Rapport général n° 163 (2021-2022) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 1

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Évolution des crédits de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2020

Loi de finances pour 2021

Projet de loi de finances pour 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

AE

757,5

715,5

730,9

+ 2,2 %

CP

757,6

715,5

730,9

+ 2,2 %

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

AE

1 778,1

1 837,5

1 869,2

+ 1,7 %

CP

1 784,9

1 839,0

1 872,0

+ 1,8 %

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

AE

398,5

372,0

374,2

+ 0,6 %

CP

398,5

372,3

374,3

+ 0,5 %

Total mission

AE

2 934,0

2 925,0

2 974,2

+ 1,7 %

CP

2 941,0

2 926,8

2 977,1

+ 1,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Lors de l'examen de la mission en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement n°1955 tendant à majorer les crédits du programme 105 de 82,8 millions d'euros en AE correspondant à la participation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à la facilité européenne pour la paix (FEP) et dont le montant n'était pas connu au dépôt du PLF.

En tenant compte de cet amendement, les autorisations d'engagement de la mission s'élèveraient à 3,1 milliards d'euros et augmenteraient donc de 4,5 % par rapport à la LFI pour 2021.

I. LES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ACTION DIPLOMATIQUE AUGMENTENT DE 32 MILLIONS D'EUROS SOUS L'EFFET DE LA MISE EN oeUVRE DE NOUVELLES MESURES CATÉGORIELLES

Les crédits du programme 105 - « Action de la France en Europe et dans le monde » augmentent de 32 millions d'euros ,  en raison d'une hausse :

- de 19 millions d'euros des dépenses en faveur du réseau diplomatique ;

- de 16 millions d'euros des dépenses de soutien destinées au financement de l'administration générale, à la gestion des ressources humaines et à l'informatique ;

- de 4,9 millions d'euros au titre de la coordination de l'action diplomatique qui correspond aux dépenses de cabinet, de protocole, de communication et de fonctionnement du centre de crise et de soutien ;

- de 4 millions d'euros pour l'action européenne de la France qui recouvre, ici, les contributions à diverses organisations comme le Conseil de l'Europe.

A l'inverse, les contributions de la France aux opérations de maintien de la paix (OMP) et aux organisations internationales diminueraient d'environ 14 million d'euros.

Les dépenses de personnel du programme augmentent de 36 millions d'euros tandis que celles hors dépenses de personnel diminuent d'environ 4 millions d'euros.

Les dépenses de personnel sont, en effet, poussées à la hausse par la mise en oeuvre de nouvelles mesures catégorielles pour un montant équivalent à 20 millions d'euros en 2022 soit, à elles seules, un tiers de la variation de la masse salariale entre 2018 et 2022.

Évolution des dépenses de personnel
de la mission (y.c CAS « Pensions »)

* La réforme des réseaux de l'État et des opérateurs à l'étranger (RRE) a entrainé le transfert d'effectifs de plusieurs autres ministères vers le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Dans ce contexte, le montant des dépenses de personnel transférées au MAE en 2019 a été « rebasé » en 2018 afin de permettre la comparaison entre les années 2018 et 2022.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

II. LES CRÉDITS AUX OPÉRATEURS DE LA DIPLOMATIE D'INFLUENCE ET CULTURELLE DE LA FRANCE

A. APRÈS LA MISE EN oeUVRE DES MESURES D'URGENCE EN FAVEUR DU RÉSEAU, L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER VOIT SA SUBVENTION MAINTENUE AU NIVEAU DE 2021

En 2020, des crédits ont été ouverts pour aider l'AEFE et les familles à faire face à la crise sanitaire. Ils ont permis, également, d'apporter une aide en faveur de notre réseau Liban.

En 2022, la subvention versée par l'État s'élèvera à 416,9 millions d'euros, soit un montant stable par rapport à l'année précédente.

Dans le même temps, le montant des crédits versés au titre des bourses aux familles françaises diminueront de 10 millions d'euros, ce qui devrait, toutefois être absorbé par la soulte de l'agence qui s'élève à 70 millions d'euros.

Déploiement des crédits d'urgence en faveur de
l'enseignement français à l'étranger

PHASE 1
(PRINTEMPS 2020)

PHASE 2
(PRINTEMPS ET AUTOMNE 2021)

TOTAL ENGAGÉ SUR 2020-2021 PAR ENVELOPPE

Aide aux familles étrangères (programme 185)

+ 8,5 millions d'euros pour les familles étrangères, hors Liban

+ 5 millions d'euros pour les familles étrangères au Liban

____________________

= 13,5 millions d'euros pour les familles étrangères

3,6 millions d'euros pour les familles ayant des difficultés à honorer les frais de scolarité

17,1 millions d'euros

Aide aux établissements (programme 185)

3,7 millions d'euros pour des établissements libanais relevant de la MLF*

+ 1,4 millions d'euros pour des établissements de la MLF* hors Liban

+6,9 millions d'euros pour des établissements d'enseignement français au Liban

____________________

= 12 millions d'euros pour les établissements

15 millions d'euros pour répondre aux besoins spécifiques des établissements (numérique, accompagnement des élèves, protocoles sanitaires, formation à l'enseignement à distance

+ 10 millions d'euros pour les établissements connaissant une chute du nombre d'élèves

____________________

= 25 millions d'euros prévus mais 17,8 millions d'euros effectivement engagés

29,8 millions d'euros

Aide aux familles françaises (programme 151)

Versement à l'agence de 41,7 millions d'euros de crédits supplémentaires au titre des bourses scolaires. On observe :

1) une augmentation de 11 ,1 % du montant des bourses accordées en 2020 et 2021 ;

2) une hausse du montant de la soulte de l'AEFE qui est passé de 16,7 millions d'euros en 2018 à 70 millions d'euros en 2021.

TOTAL DES CRÉDITS ENGAGÉS PAR PHASE

73 millions d'euros

21,4 millions d'euros

94,4 millions d'euros

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires

B. LES CRÉDITS DES AUTRES OPÉRATEURS

Après avoir réalisé un plan d'économie de 4 millions d'euros entre 2019 et 2021 , Atout France bénéficiera d'une subvention pour charges de service public de 28,7 millions d'euros en 2022 . Il est à noter que l'opérateur est confronté à une montée en charge et à une mutation de ses missions dans le contexte d'une déprime prolongée du tourisme mondial et de la nécessité de réorienter et de cibler les actions de promotion du tourisme.

Les crédits mobilisés en faveur des bourses pour les étudiants internationaux, essentiellement confiés à l'opérateur Campus France, augmenteront de 6 millions d'euros en 2022 pour s'établir à 59 millions d'euros. La mobilité étudiante a repris en 2021 après s'être contactée de 20 % en 2020. Le ministère se donne l'objectif, dans le cadre de son plan « Bienvenue en France », d'accueillir un demi-million d'étudiants d'ici 2027.

Les financements en faveur du réseau culturel composé, notamment, des Instituts français augmenteront de 3 millions d'euros pour être porté à 36,2 millions d'euros. Dans le même temps, l'Institut français de Paris devrait terminer son rapprochement immobilier avec la Fondation des Alliances Françaises en emménageant dans des locaux communs au printemps 2022.

III. LES CRÉDITS DÉDIÉS AU RÉSEAU CONSULAIRE AUGMENTENT EN RAISON DE L'ORGANISATION À VENIR DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLE ET LÉGISLATIVES

En 2022, les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » augmenteront de 2,1 millions d'euros ce qui masque, néanmoins, deux évolutions en sens contraires :

- une contraction de 9 millions d'euros des aides aux familles françaises des élèves scolarisés dans le réseau de l'AEFE présentée supra ;

- une augmentation de 13,9 millions d'euros de crédits au titre de l'action 01 - Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger pour l'organisation des élections présidentielle et législatives.

Toutefois, le programme bénéficiera en 2022 du transfert de 12,8 millions d'euros de crédits depuis la mission Administration générale et territoriale de l'État pour supporter les coûts de l'organisation des élections.

Réunie le mercredi 10 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission .

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, la commission a confirmé sa décision.

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2021 .

À cette date, les rapporteurs spéciaux Vincent Delahaye et Rémi Féraud n'avaient reçu aucune réponse relative à la mission Action extérieure de l'État.

PREMIÈRE PARTIE
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS ET SUIVI DES CONTRÔLES BUDGÉTAIRES

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION

En 2022, les crédits de la mission Action extérieure de l'État s'élèveront à 2,96 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) comme en autorisations d'engagement (AE).

Hors mesures de transferts, ils progressent ainsi de plus
de 35 millions d'euros soit une augmentation de 1,2 % et de 49 millions d'euros en tenant compte des mesures de transferts, soit + 1,7 %.

Évolution des crédits de la
mission « Action extérieure de l'État »

(avant examen des crédits de la mission par l'Assemblée nationale)

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2020

Loi de finances pour 2021

Projet de loi de finances pour 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

AE

757,5

715,5

730,9

+ 2,2 %

CP

757,6

715,5

730,9

+ 2,2 %

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

AE

1 778,1

1 837,5

1 869,2

+ 1,7 %

CP

1 784,9

1 839,0

1 872,0

+ 1,8 %

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

AE

398,5

372,0

374,2

+ 0,6 %

CP

398,5

372,3

374,3

+ 0,5 %

Total mission

AE

2 934,0

2 925,0

2 974,2

+ 1,7 %

CP

2 941,0

2 926,8

2 977,1

+ 1,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires.

II. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS

A. LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES NE SOUHAITE PAS PROCÉDER À UN ALIGNEMENT DES INDEMNITÉS DE RÉSIDENCE À L'ÉTRANGER « THÉORIQUES » ET « RÉELLES »

1. Le rapport sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères1 ( * ) de 2019 a montré que l'IRE est problématique

Prévue par le décret n°67-290 du 28 mars 1967, l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) est destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions, les conditions d'exercice des fonctions et les conditions locales d'existence.

