrative des directions interdépartementales des routes (DIR) ne correspond plus à grand-chose. De nombreux départements plaident donc pour un transfert des routes nationales, sous réserve d'une négociation sur les conditions financières du transfert, les conditions du transfert des personnels et l'état du réseau routier transférable. Or la concertation sur ce sujet a été très limitée. Nous ne disposons à ce jour d'aucune carte des routes qui pourraient être transférées. De surcroît, l'État propose d'ouvrir la possibilité de ce transfert aux régions, qui n'étaient pourtant pas demandeuses, en se fondant sur l'exemple très spécifique de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) qui souhaite pouvoir contrôler la circulation sur la rive gauche du Rhin. L'article 7 du projet de loi prévoit une expérimentation du transfert de certaines routes de l'État aux régions sur une durée de cinq ans, mais à quoi cela correspond-il ?

Sur la question de la santé, la phase aiguë, au printemps 2020, de la crise sanitaire dont nous sortons a montré combien les relations entre collectivités et agences régionales de santé (ARS) étaient peu fluides, à l'exception notable de l'Île-de-France. Quand, dans mon département, il y a eu quatorze morts dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), personne n'a été mis au courant ! Nous souhaitons ainsi voir notre rôle reconnu en siégeant au sein des conseils, non de surveillance mais d'administration des ARS. Quant à Régions de France, elle souhaite que la présidence de l'ARS soit exercée par le président de région et que le choix du directeur général de l'agence soit réalisé conjointement par le préfet de région ou le ministre de la santé et le président de région. Or toutes ces propositions sont tombées à l'eau : la gouvernance des ARS va rester très parisienne.

À cet égard, je reconnais cependant que certaines évolutions vont dans le bon sens, comme la possibilité pour les collectivités de financer les établissements publics de santé. Je pense aussi à la possibilité de recruter de professionnels de santé, comme le fait déjà le département de la Saône-et-Loire. S'agissant des laboratoires vétérinaires, souvenez-vous du mal que nous avons eu pour qu'ils participent aux campagnes de tests !

La question de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) n'est pas un problème droite-gauche : Stéphane Troussel, président socialiste du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, est farouchement pour, alors que Jean-Luc Chenut, président socialiste du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, est résolument contre. Une dizaine de départements y est favorable : il s'agit soit de départements pauvres et ruraux - comme la Corrèze ou la Creuse - soit de grands départements urbains qui connaissent des difficultés sociales. Mais l'ADF y est majoritairement opposée, afin de maintenir le lien entre le versement de l'allocation et les politiques d'insertion menées sur le terrain. Comment l'État, qui n'est guère plus présent qu'à l'échelon régional, serait-il capable de gérer ce dossier ? Le projet de loi nous propose une expérimentation, à laquelle sept départements pourraient être candidats avec la difficulté liée au choix de l'année de référence, qui a été imposée par Bercy.

La disposition relative au recours obligatoire au traitement automatisé d'appui à l'évaluation de la minorité, inscrite dans ce projet de loi, pourrait également être examinée dans le cadre d'un prochain projet de loi relatif à l'enfance, porté par le secrétaire d'État Adrien Taquet. Ce sujet est plus clivé politiquement au sein de l'ADF : nos collègues de gauche n'y sont pas très favorables, contrairement à la majorité.

Certaines dispositions relatives aux ressources humaines sont positives, mais deux sont négatives. Nous avions demandé le transfert des gestionnaires de collèges et lycées : ces personnels travaillent avec nos crédits et nos personnels, or nous avons le plus grand mal à travailler avec eux. Le ministère de l'éducation nationale est opposé à un tel transfert. L'arbitrage interministériel retenu aboutit à une solution intermédiaire très étrange : il nous est ainsi proposé l'expérimentation pour trois ans d'un simple pouvoir d'instruction. Sachez que le Premier ministre ne serait pas hostile au transfert direct de ces personnels. Souvenez-vous des cris d'orfraie entendus lors du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) !

La médecine scolaire est un scandale national. Auparavant, il y avait un médecin dans chaque établissement, contre un pour 12 000 élèves actuellement - sans compter la pédopsychiatrie à l'abandon. J'ai demandé que les départements récupèrent ce service, pour le transformer en grand service de médecine de la protection maternelle et infantile (PMI) jusqu'à l'adolescence. L'État a refusé ; je le regrette.

Nous avons peur de découvrir les chiffres du RSA en 2020 : des petits commerces, restaurants, entreprises vont fermer leurs portes et leurs salariés, plutôt âgés, seront au chômage et demanderont le RSA. Nous demandons une clause de sauvegarde sur le RSA en cas d'effet « ciseau » dans certains départements, afin de le compenser. Je ne suis pas là pour pleurer : les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont très dynamiques - certes peut-être moins dans les Ardennes qu'en Charente-Maritime... -, mais je ne suis pas sûr que cela dure, notamment dans certains départements comme le Nord. Nous sommes en train de négocier avec le Gouvernement sur ces sujets financiers mais cette discussion est distincte des débats sur ce projet de loi.

En conclusion, ce texte comprend des améliorations intéressantes, mais il reste très technique. Je regrette que nous n'ayons pas une période de décentralisation « Castex » comme celles connues avec Pierre Mauroy et Gaston Defferre, ou avec Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin. Nous aurions ainsi pu tirer davantage les leçons de la crise sanitaire.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Je vous remercie de votre intervention. Le président du Sénat a émis un constat similaire au vôtre. Nous remercions la ministre de ce projet de loi, fil ténu, mais il lui manque la lettre « E » pour « efficacité de l'action publique ».

Les articles relatifs aux compétences sociales des collectivités auxquels nous nous raccrochons seront examinés au fond par la commission des affaires sociales, mais je partage votre interrogation sur l'adéquation des ressources aux compétences.

Les trois premiers articles du projet de loi concernent la différenciation. L'article 1 er est une redite de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière. Quelle est la valeur ajoutée de prôner la différenciation sans aller plus loin ? Serait-il selon vous pertinent de réécrire cet article ? S'agissant de l'article 2, les collectivités territoriales doivent disposer d'un réel pouvoir réglementaire local, dès lors qu'elles ont une compétence et en raison de la diversité de leurs besoins, dans des domaines nettement plus nombreux. Lorsqu'une collectivité exerce une compétence, il lui faut des ressources humaines. Le projet de loi « Climat et résilience » propose d'obliger à plus d'approvisionnement en bio ou en circuits courts, or ni les départements ni les régions n'ont d'autorité sur le personnel de restauration. Seriez-vous d'accord pour que le Sénat aille plus loin en la matière, sur l'article 41 ?

Les infirmières scolaires doivent être rattachées aux départements. Actuellement, elles sont isolées dans leur pratique et trop peu nombreuses. Le département détient de nombreux outils, et peut repérer les enfants en difficulté dans les écoles.

Aussi, que pensez-vous de la proposition du Sénat de recentraliser la prise en charge des mineurs non accompagnés ? L'article 39 du projet de loi propose une option différente, et laisse la charge aux départements.

De la même manière, les Ehpad sont sous la double tutelle État-département. Parfois, le président de département était informé d'un cluster dans un Ehpad par la presse et non par le directeur de l'ARS...

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Ce texte ne semble pas résoudre la question des moyens mis en face des transferts de compétences. Si les départements sont sollicités pour les routes - je pense en particulier à l'Ardèche -, certains ont des fortunes diverses, et peinent parfois à assurer leur bon entretien.

Que pense l'ADF du fonctionnement des CTAP ? Ce sont des « ovnis » fonctionnant bien dans certaines régions, comme en Bretagne, mais selon les élus que nous avons entendus, elles sont au mieux une chambre d'enregistrement, au pire un lieu de palabres plus que de dialogue. Les espoirs ont été déçus en la matière. Nous voudrions redonner un peu de souffle à ce texte. Nous souhaiterions que le département puisse disposer de plus d'agilité en période de crise pour prendre en compte les besoins spécifiques de certains territoires - à titre d'exemples, commerces de proximité, mobilités... Il est parfois difficile d'entendre que le département ne peut pas agir, faute d'avoir la compétence. Les élus nous demandent plus de souplesse et de proximité.

M. Patrick Kanner . - Merci de votre venue au Sénat, ce cercle des présidents de conseil général disparus (Sourires), et d'avoir cité le Nord.

Ce texte est, soyons francs, faiblard, et arrive en fin de quinquennat. Sa prospérité, y compris ce qui concerne son parcours législatif à l'Assemblée nationale, nous laisse songeurs.

Je préfère la logique de « bloc de cohérence » à celle du « bloc de compétences ». Les partages de responsabilité ne sont pas toujours clairs entre les trois niveaux de collectivités.

Dans le bloc de cohérence santé-prévention, la médecine scolaire, du plus jeune âge jusqu'au lycée, est un enjeu majeur et doit revenir aux départements. Cela suppose des ressources. Les conseils départementaux détiennent une expertise en matière de PMI, de planification familiale, de prévention-santé, et sont les mieux placés pour le faire.

Le problème des ressources peut aussi être réglé par un transfert vers l'État de certaines compétences. Ainsi, le bloc de cohérence sûreté-sécurité devrait intégrer les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Quel intérêt pour les départements d'être gestionnaires des SDIS alors que ceux-ci relèvent de l'autorité hiérarchique du préfet ? Je ne me fais pas que des amis en proposant cette solution, car les départements ont beaucoup investi dans les SDIS, et les sapeurs-pompiers nous en savent gré. Mais le préfet reste en dernière analyse le patron s'agissant des questions de sûreté et de sécurité... Les départements pourraient donc récupérer la médecine scolaire en échange d'un transfert des SDIS. Que pensez-vous de cette idée, que j'ose qualifier d'iconoclaste ?

M. Dominique Bussereau . - Madame Gatel, je m'interroge aussi sur l'article 1 er . Qu'en a pensé le Conseil d'État ? Qu'en pensera le Conseil constitutionnel ? C'est abscons et ne déclenchera pas d'enthousiasme... Vous réussirez peut-être à obtenir des précisions de la part du Gouvernement sur ses intentions.

Nous pourrions complètement gérer les Ehpad. Certes, l'ARS est là pour enquêter et les surveiller. Mais c'est comme pour les directeurs d'administration centrale dépendant de deux ministres : chaque ministre croit que c'est l'autre qui dirige... Il faudrait que les départements récupèrent la compétence de gestion des Ehpad, l'ARS conservant le rôle de surveillance régalienne. Nous pourrions alors mener à bien un chantier très coûteux et nécessaire : leur rénovation thermique. Eussions-nous été en confinement individuel durant la canicule, il y aurait eu bien plus que quelques dizaines de milliers de morts - souvent, il n'y a qu'une pièce climatisée par établissement. Il en va de même pour le chantier de rénovation thermique des établissements scolaires, un énorme travail reste à faire.

Nous sommes favorables au volontariat sur la compétence des routes. Les départements volontaires pour reprendre des routes nationales peuvent le faire ; sinon, l'État les conserve. Nous avons l'accord de Jean-Baptiste Djebbari et Jacqueline Gourault sur ce point. Par exemple, la RN 10 au nord de Bordeaux achemine énormément de camions, qui refusent de payer le péage de l'A 10 et se déportent ainsi sur la RN. Or cette route traverse de nombreux départements, et se divise ensuite vers Angoulême et Limoges. Que faire de ces axes ? L'État peut les garder, ou alors nous pourrions créer un syndicat mixte interdépartemental. Se pose également la question des axes en périphérie des grandes villes, qui cumulent du trafic à dimension nationale, départementale ou quotidienne.

Vous êtes extrêmement poli sur la CTAP en parlant d'« ovni ». En Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset et moi-même n'y allons plus. C'était une très bonne idée, mais il y siège trop de monde. Il faudrait une instance réunissant la région, les conseils départementaux et les grandes métropoles, à l'instar des instances réunies par Manuel Valls pour la rédaction des contrats de plan. Faut-il un bureau de la CTAP ? Le cas échéant, tout le monde voudrait y siéger... Il faudrait faire du cousu main et ne pas prévoir trop de dispositions législatives en la matière : il suffit que le président de la région réunisse tous les deux mois les présidents de département, et que le président de département réunisse tous les deux mois les présidents d'EPCI... Cette belle idée des CTAP ne sert à rien, l'absentéisme y est énorme, à part peut-être en Bretagne, où les élus nourrissent une culture du dialogue proverbiale...

Pour plus d'agilité en matière économique, nous nous heurtons à la loi NOTRe. Je ne regrette pas de ne pas l'avoir votée ! Tout le monde a aidé les entreprises, mais il y a des trous dans la raquette. Jacqueline Gourault a publié une circulaire de quarante pages aux préfets en leur demandant de déférer toutes les décisions économiques des collectivités, y compris celles qui portaient sur quelques centaines de milliers d'euros, comme par exemple dans la Manche. En réaction, nous avons transformé ces délibérations économiques en délibérations sociales : au lieu d'aider l'entreprise, nous avons aidé les personnes. Et le préfet ne pouvait pas déferrer...

On touche ici à l'absurdité de la loi NOTRe. En réalité, l'aide aux entreprises a reculé depuis 2008. Avant, il fallait trois jours pour débloquer des fonds afin d'aider une entreprise en difficulté. Maintenant, le temps que les services administratifs de la région - dont le territoire peut être aussi vaste que l'Autriche ou le Danemark - instruisent le dossier, l'entreprise a fermé. La loi NOTRe est extrêmement rigide et hypocrite à cet égard.

Dans mon département, le tourisme est la première activité économique. Pour autant, nous avons la compétence du tourisme, mais pas de l'économie. C'est un système incroyable ! J'aurais aimé que ce projet de loi ajoute des possibilités de délégation, dans la souplesse. Je regrette qu'il n'en soit pas ainsi.

