PREMIÈRE PARTIE
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS ET SUIVI DES CONTRÔLES BUDGÉTAIRES

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION

En 2022, les crédits de la mission Action extérieure de l'État s'élèveront à 2,96 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) comme en autorisations d'engagement (AE).

Hors mesures de transferts, ils progressent ainsi de plus
de 35 millions d'euros soit une augmentation de 1,2 % et de 49 millions d'euros en tenant compte des mesures de transferts, soit + 1,7 %.

Évolution des crédits de la
mission « Action extérieure de l'État »

(avant examen des crédits de la mission par l'Assemblée nationale)

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2020

Loi de finances pour 2021

Projet de loi de finances pour 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

AE

757,5

715,5

730,9

+ 2,2 %

CP

757,6

715,5

730,9

+ 2,2 %

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

AE

1 778,1

1 837,5

1 869,2

+ 1,7 %

CP

1 784,9

1 839,0

1 872,0

+ 1,8 %

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

AE

398,5

372,0

374,2

+ 0,6 %

CP

398,5

372,3

374,3

+ 0,5 %

Total mission

AE

2 934,0

2 925,0

2 974,2

+ 1,7 %

CP

2 941,0

2 926,8

2 977,1

+ 1,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires.

II. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS

A. LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES NE SOUHAITE PAS PROCÉDER À UN ALIGNEMENT DES INDEMNITÉS DE RÉSIDENCE À L'ÉTRANGER « THÉORIQUES » ET « RÉELLES »

1. Le rapport sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères1 ( * ) de 2019 a montré que l'IRE est problématique

Prévue par le décret n°67-290 du 28 mars 1967, l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) est destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions, les conditions d'exercice des fonctions et les conditions locales d'existence.

Le montant de l'IRE varie en fonction de l'emploi occupé (18 groupes), le niveau de difficulté de la zone (3 zones) 2 ( * ) et le lieu d'affectation (242 grilles) 3 ( * ) . Par ailleurs, deux mécanismes participent à moduler l'IRE :

- l'ajustement trimestriel du change-prix qui permet de maintenir constant le pouvoir d'achat des agents expatriés ;

- l'exercice de reclassement annuel qui vise, à enveloppe constante, à assurer la cohérence du classement des IRE entre chaque pays.

D'après les données transmises par la direction du budget, le montant des IRE versées en 2017 s'élevait à 396,5 millions d'euros , soit 41,9 % de la masse salariale du ministère, hors CAS « Pension ».

Le rapport de 2019 a conduit à dégager plusieurs constats.

En premier lieu, les rémunérations à l'étranger sont poussées à la hausse, notamment sous l'effet de l'IRE.

Le coût budgétaire mensuel moyen chargé d'un agent du MAE en poste à l'étranger s'élèverait ainsi à 12 711 euros bruts, ce qui est conséquent.

Cette situation résulte directement du niveau élevé de l'IRE qui génère, par ailleurs, un écart très important entre la rémunération des agents en administration centrale et ceux à l'étranger.

En deuxième lieu, les rapporteurs ont constaté l'existence d'un phénomène de dé-corrélation trop fréquente entre le montant des IRE versées et la réalité des pays concernés. Cette situation résultait de la combinaison de deux effets :

- d'une part, les évolutions favorables aux agents expatriés n'auraient donné qu'insuffisamment lieu à des ajustements à la baisse du montant des IRE ;

- d'autre part, l'exercice de reclassement ne permettrait pas de résoudre certaines incohérences s'agissant de l'ampleur des écarts d'IRE entre certains pays.

Cette situation s'explique par un écart entre l'IRE « théorique » et « réelle » . À cet égard la proposition n°4 du rapport de la commission des finances 4 ( * ) suggérait :

- d'appliquer les montants théoriques d'IRE à chaque renouvellement de poste ;

- de mettre en oeuvre un plan pluriannuel de baisse des IRE dans les pays où elle est la plus avantageuse.

En troisième lieu, le rapporteur spécial Vincent Delahaye avait relevé que l'IRE n'étant pas soumise à l'impôt sur le revenu , le montant des moindres recettes de l'État étant évalué entre 100 et 150 millions d'euros . En conséquence, le rapporteur spécial avait préconisé d'engager une réflexion sur la fiscalisation de l'IRE.

En dernier lieu, le rapport relevait que les modalités de mise en oeuvre de l'IRE étaient excessivement complexes et peu lisibles.

D'une part, le nombre de groupes d'emploi (18) était trop important et conduisait à rendre le calcul de l'IRE des agents particulièrement complexe.