Le montant de l'IRE varie en fonction de l'emploi occupé (18 groupes), le niveau de difficulté de la zone (3 zones) 2 ( * ) et le lieu d'affectation (242 grilles) 3 ( * ) . Par ailleurs, deux mécanismes participent à moduler l'IRE :

- l'ajustement trimestriel du change-prix qui permet de maintenir constant le pouvoir d'achat des agents expatriés ;

- l'exercice de reclassement annuel qui vise, à enveloppe constante, à assurer la cohérence du classement des IRE entre chaque pays.

D'après les données transmises par la direction du budget, le montant des IRE versées en 2017 s'élevait à 396,5 millions d'euros , soit 41,9 % de la masse salariale du ministère, hors CAS « Pension ».

Le rapport de 2019 a conduit à dégager plusieurs constats.

En premier lieu, les rémunérations à l'étranger sont poussées à la hausse, notamment sous l'effet de l'IRE.

Le coût budgétaire mensuel moyen chargé d'un agent du MAE en poste à l'étranger s'élèverait ainsi à 12 711 euros bruts, ce qui est conséquent.

Cette situation résulte directement du niveau élevé de l'IRE qui génère, par ailleurs, un écart très important entre la rémunération des agents en administration centrale et ceux à l'étranger.

En deuxième lieu, les rapporteurs ont constaté l'existence d'un phénomène de dé-corrélation trop fréquente entre le montant des IRE versées et la réalité des pays concernés. Cette situation résultait de la combinaison de deux effets :

- d'une part, les évolutions favorables aux agents expatriés n'auraient donné qu'insuffisamment lieu à des ajustements à la baisse du montant des IRE ;

- d'autre part, l'exercice de reclassement ne permettrait pas de résoudre certaines incohérences s'agissant de l'ampleur des écarts d'IRE entre certains pays.

Cette situation s'explique par un écart entre l'IRE « théorique » et « réelle » . À cet égard la proposition n°4 du rapport de la commission des finances 4 ( * ) suggérait :

- d'appliquer les montants théoriques d'IRE à chaque renouvellement de poste ;

- de mettre en oeuvre un plan pluriannuel de baisse des IRE dans les pays où elle est la plus avantageuse.

En troisième lieu, le rapporteur spécial Vincent Delahaye avait relevé que l'IRE n'étant pas soumise à l'impôt sur le revenu , le montant des moindres recettes de l'État étant évalué entre 100 et 150 millions d'euros . En conséquence, le rapporteur spécial avait préconisé d'engager une réflexion sur la fiscalisation de l'IRE.

En dernier lieu, le rapport relevait que les modalités de mise en oeuvre de l'IRE étaient excessivement complexes et peu lisibles.

D'une part, le nombre de groupes d'emploi (18) était trop important et conduisait à rendre le calcul de l'IRE des agents particulièrement complexe.

D'autre part, les variations du montant de l'IRE perçue par les agents apparaissaient trop fréquemment modifiées en raison des ajustements change-prix trimestriels et des reclassements annuels.

Dans ce contexte, la proposition n°3 du rapport suggérait de rendre la méthode de calcul de l'IRE plus transparente et de mieux informer les agents des motifs de l'évolution de l'indemnité qu'ils perçoivent.

La proposition n°2 suggérait - dans le sens d'une simplification et d'une moindre dispersion du montant des primes - de réduire le nombre de groupes d'emploi en gageant le coût induit par une suppression du mécanisme de sur-vocation.

2. Des évolutions mesurées et un questionnement latent sur l'IRE théorique
a) Des évolutions à la marge

Les observations portées par le rapport ont donné lieu, après sa publication , à un riche échange de vues entre les rapporteurs, le ministère et les représentants des personnels. À ce jour, le ministère s'est engagé dans une réforme partielle du dispositif notamment en :

- procédant à un reclassement 5 ( * ) par arrêté des IRE ;

- supprimant progressivement le mécanisme dit de « sur-vocation » qui correspond à une bonification de rémunération au profit de certains agents de catégories A et B.

Cette seconde décision avait permis de générer des économies de l'ordre de 670 000 euros en 2020 et, ainsi, de financer une mesure de revalorisation en faveur de certains agents de catégorie C.

Toutefois, la question d'un alignement du montant des IRE « réelles » et « théoriques » pourtant suggérée par le rapport demeure pendante.

b) Le sujet de l'IRE théorique

Dans le cadre de l'exercice annuel de reclassement des IRE, le ministère des affaires étrangères, recourt à l'application d'une formule qui permet de déterminer une « proposition de taux de reclassement des IRE » 6 ( * ) . La formule est la suivante :

Où QVI désigne l'indice inversé de la qualité de vie ; CV le coût de la vie et CL le coût du logement. Ces valeurs sont déterminées par la société MERCER, en comparaison de la situation constatée à Paris, et transmises au ministère. Les coefficients 35, 20 et 26 sont des valeurs en euros.

L'application de cette formule permet d'obtenir, pour chaque zone d'étude, le montant objectivé de l'IRE en tenant compte des différences de conditions de vie, de coût de la vie et de coût du logement par rapport à Paris.

Pour la direction du budget, ce montant représente « l'IRE théorique. »

Les valeurs de l'IRE « réelle » n'appréhendent, à l'inverse, que lointainement et de façon imparfaite ces écarts objectifs. En effet, le montant de l'IRE applicable dans une zone donnée dépend de son montant historique - lequel n'a pas nécessairement été arrêté au regard de critères objectifs - modulé dans le temps par l'application des ajustements de change-prix et du reclassement annuel.

Sur cette question, les divergences entre les différents acteurs ministériels rencontrés semblent pouvoir se résumer de la manière suivante :

- d'un côté, le Quai d'Orsay considère que les valeurs théoriques de l'IRE - qui restent déterminées par des choix méthodologiques préalables - ont pour seule fonction d'indiquer la direction dans laquelle l'IRE d'une zone peut être reclassée comparativement aux autres pays ;

- d'un autre côté, la direction du budget estime que l'IRE « théorique » pourrait constituer la base d'un exercice visant à refonder le montant des IRE « réelles » sur des critères objectifs.

Si le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'y est montré tout à fait opposé, les rapporteurs estiment que l'alignement progressif des valeurs réelles de l'IRE sur ses valeurs théoriques pourrait permettre, à terme, de renforcer la lisibilité du dispositif mais, également, de réduire la nécessité de l'exercice annuel de reclassement .

Une telle évolution impliquerait, toutefois, d'interroger sérieusement la solidité de la méthode retenue par la société MERCER et la pertinence de la formule actuellement en vigueur.

Elle nécessiterait également d'être étalée dans le temps de sorte à lisser les conséquences d'une telle réforme pour les agents .

B. LES RECOMMANDATIONS CONCERNANT LES AMBASSADEURS THÉMATIQUES ONT ÉTÉ REPRISES PAR LE MINISTÈRE

A l'occasion de leur rapport consacré aux ambassadeurs thématiques 7 ( * ) , les rapporteurs spéciaux avaient observé qu'en l'absence d'un texte général précisant les obligations qui leur sont applicables, ces dernières sont déterminées par leur lettre de mission ou le plan d'action qui leur est assigné .

Or, à la date du contrôle ces documents étaient manquants pour près d'un tiers des ambassadeurs thématiques et - pour ceux qui avaient été communiqués par l'administration - ne mentionnaient pas systématiquement l'obligation de rendre compte par un rapport d'activité et de fin de mission.

En conséquence, les rapporteurs notaient que l'appréciation de l'activité des ambassadeurs thématiques ne pouvait s'appuyer que sur des éléments divers et épars (notes, extraits d'agenda, compte rendu de réunion etc.) qui ne sont généralement pas communiqués au grand public.

Afin de renforcer la transparence du dispositif et les obligations de redevabilité des ambassadeurs thématiques , les rapporteurs spéciaux avaient préconisé :

- de procéder systématiquement à la nomination des ambassadeurs thématiques par décret en Conseil des ministres afin de leur conférer - conformément aux dispositions de l'article 13 de la Constitution - l'autorité nécessaire à leur fonction.

- de compléter les dispositions du décret du 1 er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'État à l'étranger - ou à défaut prendre un décret en ce sens - afin :

a) de consacrer juridiquement la catégorie des ambassadeurs thématiques , lesquels se distinguent des ambassadeurs visés aux articles 1 er et 12 du décret susmentionné en ce qu'ils ne sont pas accrédités auprès d'un État ou d'une organisation internationale ;

b) de décrire en termes généraux les missions qui peuvent être confiées à un ambassadeur thématique à savoir - compte tenu de la doctrine progressivement forgée - la représentation de la France pour certains dossiers ou sujets d'actualité présentant un caractère transversal au plan thématique ou géographique, pour l'organisation de sommets ou évènements internationaux et, enfin, dans le cadre de dialogues pour lesquels aucun cadre multilatéral officiel n'est encore constitué ;

c) de prévoir que la nomination d'un ambassadeur thématique s'accompagne obligatoirement de la notification d'une lettre de mission précisant les objectifs qui lui sont assignés, les moyens qui lui sont alloués et les autorités ou directions auxquelles l'ambassadeur est rattaché ;

d) d'indiquer l'obligation faite à l'ambassadeur thématique de rendre compte de son action à la direction ou l'autorité à laquelle il est rattaché par la voie d'un rapport d'activité annuel et d'un rapport de fin de mission.

Les rapporteurs spéciaux ont été informés qu'un projet de décret reprenant l'essentiel des recommandations qu'ils ont formulées avait été élaboré par les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et devrait être prochainement soumis à l'avis du Conseil d'État.

DEUXIÈME PARTIE
LES CRÉDITS DU PROGRAMME 105
ET LA POSITION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
VINCENT DELAHAYE

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME « ACTION DE LA FRANCE EN EUROPE ET DANS LE MONDE » AUGMENTENT DE 32 MILLIONS D'EUROS

En 2022, les crédits du programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde progressent de +1,7 % en autorisations d'engagement (AE) et de + 1,8 % en crédits de paiement (CP) , ce qui représente une hausse des dépenses de l'ordre de 32 millions d'euros.