Sur le bloc de cohérence évoqué par Patrick Kanner et les SDIS : ne créons pas d'administration nationale extrêmement importante, de monstre parisien. Soyons clairs : les préfets sont parfaitement satisfaits de la double autorité. Le président d'un département ne refusera jamais de rénover une caserne en mauvais état, tandis qu'un fonctionnaire de Paris qui ne sait même pas où elle est située n'aura pas les mêmes scrupules. J'ai peur d'une baisse de qualité de service en cas de centralisation. Il en va de même pour la création de points d'eau, qui peut dépasser totalement le budget d'une collectivité : elle gère cela avec le préfet, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), les politiques départementales... Tout cela nécessite une action de terrain. Certes, l'équilibre actuel est compliqué et inexplicable, notamment, auprès d'un Allemand qui connaît une organisation territoriale plus claire.

La sécurité civile à la française repose sur le volontariat. Imaginez que nous nationalisions la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), cela ne fonctionnerait plus. Ce n'est pas un fonctionnaire à Paris qui doit dire quand sortir les canots. J'ai donc peur d'un grand service national centralisé des pompiers. Mais sur le plan de la cohérence politique, Patrick Kanner a raison.

Les arrivées de mineurs non accompagnés ont beaucoup baissé pendant la crise sanitaire. Il n'y avait plus d'avions ni de trains et les frontières étaient beaucoup plus surveillées en raison de la pandémie. Les chiffres remontent depuis quelques semaines, notamment via une nouvelle zone : les îles Canaries. Les arrivants sont davantage issus des pays de l'Est que des États subsahariens. Je rappelle qu'un mineur non accompagné coûte très cher : 40 000 euros par an. C'est typiquement une politique régalienne qui nous est déléguée. La prise en charge de l'État est tout à fait insuffisante. Je salue l'engagement des travailleurs sociaux, car ce n'est pas évident de gérer un homme de 95 kilos qui dit avoir treize ans, aux côtés d'un enfant de huit ans dont les parents ne peuvent assurer la charge en raison, par exemple, de troubles alcooliques. Cette politique mériterait d'être entièrement revue par l'État. Les règles sont là aussi très hypocrites.

M. Alain Marc . - La loi NOTRe a définitivement retiré aux départements la possibilité d'aider les entreprises. Mais la solidarité territoriale des départements n'est pas bien définie. Par exemple, ils peuvent agir sur l'économie en aidant les plateformes d'initiative locale. Surtout, ce qui intéresse nos collectivités, ce sont des zones d'activité de six à dix lots, or les régions n'en créent qu'à partir d'une certaine taille. Je souhaite que cette question soit clarifiée dans le projet de loi. Qu'en pensez-vous ?

M. Dominique Bussereau . - J'en pense la même chose. Il existe une exception dans la loi NOTRe : un EPCI peut déléguer l'immobilier d'entreprises au département. Je l'ai utilisée et cela fonctionne bien. J'ai essayé d'utiliser toutes les failles de la loi NOTRe.

Un autre secteur ne fonctionne pas : les transports. La loi d'orientation des mobilités (LOM) dispose que les communautés de communes peuvent se saisir de la compétence mobilité locale, mais les EPCI le refusent. Dans ce cas, ce peut être transféré aux régions. Sauf qu'elles ont suffisamment à faire avec le TER pour ne pas s'embarrasser des sujets de mobilité locale. Résultat : dans la ruralité, un EPCI doté de moyens financiers supplémentaires ou d'un élu passionné a des transports, mais ce n'est pas le cas de la grande majorité. Nous disons : laissez-nous la possibilité d'aider les collectivités. Nous ne proposons pas le Grand Soir, mais des possibilités de délégation entre les uns et les autres. Il est dommage que la loi apporte des rigidités. Ce projet de loi peut être l'occasion de mettre de l'huile dans les rouages de la décentralisation.

M. Philippe Bas . - Je remercie Dominique Bussereau de ses propos. Les uns et les autres, nous avons refusé de nous inscrire dans la perspective d'un Grand Soir. Mais à l'approche de l'élection présidentielle, si nous nous bornons à ne réfléchir qu'à des ajustements, nous ne sommes pas à la hauteur des défis. Nos élus locaux en ont par-dessus la tête des changements accélérés des dernières années, mais il est vrai que l'articulation entre départements et régions pose problème. Le projet de conseiller territorial est devenu impossible à réaliser. Tout le monde s'accorde à dire que les grandes régions n'ont pas suscité d' affectio societatis .

Dans la région Normandie, pour aller et revenir de la Manche au centre de Rouen, un président de conseil départemental qui voudrait rencontrer le président de région doit consacrer cinq heures de sa journée au trajet. Malgré tous les efforts de notre équipe régionale pour créer de la proximité, le centralisme régional ne vaut guère mieux que le centralisme étatique. À différer trop longtemps l'examen de ces questions, on court le risque d'installer une structuration régionale qui s'est révélée difficile.

J'ai une question délicate pour le président de l'ADF : vraiment, la réforme très technocratique des régions est-elle un tabou indépassable ? Si l'on fonctionne uniquement en fonction du nombre d'habitants, les Allemands devraient supprimer la Sarre et couper la Bavière en trois ! Le plus important, c'est le sentiment d'appartenance de la population. En France, où est-il ? La loi de 1972 n'était pas si mauvaise, pour envisager un avenir dans lequel la région est une interdépartementalité mettant en oeuvre les compétences que les départements ne peuvent plus assumer.

M. Alain Richard . - Sur la répartition des compétences, je rappelle que l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales permet les délégations par convention de l'exercice de compétences d'une collectivité à n'importe quelle autre.

M. Dominique Bussereau . - Encore faudrait-il que les préfets le connaissent et ne reçoivent pas d'instruction en sens inverse ! En Bretagne, le département d'Ille-et-Vilaine finançait les casernes de pompiers pour retirer cette charge au SDIS. Il a été déféré par le préfet devant la justice administrative ! Le ministre de l'intérieur de l'époque, Christophe Castaner, a naturellement convenu que c'était absurde. Le nombre de préfets ayant déféré des délibérations de départements pendant la crise sanitaire est incroyable. La direction générale des collectivités locales (DGCL), au lieu d'aider les collectivités, publie des circulaires qui les empêchent d'agir. Il faut en modifier la nature et l'objet.

Quant aux régions... François Hollande m'a raconté que, dans la même nuit, ma région est passée d'ex-Poitou-Charentes avec les Pays de la Loire, puis avec le Centre, puis finalement avec l'Aquitaine et le Limousin qui ne voulait pas aller avec l'Auvergne ni le Centre. Le lien entre Guéret et Bordeaux est tout de même ténu ! Croyant bien faire, le gouvernement de l'époque a situé la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) à Poitiers, la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) à Limoges. Le préfet de région n'a pas ses directions sous la main, qui communiquent directement avec les services centraux à Paris. Quant au préfet de département, il est informé par des mails quinze jours après la prise de toute décision par les directions !

Ainsi, pensant bien faire et assurer des équilibres, l'État a, en réalité, rendu l'action publique moins efficace qu'elle ne pourrait l'être, quelle que soit la valeur des préfets.

Bien sûr, on peut réfléchir à une évolution des compétences et des cohérences, pour reprendre la formule de Patrick Kanner. Mais c'est tout autant l'organisation territoriale de l'État qu'il faut réviser, étant entendu que, aujourd'hui, les préfets disposent d'effectifs insuffisants.

Dans la campagne régionale, les présidents sortants sont accusés d'avoir installé un centralisme régional. Force est de constater que l'administration régionale a pris un poids important, parfois au détriment des élus : les présidents et vice-présidents sont souvent sur les routes, parapheurs sur les genoux, au lieu de diriger leurs équipes...

M. Éric Kerrouche . - Je souhaiterai répondre à la prise de parole de Philippe Bas. Certes, Monsieur Bas, les départements sont une réalité historique, ancrée dans nos territoires. Mais il est d'autant moins interdit de s'interroger sur leurs frontières que la question est posée depuis la fin du XIX e siècle, en lien avec les évolutions de la démographie. On peut, bien sûr, questionner les périmètres des régions ; mais on peut le faire aussi pour les départements.

Avec le conseiller territorial, il s'agissait déjà de départementaliser les régions. Mais la vocation des grandes régions est de penser de manière structurante des projets de développement et d'aménagement : il ne s'agit pas d'interdépartementalisation.

Le principal problème, c'est que l'État territorial n'a pas suivi en matière de déconcentration. Nous sommes donc en présence de deux systèmes qui ne sont plus parallèles. Cette disjonction peut difficilement perdurer.

Mme Marie Mercier . - Faire du concret, a dit Dominique Bussereau, c'est exactement cela qu'il faut faire ! Nos concitoyens veulent des circuits courts de décision et d'action. L'initiative prise en Saône-et-Loire en matière de santé était à la limite des compétences départementales, mais elle répondait à un besoin de la population.

De bonnes décisions supposent une phase d'observation, celle-ci se fait dans les départements, avec des élus au contact des habitants !

M. Dominique Bussereau. - Je vote les amendements Kerrouche et Mercier ! (Sourires.)

M. François-Noël Buffet , président. - Monsieur le président, nous vous remercions pour ces échanges précieux.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .

Audition de Mme Jacqueline Gourault,
ministre de la cohésion des territoires
et des relations avec les collectivités territoriales

(Mardi 15 juin 2021)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous auditionnons aujourd'hui Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 4D » ou « 3DS », que nous examinerons en commission le 30 juin, et à partir du 7 juillet en séance.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Le projet de loi relatif à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, est le fruit d'un travail collectif riche, qui a impliqué une large partie des membres du Gouvernement : près de vingt ministres et secrétaires d'État, sous la conduite du Premier ministre, ont participé à son élaboration.

Il est né de quatre constats posés à l'occasion du Grand Débat national : une attente très forte de nos concitoyens à l'égard de notre politique de renforcement de l'action publique de proximité ; une aspiration tout aussi importante à une meilleure prise en compte des particularités locales et à une organisation territoriale des politiques publiques moins uniforme et moins rigide ; une volonté des acteurs locaux d'être confortés et soutenus dans l'exercice de leurs missions ; et une forme de fatigue des élus comme des citoyens à l'égard des réformes institutionnelles, après vingt ans d'évolutions incessantes.

À la demande du Président de la République, nous nous sommes donc fixé pour objectif de bâtir un « acte de décentralisation adapté à chaque territoire », résolument tourné vers l'action publique, et non vers une énième redistribution générale des compétences.

Ce projet a été patiemment construit depuis près de dix-huit mois, dans la concertation, malgré la crise sanitaire, avec l'ensemble des échelons de collectivités et dans l'ensemble des régions du territoire, notamment dans les outre-mer - cela se traduit par un titre entier, que Sébastien Lecornu défendra avec moi dans l'hémicycle, consacré aux spécificités de ces territoires. Le projet de loi a également intégré les attentes nouvelles qui ont été exprimées par les citoyens et les élus à l'occasion de la crise de la covid-19, notamment en matière de sanitaire.

Il répond donc aux attentes pragmatiques, concrètes et utiles formulées dans les territoires, et constitue une marque de respect, d'écoute et de compréhension à l'égard des élus locaux.

Il marque un tournant dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales : si l'État fixe un cadre et fournit une boîte à outils concrète, il appartient aux collectivités locales et à leurs élus de saisir l'opportunité qui leur est offerte pour exprimer leurs singularités et leurs projets.

Le projet de loi traite en effet de la quasi-totalité du champ de l'action publique locale, en se concentrant sur les grands défis auxquels les décideurs locaux font face : je pense en particulier à la transition écologique, aux mobilités, à l'urbanisme, au logement, à la santé, à la cohésion sociale et à l'éducation.

Les quatre « D » de l'intitulé du projet de loi en résument les objectifs.

Tout d'abord, la « différenciation » territoriale, pour s'adapter aux réalités locales. Elle se traduit, par exemple, par une extension du pouvoir réglementaire local, des mesures adaptées aux enjeux transfrontaliers, ou encore l'expérimentation d'un financement différencié du revenu de solidarité active (RSA) en métropole, envisagé depuis longtemps et que la différenciation permet enfin de réaliser.

La « décentralisation » ensuite, pour conforter les compétences des collectivités territoriales dans les domaines, que j'ai déjà cités, de la mobilité, du logement, de l'insertion, de la transition écologique ou de la santé. À titre d'illustration, les départements et les métropoles pourront se voir transférer une partie du réseau routier national non concédé sur leur territoire afin de parachever le mouvement de décentralisation des routes aux départements et métropoles. Les objectifs de production de logement social définis par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et applicables aux communes seront pérennisés, tout en prenant davantage en compte les réalités locales. Le travail mené en commun avec Emmanuelle Wargon, qui défendra le texte avec moi sur ce volet, a permis d'aboutir à une proposition équilibrée qui recueille l'assentiment des élus locaux.

La « déconcentration », troisième élément, pour rapprocher l'État du terrain, dans une logique d'appui et de contractualisation avec les collectivités territoriales. Par exemple, le Gouvernement souhaite faciliter le recours par les collectivités aux capacités d'appui en ingénierie du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), établissement public de l'État. La parole de l'État sur le terrain sera réunifiée en faisant du préfet de région le délégué territorial de l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Enfin, la « décomplexification » de l'action publique locale est le dernier volet que je porterai avec Amélie de Montchalin, et qui a été considérablement renforcé au cours des derniers mois à la demande du Premier ministre.