D'autre part, les variations du montant de l'IRE perçue par les agents apparaissaient trop fréquemment modifiées en raison des ajustements change-prix trimestriels et des reclassements annuels.

Dans ce contexte, la proposition n°3 du rapport suggérait de rendre la méthode de calcul de l'IRE plus transparente et de mieux informer les agents des motifs de l'évolution de l'indemnité qu'ils perçoivent.

La proposition n°2 suggérait - dans le sens d'une simplification et d'une moindre dispersion du montant des primes - de réduire le nombre de groupes d'emploi en gageant le coût induit par une suppression du mécanisme de sur-vocation.

2. Des évolutions mesurées et un questionnement latent sur l'IRE théorique
a) Des évolutions à la marge

Les observations portées par le rapport ont donné lieu, après sa publication , à un riche échange de vues entre les rapporteurs, le ministère et les représentants des personnels. À ce jour, le ministère s'est engagé dans une réforme partielle du dispositif notamment en :

- procédant à un reclassement 5 ( * ) par arrêté des IRE ;

- supprimant progressivement le mécanisme dit de « sur-vocation » qui correspond à une bonification de rémunération au profit de certains agents de catégories A et B.

Cette seconde décision avait permis de générer des économies de l'ordre de 670 000 euros en 2020 et, ainsi, de financer une mesure de revalorisation en faveur de certains agents de catégorie C.

Toutefois, la question d'un alignement du montant des IRE « réelles » et « théoriques » pourtant suggérée par le rapport demeure pendante.

b) Le sujet de l'IRE théorique

Dans le cadre de l'exercice annuel de reclassement des IRE, le ministère des affaires étrangères, recourt à l'application d'une formule qui permet de déterminer une « proposition de taux de reclassement des IRE » 6 ( * ) . La formule est la suivante :

Où QVI désigne l'indice inversé de la qualité de vie ; CV le coût de la vie et CL le coût du logement. Ces valeurs sont déterminées par la société MERCER, en comparaison de la situation constatée à Paris, et transmises au ministère. Les coefficients 35, 20 et 26 sont des valeurs en euros.

L'application de cette formule permet d'obtenir, pour chaque zone d'étude, le montant objectivé de l'IRE en tenant compte des différences de conditions de vie, de coût de la vie et de coût du logement par rapport à Paris.

Pour la direction du budget, ce montant représente « l'IRE théorique. »

Les valeurs de l'IRE « réelle » n'appréhendent, à l'inverse, que lointainement et de façon imparfaite ces écarts objectifs. En effet, le montant de l'IRE applicable dans une zone donnée dépend de son montant historique - lequel n'a pas nécessairement été arrêté au regard de critères objectifs - modulé dans le temps par l'application des ajustements de change-prix et du reclassement annuel.

Sur cette question, les divergences entre les différents acteurs ministériels rencontrés semblent pouvoir se résumer de la manière suivante :

- d'un côté, le Quai d'Orsay considère que les valeurs théoriques de l'IRE - qui restent déterminées par des choix méthodologiques préalables - ont pour seule fonction d'indiquer la direction dans laquelle l'IRE d'une zone peut être reclassée comparativement aux autres pays ;

- d'un autre côté, la direction du budget estime que l'IRE « théorique » pourrait constituer la base d'un exercice visant à refonder le montant des IRE « réelles » sur des critères objectifs.

Si le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'y est montré tout à fait opposé, les rapporteurs estiment que l'alignement progressif des valeurs réelles de l'IRE sur ses valeurs théoriques pourrait permettre, à terme, de renforcer la lisibilité du dispositif mais, également, de réduire la nécessité de l'exercice annuel de reclassement .

Une telle évolution impliquerait, toutefois, d'interroger sérieusement la solidité de la méthode retenue par la société MERCER et la pertinence de la formule actuellement en vigueur.

Elle nécessiterait également d'être étalée dans le temps de sorte à lisser les conséquences d'une telle réforme pour les agents .


* 1 Rapport d'information n° 729 (2018-2019) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 septembre 2019, sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 2 Il peut être rappelé que ce critère donnait lieu au versement d'une bonification au profit de certains agents de catégories A et B qualifiée de « sur-vocation ».

* 3 La mise en oeuvre de ces grilles repose sur des indices synthétiques produits annuellement par la société MERCER.

* 4 Rapport précité.

* 5 Le reclassement consiste à modifier les montants de l'IRE en fonction des conditions de vie, du coût de la vie et du coût du logement dans chaque pays.

* 6 Pièces transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères dans le cadre du contrôle.

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