Évolution des crédits par action du programme 105

(avant examen des crédits de la mission par l'Assemblée nationale)

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

01 - Coordination de l'action diplomatique

AE

93,2

98,1

+ 4,9

+ 5,3 %

0,0

CP

93,2

98,1

+ 4,9

+ 5,3 %

0,0

02 - Action européenne

AE

57,0

61,0

+ 4,0

+ 7,1 %

0,0

CP

57,0

61,0

+ 4,0

+ 7,1 %

0,0

04 - Contributions internationales

AE

666,2

652,2

- 14,0

- 2,1 %

0,0

CP

668,2

652,2

- 16,0

- 2,4 %

0,0

05 - Coopération de sécurité et de défense

AE

105,3

110,0

+ 4,7

+ 4,5 %

5,4

CP

105,3

110,0

+ 4,7

+ 4,5 %

5,4

06 - Soutien

AE

246,1

258,0

+ 11,9

+ 4,8 %

0,4

CP

244,7

261,0

+ 16,3

+ 6,7 %

0,4

07 - Réseau diplomatique

AE

669,7

689,8

+ 20,1

+ 3,0 %

2,9

CP

670,6

689,6

+ 19,0

+ 2,8 %

2,9

Total programme 105

AE

1 837,5

1 869,2

+ 31,7

+ 1,7 %

8,7

CP

1 839,0

1 872,0

+ 32,9

+ 1,8 %

8,7

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette augmentation des crédits du programme en CP s'explique, notamment, par une hausse :

- de 19 millions d'euros des dépenses en faveur du réseau diplomatique ;

- de 16 millions d'euros des dépenses de soutien destinées au financement de l'administration générale, à la gestion des ressources humaines et à l'informatique ;

- de 4,9 millions d'euros au titre de la coordination de l'action diplomatique qui correspond aux dépenses de cabinet, de protocole, de communication et de fonctionnement du centre de crise et de soutien ;

- de 4 millions d'euros des dépenses pour l'action européenne de la France qui recouvre, ici, les contributions à diverses organisations comme le Conseil de l'Europe.

A l'inverse, les contributions internationales de la France aux opérations de maintien de la paix (OMP) et aux organisations internationales diminueraient d'environ 14 millions d'euros.

À l'occasion de l'examen en séance des crédits de la mission en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement n°1955 tendant à majorer les crédits du programme 105 de 82,8 millions d'euros en AE et en CP correspondant à la participation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à la facilité européenne pour la paix (FEP) et dont le montant n'était pas connu au dépôt du PLF.

En tenant compte de cet amendement, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission s'élèveraient
à 3,1 milliards d'euros et augmenteraient donc de 4,5 % par rapport à
la LFI pour 2021.

De façon générale, le rapporteur spécial Vincent Delahaye considère que l'évolution des crédits de la mission témoigne d'un relâchement des efforts pourtant consentis par le passé.

En particulier, il observe que cette hausse s'explique principalement par l'augmentation des dépenses de personnel sous l'effet de la mise en oeuvre de mesures catégorielles dont l'effet budgétaire est pérenne.

A. LE RÉSEAU DIPLOMATIQUE

Dotée de 689,8 millions d'euros (en CP) en 2022, l'action Réseau diplomatique constitue la première action, en termes de crédits, du programme 105 et de la mission devant celle regroupant les contributions de la France aux organisations internationales.

Elle regroupe également 42 % de l'ensemble des dépenses de personnel de la mission Action extérieure de l'État.

En 2022, les crédits de cette action augmenteraient de 20 millions d'euros en AE et de 19 millions d'euros en CP , dont les deux tiers de cette hausse (13 millions d'euros) sont dédiés aux dépenses de personnel.

Hors dépenses de personnel, les crédits de l'action progressent de + 2,7 % pour s'établir à 260,7 millions d'euros . Ils se décomposent en crédits de fonctionnement (194,6 millions d'euros en CP) et d'investissement (65,9 millions d'euros en CP) notamment mobilisés par le fonctionnement des ambassades, pour la couverture des besoins en matière d'immobilier, d'entretien et de sécurité et le versement d'indemnité de changement de résidence.

Les dépenses de fonctionnement des ambassades s'élèveraient à 106,1 millions d'euros en 2022, en augmentation de 2,7 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2021.

Pour l'essentiel, cette augmentation résulte de la prise en compte d'un différentiel d'inflation plus important entre la France et le reste du monde se traduisant par une dotation majorée de 3 millions d'euros.

Les crédits pour l'immobilier à l'étranger (entretien, maintenance et locations) progressent faiblement de 0,4 million d'euros et s'élèvent à 80,7 millions d'euros en CP mais sont complétés d'une avance du compte d'affection spéciale 723 Gestion du patrimoine immobilier de l'État comme cela sera développé infra .

La sécurité des postes et des personnels (gardiennage, sécurité passive et renfort d'effectifs de gendarmerie) devrait mobiliser 55 millions d'euros de CP en 2022, soit une hausse de 2,8 millions d'euros .

La hausse la plus significative concerne les moyens mobilisés en faveur de la sécurité passive des emprises (vidéo-protection, tunnel à rayon X...) qui augmentent de 1,6 million d'euros.

Dans le même temps, les crédits dédiés au contrat de gardiennage seraient, également, renforcés permettant de satisfaire aux recommandations formulées en ce sens par l'inspection générale de ministère afin de permettre une diminution des effectifs à la faveur de l'externalisation de cette fonction.

B. L'ACTION SOUTIEN

L'action Soutien du programme 105 dotée de 258 millions d'euros en AE et de 261 millions d'euros en CP, regroupe les crédits dédiés au financement de l'administration générale, des dépenses de gestion des ressources humaines et des systèmes d'information.

Le rapporteur spécial Vincent Delahaye considère que le ministère aurait dû, au sortir de la crise sanitaire, ramener le niveau des crédits de l'action à celui constaté en 2019, soit 220 millions d'euros.

En AE, les crédits augmenteraient de 3 % en 2022 et de + 2,83 % en CP, soit environ 16,3 millions d'euros. Toutefois, hors dépenses de personnel (125,6 millions d'euros), les crédits diminueraient légèrement de - 0,4 % en CP.

Pour mémoire, les crédits de l'action avaient fortement progressé en 2021 (+ 24 millions d'euros en CP) afin de répondre aux besoins engendrés ou révélés par la crise sanitaire.

Comme le rapporteur spécial l'avait alors indiqué, l'augmentation la plus significative concernait les dépenses d'informatique (21,5 % soit environ + 8,7 millions d'euros) afin de généraliser le travail à distance et d'assurer la sécurité des échanges.

En 2022 l'augmentation des dépenses de l'action résulte essentiellement d'une hausse de 6,7 millions des crédits dédiés à la gestion des ressources humaines dont :

- 4 millions d'euros dédiés à l'action sociale du ministère ;

- 2,6 millions d'euros dédiés à la création d'une école diplomatique et consulaire dans l'objectif de rationaliser et d'optimiser l'actuelle formation du ministère.

Parallèlement, les crédits mobilisés de l'administration générale augmenteraient de 1,9 million d'euros en CP sous l'effet d'une hausse des dépenses de 2,8 millions d'euros pour le fonctionnement des services en France - qui n'est pas documentée ce qui est regrettable -, partiellement compensée par un moindre coût des frais de justice.

C. LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES

L'action Contributions internationales regroupe les crédits d'intervention finançant les contributions en euros ou en devises de la France à plusieurs organisations internationales ou opérations de maintien de la paix. Les rapporteurs rappellent qu'ils conduisent actuellement une mission de contrôle budgétaire sur le sujet des contributions internationales.

En 2022, les crédits demandés au titre des contributions internationales s'élèvent à 652 millions d'euros, en diminution d'environ 16 millions d'euros.

Cette diminution s'explique par la révision à venir de la quote-part de la France au financement du système onusien .

En effet, la contribution des États est calculée en fonction de la part qu'occupe le revenu national brut de l'État dans le revenu national brut agrégé des États membres. Or la part de la France dans le RNB au niveau mondial diminue tendanciellement depuis les années 2000.

Cela témoigne d'un décrochage de l'économie française au niveau mondial sur lequel le rapporteur spécial Vincent Delahaye reviendra plus avant à l'occasion de la restitution des travaux du contrôle qu'il conduit avec le rapporteur spécial Rémi Féraud sur les contributions internationales.

Évolution de la part de la France dans le revenu national
brut au niveau mondial

(en pourcentage du revenu national brut au niveau mondial)

Source : commission des finances du Sénat d'après la Banque mondiale

En conséquence, le montant des contributions françaises aux opérations de maintien de la paix diminuerait de 16 millions d'euros en 2022 de même que les contributions en euros au système onusien.

En dehors du système onusien, la France renforcerait de 2,5 millions d'euros le niveau de sa contribution à la mission d'observation spéciale en Ukraine de l'Organisation pour la sécurité et la coopération (OSCE) en Europe.

De façon plus détaillée, le ministère indique avoir mis à profit une partie des économies générées par la baisse de la quote-part afin de renforcer les crédits en faveur :

- du programme de jeunes experts associés (JEA) qui participe à maintenir une présence française parmi les effectifs de haut niveau des organisations internationales ;

- des contributions volontaires en matière de sécurité au profit de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), de l'OIAC (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) et de l'OSCE ;

- des contributions volontaires dédiées à la prévention des conflits.

D. LA COORDINATION DE L'ACTION DIPLOMATIQUE

L'action « Coordination de l'action diplomatique » regroupe les dépenses consacrée au fonctionnement des cabinets, au protocole, à la communication et au centre de crise et de soutien .

En 2022, les crédits de l'action augmentent de 5,3 % par rapport à 2021, soit 4,9 millions d'euros.

Toutefois, il convient de relever que ce mouvement s'explique exclusivement par une hausse des dépenses de personnel (+ 6,3 millions d'euros, soit + 3,4 %) tandis que les autres dépenses diminuent de 1,4 million d'euros.

En sens inverse, on constate une diminution des dépenses dédiées au protocole (- 2 millions d'euros).

Le rapporteur spécial Vincent Delahaye conteste le bien-fondé des augmentations de crédits de personnel de cette action et considère qu'elles auraient dû être gagées par de moindres dépenses par ailleurs.

II. LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT POUSSÉS À LA HAUSSE PAR DES MESURES CATÉGORIELLES NOUVELLES TANDIS QU'UNE PART DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES N'Y EST PAS RETRACÉE

D'une façon générale, le rapporteur spécial Vincent Delahaye considère que l'augmentation des crédits du programme et la mission plus généralement n'est pas justifiée .

En effet, le niveau des crédits en 2022 évolue sans revenir sur les hausses de dépenses décidées uniquement pour répondre à la crise , ce qui n'est pas compréhensible.

De même, il ne lui apparait pas compréhensible que les efforts de maitrise des effectifs n'aient pas repris au sortir de la crise et, qu'à l'inverse, le ministère ait abandonné les objectifs prévus dans le cadre d'Action publique 2022.

Par ailleurs, le ministère a fait le choix de mobiliser les économies permises par la baisse de nos contributions internationales et par un effet de change favorable pour financer, en 2022, des dépenses de personnel qui présentent un caractère pérenne.

Alors qu'aucun effort n'est fait pour générer durablement des économies de fonctionnement dans les cabinets, les services de communication ou le protocole, le rapporteur spécial Vincent Delahaye considère le ministère a obtenu un budget dont l'ampleur contentera tout le monde, sauf ceux qui sont attachés à la réduction du déficit public.

A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL PROGRESSENT SOUS L'EFFET DE NOUVELLES MESURES CATÉGORIELLES

1. Évolution des effectifs de la mission

En 2022, la mission Action extérieure de l'État bénéficierait du concours de 12 079 agents pour sa mise en oeuvre, soit une hausse de 13 emplois équivalents temps plein par rapport à 2021.

Pour 62 % d'entre eux, les agents de la mission travaillent à l'étranger, ce qui constitue une proportion stable depuis 2018 (61 %).

Au final, depuis le début du quinquennat, les effectifs de la mission auront diminué de 1,3 %, en tenant compte des emplois transférés dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État et des opérateurs à l'étranger.

Évolution des effectifs de la mission

(en équivalents temps plein)

* La réforme des réseaux de l'État et des opérateurs à l'étranger (RRE) a entrainé le transfert d'effectifs de plusieurs autres ministères vers le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Dans ce contexte, le nombre des emplois transférés au MAE depuis 2019 a été « rebasé » en 2018 afin de permettre la comparaison entre les années 2018 et 2022. Ce niveau de 412 emplois est exprimé en ETP et est déduit, par calculs, du nombre de 416 ETPT renseignés dans les documents budgétaires.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur spécial Vincent Delahaye observe que le ministère n'a toutefois pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés dans le cadre d'Action Publique 2022.

Bilan de l'objectif de réduction des effectifs
prévu pour les années 2018-2022

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

En effet, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'était engagé sur une trajectoire de réduction de ses effectifs de 416 emplois (équivalents temps plein) et sur une cible d'économie en masse salariale de - 45 millions d'euros, hors opérateurs.

Or, à compter de l'année 2021 le ministère a obtenu de ne plus mettre en oeuvre ses engagements en matière de réduction des effectifs.

Ainsi, entre 2018 et 2022, 332 emplois équivalents temps pleins, hors transferts dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger, ont été supprimés sur les 416 prévus au sein du ministère, dont 246 sur le périmètre de la mission.

Conséquemment, les efforts de réduction de la masse salariale n'auront pas été atteints au cours du quinquennat. Ainsi, 37,8 millions d'euros de masse salariale ont pu être économisés sur les 45,1 millions d'euros prévus, dont 25,2 millions d'euros sur le périmètre de la mission.

Bilan de l'objectif de réduction de la masse salariale
prévu pour les années 2018-2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

2. La masse salariale progresse de 2,9 % en 2022

Les dépenses de personnel augmenteraient de 29,2 millions d'euros en 2022 (+ 2,9 %). Il convient de relever que les mesures catégorielles prévues dans le cadre de la réforme des ressources humaines représentent les deux tiers de cette augmentation (20 millions d'euros).

Évolution des dépenses de personnel
de la mission (y.c CAS « Pensions »)

* La réforme des réseaux de l'État et des opérateurs à l'étranger (RRE) a entrainé le transfert d'effectifs de plusieurs autres ministères vers le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Dans ce contexte, le montant des dépenses de personnel transférées au MAE en 2019 a été « rebasé » en 2018 afin de permettre la comparaison entre les années 2018 et 2022.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Plus encore , ces nouvelles mesures représentent à elles seules près du tiers de la hausse des dépenses de personnel constatée sur l'ensemble de la mission au cours du quinquennat (+ 61,7 millions d'euros).

En 2022, l'augmentation des dépenses de personnel hors CAS « Pensions » relève pour deux tiers de la mise en oeuvre de la réforme des ressources humaines du ministère qui comporte 20 millions d'euros de mesures catégorielles.

Outre ces mesures catégorielles, les dépenses de personnel sont poussées à la hausse par les « autres variations dépenses de personnel » qui correspondent pour l'essentiel au coût de l'extension en année pleine de l'effet change-prix sur les IRE pour 2021 et à l'estimation de ce même effet sur les IRE et les rémunérations des agents de droit local pour 2022 (10,7 millions d'euros contre 5,6 l'année précédente).

Décomposition des facteurs de croissance
de la masse salariale en 2022

(en millions d'euros, hors CAS Pensions)

GVT : glissement vieillesse technicité.
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur spécial Vincent Delahaye estime que la mise en oeuvre de ces nouvelles dépenses catégorielles ne se justifiait pas alors qu'elles entrainent une hausse pérenne des dépenses de personnel de la mission.

Il est, par ailleurs, parfaitement regrettable de constater qu'en une année - certes particulière - le ministère a décidé de mettre en oeuvre un montant de mesures catégorielles quasiment équivalent à trois fois le quantum d'économies de masse salariale réalisées dans le cadre d'Action publique 2022.

B. LES MOYENS EN MATIÈRE IMMOBILIÈRE AUGMENTENT FORTEMENT

En 2022, les dépenses immobilières de la mission s'établiraient à 106,7 millions d'euros en AE et 106,3 millions d'euros en CP, ce qui traduit une hausse, respectivement, de 2,7 % et 0,9 % par rapport à 2021.

Toutefois, en pratique, les crédits pour l'immobilier de la mission augmenteront de 33,2 millions d'euros en AE et de 35,1 millions d'euros
en CP
en raison de l'octroi d'une avance non-remboursable tirée du compte d'affection spéciale 723 « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Évolutions des crédits pour l'immobilier

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur spécial observe que l'octroi de cette avance non-remboursable semble aller dans le sens de la demande portée de longue date par le ministère d'obtenir un rebasage de ses crédits pour l'immobilier à l'étranger à hauteur de 80 millions d'euros par an.

TROISIÈME PARTIE
LES CRÉDITS DES PROGRAMMES 151 ET 185
ET LA POSITION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
RÉMI FÉRAUD

I. UNE SORTIE DE CRISE QUI POSE DES DÉFIS DIFFÉRENTS AUX OPÉRATEURS DE LA CULTURE ET DE L'INFLUENCE FRANÇAISE À L'ÉTRANGER

En 2022, les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » progressent de 15,4 millions d'euros en AE comme en CP pour s'établir à 730,9 millions d'euros.

Évolution des crédits par action du programme 185

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

01 - Appui au réseau

AE

37,5

40,2

+ 2,7

+ 7,1 %

CP

37,5

40,2

+ 2,7

+ 7,1 %

02 - Coopération culturelle et promotion du français

AE

66,4

68,2

+ 1,8

+ 2,7 %

CP

66,4

68,2

+ 1,8

+ 2,7 %

03 - Objectifs de développement durable

AE

3,2

2,4

- 0,8

- 25,1 %

CP

3,2

2,4

- 0,8

- 25,1 %

04 - Enseignement supérieur et recherche

AE

88,1

101,6

+ 13,5

+ 15,4 %

CP

88,1

101,6

+ 13,5

+ 15,4 %

05 - Agence pour l'enseignement français à l'étranger

AE

416,9

416,9

0,0

0,0 %

CP

416,9

416,9

0,0

0,0 %

06 - Dépenses de personnel concourant au programme "Diplomatie culturelle et d'influence"

AE

73,0

70,7

- 2,4

- 3,2 %

CP

73,0

70,7

- 2,4

- 3,2 %

07 - Diplomatie économique et développement du tourisme

AE

30,3

30,9

+ 0,6

+ 2,0 %

CP

30,3

30,9

+ 0,6

+ 2,0 %

Total programme 185

AE

715,5

730,9

+ 15,4

+ 2,2 %

CP

715,5

730,9

+ 15,4

+ 2,2 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au sein de la mission Action extérieure de l'État, le programme 185 présente la particularité de porter les crédits des subventions de l'État à l'ensemble des opérateurs de la mise en oeuvre de la politique culturelle, d'enseignement à l'international et plus largement d'influence française que sont :

- l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

- Atout France, opérateur du développement touristique ;

- Campus France, opérateur chargé de la promotion de l'enseignement supérieur français ;

- l'Institut français, opérateur chargé de la promotion et de l'accompagnement de la culture française à l'étranger.

A. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER IMPOSE UNE RÉFLEXION SUR SON MODE DE FINANCEMENT

1. La subvention versée à l'AEFE est stabilisée en 2022

L'action 05 - Agence pour l'enseignement français à l'étranger est dotée en 2022 de 416,9 millions d'euros qui représentent 57 % des crédits du programme et qui sont exclusivement destinés à l'AEFE.

L'agence constitue l'opérateur du réseau d'enseignement français à l'étranger. En 2021, le réseau comprenait 545 établissements homologués et répartis dans 138 pays, ce qui en fait le réseau public d'enseignement à l'étranger le plus dense au monde.

Sur ces 545 établissements, 69 sont gérés directement par l'agence tandis que 152 sont liés à elle par une convention et que, enfin, 324 interviennent comme des partenaires disposant de la pleine autonomie de gestion.

Au-delà des moyens portés par l'action 05, l'opérateur perçoit également des crédits qui proviennent du transfert :

- de 3,5 millions d'euros au titre des bourses « Excellence Major » du programme 185 ;

- d'un peu plus de 95,7 millions d'euros depuis l'action 02 - Accès des élèves français au réseau AEFE du programme 151 afin de financer des bourses sur critères sociaux.