J'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec le Président du Sénat, le président de la commission des lois et les deux rapporteurs de votre commission, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. J'ai également eu un entretien avec Dominique Estrosi Sassonne et Valérie Létard dans le cadre du rapport d'information qu'elles ont rédigé sur l'évaluation de la loi SRU. Je crois ne pas me tromper en affirmant que nous sommes tous dans un état d'esprit constructif et que nous voulons voir ce texte aboutir. D'ores et déjà, vous avez dû retrouver une partie des propositions que le Sénat avait formulées dans le rapport intitulé 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales .

Je crois que l'examen dans lequel nous nous engageons nous permettra d'aller encore plus loin puisque plusieurs mesures pourront rejoindre le texte initial sans difficulté, d'autres demanderont quelques ajustements pour trouver un point d'équilibre. Évidemment, nous avons aussi quelques lignes rouges sur lesquelles je suis certaine que nous allons revenir au fil de notre échange.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - La déconcentration constitue l'un des piliers de ce texte. Elle va de pair, selon nous, avec la décentralisation. À l'été dernier, le Sénat et son Président avaient insisté, dans le cadre des 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales , sur la nécessaire complémentarité entre les préfets de département et les maires. Si l'on peut regretter un manque général de souffle dans ce texte, il tient tout particulièrement à la timidité des mesures en matière de déconcentration. Ainsi, le rôle des préfets de région sera renforcé dans l'attribution des subventions des agences de l'eau, alors que les comités de bassin dépassent le périmètre des régions - nous aurions donc préféré privilégier les préfets de département. Nous aurions aussi aimé que le préfet de département soit le délégué territorial de l'Office français de la biodiversité (OFB), sur le modèle de ce qui est proposé dans le projet de loi pour la gouvernance territoriale de l'Ademe. De même, il aurait été judicieux de préciser davantage le rôle des sous-préfets, qui ont l'agilité nécessaire pour être à l'écoute des territoires, comme en témoigne leur rôle fondamental dans la mise en oeuvre du plan de relance.

Autre point crucial, le transfert expérimental des routes aux régions. Nous considérons qu'il est nécessaire d'augmenter la durée de l'expérimentation : cinq ans, cela semble trop court au regard des enjeux qu'un tel transfert représente et pour évaluer les besoins et les transferts de personnels requis. Nombre d'élus y voient un écueil majeur. De même, les mesures de simplifications semblent disparates, sectorielles et de portée inégale. Nous essaierons de leur donner plus de cohérence et de souffle.

Enfin, la question de l'eau et de l'assainissement, à laquelle nous sommes très attachés, vous le savez. L'eau ne relève pas, selon nous, du champ intercommunal. La preuve en est que les communes qui souhaitaient transférer cette compétence à l'intercommunalité pouvaient le faire avant la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) : peu l'ont fait ! Cette compétence est singulière et nous devons revoir les modalités de transfert, pour privilégier les syndicats aux intercommunalités. Nous avons toujours essayé d'avancer avec le Gouvernement, mais nous sommes face à un blocage. Les subdélégations semblent, en pratique, difficiles à mettre en oeuvre. Il est rare que le Sénat insiste de manière récurrente sur un point, mais nous écoutons les remontées des territoires.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Le Sénat accueille ce texte avec bienveillance et exigence. Nous espérons que les discussions seront fructueuses. Néanmoins, nous poussons déjà ce texte vers la lettre « E », car nous visons avant tout l'efficacité de l'action publique !

S'agissant du principe de différenciation, qui fait l'objet de l'article 1 er , le Sénat ne vise pas à « détricoter » la République : la Constitution et la jurisprudence reconnaissent clairement, en effet, que la différenciation est utile pour parvenir à l'égalité. Comme pour la compétence « eau », n'y voyez pas là un « marronnier » du Sénat. Simplement, la crise sanitaire a montré la nécessaire complémentarité entre l'État et les collectivités territoriales, et l'exigence de réactivité. L'État peut avoir confiance dans les collectivités qui ne manquent jamais à leur devoir. Malheureusement, l'article 1 er n'apporte rien de nouveau. Il se borne pour l'essentiel à la répétition du principe de différenciation tel qu'il est aujourd'hui admis par la jurisprudence constitutionnelle, et se trouve donc concrètement dépourvu de portée normative.

De même, à l'article 2 sur le pouvoir réglementaire local, il devrait être possible d'aller plus loin pour plus d'efficacité. Je note d'ailleurs que pendant la crise sanitaire, beaucoup de maires de petites communes ont été contraint de s'octroyer un pouvoir réglementaire local, faute d'autres solutions.

Les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) sont ce que j'appelle des « parloirs », simples lieux de dialogue entre collectivités. La plupart ne fonctionnent pas très bien et certains s'interrogent sur leur intérêt. Or, avec ce texte, elles deviendraient un lieu de décision, permettant de définir les transferts de compétence tous les six ans, après les élections, au risque d'entraver la liberté des territoires. J'y suis défavorable.

Il faut aussi plus d'audace sur la médecine scolaire et la prévention. La qualité de l'action des départements dans des domaines connexes, relatifs à la protection de l'enfance, est reconnue. Toutefois, il faudrait clarifier ses compétences en la matière. Les instituts départementaux de l'enfance et de la famille sont ainsi financés par le département, mais le président du conseil départemental n'a aucune autorité sur le personnel et n'en choisit pas le directeur ; c'est pourtant lui qui assure le financement de ces personnels. Je ne suis pas sûre que ce système fonctionne vraiment bien. Il nous paraîtrait souhaitable, par souci de cohérence, d'élargir le détachement dans la fonction publique territoriale qui est proposé, par le texte, aux directeurs adjoints, afin que le directeur ne soit pas le seul à être placé sous l'autorité du département. Quant à la médecine scolaire, Madame la ministre, vous connaissez notre position : au regard de l'état actuel de sa gestion, de sa situation financière qui confine à l'indigence, son transfert aux départements aurait dû perdurer au sein du texte...

J'en viens à l'assouplissement du fonctionnement des intercommunalités, thème qui m'est cher, vous le savez. Je souhaite une intercommunalité heureuse. L'Assemblée des communautés de France (AdCF) a beaucoup évolué sur ce sujet. Elle reconnaît l'obligation de performance et d'efficacité, et le niveau de l'intercommunalité n'est pas toujours le plus adapté : est-ce le rôle de la métropole de réparer les nids-de-poule sur les routes ? On a plutôt besoin d'une intervention de proximité. L'action des métropoles mériterait d'être réinterrogée. La Cour des comptes s'étonne du nombre de délégations de gestion dans les métropoles et les intercommunalités. Cela montre que les communes et les intercommunalités ont trouvé des solutions originales pour s'adapter à des transferts autoritaires décidés d'en haut. Cela vaut aussi pour les centres intercommunaux d'action sociale.

Je constate par ailleurs que l'autorité judiciaire comme la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) retiennent trop souvent une acception par trop large de la qualification de prise illégale d'intérêt, parfois jusqu'à l'absurde... Bien sûr, il faut être vigilant sur ce point, et il ne s'agit en aucun cas d'exonérer les élus d'obligations légitimes relatives à l'exercice de leur mandat ; mais en considérant que les élus locaux qui représentent la commune au sein des conseils d'administration des sociétés d'économie mixte (SEM) ou d'une société publique locale (SPL) commettent un délit de prise illégale d'intérêts s'ils ne se déportent pas, on va très loin, et l'on risque de ne plus trouver de candidats pour exercer les mandats locaux. Il importe donc d'agir sur ce point et de prévoir au besoin une dérogation en faveur des élus qui représentent leur collectivité au sein d'une SEM ou d'une SPL. Où en êtes-vous dans vos réflexions sur ce point ?

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Sur le titre III relatif à l'urbanisme et au logement, je voudrais vous poser trois questions sur la réforme de la loi SRU.

Le projet de loi ouvre la possibilité d'un rattrapage différencié pour chaque commune déficitaire en logements sociaux au travers d'un contrat de mixité sociale (CMS) signé avec le préfet et l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre auquel appartient la commune. Pourrait-on aller plus loin dans la différenciation et la déconcentration en donnant plus de marge de manoeuvre aux acteurs locaux, notamment sur le rythme de rattrapage et ses conséquences ? Pour être simple, peut-on muscler le contrat de mixité sociale pour faire du couple maire-préfet l'élément central de l'application de la loi SRU ?

Le 29 janvier dernier à Grigny, le Premier ministre a déclaré qu'il était très favorable à une vision intercommunale de l'application de la loi SRU. Comment la réflexion du Gouvernement a-t-elle évolué sur ce sujet ? Pourra-t-on mettre en place une expérimentation en la matière ?

Dans ce même discours de Grigny, le Premier ministre s'est également prononcé en faveur d'une limitation des logements très sociaux dans les communes comptant déjà plus de 40 % de logements sociaux, pour garantir la mixité sociale. Seriez-vous favorable à l'inscription dans la loi de ce principe d'une « loi SRU à l'envers » ou cela doit-il rester du niveau de simples consignes aux préfets ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre . - M. Darnaud a parlé de déconcentration : nous sommes d'accord pour renforcer le rôle des préfets de département, ce qui ne veut pas dire que nous allons pour autant supprimer les préfets de région...

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Personne n'en demande autant !

Mme Jacqueline Gourault, ministre . - Pourtant, certains le souhaitent ! J'avais déjà obtenu, non sans difficulté, que le préfet de département devienne le délégué territorial de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Ce texte prévoit que le préfet de région sera le délégué territorial de l'Ademe. C'est une avancée, même si je connais votre attachement au renforcement du rôle au préfet de département. Le préfet de région pourra ainsi conclure des conventions avec les collectivités au nom de l'Ademe et participer à l'évaluation de cette politique, en lien avec les préfets de département. Vous réclamiez plus de « souffle » ; si je peux me permettre, je ne crois pas en avoir manqué pour obtenir de telles décisions !

Le texte confie aussi aux préfets coordonnateurs de bassin la présidence du conseil d'administration des agences de l'eau, et renforce leur rôle dans l'élaboration du programme pluriannuel d'intervention de chaque agence. Là encore, en renforçant les prérogatives du préfet de région, on renforce indirectement le rôle des préfets de département. Quant à l'OFB, il nous a semblé qu'il s'agissait d'un organisme de création trop récente pour être déjà modifié, mais sur le fond, je suis d'accord avec vous sur le nécessaire renforcement du rôle des préfets de département.

En ce qui concerne le transfert des routes, je suis ouverte à la discussion sur la durée de l'expérimentation. Nous avons retenu une durée de cinq ans, car c'est la durée habituelle pour des expérimentations, mais la discussion reste ouverte sur ce point.

Vous avez raison de souligner que le texte comporte de nombreuses mesures de simplification, de portée inégale. Mais le diable se cache souvent dans les détails, et de petites choses peuvent s'avérer très précieuses pour le fonctionnement des collectivités territoriales. Nous sommes évidemment ouverts à toutes vos propositions. Je suis persuadée que l'examen du texte dans le détail montrera que de nombreuses mesures sont intéressantes.

J'ai beaucoup travaillé, depuis que je suis ministre, sur la question de l'eau et de l'assainissement ; et j'avais déjà beaucoup travaillé sur ce sujet en tant que sénatrice...

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - C'était bien alors !

Mme Jacqueline Gourault, ministre . - Certes, mais il ne faut pas se tromper de débat ! La loi dite « Engagement et proximité » de décembre 2019 a déjà traité cette question. Vous avez raison, l'intercommunalité n'est pas toujours le meilleur niveau. Un syndicat est parfois plus adapté à la dimension d'un bassin versant. Nous avons déjà réduit de trois à deux le nombre d'intercommunalités nécessaires pour créer un syndicat. Mais si l'on rouvre le dossier de l'eau, certains voudront rétablir la compétence des communes. Or, ce n'est pas possible à mes yeux ! Même si j'ai conscience que la question de l'articulation entre bassins versants et intercommunalités peut se poser dans certains territoires.

Françoise Gatel a évoqué des articles « qui n'apportent rien ». L'article 1 er me semble au contraire fort utile, car la jurisprudence du Conseil constitutionnel est, s'agissant du principe de différenciation, méconnue. Il s'agit de permettre la reconnaissance, au sein des règles applicables aux collectivités territoriales et dans le respect du principe d'égalité - c'est important -, davantage de marges de manoeuvre pour exercer leurs compétences. La différenciation doit ainsi conduire à apporter des assouplissements à l'uniformité des règles d'attribution et d'exercice des compétences au sein d'une même catégorie de collectivités territoriales.

En ce qui concerne le pouvoir réglementaire des élus locaux, l'article 2 est conçu comme une accroche législative, vouée à être enrichie, pour renforcer ce pouvoir dans les champs des compétences des collectivités territoriales. Le Sénat a fait des propositions que nous étudions. Nous avons aussi missionné l'inspection générale de l'administration sur cette question. Nous sommes prêts à travailler sur ce sujet pour élargir le pouvoir réglementaire des élus, dans le respect de leurs compétences.

Les CTAP, qui ont été créées par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), ne fonctionnent pas toujours très bien, sauf peut-être en Bretagne. C'est une grand-messe annuelle, quand elle se réunit... Il fallait donc opérer des changements. Mais il est important que les collectivités, de tous niveaux, puissent disposer d'un lieu où se réunir et discuter entre elles de l'articulation des politiques publiques, de manière horizontale. Je suis parfois surprise de constater que, dans certaines régions, le président du conseil régional ne parle pas avec les présidents des conseils départementaux... Le Gouvernement veut renforcer le rôle des CTAP, sans remettre en cause leurs équilibres, pour que les élus puissent mieux s'approprier cet outil et discuter de délégations de compétences centrées sur la réalisation de projets concrets, afin que les collectivités puissent s'entraider. C'est l'objet de l'article 3, mais nous pouvons sans doute travailler ensemble à clarifier sa rédaction.