Au bilan, le montant des crédits demandés pour l'AEFE en 2022 s'élèvent à 516,4 millions d'euros soit une diminution d'environ 9 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2021.

Celle-ci s'explique par la diminution équivalente des montants versés au titre des bourses sur critères sociaux justifiée, pour l'État, par le fait que le niveau de la soulte de l'opérateur permettra d'absorber cette moindre ressource .

Le volume des emplois rémunérés par l'opérateur devrait augmenter de 66 ETPT en 2022 par rapport à ceux prévus en LFI pour 2021 et ce, quasi-exclusivement, en raison d'une hausse des emplois hors plafonds.

Évolution des plafonds d'emplois de l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger entre 2017 et 2022

(en emplois équivalents temps plein travaillés)

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

PLF 2022

Emplois sous plafond

5 991

5 898

5 708

5 541

5 605

5 604

Emplois hors plafond

4 597

4 650

4 732

4 872

5 094

5 161

TOTAL

10 588

10 548

10 440

10 413

10 699

10 765

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires

Les emplois sous plafonds correspondent aux personnels expatriés et résidents dont la rémunération est partagée entre les établissements et l'agence. A l'inverse, les emplois hors plafonds correspondent aux personnels de droit local dont la rémunération est prise en charge entièrement par les établissements.

Depuis 2016, la tendance observée est celle d'une augmentation du nombre des emplois hors plafonds et de leur poids relatif dans les effectifs du réseau.

Or, comme l'avait indiqué le rapporteur spécial Rémi Féraud par le passé, cette transformation implique que les établissements puissent mobiliser un volume croissant de ressources propre s ce qui participe à justifier l'organisation d'une réflexion sur le modèle de financement du réseau.

Toutefois, pour l'année 2022, le rapporteur spécial relève que cette difficulté se présente avec moins d'acuité dans la mesure où le relèvement des emplois hors plafonds (+ 71 ETPT) s'explique par le passage sous le régime de la gestion directe d'un établissement de Varsovie jusqu'ici simplement conventionné et qui assumait déjà le financement de ses effectifs.

2. Confronté à de multiples crises en 2020 et 2021, l'enseignement français à l'étranger a fait l'objet d'un soutien particulier et efficace au plan budgétaire
a) La crise sanitaire et sociale au Liban a justifié d'importantes ouvertures de crédits

Le rapporteur spécial rappelle que la survenue de la crise sanitaire a représenté un défi d'ampleur pour le réseau et justifié le plein engagement de l'État, notamment au plan budgétaire.

À court terme, la nécessité d'offrir une assistance aux familles des élèves français et étrangers , d'une part, mais aussi aux établissements qui ont dû s'adapter pour assurer la continuité du service malgré les fermetures et résister à la baisse du niveau de leurs ressources, d'autre part, a conduit le Parlement a ouvrir, dès 2020, trois enveloppes de crédits supplémentaires dont :

- 50 millions d'euros pour l'aide à la scolarité et à l'aide sociale aux familles françaises sur le programme 151 ;

- 50 millions d'euros pour l'assistance aux établissements et aux familles étrangères sur le programme 185 ;

- 50 millions d'euros sous forme d'avances de l'Agence France Trésor pour le soutien à la trésorerie des établissements sur le programme 823 qui ne relève pas de la mission Action extérieure de l'État.

À moyen terme, les discussions engagées lors de l'examen du PLF pour 2021 laissaient entrevoir de fortes incertitudes sur l'évolution des effectifs d'élèves dans les établissements et, par suite, sur celle des ressources du réseau.

Enfin, à la crise sanitaire s'était ajoutée, de manière plus spécifique, l'aggravation rapide de la situation sociale et politique au Liban révélée autant qu'amplifiée par l'explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020.

b) Les crédits supplémentaires ont été utilement mobilisés en 2020 et 2021

La consommation des mesures d'urgence s'est étalée les années 2020 et 2021 , comme ont pu le détailler les fédérations de parents d'élèves et l'administration.

Déploiement des crédits d'urgence en faveur de
l'enseignement français à l'étranger

PHASE 1 (PRINTEMPS 2020)

PHASE 2 (PRINTEMPS ET AUTOMNE 2021)

TOTAL ENGAGÉ SUR 2020-2021 PAR ENVELOPPE

Aide aux familles étrangères
(programme 185)

+ 8,5 millions d'euros pour les familles étrangères, hors Liban

+ 5 millions d'euros pour les familles étrangères au Liban

____________________

= 13,5 millions d'euros pour les familles étrangères

3,6 millions d'euros pour les familles ayant des difficultés à honorer les frais de scolarité

17,1 millions d'euros

Aide aux établissements (programme 185)

3,7 millions d'euros pour des établissements libanais relevant de la MLF*

+ 1,4 millions d'euros pour des établissements de la MLF* hors Liban

+6,9 millions d'euros pour des établissements d'enseignement français au Liban

____________________

= 12 millions d'euros pour les établissements

15 millions d'euros pour répondre aux besoins spécifiques des établissements (numérique, accompagnement des élèves, protocoles sanitaires, formation à l'enseignement à distance

+ 10 millions d'euros pour les établissements connaissant une chute du nombre d'élèves

____________________

= 25 millions d'euros prévus mais 17,8 millions d'euros effectivement engagés

29,8 millions d'euros

Aide aux familles françaises (programme 151)

Versement à l'agence de 41,7 millions d'euros de crédits supplémentaires au titre des bourses scolaires.

On observe :

1) une augmentation de 11 ,1 % du montant des bourses accordées en 2020 et 2021.

2) une hausse du montant de la soulte de l'AEFE qui est passé de 16,7 millions d'euros en 2018 à 70 millions d'euros en 2021

TOTAL DES CRÉDITS ENGAGÉS PAR PHASE

73 millions d'euros

21,4 millions d'euros

94,4 millions d'euros

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires

Ces mesures ont permis d'offrir une réponse cohérente et efficace aux défis posés par la crise sanitaire tout en constituant, par ailleurs, le vecteur du soutien français plus particulièrement accordé au Liban.

3. Comme avant la crise, l'agence est confrontée au double défi d'assurer le développement et le financement de son réseau

Conformément au souhait exprimé par le Président de la République, le réseau s'est donné l'objectif de doubler le nombre d'élèves scolarisés - qui est aujourd'hui de 370 000 - à l'horizon 2030 .

Cet objectif avait, d'ailleurs, justifié une augmentation, en 2020, d'environ 24 millions d'euros de la subvention versée par l'État à l'agence.

Par ailleurs, l'opérateur a programmé un volume conséquent d'investissements en matière immobilière puisque 35,5 millions d'euros d'engagements sont prévus pour la seule année 2022.

Synthèse des opérations immobilières prévues par l'AEFE en 2002

(en euros)

OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

AE

CP

MOSCOU- Lycée-Extension

9 350 000

3 297 472

RABAT - Lycée Descartes - Restructuration - Saint-Exupéry

6 012 500

1 312 500

LE CAIRE - Maadi-Rénovation

5 667 000

3 000 000

TUNIS - Lycée - Restructuration

3 503 200

770 100

MADRID - Conde de Orgaz - Extension secondaire Phase 1

2 440 426

1 490 426

LA MARSA - Lycée - Restructuration

2 174 400

664 400

ROME - Lycée - Rénovation - villa Strohl Fern

1 400 000

1 400 000

MEKNES - Fès - Groupe scolaire - Restructuration - La Fontaine

1 193 122

1 193 122

LISBONNE - lycée - Restructuration

1 000 005

5 208 935

MARRAKECH - Cité scolaire - Restructuration

1 000 000

8 000 000

MEKNES - Lycée - Reconstruction

592 500

1 440 074

RABAT - Lycée Descartes - Restructuration - 2ème tranche

462 500

462 500

FRANCFORT - Lycée - Construction - salle polyvalente

230 407

546 330

TANGER - Lycée et école - Rénovation

200 528

200 528

LA MARSA - Sousse - Groupe scolaire - Regroupement

181 200

181 200

NIAMEY- construction d'un pôle culturel et sportif

99 015

705 435

RABAT - Lycée Descartes - Restructuration - Cézanne

46 250

46 250

RABAT - Lycée Descartes - Restructuration - 1ère tranche

0

1 387 500

Total

35 553 052

31 306 771

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires

Dans ce contexte, les moyens financiers dont dispose le réseau constituent un enjeu primordial et, peut-être surtout, l'objet d'un vif débat entre l'opérateur, sa tutelle et les usagers.

D'abord, le rapporteur spécial observe que l'appréciation du niveau de trésorerie mobilisable par l'agence ne fait pas consensus . En effet, si au plan comptable, celle-ci pourrait s'élever à 230,3 millions d'euros à fin 2021, ce montant agrège les fonds de l'agence et des différents établissements.

Or, là où la tutelle peut être amenée à considérer cette trésorerie agrégée comme une ressource mutualisée et mobilisable sur l'ensemble du réseau , les familles d'élèves peuvent, à l'inverse, considérer que ces excédents procèdent de versements qu'elles ont effectués pour le développement des établissements où sont scolarisés leurs enfants.

Loin d'être évidente, l'idée d'une mise en péréquation des ressources des établissements se heurte donc à une résistance en pratique. Dans ce contexte, l'opérateur se trouve actuellement pris entre deux positions contradictoires, situation dont il convient de tenir compte.

En outre, le rapporteur spécial rappelle que le niveau de cette trésorerie devrait tendanciellement diminuer puisqu'elle est attendue à 185,6 millions d'euros en 2022 alors même que l'opérateur pourrait être confronté à des difficultés de remontées de participations de certains établissements.

Toutefois, au sein de cette trésorerie, la soulte constituée par la non-consommation, au fil des ans, des crédits dédiés aux bourses, pourrait atteindre 70 millions d'euros en 2022 .

Il s'agit d'un niveau particulièrement important en comparaison de l'année 2018 puisqu'elle s'élevait alors à 18,7 millions d'euros.

Dans le dessein de réduire progressivement le niveau de la soulte, le ministère a diminué de 10 millions d'euros le montant des subventions accordées au titre des bourses en 2022 par rapport à la LFI 2021, ce qui n'a pas suscité de réactions particulières de la part de l'agence ou des familles.

Plus largement, la double contrainte résultant, d'un côté, du souhait de la tutelle de maitriser l'évolution de ses contributions à l'opérateur et, de l'autre, de la nécessité pour l'agence de mettre en oeuvre son plan de développement justifie la réflexion en cours sur les modalités de financement du réseau.

L'agence explore, à cet égard, les voies d'une refonte des modes de participation des établissements qui pourrait impliquer la création d'une contribution forfaitaire unifiant et rebasant les différentes contributions existant actuellement sur les droits de scolarité et non plus sur la masse salariale.

Le rapporteur spécial a été informé qu'un groupe de travail s'était constitué au sein du réseau pour évaluer la pertinence et la faisabilité de ces pistes.

Dans le cadre de la mise en oeuvre du plan immobilier de l'AEFE, le rapporteur spécial estime que l'État devrait ouvrir une réflexion sur les modalités de recours à l'emprunt de l'agence.

En effet, en raison de son statut d'organisme divers d'administration centrale (ODAC) au sens de la comptabilité nationale, l'article 12 de la de loi de programmation des finances pour les années 2011-2014 fait obstacle à ce que l'AEFE puisse contracter des emprunts à plus d'un an.

Une telle contrainte implique, en conséquence, que les dépenses immobilières de l'AEFE ne peuvent être qu'autofinancées ou couvertes par l'affectation de crédits budgétaires.

Les échanges conduits par le rapporteur spécial ont montré que la tutelle ne serait pas hostile à une évolution de la situation permettant à l'AEFE d'emprunter à plus d'un an.

Le rapporteur spécial considère en tout cas que cette question mérite d'être investiguée notamment pour s'assurer que compte tenu des modes de financement de l'agence, l'INSEE serait fondé à ne plus la qualifier comme un ODAC.

En tout état de cause, l'ensemble des enjeux afférents aux modalités de financement des activités de l'agence, à sa gestion et à ses rapports avec la tutelle sont l'objet des négociations de la convention d'objectifs et de moyens (COM) 2021-2023.

Celle-ci devrait s'articuler autour de quatre objectifs stratégiques :

- accroitre l'activité de l'enseignement français pour attirer de nouveaux publics ;

- renforcer le rôle de l'agence dans le développement du réseau d'enseignement français à l'étranger ;

- développer le rôle de l'agence comme acteur de la coopération éducative ;

- adapter le fonctionnement de l'agence pour répondre aux défis du développement de l'enseignement français.

B. LE NÉCESSAIRE SOUTIEN AU TOURISME INTERROGE SUR LE NIVEAU DES MOYENS MOBILISÉS AU PROFIT DE L'OPÉRATEUR ATOUT FRANCE

En 2022, le montant de la subvention pour charges de service public versé à Atout France s'élèvera à 28,7 millions d'euros, en légère hausse de 0,4 million d'euros.

De plus, Atout France bénéficie de l'attribution d'une fraction des recettes de droits de visa équivalente à 2,25 % du produit encaissé l'année précédente par l'État. En 2020, les ressources assises sur les droits de visa versées à Atout France s'élevaient à 9,9 millions d'euros.

Enfin, Atout France génère des ressources propres notamment par le biais de partenariats avec des collectivités publiques ou des entreprises privées. La part des recettes partenariales de l'opérateur avait d'ailleurs fortement augmenté avant la crise (+ 8,3 points de pourcentage entre 2017 et 2019).

Évolution des produits de Campus France

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires

En 2022, le niveau des plafonds d'emplois en équivalent temps plein travaillés devrait demeurer stable par rapport à 2021, à 338 emplois. Le rapporteur spécial relève que ces plafonds sont sous-consommés depuis 2020 et que les effectifs réels sous plafond en 2022 pourraient atteindre 268 emplois.

Évolution des plafonds d'emplois, des effectifs et de la masse salariale
d'Atout France

(en emplois équivalent temps plein travaillés, sauf mention contraire)

2017

2018

2019

2020

LFI
2021

PLF
2022

Sous plafond

261

250

244

231

278

278

Hors plafond

25

14

7

8

60

60

Total des plafonds d'emplois

286

264

251

239

338

338*

Effectifs réels, sous plafond d'emploi

340

306

288

270

266

268

Masse salariale

22,9 M€

22,2 M€

21,2 M€

18,9 M€

17,8 M€

19,3 M€*

* Prévisions fournies par l'opérateur.
Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires

Pour mémoire, l'opérateur s'était engagé en 2019 dans un plan d'économies de 4 millions d'euros étalé sur deux ans. Ces objectifs ont été atteints puisque 4,5 millions d'euros d'économies ont été constatées à la fin de l'année 2020 , notamment :

- 0,2 million d'euros en dépenses de fonctionnement ;

- 1,9 million d'euros de dépenses d'immobilier ;

- 2,4 millions d'euros de dépenses de personnel.

Par ailleurs, le rapporteur spécial observe que si de telles pistes avaient été envisagées par le passé, les perspectives d'un rapprochement avec l'opérateur Business France ne semblent plus être à l'ordre du jour.

Si la demande d'économies faite à Atout France avant la crise pouvait apparaitre compréhensible dans la mesure où le tourisme était particulièrement dynamique, la situation se présente quelque peu différemment pour les années à venir.

En effet, la crise sanitaire a entrainé une contraction du nombre de touristes se rendant en France , phénomène qui pourrait durer au moins jusqu'en 2024.

Dans ce contexte, l'activité d'un opérateur comme Atout France apparait déterminante pour amplifier la reprise, identifier l'évolution de la demande et accompagner la transformation de l'offre.

Sur ce terrain, les échanges conduits par le rapporteur spécial ont permis d'évaluer à environ 5 millions d'euros les besoins de l'opérateur pour faire face de manière optimale à l'évolution à venir de son volume d'activité.

C. LE PROGRAMME CONTINUE DE SOUTENIR LE RAYONNEMENT DE LA CULTURE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR À L'ÉTRANGER

a) Les moyens consacrés à l'attractivité de l'enseignement supérieur traduisent un retour aux ambitions d'avant crise

En 2022, les crédits dédiés au financement des bourses pour l'enseignement supérieur et la recherche devraient s'élever à 59 millions d'euros permettant de ramener ces moyens au niveau prévu avant la crise en 2020 après une contraction de 6 millions d'euros en 2021 .

En 2020, les échanges universitaires avaient diminué d'environ 20 % sous l'effet des restrictions de déplacements. À l'inverse, l'année 2021 a été marquée par une reprise des flux et le nombre des étudiants accueillis constaté en fin d'année devrait être au moins équivalent à celui de 2019 (202 151 étudiants).

Dans ce contexte, le ministère maintient son objectif, affirmé dans le cadre du plan « Bienvenue en France » d'accueillir un demi-million d'étudiants étrangers d'ici 2027.

Il rappelle, toutefois, que la réalisation de cet objectif est largement tributaire de l'évolution des places disponibles dans les universités .

Pour 90 % d'entre eux, les crédits dédiés aux bourses font l'objet d'un transfert au profit de l'opérateur Campus France qui est placé sous la tutelle conjointe du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Au titre du programme 185, l'opérateur bénéficie par ailleurs d'un versement d'une subvention pour charges de service public d'un montant de 3,4 millions d'euros et qui est stable par rapport à l'année précédente.

b) Un soutien renforcé au réseau de coopération culturelle qui précède peut-être une sécurisation de ses moyens d'action

D'après le ministère, le réseau de coopération et d'action culturelle rassemblait, en 2021 :

- 131 services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et 6 services pour la science et la technologie (SST) ;

- 92 établissements à autonomie financière (EAF) pluridisciplinaires et 132 antennes ;

- 3 EAF à compétences spécifiques ou non fusionnés au Brésil en Iran et en Turquie ;

- 22 Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE au statut d'EAF) - et 5 centres de recherche intégrés à divers Instituts français ;

- 6 centres culturels franco-étrangers situés en Afrique subsaharienne et en Oman ;

- plus de 830 Alliances françaises (AF) présentes dans 131 pays, dont 436 AF conventionnées ou disposant d'un lien avec le ministère.

En 2022, la dotation de fonctionnement aux EAF augmentera de 3 millions d'euros pour être portée à 36,2 millions d'euros au titre de l'action 01 - Appui au réseau . Pour rappel, ces crédits sont attribués aux établissements par les SCAC. Ils seront complétés par ailleurs de :

- 4,2 millions d'euros de crédits portés par l'action 02 - Coopération culturelle et promotion du français afin de participer à la mise en oeuvre de l'enseignement « français langue étrangère » (FLE) ;

- 7,6 millions d'euros de crédits portés par cette même action pour des opérations en matière de coopération culturelle.

Le rapporteur spécial observe également que les moyens et les modalités d'action des EAF au plan financier pourraient être mieux sécurisés à l'avenir.

En effet, comme il l'avait évoqué par le passé, la gestion comptable des EAF - dont la personnalité est en réalité indistincte de celle de
l'État - qui encaissent des recettes de fonctionnement et les réemploient est actuellement contraire au principe d'universalité budgétaire prévu par
la LOLF qui veut que l'ensemble des recettes du budget de l'État financent l'ensemble de ses dépenses.

Dans ce contexte et afin de sécuriser l'activité des EAF, deux pistes de travail étaient envisagées :

- rebudgétiser les recettes des EAF ;

- introduire une dérogation au principe d'universalité au sein de
la LOLF.

Lors de l'examen de la proposition de loi organique pour la modernisation de la gestion des finances publiques, le Sénat a adopté un amendement présenté par notre collègue Jean-Yves Leconte qui prévoit d'introduire cette dérogation.

Dans la mesure où l'amendement n'a pas suscité l'opposition du Gouvernement, d'une part, et qu'il s'agit d'une préconisation que portait le ministère lui-même, d'autre part, le rapporteur spécial estime souhaitable que cette disposition puisse être conservée dans le texte final.

Enfin, le rapporteur spécial observe que la subvention versée à l'Institut français de Paris devrait rester stable en 2022 et s'établir à 28,3 millions d'euros.