Des mesures de souplesse dans les EPCI sont déjà possibles, mais cette faculté n'est ni bien connue ni utilisée. Le cadre actuel autorise ainsi déjà de nombreuses adaptations : un EPCI peut partager un service commun avec une ou plusieurs communes ; les EPCI peuvent réaliser des prestations de services pour les communes membres, et inversement ; le président d'un EPCI peut déléguer l'exercice de certaines de ses compétences à des conseillers communautaires, même de manière territorialisée. Rouvrir ce dossier pourrait nous entraîner loin. La loi « Engagement et proximité » a prévu une conférence des maires ; c'était déjà un premier pas important.

Nous travaillons avec la HATVP sur la question des conflits d'intérêts. Elle met en avant un problème de cohérence avec le code pénal. Nous partageons votre analyse sur le fond, mais il reste à déterminer le texte qui pourrait porter les dispositions que vous évoquez.

Le transfert de la médecine scolaire aux départements, déjà compétents pour la petite enfance, figurait dans le texte initial. Il y a eu beaucoup de réflexions. Seuls 18 % des élèves ont bénéficié de la visite médicale de rentrée en classe de sixième. Néanmoins, en raison de la crise sanitaire, il a été décidé que ce n'était pas le moment de changer l'organisation du système de santé...

J'en viens au logement. Les contrats de mixité sociale permettront un rattrapage différencié selon la situation locale. Le taux de rattrapage du déficit pourra être ramené de 33 % à 25 %...

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Cela reste trop élevé !

Mme Jacqueline Gourault, ministre . - Il est important de souligner que les CMS seront déconcentrés : ce sont les avis des préfets ainsi que d'autres avis locaux qui compteront, et non les décisions d'une commission nationale. L'article 18 évoque un examen conjoint des difficultés entre le maire et le préfet, cela donne beaucoup de marge de manoeuvre pour gérer ces contrats. Nous voulons faire de ce dispositif un levier de différenciation en matière de construction de logement social, afin de pouvoir régler localement ces questions ; c'est une grande avancée par rapport à loi SRU.

Les intercommunalités ont déjà des compétences en matière de logement. Il existera deux dispositifs pour mutualiser les rattrapages : les programmes locaux de l'habitat (PLH) et le dispositif qui avait été adopté à l'initiative de Marc-Philippe Daubresse. Nous sommes ouverts pour améliorer ces mécanismes, mais n'avons pas reçu de propositions de la part des associations d'élus. Beaucoup s'inquiètent du rôle que pourrait jouer l'intercommunalité. Certains voient dans ces mécanismes une modalité de souplesse, d'autres une forme de contrainte. Il ne faudrait pas toutefois faire une loi SRU « à l'envers » en faisant porter toutes les obligations sur les communes qui ont déjà beaucoup de logements sociaux. Une circulaire est parue, afin de ne plus délivrer d'agréments dans les communes qui comptent déjà 40 % de logements sociaux. Parfois, ces communes demandent à construire des logements sociaux intermédiaires.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - C'est une manière de favoriser la diversité sociale. Au lieu de construire des logements financés par le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) ou par le prêt locatif à usage social (PLUS), on peut en effet chercher à réaliser des logements financés par le prêt locatif social (PLS) ou par le prêt locatif intermédiaire (PLI).

Mme Cécile Cukierman . - Si les élus locaux disent ne pas vouloir de nouvelle grande réforme, mais plutôt une « pause institutionnelle », il ne faut pas pour autant oublier de travailler au renforcement des libertés locales et à l'amélioration de la capacité des élus locaux à répondre aux besoins de leurs populations. Finalement, en cette fin de mandat, cette loi apparaît encore hésitante. J'ai eu beau relire les nombreux articles de ce texte, je cherche encore comment celui-ci pourrait constituer un « nouvel acte » de décentralisation, qui permettrait à nos concitoyennes et concitoyens de s'approprier la chose publique et aux élus de construire dans la proximité.

La déconcentration est évidemment le pendant nécessaire d'une véritable décentralisation, et elle ne peut se résumer au simple renforcement du pouvoir des préfets, fussent-ils départementaux. On observe aujourd'hui une désertification de l'État dans nos départements : les restructurations dans les directions départementales des finances publiques (DDFiP) fragilisent l'accompagnement dans la technique et l'ingénierie financière des élus ; la capacité de réponse des nouvelles directions départementales des territoires (DDT) est affaiblie ; et l'ANCT ne peut à elle seule répondre à ce recul de la présence de l'État. Il faut donc un État « fort » dans les départements, accompagnateur de l'exercice démocratique.

La simplification doit se réaliser dans le cadre de l'égalité. La première des simplifications serait de rétablir la clause de compétence générale pour le département et la région, dont on a vu au travers des crises successives qu'elle leur manquait cruellement. Il faut également simplifier en revenant sur ces mesures calendaires qui empêchent le bon déploiement du service public de l'eau.

Sur les CTAP, la meilleure simplification serait tout simplement de les supprimer : instaurées pour répondre aux besoins de ceux qui défendaient la métropolisation, elles visaient à rassurer ceux qui étaient inquiets de la disparition des autres territoires. Force est de constater que cela n'a pas marché. À la veille des élections départementales et régionales, pour lesquelles on attend un fort taux d'abstention, il nous appartient collectivement de tirer les conséquences des lois successives qui ont corseté les libertés locales.

M. André Reichardt . - L'article 1 er de ce projet de loi n'a pas de portée normative et ne va pas assez loin en matière de différenciation. Dans la mesure où le texte prévoit d'achever le transfert de certains blocs de compétences et de clarifier la répartition de ces dernières, pourquoi ne pas profiter de cet article pour compléter la différenciation de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) ? Par exemple, la CEA a des compétences sociales. Pourquoi ne pas lui avoir permis d'être compétente en matière d'économie et de commerce de proximité, pour en faire ainsi un bloc cohérent ?

Selon l'article 3, la CTAP a l'obligation, sous l'autorité du président de région, de « mettre au débat » le principe de délégation de compétence d'une collectivité territoriale à une autre. Une résolution peut ensuite être adoptée par la majorité, et le cas échéant, les collectivités intéressées peuvent procéder aux délégations de compétences concernées. Mais les collectivités territoriales n'étant pas liées par cette résolution, à quoi va servir cette procédure ? De plus, la loi prévoit déjà le principe et les procédures des délégations de compétences. Au fond, le problème ne réside pas tant dans la possibilité de mettre en oeuvre une délégation, mais dans la volonté de la collectivité délégante de le faire, ce qui n'est pas le cas de la région Grand Est.

Si l'article 2 prévoit certes une légère extension du pouvoir réglementaire en Alsace-Moselle, en revanche, le droit local n'évolue pas. N'y aurait-il pas lieu de le faire progresser, et ce de deux façons : en renforçant le rôle de la commission du droit local, et en transférant à la CEA et au département de la Moselle des compétences qui relèvent du pouvoir réglementaire ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Je regrette que les lois en vigueur renforcent les possibilités de délégations de compétences entre les communes, les intercommunalités, les départements et les régions. Cela introduit une certaine confusion, d'autant que de plus en plus d'instances réclament de plus en plus de compétences. Pensez-vous que la confusion des pouvoirs est inéluctable, ou restez-vous attachée au postulat de départ de la décentralisation : que chaque niveau de collectivité soit responsable d'un niveau de compétences ? Cette question se pose aussi dans le cadre du rôle de l'État, dont il est précieux d'avoir une définition claire.

La démocratie est un sujet très présent. Certaines petites communes élisent leurs représentants au suffrage universel direct, alors que ce n'est pas le cas pour des collectivités comptant plus de 1 million d'habitants. Le système des communautés de communes me paraît bien fonctionner de cette façon, du fait de la proximité avec les communes. En revanche, ne serait-il pas pertinent d'instaurer un suffrage universel dans les métropoles, comme dans le cas lyonnais ? Concomitamment au suffrage universel direct, la métropole de Lyon s'est par ailleurs dotée des pouvoirs du département sur son territoire. Dès lors que la métropole endosse les prérogatives du département, elle devient une collectivité locale, d'où le vote au suffrage universel. Mais certains sont partisans de généraliser le système lyonnais aux métropoles. Je sais que ce sujet n'entre pas dans le cadre du projet de loi, toutefois il finira par apparaître dans les discussions. Quelle est votre philosophie sur ce point ?

M. Stéphane Le Rudulier . - La métropole à statut particulier d'Aix-Marseille-Provence intègre dans son périmètre des compétences dites « de proximité », comme l'extension des cimetières communaux, les bornes incendie, ou encore les voies de défense des forêts contre l'incendie (DFCI). Or, dans les mois qui ont suivi la création de la métropole, nous nous sommes aperçus que ces compétences ne pouvaient pas être exercées à cette échelle, c'est pourquoi 208 conventions de gestion ont été conclues entre la métropole et les 92 communes qui la composent. Mais nous arrivons aujourd'hui à un point de blocage, puisque le préfet de région a, à juste titre, émis un recours gracieux sur ces conventions de gestion, dont il a apprécié avec justesse le caractère illégal. Or, la métropole n'est pas en mesure de reprendre ces compétences en gestion. C'est pourquoi il faut remettre sur la table ce débat sur les métropoles, entre les compétences stratégiques et les compétences dites « de proximité » qui ne fonctionnent pas sur ce périmètre. Derrière cette question, c'est l'organisation de la métropole qui est en jeu, y compris ses liens avec les services déconcentrés. Le périmètre de la métropole fait lui aussi l'objet de plusieurs interrogations, avec éventuellement une réflexion sur son élargissement à l'échelle du département.

Mme Jacqueline Gourault, ministre . - La décentralisation est bien présente dans ce projet de loi, par exemple en matière de mobilités, ou encore dans le domaine de la transition écologique. Toutefois, j'assume entièrement le fait que ce texte ne soit pas une grande loi de décentralisation. Premièrement, celle-ci se heurte au « mur » des compétences régaliennes de l'État. Deuxièmement, il y a aujourd'hui deux grandes lois de décentralisation, et nous sommes déjà dans une République décentralisée, comme la Constitution le prévoit. Troisièmement, j'ai rencontré plus de 2 000 élus et je n'ai pas senti d'appétence particulière pour une décentralisation forte, sauf peut-être dans certains domaines, à l'image de la médecine scolaire. Cela nous amène donc à relativiser la demande des élus sur ce sujet. Quatrièmement, le grand marqueur de notre loi est la différenciation. Dans ce cadre, l'exemple des CMS permet de facto de mettre en oeuvre la décentralisation et la déconcentration par le transfert des décisions du niveau national au local. Nous avons donc réalisé un travail assez fin pour que ce texte soit un équilibre entre différenciation, décentralisation et déconcentration.

Je le dis haut et fort, je ne suis pas favorable au retour de la clause de compétence générale pour les régions et les départements. Il est apparu clairement dans les auditions que les élus et les associations d'élus ne souhaitaient pas revenir sur la clarification apportée par la loi NOTRe.

La CEA commence seulement à être mise en place, et le nouvel exécutif sera bientôt élu. Il faut laisser à cette nouvelle collectivité le temps de s'installer et de s'approprier ses compétences ainsi que sa gouvernance. Il serait inapproprié de revenir sur ce que l'on vient de mettre en place. Rappelons également que la CEA a été créée à cadre constitutionnel constant, appliquant les possibilités offertes par le principe de la différenciation. De plus, l'article 3 est inspiré de l'exemple alsacien, puisqu'il permet une délégation de compétence par projet, tout en respectant le principe de non-tutelle d'une collectivité sur l'autre, au sein d'une CTAP. Enfin, la CEA, comme toute autre collectivité, ne peut pas se voir transférer de compétences régaliennes comme législatives. Les élus locaux ne l'ont par ailleurs pas demandé !

L'élection au suffrage universel des métropoles, qui concerne aujourd'hui la métropole de Lyon, est un sujet qui fera partie du débat politique au cours des prochaines réformes institutionnelles. La question de la réforme des métropoles mérite également d'être posée pour Paris et Marseille. Mais si l'on ouvre ce débat, où s'arrêter ensuite ? Faut-il inclure les communautés urbaines, les communautés d'agglomération et les communautés de communes ? En tout état de cause, la présente loi ne me semble pas devoir traiter ce sujet.

Il est clair que le système de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ne fonctionne pas bien, c'est pourquoi l'article 56 de notre texte pose la question de la répartition des compétences entre la métropole et les conseils de territoire. Selon moi, les 208 délégations que vous évoquez démontrent un véritable dysfonctionnement. La métropole a du sens pour porter des projets structurants, et notre article ouvre la discussion pour trouver un équilibre entre la proximité à redonner aux communes et les sujets stratégiques. La situation exige la prévision d'un débat à mi-mandat, portant sur les délégations de compétence et sur le périmètre de la métropole. Les métropoles de Paris et de Marseille ont été sciemment exclues de ce texte, car ces deux réformes métropolitaines exigent un travail et des textes spécifiques.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous vous remercions de votre participation, madame la ministre.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .

Audition de Mme Amélie de Montchalin,
ministre de la transformation et de la fonction publiques

(Jeudi 17 juin 2021)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous accueillons ce matin Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, dans le cadre des auditions sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », anciennement intitulé « 4D ». Nombre de nos collègues participent à nos travaux en visioconférence.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques . - Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de cette invitation qui me donne l'occasion d'échanger sur le projet de loi « 4D », désormais « 3DS » relatif à la politique de simplification et de décomplexification que je conduis pour l'ensemble du Gouvernement au bénéfice de nos concitoyens.