Pour rappel, l'Institut français est impliqué, depuis 2017, dans un projet de rapprochement avec la Fondation des Alliances Françaises (FAF). Celui-ci a entrainé un premier rapprochement fonctionnel des services des deux réseaux permettant de favoriser des synergies et des mutualisations.

Le rapprochement immobilier devrait être effectif au printemps 2022 c'est-à-dire avec retard, ce qui s'explique par un changement de décision du bailleur du premier site envisagé qui avait, finalement, retenu une autre offre que celle de l'opérateur

II. AU SERVICE DES FRANÇAIS « À » ET « DE » L'ÉTRANGER, LE RÉSEAU CONSULAIRE A CONCÉDÉ D'IMPORTANTS EFFORTS DEPUIS 2018

A. L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2022 ENTRAINE UNE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2022

En 2022, les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » augmenteront de 2,1 millions d'euros ce qui masque, néanmoins, deux évolutions en sens contraires :

- une contraction de 9 millions d'euros des aides aux familles françaises des élèves scolarisés dans le réseau de l'AEFE que le rapporteur spécial a présentée supra ;

- une augmentation de 13,9 millions d'euros de crédits au titre de l'action 01 - Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger pour l'organisation des élections présidentielle et législatives.

Évolution des crédits par action du programme 151

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

01 - Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger

AE

211,7

224,2

+ 12,5

+ 5,9 %

0,0

CP

212,0

224,3

+ 12,3

+ 5,8 %

0,0

02 - Accès des élèves français au réseau AEFE

AE

104,8

95,8

- 9,0

- 8,6 %

0,0

CP

104,8

95,8

- 9,0

- 8,6 %

0,0

03 - Instruction des demandes de visa

AE

55,5

54,2

- 1,4

- 2,4 %

0,0

CP

55,5

54,2

- 1,4

- 2,4 %

0,0

Total programme 151

AE

372,0

374,2

+ 2,1

+ 0,6 %

0,0

CP

372,3

374,3

+ 2,0

+ 0,5 %

0,0

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toutefois, seuls 1,8 million d'euros de ces crédits seront véritablement à la charge du ministère , le reste étant issu d'un transfert de crédits pour cette seule année de la part du ministère de l'Intérieur sur le budget de la mission Action extérieure de l'État.

Les crédits apportés par le ministère seront partagés de façon quasi-égale entre des actions de communication , afin d'informer sur les modalités d'inscription et de vote, et des dépenses pour le gardiennage et la sécurité des sites de vote.

Enfin, le rapporteur spécial rappelle que si les élections législatives pourront donner lieu au recours aux systèmes de vote électronique, tel ne sera pas le cas pour l'élection présidentielle.

B. LA SOUTENABILITÉ DES EFFORTS DEMANDÉS AU RÉSEAU CONSULAIRE MÉRITE D'ÊTRE INTERROGÉE

Depuis 2018, le réseau consulaire a mis en oeuvre un effort substantiel de modernisation de ses activités et de maitrise de ses effectifs et de ses dépenses.

Évolution des dépenses des programmes de la mission depuis 2019

(base 100 en 2019)

* Pour 2022, le montant des crédits transférés par le ministère de l'Intérieur pour l'organisation des élections législatives et présidentielle a été retranché.

Source : commission des finances d'après les réponses aux questionnaires

D'abord, le rapporteur spécial constate qu'en excluant les crédits transférés cette année par le ministère de l'Intérieur pour l'organisation des élections présidentielle et législative, le niveau des dépenses du programme a diminué depuis 2019.

En outre, le programme a contribué pour plus du tiers à l'effort de maitrise des effectifs assigné au ministère dans le cadre d'Action publique 2022 (107 ETP sur 332) alors même qu'il ne représente qu'un quart des emplois de la mission.

Ces efforts ont certes incité à accélérer la modernisation de l'activité consulaire ce qui s'observe au plan budgétaire par les moyens qui sont mobilisés pour :

- le projet de dématérialisation de l'État civil (doté de 250 000 euros en 2022) et dont la première étape a été mise en oeuvre en 2021 avec la délivrance d'actes numérique signés électroniquement par un officier d'État civil ;

- le développement et la maintenance des outils administratifs, tels que le répertoire électoral unique ou la solution de gestion de la nouvelle carte nationale d'identité, pour un montant de 1,9 million d'euros en 2022 ;

- l'organisation du vote par internet pour un coût en 2022 évalué à 1,4 million d'euros.

Toutefois, ces efforts ont également mis le réseau consulaire en tension en reportant une grande partie de la charge des effectifs non-remplacés vers d'autres agents, en particulier pour des tâches d'accueil téléphonique.

Dans ce contexte, le ministère a lancé un projet pilote consistant à renvoyer les appels des usagers de certains postes consulaires vers un centre d'appel situé en France chargé d'orienter et de faire un premier traitement.

En effet, la charge de l'accueil téléphonique a eu tendance, en raison des suppressions d'effectifs, à se reporter vers des agents qui exercent d'autres tâches par ailleurs.

Le choix de finalement recourir à une centrale d'appel privée montre que la réduction d'effectifs n'était pas vraiment soutenable à terme. Alors que l'objectif était initialement de faire des économies, cette solution nécessaire se traduira par la consommation de nouveaux crédits :

- de personnel pour l'apport en expertise, qui sera assuré par le ministère, aux salariés de l'entreprise ;

- et de fonctionnement pour la rémunération du prestataire.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'occasion de l'examen en séance des crédits de la mission en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement n°1955 tendant à majorer les crédits du programme 105 de 82,8 millions d'euros en AE et en CP correspondant à la participation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à la facilité européenne pour la paix (FEP) et dont le montant n'était pas connu au dépôt du PLF.

En tenant compte de cet amendement, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission s'élèveraient à 3,1 milliards d'euros et augmenteraient donc de 4,5 % par rapport à la LFI pour 2021.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant le rapport spécial sur la mission « Action extérieure de l'État » (AEE). Je salue André Gattolin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » est un florilège de tout ce qu'il ne faut pas faire en matière budgétaire.

Avant d'en venir aux crédits de la mission pour ce projet de loi de finances, je souhaite dire quelques mots sur le suivi des recommandations de nos travaux de contrôle, en commençant par celui que nous avions conduit sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) en 2019.

Pour mémoire nous avions pointé le problème posé par les indemnités de résidence à l'étranger qui s'élevaient à 400 millions d'euros en 2017, soit 42 % de la masse salariale du ministère. Nous notions qu'il existait un décalage entre ce qui devrait être versé - ce que l'on appelle l'IRE théorique - et ce qui l'était effectivement - ce que l'on qualifie d'IRE réelle. - et nous appelions à le réduire. Or, nous constatons qu'il persiste, au détriment de l'équilibre des finances publiques. En pratique, il y a peu d'avancées sur ce sujet qui oppose le MEAE et Bercy, si ce n'est la suppression d'une « survocation » au profit des fonctionnaires de catégorie C. Nous avions relevé un écart global d'environ 25 %, entre l'IRE réelle et théorique, qu'il nous semblait normal de réduire par exemple sur cinq ans, mais nous ne sommes pas suivis sur cette recommandation.

Concernant plus spécifiquement le budget de la mission pour 2022, j'observe que les crédits du programme 105 augmentent de 1,8 %, soit 32 millions d'euros. Premier exemple de ce qu'il ne faut pas faire : plutôt que de provisionner un montant au moment du dépôt du PLF, le Gouvernement a préféré attendre les conclusions des négociations pour présenter un amendement de crédits s'élevant à 83 millions d'euros au titre de la participation du MEAE à la facilité européenne pour la paix. Or, la mission finançait déjà cette initiative en 2021 et il n'aurait pas été illogique, dans l'attente de connaitre le montant définitif, d'inscrire un montant reconduisant les crédits de l'année passée. En tout état de cause, l'adoption de cet amendement par l'Assemblée nationale entraîne une augmentation de ce budget de 4,5 %, bien loin de ce qui était initialement présenté.

De manière générale, je constate un relâchement des efforts consentis par le passé. Cette année, la hausse des dépenses s'explique principalement par des mesures catégorielles au bénéfice du personnel, ce six mois avant l'élection présidentielle...

Le réseau diplomatique est financé à hauteur de 689 millions d'euros, un montant qui inclut notamment les dépenses de fonctionnement des ambassades, qui augmentent de 2,7 millions d'euros. Cette hausse est justifiée en raison du différentiel d'inflation. Les moyens de l'action n°  6 « Soutien » s'élèvent à 261 millions d'euros, consacrés au financement de l'administration générale, des dépenses de gestion, des ressources humaines et des systèmes d'information. C'est le deuxième exemple de mauvaise pratique budgétaire : la hausse exceptionnelle de 22 millions d'euros des crédits de cette action, liée à la crise sanitaire, a été pérennisée en 2022, avec de surcroît une augmentation de 3 %. Par ailleurs, on note la création d'une école diplomatique et consulaire, pour un coût de 2,6 millions d'euros.

Ensuite, les contributions internationales s'élèvent à 652 millions d'euros pour ce qui relève du MEAE. Cependant, j'indique que dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire que nous conduisons actuellement, nous n'arrivons pas encore à obtenir l'état global de ces contributions incluant celles des autres ministères. Toujours est-il qu'elles baissent, car la part de la France dans le revenu national brut (RNB) de l'ensemble des États membres baisse depuis 20 ans, signe du déclin de notre pays. Par ailleurs, je note que des gains conjoncturels liés aux taux de change ont été utilisés pour d'autres dépenses. C'est le troisième exemple de ce qu'il ne faut pas faire : une économie conjoncturelle a servi à engager dépense structurelle.

J'observe que l'action n° 1 « coordination de l'action diplomatique », qui englobe le fonctionnement du cabinet, du protocole, de la communication et du centre de crise et de soutien, enregistre une hausse de 5,3 % pour 2022, soit 4,9 millions d'euros. L'augmentation des dépenses de personnel s'élève à 6,3 millions d'euros. En revanche, on ne retrouve pas certaines dépenses immobilières, Bercy ayant permis au MEAE de recourir au compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » à hauteur de 36 millions d'euros sous la forme d'une avance non-remboursable.