J'ai une conviction, c'est que la simplification n'est pas un objet technocratique, elle ne résulte pas d'une obsession qui complexifierait en prétendant simplifier. C'est un sujet éminemment politique, et je sais, madame, monsieur les rapporteurs, que vous partagez cette vision. Il me semble légitime qu'il fasse l'objet d'un vrai débat, de portée politique, devant le Parlement, car la simplification évoque trop souvent dans nos esprits, et malheureusement aussi pour nos concitoyens, les lois obsolètes qu'il faut abroger, les 69 000 pages de droit disponibles sur Légifrance, les commissions Théodule, ou les chevauchements administratifs. À mes yeux, la simplification a au contraire trait au vécu quotidien des Français, à la capacité que nous avons et qui est au coeur de notre engagement personnel de le modifier et de l'améliorer. Cette question a toute sa place dans le présent projet de loi porté à titre principal par Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales que je salue, car elle poursuit des objectifs d'ensemble pour ancrer davantage l'action publique dans le réel et la vie quotidienne en parachevant l'organisation de la décentralisation, en renforçant la place de l'État aux côtés des collectivités par la déconcentration et en ouvrant des opportunités nouvelles pour différencier les interventions publiques en fonction des besoins des territoires.

Ces questions, vous le savez - j'ai déjà été auditionnée au Sénat à ce sujet par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation -, sont au coeur de l'ambition de mon ministère, celui de la transformation et de la fonction publiques : mobiliser le numérique, les ressources humaines, les fonctionnaires pour mieux servir nos concitoyens, en étant dans cette logique de bienveillance, de proximité et d'efficacité. Le Président de la République a d'ailleurs fait de ces trois mots la matrice de l'ambition qu'il a fixée à tous les « cadres dirigeants » de l'État le 8 avril dernier. Tels sont les axes de l'action que je conduis. Je les illustrerai brièvement en explicitant les articles qui prouvent que, derrière les mots, nous mettons bien des actes.

Premièrement, nous voulons utiliser l'ensemble des leviers, en particulier numériques, à notre disposition pour simplifier effectivement la vie de nos concitoyens. Les articles 50, 51 et 52, qui visent notamment à accélérer les partages de données entre administrations et acteurs publics, déjà autorisés dans le code des relations entre le public et l'administration, permettront de passer d'une interdiction, sauf exception autorisée par un décret en Conseil d'État - donc par un acte réglementaire - pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour chaque échange, à un partage de données qui devient la règle par défaut, et ce dès lors qu'il est réalisé au bénéfice de l'usager. J'ai d'ailleurs mis à jour en avril dernier ledit décret tendant à autoriser le partage de données sur les diplômes, les situations de famille, les statuts de demandeur d'emploi, les droits sociaux, etc. Cette procédure est aujourd'hui très lourde, et l'article 50 du projet de loi instaure un véritable changement de paradigme qui dispensera les usagers, lors de leurs démarches administratives, de fournir des informations déjà détenues par l'administration. Il s'agit donc de la véritable mise en oeuvre du principe « Dites- le nous une fois ».

La mise en oeuvre des interfaces de programmation applicative
-ou Application Programming Interface (API) en anglais - facilitera la détermination des droits ouverts aux usagers et fera passer les services publics au XXI e siècle.

Je prendrai quelques exemples très concrets qui découlent de cette mise en oeuvre dans le cadre du plan de relance. Quand vous souhaitez inscrire votre enfant à la crèche ou à la cantine scolaire, il ne sera plus utile que votre collectivité, mairie ou intercommunalité, vous demande de fournir un avis d'imposition ou un justificatif de votre quotient familial, alors que ces documents ont d'abord été produits par une administration. Il en est de même pour votre date de naissance, celle de vos enfants ou encore votre adresse, informations que, par définition, l'administration détient déjà. Aller au-devant des usagers pour les informer de manière proactive sur leurs droits à des prestations, telles que l'éligibilité à des bourses étudiantes ou à une prime écologique, constituera également un moyen de lutter contre le non-recours aux droits. Ce sont autant de sujets qui sont au coeur des politiques publiques déployées par les collectivités.

Parallèlement à l'élaboration de cet article, en étroite collaboration avec la CNIL, nous avons revu, en vue de leur simplification et de leur modernisation, les procédures de contrôle, de correction et de sanction par la CNIL. C'est bien la preuve que simplifier pour l'usager, n'est pas synonyme de renoncement à l'application du droit et au respect de nos principes.

J'entends aussi approfondir la transformation souhaitée par le Président de la République vers un État plus bienveillant, qui sert et conseille l'usager. L'innovation numérique joue un rôle central pour améliorer la qualité des services publics. Nous nous sommes engagés pour atteindre en 2022 l'objectif de numérisation des 250 démarches les plus usuelles des Français pour qu'elles soient accessibles en ligne dans des conditions similaires et satisfaisantes pour les usagers. Nous nous attachons à garantir à tous les Français un guichet physique et/ou un accueil téléphonique et, au travers du réseau France Services, l'accès aux services publics partout sur le territoire. Ce sont 88 millions de crédits que nous mobilisons dans le cadre du plan de relance pour accélérer la transformation numérique des collectivités locales. Cela représente cinq à six ans d'investissement, et c'est inédit.

Deuxièmement, nous oeuvrons pour le développement de l'expérimentation au service de l'innovation. Le titre VII du projet de loi porte cette ambition. Trop souvent, la loi n'a, par définition, pas prévu les évolutions de demain. Elle peut donc devenir bloquante et empêcher les projets innovants d'émerger. C'est pourquoi nous avons souhaité ouvrir dans ce texte, au chapitre VI, un nouvel appel à projets France expérimentation de niveau législatif, à travers deux expérimentations qui favoriseront le secteur agricole ainsi que le mécénat de compétences de fonctionnaires vers des associations et fondations d'utilité publique. J'ai appelé les entreprises, les services déconcentrés, les élus locaux, les parlementaires à faire remonter leurs besoins pour que ce guichet trouve toute son utilité. L'objectif consiste à identifier les projets innovants et ambitieux et à leur permettre de se développer par l'attribution de dérogations temporaires à certaines dispositions législatives ou réglementaires. Il s'agit d'accompagner les entreprises pour interpréter le droit et, à terme, le simplifier et l'adapter aux évolutions techniques. Il me semble que la proposition de loi, récemment examinée par votre commission et le Sénat à l'initiative de Vincent Delahaye, tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit, et plus largement la mission dite « Bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles » (Balai) conduite par votre assemblée contribuent pleinement à cet effort.

Cette démarche France expérimentation a été lancée en 2016 ; 300 projets, dont 25 % provenant de start-up, ont été revus, et la moitié d'entre eux ont obtenu de notre part une dérogation pour se développer via un arbitrage, une expérimentation juridique ou une évolution durable du droit. C'est grâce à une meilleure prise en compte des enjeux économiques et territoriaux, qu'il s'agisse de la transition écologique, du logement, des transports, de la santé, des solidarités, de la réutilisation des eaux usées ou encore de la mobilisation des logements vacants, que nous ouvrirons le droit aux innovations de demain.

Dans cette recherche de transformation de l'action publique au plus près des besoins des territoires, nous mettons en avant la transparence dans les résultats de l'action publique, département par département, dont le baromètre a tout de même été consulté par 680 000 Français depuis le mois de janvier. J'espère que vous en faites partie et que vous avez pu prendre connaissance dans vos départements respectifs des résultats des 36 politiques prioritaires en 2017, aujourd'hui, et à l'horizon de 2022. Les multiples disparités que vous constaterez justifient la différenciation de l'action publique pour garantir aux Français un bilan homogène.

Le pilotage de l'action publique doit prendre en compte les effets évalués au plus près des territoires. Nous avons donc renforcé les moyens d'action, notamment des préfets et de tous les échelons déconcentrés départementaux, en leur donnant des marges de manoeuvre en termes budgétaires ou de ressources humaines, et en les dotant - c'est une innovation depuis 1964 - d'une feuille de route interministérielle. Signées par le Premier ministre, elles seront envoyées au cours du mois de juillet et comprendront les priorités fixées pour chaque département au vu des résultats. Cela répond aux engagements que nous avions pris au mois de février dernier lors du cinquième comité interministériel de la transformation publique (CITP) à Mont-de-Marsan concernant la différenciation de l'innovation, de l'expérimentation et du pilotage.

En conclusion, le Président de la République s'est engagé depuis 2007 à construire une action publique plus proche des citoyens et plus efficace, les besoins devenant plus prégnants du fait de la crise sanitaire. Les citoyens nous font confiance, puisqu'ils sont passés de 69 % à 72 % à avoir une bonne opinion des services publics. Ce taux atteint même 76 % pour les entreprises. Pour que ces résultats progressent encore, nous devons continuer à agir, certes par le droit, mais également par une action publique quotidienne faite de bienveillance, de proximité et d'efficacité.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Pour reprendre un terme entendu hier dans l'hémicycle, je ne suis pas grincheuse, mais il faut reconnaître que ce texte, anciennement « 4D » et désormais « 3DS » n'apporte aucunement satisfaction s'agissant, selon le cas, de la décomplexification ou de la simplification de l'action publique. Or je sais, madame la ministre, combien vous défendez avec ardeur et pertinence cet objectif de simplification qui se veut utile pour nos concitoyens et doit servir tous les acteurs de l'action publique, l'État, mais aussi les collectivités locales.

Au-delà de cette simplification, je souhaiterais vous poser quatre questions.

Le projet de loi aborde les différents aspects de l'évolution du statut du personnel et de la gestion des ressources humaines dans plusieurs fonctions publiques. Il porte sur la mise à disposition de personnels d'État dans les départements autour de la direction des établissements d'accueil de la petite enfance, mais aussi, et le Sénat sera particulièrement attentif à ce dossier, sur la capacité des présidents de département et de région à exercer leurs obligations législatives et réglementaires, en disposant d'une réelle autorité sur les gestionnaires de collèges et de lycées. Il serait à nos yeux assez judicieux d'aller un peu plus loin au nom de la cohérence et de l'efficacité de l'action publique. Il serait en effet délicat de demander à un président de département d'assumer sa mission de prévention et d'accompagnement de la petite enfance quand il ne recrute ni n'évalue le directeur de la structure visée. Nous soutiendrez-vous dans cette démarche à propos de laquelle nous avons averti Jacqueline Gourault ?

L'article 69 évoque la mise à disposition des fonctionnaires d'État auprès des associations pour un mécénat de compétences. L'idée nous paraît intéressante. Des fonctionnaires territoriaux pourraient-ils être inclus dans cette démarche ?

Quant à l'article 50, est-il vraiment miraculeux ? Nous avons auditionné la CNIL hier. S'il suffisait d'adopter des dispositions pour qu'elles se concrétisent, ça se saurait... Sans être, à nouveau, grincheuse, je pense que cela nécessite une organisation de l'ensemble des services de l'État et des capacités matérielles. Il faudrait peut-être aller plus loin pour les collectivités en alimentant systématiquement les communes afin qu'elles aient une connaissance précise des enfants scolarisés sur leur territoire. Cela complèterait utilement l'obligation du maire relative à l'instruction des enfants, d'autant que, nul ne l'ignore, les maires ne connaissent que les habitants qui s'inscrivent sur les listes électorales. Accepteriez-vous cette mesure qu'appellent de leurs voeux la CNIL et les associations d'élus ? Il y va de l'efficacité et la sécurité du processus.

Je terminerai par la question de l'évaluation. Les ministres et le législateur ont toute compétence en la matière et ont tout intérêt à évaluer. L'expérimentation est utile, mais un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) publié en 2020 a souligné les marges très significatives d'amélioration de l'évaluation publique partagée. Je m'inquiète beaucoup de l'absence de politique commune entre l'État et les collectivités sur ce sujet. Pendant la crise, les agences régionales de santé (ARS), qui exerçaient comme les présidents de département la tutelle sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ont travaillé du mieux qu'elles ont pu, mais sont restées dans leur coin, de telle sorte que certains présidents de département ont appris par la presse l'existence d'un cluster et de décès dans tel Ehpad. La systématisation du partage des compétences constituerait un facteur positif en direction de la décentralisation.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Si certaines dispositions vont assurément dans le bon sens, il est un sujet qui est traité de façon superficielle au regard des souhaits clairement exprimés par le Gouvernement : la proximité. Il est singulier de faire du préfet de département la « porte d'entrée » pour les élus, pour nos concitoyens sur le territoire, et ce lien agile entre les élus et l'État territorial. Pourquoi renforcer le rôle du préfet de région dans l'octroi des subventions des agences de l'eau, alors que le préfet de département serait potentiellement plus légitime ? Pourquoi ne pas faire du préfet de région ou de département le délégué territorial de l'Office français de la biodiversité (OFB), sur le modèle de ce qui est fait par le projet de loi s'agissant des directions régionales de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ? Cette problématique trouverait toute sa place dans ce texte. Il en est de même pour le sous-préfet, considéré comme un acteur majeur, qui doit être conforté dans la politique de relance. Je pousse ce matin un cri du coeur afin que le Gouvernement se saisisse de ces sujets, largement portés par la Haute Assemblée.

Il est par ailleurs essentiel que le pouvoir dérogatoire des préfets soit accru pour renforcer cette agilité et être au rendez-vous des attentes des collectivités. En période de crise, il faut de la réactivité et de l'immédiateté. Or le processus est alourdi par un centralisme parfois trop pesant. C'est l'un des messages les plus forts que nous souhaitons vous adresser ce matin.

Enfin, s'agissant de l'article 49, pourriez-vous nous éclairer sur la question des maisons France Services, car nous avons quelques difficultés à en comprendre l'intérêt sur le fond ?

M. André Reichardt . - Je m'arrêterai sur l'article 50 ; il est intéressant, à condition que l'on en mesure toutes les conséquences. À cet égard, j'appuie sans réserve l'observation de Françoise Gatel concernant la possibilité de doter les collectivités territoriales, et plus particulièrement les communes, de la meilleure information possible sur leur population. Depuis dix ans, je dois épuiser tous les ministres de l'intérieur en leur posant la même question : pourquoi ne pas rendre obligatoire un fichier domiciliaire ? Les réponses sont toujours les mêmes, quel que soit le gouvernement ; il serait impossible de le mettre en oeuvre, notamment pour des raisons qui tiennent à la protection des données à caractère personnel. Vous prévoyez donc une mise à disposition des informations en faveur des collectivités territoriales, mais sans aller jusqu'à rendre obligatoire une inscription dans un fichier domiciliaire comme nous l'appelons de nos voeux. Chaque année, le ministère de l'éducation nationale sollicite les communes pour savoir quels sont les enfants non scolarisés. Or il leur est impossible de répondre sans connaître leur population. Sachant que c'est l'une de mes marottes, les maires m'interpellent souvent à ce sujet. Si l'article 50 était assorti d'une mise en commun des différents fichiers, les collectivités locales pourraient alors obtenir une réponse sans que la personne qui vient de s'installer dans la commune soit obligée de s'inscrire.

Mme Amélie de Montchalin, ministre . - L'article 50, qui suscite de nombreuses interrogations de votre part, est très substantiel. Le but n'est pas de créer des fichiers statiques qui n'auraient pas vocation à être utilisés. La négociation avec la CNIL permet le changement de paradigme, et chaque fois que cela permet une simplification ou un bénéfice pour un usager, alors le partage des données est possible.

Concernant les écoles, on peut considérer que l'usager retire un bénéfice de l'accès facilité à une inscription ou aux services périscolaires. Nous construisons non pas des bases de données, mais un accès automatique à la donnée et, partant, à un service public. Cette mesure est évidemment encadrée par des précautions liées au droit et réservée à ceux qui en ont l'usage.

Notre objectif n'est pas de créer des charges. Personne n'est obligé de fournir des données qu'il n'a pas. En revanche, les échanges de données seront possibles pour tout le monde, entre communes, entre intercommunalités, entre la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et la Caisse d'allocations familiales (CAF) pour justifier de l'invalidité d'une personne et faciliter l'accompagnement à la mobilité des personnes en situation de handicap, etc. Nous nous inscrivons, là encore, dans cette logique de bienveillance, de proximité et d'efficacité dans l'intérêt des usagers, qui sont à la fois des entreprises et des citoyens - combien de fois une entreprise doit-elle aujourd'hui donner son numéro Siret ?

Ces flux d'informations vont pouvoir se réaliser de manière intuitive entre tous les acteurs publics - collectivités, opérateurs, services déconcentrés, administrations centrales - ; c'est un point majeur.

Le droit permet déjà un certain de nombre de choses. Dans le cadre du plan de relance, nous donnons aujourd'hui 5 000 euros, de manière forfaitaire, via le site transformation.gouv.fr , à toute commune qui souhaite déployer des API, afin d'avoir accès au revenu fiscal de référence ou au quotient familial. Cela va faciliter le processus d'instruction des dossiers, notamment la cantine, le service périscolaire et autres aides municipales. Le dispositif est très incitatif ; il y a des régions où sa diffusion est rapide - je pense notamment à la région Centre-Val de Loire - et d'autres où elle est plus lente.

Nous soutenons également le déploiement de FranceConnect par lequel 23 millions de Français accèdent aujourd'hui à divers services publics en ligne. Le dispositif facilite le partage de données et les démarches.

Ces éléments très concrets n'entraînent pas de charge supplémentaire pour les collectivités. Avec ces dispositifs, on peut avoir accès aux données pour le bénéfice de l'usager, mais on ne constitue pas des bases de données statiques qui pourraient entraîner des risques de cyberattaques.

Concernant l'évaluation publique, je suis tout à fait d'accord avec vous, madame Gatel. Cela a été mon combat lorsque j'étais députée ; je suis, parmi d'autres, à l'origine du fameux printemps de l'évaluation ; à l'Assemblée nationale, nous consacrons désormais plus de temps à la manière dont l'argent public a été dépensé l'année précédente qu'à celle de le dépenser l'année suivante.

Le baromètre des résultats n'est pas un outil d'évaluation, mais permet ensuite l'évaluation. Toutes les dispositions sur l'activation des chambres régionales des comptes (CRC) à la demande des collectivités vont dans le sens d'une évaluation partagée des politiques publiques.

Concernant les mises à disposition de personnels, je suis très ouverte. Si nous avons un statut unique, nous travaillons sur des dispositions partagées.

L'évolution du statut des directeurs d'instituts départementaux de l'enfance et de la famille (IDEF) et celle des gestionnaires de collèges et lycées sont distinctes. Les directeurs des IDEF étant détachés dans la fonction publique territoriale, cela permettra au président de département de mieux les piloter. Concernant les gestionnaires de collèges et lycées, la mesure prévue à l'article 41 est le résultat d'un dialogue entre les départements, les gestionnaires et les organisations syndicales, qui y sont assez peu favorables. L'état actuel du texte me paraît raisonnable. Ces articles sont portés par Jacqueline Gourault. À ma demande, elle a rencontré les organisations syndicales, notamment pour évaluer les enjeux de sécurisation des éventuels transferts et les changements de périmètre. Je serai à ses côtés lorsque le sujet sera débattu.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Nous avons mesuré l'enthousiasme des syndicats lors des auditions...

Mme Amélie de Montchalin, ministre . - Vous avez donc une bonne visibilité de l'enjeu.

Monsieur Darnaud, un certain nombre de textes font aujourd'hui référence aux maisons de services au public (MSAP), mais France Services a pris la relève. Il nous semble utile de clarifier le droit afin que tout le monde sache bien de quoi l'on parle. De plus, il y a un saut qualitatif en termes de labellisation.

Il s'agit d'un projet politique affirmé, visant à procéder à un remaillage de notre territoire, avec 1 300 espaces France Services - soit des maisons, soit des bus itinérants ; nous souhaiterions atteindre les 2 000 espaces en 2022. Les acteurs du service public s'impliquent beaucoup ; la justice, par exemple, sera accessible dans les 2 000 maisons France Services. Nous avons besoin d'acter dans le droit qu'il ne s'agit pas simplement d'une expérimentation, mais d'une véritable réflexion sur notre service public.

Concernant le remembrement de l'État départemental, je partage vos observations. Le Gouvernement est en rupture sur deux points majeurs dans la manière de concevoir un État départemental.

La première rupture concerne les effectifs. La crise sanitaire a montré que nous manquions parfois de personnels ; nous avons, sur ce point, des faiblesses et des fragilités qui peuvent devenir problématiques. Depuis 2010, les effectifs départementaux de l'État ont baissé de 40 % ; tel est le fruit de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Au début du quinquennat, nous avons commencé par stabiliser les effectifs, et aujourd'hui nous souhaitons les augmenter. Nous sommes en rupture avec une tendance qui a érodé la puissance de l'État.

Seconde rupture, nous assumons politiquement le fait de remembrer l'État. Pendant des années, la mode était à l'« agenciarisation » et à la régionalisation de l'action publique ; nous assumons fortement cette rupture. Le Premier ministre l'a assuré, nous tiendrons un CITP en juillet prochain, dont l'axe principal sera bien la poursuite de nos ambitions sur l'État départemental.

Le niveau départemental permet de constituer des équipes, de se connaître et d'avoir des leviers. Pour l'État, le but de ce remembrement - il fut assumé dans le discours du Président de la République le 8 avril dernier, et déjà dans son discours aux préfets en 2017 - est d'être cohérent. Il ne s'agit pas de placer tout le monde sous une autorité hiérarchique, mais, dans un certain nombre de situations, de clarifier la parole de l'État. À cet égard, nous voulons redonner au préfet son pouvoir d'arbitrage.

Dans notre organisation collective, la simplification de la décision est importante ; il convient de redonner des capacités de décision à ceux qui sont sur le terrain. On ne doit plus considérer les services départementaux comme des endroits où l'on reçoit des dossiers, où on les instruit, mais où on laisse le pouvoir de décision à l'échelon régional ou national. Notre réforme de la haute fonction publique vise à remettre des compétences de haut niveau dans les départements et les services opérationnels, avec des hommes et des femmes en capacité de décider.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Madame la ministre, votre réponse va dans le sens de ce nous appelons de nos voeux au Sénat.

J'ai pris volontairement cet exemple du préfet qui pourrait être délégué territorial de l'OFB. Pour nos élus et nos concitoyens, il faut de la clarté et de lisibilité.

Je souscris à vos propos : il convient de renforcer l'État départemental à la fois en termes de moyens, de compétences et de prérogatives. Il y a aujourd'hui dans notre pays un besoin de proximité qui ne cesse de s'exprimer, et il nous semblait que ce texte pouvait le prendre en compte.

J'ai également pris l'exemple de l'eau, avec une problématique qui va se poser dans la plupart de nos départements. L'idée de privilégier le préfet de département plutôt que celui de région permet de concilier agilité et proximité. Au niveau des commissions pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la plupart des élus réclament que l'eau soit un critère éligible au financement de l'État.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - La crise sanitaire a révélé que l'État devait avoir un chef d'orchestre pour harmoniser et décider sur les territoires. Au-delà de la crise, nous avons des exemples dans toutes les communes et les collectivités où les procédures, notamment sur les questions d'urbanisme, sont aujourd'hui très complexes. Les réglementations sont interprétées par des agents de l'État qui n'ont de comptes à rendre qu'à leur ministre et s'avèrent extrêmement zélés dans l'application d'un texte. Les élus frappent à différentes portes, et les réponses apportées sont parfois contradictoires.

Pour une meilleure cohérence, nous avions proposé dans la loi dite « Engagement et proximité » la création d'une conférence de dialogue entre l'Etat et les collectivités. Nous avons l'obsession de l'efficacité de l'action publique et, surtout, du soutien aux élus locaux qui sont comptables devant leurs concitoyens de cette efficacité ; l'État ne doit donc pas leur compliquer la vie, mais entretenir avec eux une relation partenariale.

M. François-Noël Buffet , président . - Le préfet, institution bicentenaire, est attendu avec impatience dans les départements. Pour les élus locaux, il est l'interlocuteur et l'incarnation de l'État.

Mme Amélie de Montchalin, ministre . - Je suis en phase avec les objectifs et j'essaie de trouver des manières concrètes de faire vivre des choses qui ont beaucoup de mal à se décréter par une circulaire ou un texte de loi.

Chaque agent public est rattaché à deux autorités : son territoire, son lieu de travail ; et son métier. Hiérarchiquement, il peut être rattaché à l'une de ces deux autorités. Comme il s'agit d'un impensé, il y a beaucoup d'agents publics à qui l'on n'a jamais expliqué ce double rattachement.

Vous dites que le préfet doit être le chef d'orchestre. Évidemment, il a ce rôle d'arbitrage, mais il est aussi un point d'entrée. Le démembrement de l'État donne aujourd'hui une impression de confusion ; pour y remédier, le préfet doit redevenir le point d'entrée.

Vous souhaitez des interlocuteurs uniques ; nous sommes en train de déployer des experts de haut niveau et des directeurs de projets dans l'ensemble du territoire. La démarche est la même que celle qui a été adoptée pour les sous-préfets lors de la relance. Après avoir examiné les résultats départementaux et observé, dans certains territoires, des dispositions qui ne fonctionnaient pas, les préfets nous ont fait part de leurs besoins : soit d'une politique publique, soit d'un grand projet. Le but de cette démarche, en coordination avec la réforme de la haute fonction publique, est de pouvoir redéployer dans les départements des postes de directeurs de projets ou d'experts de haut niveau.

Monsieur Darnaud, il faut de la clarté, de la lisibilité et aussi de la responsabilité. Nous devons être beaucoup plus clairs sur les responsabilités de chacun. La confiance et la responsabilité sont des mots qui peuvent paraître conceptuels, mais qui témoignent d'une réalité. L'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen précise que chaque citoyen peut demander des comptes aux décideurs publics ; mais celui-ci doit savoir qui décide pour pouvoir le faire effectivement.

Concernant les moyens, la méthode est aussi très importante. Nous avons aujourd'hui permis la différenciation budgétaire, en permettant notamment et dans une certaine mesure la fongibilité. Notre soutien doit aller aux départements qui en ont besoin, et nous menons ce travail avec l'ensemble des ministres.

Vous avez évoqué le sujet de l'eau. Le travail que mène actuellement Julien Denormandie avec le « Varenne de l'eau » s'appuie sur celui qui a été réalisé par un certain nombre de préfets à l'échelon départemental ; je pense notamment au travail très innovant mené par la préfète en Corrèze. L'objectif est de sortir de la vision procédurale pour établir également un diagnostic.

Les annonces prévues en juillet, à la suite de celles du mois février, concerneront tout ce qui ne relève pas du domaine de la loi. La véritable capacité à mettre en oeuvre dépend de la pratique et aussi de la nouvelle organisation de l'État concernant les administrations centrales.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous vous remercions de ces échanges.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .

Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué,
auprès de la ministre de la transition écologique,
chargé des transports,

(Mercredi 23 juin 2021)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous auditionnons Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - Ce projet de loi est à la fois un texte de continuité et de clarification. Il s'agira par ce vecteur de poursuivre et de renforcer des avancées déjà amorcées telles que la décentralisation des routes entamée en 2004 et le transfert des petites lignes ferroviaires d'intérêt local aux régions avec la loi d'orientation des mobilités de 2019. Il s'agira également de poursuivre l'effort de simplification des normes, notamment en matière de maitrise d'ouvrage de travaux publics, dans la continuité de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique de 2020.

Je vous propose ainsi de revenir sur les grands enjeux des sept articles portés par mon ministère au sein de ce texte. Notre objectif premier est de donner davantage de lisibilité dans la gestion des routes en France et d'accompagner les collectivités dans la conduite de leurs projets locaux. En premier lieu, l'article 6 du projet de loi prévoit le transfert à la carte de nouvelles routes aux départements, à la métropole de Lyon et aux métropoles de droit commun. L'article 7 propose de mettre à disposition, à titre expérimental, des routes aux régions pour une durée de cinq ans, et s'articule avec certaines dispositions du projet de loi dit « climat et résilience ». Enfin, l'article 8 prévoit le transfert de maîtrise d'ouvrage de certaines opérations d'aménagement du réseau routier national non concédé aux régions, départements, métropoles et communautés urbaines.

Ces mesures répondent à des demandes fortes des collectivités territoriales puisqu'une trentaine de départements et quelques régions nous ont déjà spontanément fait part de leur souhait de gérer de nouveaux tronçons routiers. Ce souhait devra être confirmé par les exécutifs réélus ou nouvellement élus de ces collectivités territoriales.

La question de la maîtrise d'ouvrage est un sujet de préoccupation pour les collectivités territoriales. Ce projet de loi entend offrir une solution adaptée à certains projets locaux.

Ce texte constitue une première brique : le Gouvernement a prévu le temps nécessaire pour engager les démarches et poursuit l'objectif d'un transfert effectif de compétence au 1 er janvier 2024.

Ce délai est nécessaire pour nous permettre de vous présenter la carte des routes concernées conformément au délai prévu dans le projet de loi, soit deux mois après la promulgation de la loi. Un tel délai a aussi pour objectif de laisser le temps aux exécutifs locaux issus du renouvellement prochain des conseils régionaux et départementaux de réaffirmer leurs demandes. Les associations d'élus locaux soutiennent le calendrier choisi.

Je tiens également à vous rassurer : il n'y a pas de risque de « morcellement du réseau routier national ». Alors que près de 17 000 kilomètres de routes avaient été transférés en 2007, seuls 10 à 15 % des quelques 12 000 kilomètres de routes nationales et autoroutes non concédées sont concernés par le transfert prévu dans le projet de loi. D'une part, les routes visées sont d'intérêt local ou régional et, d'autre part, l'exigence pour les régions de formuler une demande portant sur l'ensemble des routes susceptibles de leur être mises à disposition vise à éviter ce morcellement.

Ce texte doit permettre de rendre plus lisible la gestion du réseau routier en France. Certaines portions de routes, comme les 50 kilomètres de routes nationales en Côte d'Or, illustrent ce besoin de rationalisation.

Je me tiens à votre disposition pour répondre à toutes vos questions sur l'expérimentation ouverte aux régions, qui est en lien avec l'éco-contribution poids lourds régionale que nous avons proposée dans le projet de loi dit « climat et résilience ».

Le deuxième objectif du projet de loi est de compléter les outils à la disposition des régions afin que celles-ci puissent être pleinement actrices de l'avenir de nos petites lignes ferroviaires. L'article 172 de la loi d'orientation des mobilités a ouvert la possibilité de transférer aux régions la gestion des lignes présentant un intérêt local. Cette mesure a été confortée par les protocoles d'accord sur les petites lignes ferroviaires proposés à chaque région. Huit d'entre elles ont déjà adopté de tels protocoles.

Le projet de loi prévoit, en complément, de permettre aux régions qui le souhaiteraient de solliciter un transfert de propriété plus large que celui se résumant aujourd'hui aux lignes et aux installations de services que sont les gares de voyageurs exclusivement dédiées à ces lignes et les voies de services qui leur sont rattachées.

À nouveau, les délais proposés par le Gouvernement pour mettre en oeuvre un tel transfert sont cohérents. Nous continuerons à échanger avec les régions sur ce sujet après les élections régionales.

Enfin, le projet de loi vise à simplifier le droit en vigueur, sans rogner sur nos engagements environnementaux. L'inertie de certains projets d'infrastructures, tels des serpents de mer qui n'émergent jamais, contribue à créer une défiance des citoyens à l'égard de la capacité d'action publique. Cela entrave parfois le développement et l'attractivité de nos territoires. Nous devons ainsi sécuriser et accélérer le déploiement des projets d'infrastructures en France.

Deux mesures de simplification sont ainsi proposées : d'une part, la clarification des personnes pouvant à titre exceptionnel apporter des concours financiers dans le cadre d'un projet autoroutier et, d'autre part, la simplification des dispositions relatives aux alignements d'arbres.

Par ailleurs, j'ai lancé il y a quelques semaines une grande démarche de consultation et de valorisation de la filière française des travaux publics. De nouvelles mesures de simplification, que nous ajouterons par amendements, pourraient en résulter, nourries par des réflexions menées conjointement avec les acteurs du secteur et les élus locaux.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Nous souhaitons vous faire part de notre inquiétude, et même de notre incompréhension concernant le projet de transfert à la carte de certains tronçons et de certaines routes aux départements, à la métropole de Lyon et aux métropoles. Le législateur ne peut en effet concevoir d'examiner et de voter un texte sans avoir pu préalablement prendre connaissance de la liste des routes susceptibles d'être transférées aux collectivités territoriales. La méthode employée par le Gouvernement me laisse dubitatif puisque la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, entendue par la commission, nous avait affirmé que le Parlement aurait accès à la carte des routes transférées en amont de l'examen en commission du projet de loi. Ce manque d'informations s'ajoute à bien d'autres difficultés qui limitent notre capacité à expertiser le texte qui nous est soumis. Je pense ainsi aux habilitations à légiférer par ordonnances que le Gouvernement sollicite du Parlement, notamment sur la question du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). J'espère donc que vous aurez des précisions à nous apporter sur ces points.

Je m'interroge par ailleurs sur la disposition qui consiste à transférer aux régions, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, une partie du réseau national routier non concédé. Au cours des auditions que nous avons menées, l'association Régions de France, de même que les vice-présidents ou présidents d'exécutifs régionaux que nous avons entendus, nous ont unanimement fait part de leur incompréhension face à la durée de l'expérimentation proposée. De nombreuses voix au Sénat ont d'ores et déjà exprimé le souhait d'allonger la période d'expérimentation de 5 à 7 ou 9 ans.

Par ailleurs, l'article 10 ouvre la faculté à toutes les collectivités territoriales et à leurs groupements d'installer des radars automatiques. Si nous partageons cet objectif, nous doutons cependant du caractère opérationnel du dispositif tel qu'il résulte de la rédaction actuelle du projet de loi. Nous pensons également qu'en l'état de sa rédaction, il est susceptible de conduire certaines collectivités à imposer leur tutelle sur une autre, comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis. Pensez-vous qu'une commune doive prendre en charge le traitement des constatations de contraventions émises par un radar installé par la région ou le département sur la voirie départementale ou régionale ? Pourquoi ne pas avoir prévu un traitement centralisé, assuré par l'État et mis à disposition de toutes les collectivités, des contraventions ainsi émises ?

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - J'ai déjà eu l'occasion, lors des débats sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, de vous interpeller sur la question du délai de prise de la compétence « transport » par les intercommunalités. Vous imposez aux exécutifs, dont certains seront nouvellement élus, un délai de trois mois pour demander le transfert à la carte ou se porter candidat pour l'expérimentation de la mise à disposition de routes. Cela nous paraît déraisonnable. Nous serions au contraire favorables à l'allongement à un an de ces délais.

Le projet de loi prévoit par ailleurs la libre participation de régions à l'expérimentation d'un transfert de la gestion de certaines routes. Il n'est toutefois prévu aucune marge de manoeuvre pour les régions souhaitant participer à l'expérimentation d'un transfert de la gestion de certaines routes. Les régions doivent demander la gestion de l'ensemble des routes susceptibles d'être mises à leur disposition et des routes non sollicitées par les départements et métropoles. Pourquoi n'avoir pas prévu que les régions volontaires puissent choisir les routes qu'elles souhaitent gérer ?

Par ailleurs, les procédures proposées présentent le risque de générer une multitude de demandes concurrentes émises par différentes collectivités. Pour éviter cela, nous pourrions organiser une concertation sous l'égide du préfet entre les métropoles, les départements et les régions, de façon à construire un système cohérent.

À chaque nouveau transfert de compétences, les sénateurs s'interrogent sur les modalités de la compensation financière assurée par l'État. Nous connaissons l'état fortement dégradé des routes et ouvrages d'art du domaine routier national non concédé qui seraient susceptibles d'être transférés ou mis à disposition des collectivités. Comment allez-vous permettre aux collectivités de connaitre, préalablement à l'introduction d'une demande de transfert ou de mise à disposition, l'état du réseau qu'elle pourrait gérer ? L'État a-t-il prévu de les accompagner pour remettre en état le réseau routier ?

Enfin, le Sénat a adopté une proposition de loi constitutionnelle et une proposition de loi organique relatives au plein exercice des libertés locales, sur les expérimentations, leur évaluation et l'issue de ces dernières. Il s'est également montré attentif à la question de l'évaluation des expérimentations dans le cadre de l'examen du projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution. Or, les dispositions relatives au bilan de l'expérimentation du transfert des routes aux régions sont particulièrement timides et le texte comme l'étude d'impact sont muets sur l'issue de l'expérimentation. Quelles précisions êtes-vous en mesure d'apporter sur ces points particulièrement importants pour le Sénat ? Sera-t-il possible de permettre aux collectivités qui ont expérimenté la prise de compétence de la pérenniser, sans généraliser l'expérimentation ? Nous redoutons qu'au nom du principe d'égalité, cette expérimentation voulue par certaines collectivités puisse être imposée à d'autres. Vous comprendrez que les parlementaires ont besoin de connaître les issues possibles de l'expérimentation avant d'adopter un tel dispositif.

M. Daniel Gueret , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger plus particulièrement sur l'article 9 du projet de loi qui concerne le transfert des petites lignes ferroviaires aux régions. Cet article complète le dispositif introduit par l'article 172 de la loi d'orientation des mobilités de 2019. Il s'articule avec le rapport Philizot sur les lignes de desserte fine qui prévoyait un plan d'action pour sauver les petites lignes ferroviaires selon trois catégories. Le rapport préconise que les lignes relevant du réseau structurant demeurent dans le giron de SNCF Réseau. D'autres lignes auraient vocation à être financées conjointement par l'État et les régions à travers les contrats de plan État-Région. Enfin, certaines lignes d'intérêt local auraient vocation à être transférées aux régions. C'est de cette troisième catégorie que traite le projet de loi.

Je suis favorable à l'idée de permettre aux régions de prendre en charge la gestion d'infrastructures ferroviaires d'intérêt local car cela renforcera l'implication des régions dans les politiques de transport et de favoriser l'adéquation de la gestion de ces lignes avec les besoins de mobilité qui sont propres à chaque territoire. Toutefois, le risque d'éclatement du réseau n'est pas négligeable et requiert votre vigilance. Les lignes de desserte fine, même lorsqu'elles sont d'intérêt local ou régional, ne constituent pas un réseau étanche, mais bien des segments du réseau national dont il importe d'assurer la cohérence. Quelles précautions allez-vous prendre pour assurer une coordination technique rigoureuse avec SNCF Réseau et les futurs gestionnaires des petites lignes ?

Par ailleurs, permettez-moi de m'écarter un peu du champ de l'article 9 pour vous interroger sur le sort des petites lignes dont le renouvellement sera financé conjointement par l'État et les régions. Celles-ci s'interrogent sur l'avenir du financement de ces lignes qui ont souffert, comme vous le savez, d'un sous-investissement chronique pendant des années. Or, le volet « transport » des contrats de plan État-Région expirera en 2022, ce qui ne permet pas de disposer d'une visibilité suffisante. Quelles réponses pouvez-vous vous apporter aux régions en la matière ?

Enfin, je souhaite vous interroger sur la compensation financière du transfert de la gestion des petites lignes. Dans son avis sur l'avant-projet du décret portant application de l'article 172 de la loi d'orientation des mobilités, l'Autorité de régulation des transports relevait que les modalités d'évaluation de ces compensations pourraient s'avérer difficiles à mettre en oeuvre. SNCF Réseau n'est pas en capacité, à ce stade, de déterminer de manière précise et fiable les coûts de gestion de l'infrastructure imputable au service de transport ferroviaire à l'échelle d'une région. Il semble a fortiori encore plus difficile d'opérer ce calcul à l'échelle de quelques lignes ou de segments de ligne. Comment allez-vous assurer la neutralité du transfert au niveau financier, tant pour SNCF Réseau que pour les régions, en l'absence d'une méthode de calcul pleinement opérante ?

M. Alain Marc . - Comme l'a souligné Mathieu Darnaud, il nous importe de connaître les routes concernées par les transferts prévus dans ce projet de loi. Dans l'Aveyron, par exemple, la route nationale 88, qui relie Toulouse à Lyon, a été financée à environ 24 % par le département de l'Aveyron, 24 % par l'ancienne région Midi-Pyrénées et le reste par l'État. Les travaux supplémentaires ont été financés par les trois partenaires. Je peux vous assurer que si le département avait été maître d'ouvrage, ce qui lui a été refusé, nous n'aurions pas eu à financer ces 10 millions d'euros de travaux supplémentaires. La route nationale 88 fait-elle partie des routes susceptibles d'être transférées à la région ?

D'autre part, les régions ne disposent, à l'heure actuelle, d'aucune compétence en matière de routes, contrairement à l'État qui dispose de moyens humains dédiés. Avez-vous prévu qu'à terme, les régions puissent déléguer la gestion des routes aux départements concernés ?

Plusieurs régions peuvent être concernées par la même route. La route nationale 88, qui est majoritairement située en région Occitanie, traverse aussi la région Auvergne-Rhône-Alpes. D'un point de vue pratique, comment envisagez-vous la répartition des travaux futurs ? Est-ce que l'État participera à leur financement ? Il paraît essentiel, dans ce cas, de définir par le biais de la contractualisation les modalités de gestion de cet itinéraire important pour un département comme l'Aveyron.

Cet exemple montre à quel point il sera difficile de décentraliser la gestion des routes, même si je suis favorable, à titre personnel, à cette initiative. Tous les exemples antérieurs de décentralisation montrent qu'une compétence est mieux gérée au plus près du terrain qu'au niveau national.

M. André Reichardt . - Ma question porte également sur la décentralisation de cette compétence aux régions. Il est prévu dans le projet de loi dit « climat et résilience » qu'une ordonnance précise les modalités de mise en oeuvre d'une écotaxe pour le transit routier au sein de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA). Cela fait suite au transfert par la loi relative aux compétences de la CEA de 2019 de la compétence sur ces routes et sur les autoroutes non concédées.

Dans quelle mesure la compétence transférée à la CEA en matière de routes est-elle susceptible d'interférer avec la nouvelle compétence qui pourrait être donnée à la région Grand Est en la matière ?

Je rejoins les propos de Mathieu Darnaud et d'Alain Marc : à ma connaissance, les régions ne sont pas compétentes en matière de gestion de routes et ne disposent donc pas des moyens humains pour exercer cette mission.

Par ailleurs, qu'adviendra-t-il des autoroutes non concédées sur le reste du territoire français ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué . - J'ai rappelé dans mon propos liminaire le calendrier de mise en oeuvre des réformes envisagées. En ce qui concerne la transmission de la carte des routes susceptibles d'être transférées, le projet de loi prévoit la publication par décret, au plus tard deux mois après la publication de la loi. Ce délai s'explique notamment par le fait que les services du ministère sont en train de finaliser la sélection des tronçons les plus pertinents. D'autre part, nous ne souhaitons pas nous exprimer en période de réserve électorale sur des sujets ayant trait aux compétences des départements et régions. Je tiens également à vous préciser que le renouvellement en cours des exécutifs départementaux et régionaux ralentit par nature l'avancée de ces travaux.

Néanmoins, je suis en mesure de vous apporter plusieurs précisions. À ce jour, au moins trente départements et quelques régions ont manifesté leur intérêt pour cette expérimentation. Cela restera évidemment à confirmer après le second tour des élections régionales et départementales qui se déroulera le 27 juin.

Par ailleurs, nous avons défini des critères de sélection pour établir la liste initiale publiée par l'État des routes concernées. Ces critères sont élaborés en tenant compte des caractéristiques de l'itinéraire au niveau local, régional et interrégional. Le réseau routier national qui a vocation à être transféré aux départements et aux métropoles répond à trois critères. En premier lieu, la route ne doit pas faire partie des itinéraires dont le transfert était prévu par la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004. En second lieu, son transfert ne doit pas susciter une forte opposition de la part des collectivités concernées. Enfin, les tronçons doivent jouer un rôle important dans les échanges régionaux et départementaux, et leur transfert ne doit pas remettre en cause le maillage du territoire et du reste du réseau routier national qui demeurera très important.

Le réseau national qui a vocation à être proposé aux régions est pour sa part constitué d'itinéraires structurants à l'échelle régionale. Il ne comporte pas les grands axes de transit inter-régionaux. Je précise que les collectivités ont d'ores et déjà été associées à ces premières réflexions.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, ce projet de loi prévoit que les métropoles qui en feront la demande seront prioritaires sur les départements pour mener à bien des projets d'intérêt local. Le principe de subsidiarité a été introduit à la demande des collectivités territoriales qui l'ont réclamé de façon unanime. Le même mécanisme sera mis en oeuvre pour les régions.

Sur la question du délai de transmission des demandes formulées par les collectivités territoriales, je précise que celles-ci ne disposent pas de trois mais de cinq mois au total puisqu'elles peuvent se manifester dans les deux mois précédant la publication du décret. Elles disposent ensuite d'un délai supplémentaire de trois mois. J'ai cependant bien pris note de votre volonté de rallonger ce délai.

J'ajoute que l'État se réserve la possibilité de ne retenir que partiellement une demande exprimée par une collectivité afin de préserver la cohérence du réseau routier national et d'éviter son morcellement.

À l'heure actuelle, 21 000 kilomètres de voies nationales appartiennent à l'État avec 9 000 kilomètres d'autoroutes concédées et un peu moins de 12 000 kilomètres d'autoroutes et de routes nationales non concédées. 381 000 kilomètres de routes départementales appartiennent d'ores et déjà aux conseils départementaux et plus de 700 000 kilomètres de routes et de rues appartiennent aux communes. Je vous confirme que les conseils régionaux ne sont gestionnaires d'aucun réseau routier.

Pour répondre aux interrogations sur l'état du réseau routier national, je vous indique que les directions interdépartementales des routes (DIR) ont procédé en 2017 à un audit très précis de ce réseau qui nous a permis d'acquérir une bonne connaissance de la situation. Ces diagnostics seront mis à la disposition des collectivités territoriales. Certains le sont d'ores et déjà.

Par ailleurs, le déploiement des radars automatiques par les collectivités territoriales prévu à l'article 10 du projet de loi est un sujet qui relève du ministère de l'intérieur. Je propose de vous faire parvenir une réponse écrite à cette question.

En ce qui concerne l'issue de l'expérimentation proposée, nous prévoyons d'en dresser un bilan afin de déterminer si le dispositif fonctionne ainsi que les pistes d'amélioration possibles. À son issue, un nouveau véhicule législatif permettra éventuellement d'élargir ou de pérenniser cette expérimentation.

Le projet de loi prévoit effectivement que cette expérimentation dure cinq ans. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a déjà eu l'occasion de dire qu'elle n'était pas opposée à un allongement de ce délai. C'est également la position de mon ministère. Nous aurons à définir ensemble précisément cette durée, mais j'ai bien noté que vous souhaitiez allonger la durée de l'expérimentation d'environ 3 ans.

Enfin, sur la question du transport ferroviaire, les dispositions du projet de loi confortent la région comme chef de file de la compétence « transport » en matière ferroviaire. La région s'est déjà vue renforcée dans ce rôle par l'article 172 de la loi d'orientation des mobilités. Ce projet de loi s'inscrit dans la même philosophie à travers la reprise par l'État du réseau le plus circulé, le cofinancement du réseau intermédiaire et la possibilité pour les régions qui en font la demande de reprendre le financement à 100 % des lignes d'intérêt local. Cela ne signifie pas forcément qu'elles veulent un transfert de gestion. Certaines régions, comme la Bourgogne Franche-Comté, veulent continuer de confier la gestion à SNCF Réseau. Néanmoins, trois régions ont formellement confirmé leur intention à l'État de recourir à un tel transfert de gestion voire un transfert de propriété. Certaines ont déjà communiqué à cet effet et le projet de loi prévoit une disposition qui permettra aux régions qui le souhaiteraient de solliciter de façon plus globale un transfert de propriété des lignes ferroviaires d'intérêt local ou régional à faible trafic. Sur la dimension sécurité et interopérabilité, le réseau ferroviaire, même transféré, restera soumis aux impératifs de certification de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) ou du Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG) quand cela sera le cas. Nous ne transigerons pas sur ces sujets. Nous connaissons déjà le cas a contrario où la gestion est confiée à une infrastructure privée, comme la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux.

Sur les soultes compensant les transferts des petites lignes ferroviaires, la SNCF aura toujours dans ce cas-là à financer le coût d'exploitation. Les économies seront reversées de façon pluriannuelle avec les régions. Sur la partie cofinancement en général prévue par les CPER, ou mise à jour par les pactes qui ont été signés avec les régions, les engagements pris par l'État demeurent, et il y a une discussion sur les soultes éventuelles avec les régions qui en font la demande. Ces discussions seront affinées à la suite de la signature des protocoles.

Sur la question de la route nationale 88, des demandes ont été évoquées, mais les demandes ne sont pas toujours identiques selon le département ou la région. Le principe de subsidiarité s'appliquera. La région pourra transférer l'exploitation et la gestion de certaines routes, par le biais d'un transfert croisé, aux départements, qui ont déjà d'ailleurs des ressources et des compétences en matière d'entretien et d'ingénierie routiers. Si un investissement est inscrit dans le CPER actuel ou à venir, il sera maintenu. La date d'effectivité est prévue au 1 er janvier 2024. Il y aura donc de nouveau un volet routier dans le prochain CPER.

Sur l'éco-contribution poids lourds, nous avons voulu, dans le projet dit « climat et résilience » actuellement en discussion, sur le modèle de la Collectivité européenne d'Alsace, donner aux collectivités qui en expriment le besoin, la possibilité de mettre en oeuvre cette éco-contribution. Les critères sont laissés très largement à l'appréciation des collectivités, avec plusieurs modèles possibles ; celui de la Collectivité européenne d'Alsace étant un modèle très particulier.

Mme Françoise Gatel . - Il me semble que vous n'avez pas répondu à ma question sur l'intérêt d'une concertation préalable des collectivités ayant formulé des demandes concurrentes pour le transfert de routes, de sorte que celui-ci réussisse. Pour les métropoles, il peut y avoir des rocades qui font l'objet de conflits d'usage : elles se situent entre la desserte urbaine et la desserte d'autoroutes. Par exemple, les rocades, de Strasbourg à Brest, sont encombrées par un usage quotidien et local.

J'ai aussi une réflexion sur la question des personnels, qui peut être un frein et une difficulté pour ces transferts. Pour les départements qui le souhaitent, ils bénéficieront d'un transfert de compétence définitif, et des personnels de l'État seront transférés. Pour les régions volontaires, il est prévu une expérimentation, les personnels seront donc dans un premier temps mis à disposition mais est-ce qu'ils seront définitivement transférés aux régions à l'issue de l'expérimentation ? Il y a des craintes et des peurs de la part de ces personnels. Il faudra y être vigilant pendant cette période d'expérimentation, qui doit, toutefois, je le redis être suffisamment longue pour être utile.

Enfin, nous sommes intéressés par votre réponse sur la question d'un possible transfert de la compétence mobilité aux pôles métropolitains, après accord de l'ensemble de leurs intercommunalités, dont certains sont transfrontaliers comme en Haute-Savoie avec Genève.

M. André Reichardt . - Ma question porte sur deux éléments. En premier lieu, des interférences sont possibles puisqu'un texte existant confie à la Collectivité européenne d'Alsace la gestion des routes nationales et des routes non concédées sur son territoire. Dans la mesure où vous envisagez d'accorder cette compétence aux régions, et notamment à la région Grand Est, il y a des possibilités d'interférences sur ce type de routes. En second lieu, compte tenu de l'ordonnance qui vient d'être prise sur l'éco-contribution mise en place par la Collectivité européenne d'Alsace, le risque d'une extension de cette écotaxe aux routes gérées par la région Grand Est ne doit pas reproduire ce qu'on a déjà vécu en Alsace. Il y a vingt ans, un collègue parlementaire alsacien, Yves Bur, avait fait passer le principe d'une taxe de ce type pour la seule Alsace. Or, ultérieurement cette taxe n'a pas pu être mise en application du fait d'une volonté entre temps de création d'une écotaxe nationale. L'échec de cette écotaxe a eu pour effet de nous faire perdre vingt ans.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. - J'ai été imprécis sur la concertation préalable. Elle aura lieu sous l'égide du préfet avec les différents niveaux de collectivités, de même que pour l'éco-contribution.

Sur les personnels, il faut relever au préalable qu'il est question d'une décentralisation d'environ 10% du réseau routier national non concédé, soit 10 à 15 % des 12 000 kilomètres de routes gérées par l'État. Il est donc possible de rassurer les personnels. Dans l'hypothèse où les expérimentations seraient concluantes, les personnels auraient vocation à intégrer les services des régions.

Sur la compétence mobilité des pôles métropolitains, le Gouvernement y est favorable sur le principe. Un amendement a été présenté en séance sur le projet de loi dit « climat et résilience » mais a été déclaré irrecevable. Sur la contribution poids lourds, l'articulation aura lieu sous l'égide du préfet. Les réseaux de la Collectivité européenne d'Alsace et ceux transférés aux autres collectivités seront bien distincts. Cette distinction correspond à la lettre des textes proposés, et pour certains votés.

Mme Catherine Belrhiti. - Sur l'écotaxe, en l'accordant à la Collectivité européenne d'Alsace, le report du transport va se faire sur la A31 en Moselle, qui est déjà saturée. J'ai déposé des amendements sur ce sujet sur le projet de loi dit « climat et résilience ». Il était question à un moment de faire une A32, pour désengorger l'autoroute A31 et cela a été refusé. Il y a deux ans, le Sénat était en faveur d'une écotaxe, mais le Gouvernement avait refusé. Cette question est aujourd'hui essentielle dès lors que la Collectivité européenne d'Alsace va l'obtenir et la mettre en place en 2024. Or, le texte qui est présenté ne nous permettrait de la mettre en place qu'en 2028 et sous conditions. Le sillon mosellan va se retrouver dans une situation critique.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. - J'ai été alerté sur ce sujet. L'article 32 du projet de loi dit « climat et résilience » permettra justement à la région de se saisir d'un nouvel outil. En revanche, sur la date de mise en service en 2028, il existe des délais incompressibles pour la Collectivité européenne d'Alsace mais il n'y a pas de durée minimale ou globale sur la procédure pour une prise d'effectivité. L'objectif de 2028 n'est pas le projet du Gouvernement. Seul le texte modifié par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat évoque cette date.

M. François-Noël Buffet . - Je vous remercie, Monsieur le ministre.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .

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