Enfin, les efforts entrepris dans le cadre du programme « Action publique 2022 », suspendus en 2020, ne reprendront pas en 2022. La sortie de la situation exceptionnelle dans laquelle nous étions ne marque donc pas un retour à cette trajectoire : c'est le dernier exemple de ce qu'il ne faut pas faire en matière de finances publiques.

En conséquence, j'émets un avis de sagesse négative sur les crédits de cette mission.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Je vais vous présenter les crédits affectés aux programmes 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

La diplomatie d'influence est devenue stratégique. À ce titre, les crédits affectés au programme 185 ne sont pas à la hauteur de la compétition mondiale. Toutefois, ils n'ont été sacrifiés ni dans le cadre du PLF pour 2022 ni au cours des années précédentes du quinquennat.

L'enseignement du français à l'étranger bénéficie du plus grand réseau d'enseignement à l'étranger relevant d'un État, avec plus de 540 établissements dans le monde. Je sais à quel point nos collègues représentant les Français établis hors de France y sont attachés. La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est stable en 2022, actant la hausse de 2021. La diminution de 10 millions d'euros des crédits consacrés aux bourses aux familles sera absorbée en mobilisant la réserve de 70 millions d'euros qui avait pu être constituée avec les budgets précédents. En outre, conformément aux recommandations que nous avions formulées il y a quelques années, la part de participation des familles au budget des établissements n'augmente plus.

Le réseau d'enseignement du français à l'étranger a été mis à rude épreuve par la crise sanitaire. Il a bénéficié d'aides au cours des différents projets de loi de finances rectificative (PLFR), en particulier le troisième PLFR pour 2020. Une centaine de millions d'euros, engagée au titre des années 2020 et 2021, a permis d'aider les établissements et les familles françaises et étrangères. Je précise d'ailleurs que la majorité des élèves sont étrangers, avec des familles parfois en détresse sociale et financière. Cependant, l'AEFE fait face à d'importants défis. Le Président de la République avait ainsi annoncé il y a quelques années l'objectif de doubler le nombre d'élèves du réseau à l'horizon de 2030. Leur nombre étant stable aujourd'hui, il faudrait allonger le calendrier ou revoir l'objectif à la baisse.

Ensuite, il y a une différence de conception entre Bercy et le réseau d'enseignement français à l'étranger sur la trésorerie des établissements - que Bercy considère comme agrégée -, leur participation au financement de l'AEFE et leur capacité d'endettement pour réaliser des travaux. Ils n'y sont pas autorisés aujourd'hui alors que, recevant une majorité de financements privés, ils devraient pouvoir le faire selon les critères de l'Insee. Le MEAE nous a indiqué qu'un groupe de travail étudiait cette question.

Atout France, qui est l'opérateur chargé du tourisme, percevra 28,7 millions d'euros au titre des subventions pour 2022, auxquelles s'ajoutent les recettes des visas. Ces ressources arrivent à la suite d'un effondrement du tourisme et du plan d'économies de 4,5 millions d'euros décidé en 2019. Nous nous étions d'ailleurs interrogés, à l'époque, sur la nécessité de bénéficier d'un opérateur comme Atout France dans la mesure où le tourisme était particulièrement dynamique. La situation a cependant évolué depuis puisqu'il faut amplifier la reprise du tourisme et préparer les Jeux olympiques de 2024, en partenariat avec les comités régionaux du tourisme. Selon nos interlocuteurs, il faudrait 5 millions d'euros supplémentaires dans le PLF pour 2022. Nous n'avons cependant pas proposé une telle augmentation par voie d'amendement, dans l'attente d'une stabilisation des perspectives en matière de tourisme.

Les autres opérateurs du programme, comme les Instituts français, voient leurs moyens légèrement augmenter, de même que les bourses internationales pour les étudiants étrangers présents en France ou sur les campus français à l'étranger. Après l'effondrement lié à la crise sanitaire, l'objectif est d'arriver à 500 000 étudiants étrangers en 2027.

J'en arrive au programme 151, qui s'élève à 374 millions d'euros. L'augmentation de ce budget concerne les élections de 2022. Il n'est pas prévu de vote électronique pour l'élection présidentielle, contrairement aux élections législatives qui concernent les Français de l'étranger. Le transfert de 12 millions d'euros du ministère de l'intérieur semble adéquat au vu des expériences précédentes. En revanche, la soutenabilité des efforts demandés aux réseaux consulaires ces dernières années n'est pas certaine. L'année 2022 marque un retour en arrière sur la baisse des crédits et des emplois des années précédentes. Un tiers des suppressions d'effectifs du MEAE depuis 2018 s'est faite sur le réseau consulaire, mais celui-ci a été fortement sollicité avec la crise sanitaire.

En outre, la dématérialisation a ses limites : même si tout est indiqué sur internet, beaucoup préfèrent se déplacer ou téléphoner. Durant la crise sanitaire, des centaines de milliers de Français ont dû être rapatriés ou pris en charge et accompagnés sur place. L'accueil téléphonique reste particulièrement déficient. Le MEAE a donc décidé de remettre en place un accueil centralisé pour certains postes consulaires, via un opérateur privé sis à La Courneuve, dans les locaux et sous la supervision d'agents du ministère. Cette création semble nécessaire, mais il y a un problème de cohérence de l'action publique : on recrée des postes qui avaient été supprimés dans un but de maîtrise des finances publiques.

Enfin, les recommandations que nous avons émises, avec Vincent Delahaye, dans notre rapport d'information sur les ambassadeurs thématiques, ne sont pas encore mises en oeuvre, mais un projet de décret, en cours d'élaboration, en reprend certaines. Nous serons attentifs aux suites qui y seront données.

Pour conclure, j'émets un avis de sagesse favorable à ces crédits, pour soutenir un ministère régalien qui a consenti à des efforts budgétaires importants sur dix ans, mais dont le volume des dépenses à l'échelle de l'État reste restreint. Cette légère hausse des crédits répond à de réelles nécessités.

M. André Gattolin , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Je connais l'exercice traditionnel de la commission des finances qui cherche à faire des économies - j'y ai participé - et dès que nous renvoyons les crédits aux commissions saisies pour avis, tout le monde, quel que soit le groupe politique, en demande davantage. Nous sommes toujours dans ce paradoxe. Je vais donc essayer de ne pas tomber dans ce défaut, d'être dépensier après avoir économe, suivant le leadership en la matière de Vincent Delahaye.

Mon collègue Jean-Pierre Grand, qui ne pouvait pas être là ce matin, s'est beaucoup préoccupé de la question de l'immobilier, car un vrai travail est à faire. Il propose d'ailleurs depuis deux ans déjà d'envisager des opérations sous partenariat public-privé (PPP), comme cela se fait dans un certain nombre de domaines.

Il est vrai qu'un grand nombre de biens du ministère ont été vendus ces dernières années pour faire des économies et que, de ce fait, les consuls français ne trouvent rien à louer, dans les différentes régions d'Allemagne, notamment à Sarrebruck ou à Francfort, où les bailleurs ne souhaitent pas louer pour trois ans et estiment que les sommes proposées ne sont pas suffisamment élevées. Il a fallu que je fasse appel au maire de Francfort pour trouver un logement au nouveau consul.

Nous pouvons donc nous demander si la politique que nous avons menée consistant à nous séparer d'un certain nombre de « bijoux de famille » qui avaient un certain sens n'a pas conduit à des coûts nouveaux que nous n'avions pas envisagés.

Concernant l'augmentation du budget du programme 105, qui passe de 1,8 % à 4,5 %, grâce à la nouvelle contribution pour la facilité européenne pour la paix, nous oublions souvent que le Royaume-Uni était le deuxième ou troisième pays en termes de contributions aux organisations internationales. Son départ a donc eu un impact considérable que nous devons compenser.

Le total des contributions de la France aux organisations internationales et européennes s'élèvera cette année à 700,8 millions d'euros, contre 718,8 millions d'euros précédemment. Une économie liée à tous les pays occidentaux qui, en proportion, voient leur niveau de revenu national brut (RNB) par habitant diminuer au profit des pays émergents.

Aujourd'hui, la réaction française - et des grands pays occidentaux - est d'augmenter nos contributions volontaires pour continuer à peser dans ces organisations. Si nous avons gardé le poste de secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, occupé par Jean-Pierre Lacroix, c'est bien parce que la France les augmente depuis deux ans.

Je rappelle que, sur les quinze grandes organisations internationales des Nations unies, quatre sont aujourd'hui présidées par des responsables chinois et qu'ils en convoitent d'autres. Nous devons donc, si nous voulons continuer à peser dans l'ordre international, être très prudents.

Enfin, la volonté de créer une école diplomatique et consulaire a pour but d'inciter nos hauts fonctionnaires à se tourner vers les postes ouverts dans les grandes organisations et notamment à l'Organisation des Nations unies (ONU), où la Chine a augmenté ses effectifs. Nous nous battons pour les top jobs , mais aujourd'hui les Français sont en train de disparaître de tous les services.

M. Gérard Longuet . - Le corps diplomatique va être supprimé, nous n'aurons plus de candidats.

M. André Gattolin , rapporteur pour avis . - C'est une autre façon de voir.

J'ai visité avant-hier soir le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, croyez-moi, ce n'est pas du luxe. Gérer la crise de la covid-19 et la crise afghane aboutit à des explosions budgétaires. Mais la commission des affaires étrangères et de la défense est favorable à un budget qui augmente.

M. Claude Kern , rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Je vous remercie de votre invitation, monsieur le président, ainsi que les rapporteurs spéciaux pour leur présentation et surtout leur éclairage, puisque mes auditions ne débuteront que cet après-midi.

Je serai bref. Je note d'abord avec satisfaction la stabilité du budget de la mission « Action extérieure de l'État ». Ensuite, j'estime que le doublement des effectifs scolaires, tel qu'il est prévu par le Président de la République, est très peu réaliste, notamment avec les moyens qui y sont affectés.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie nos deux rapporteurs, dont tout le monde loue la sagesse, mais qui, si je comprends bien, ne penchent pas forcément du même côté.

Je souhaiterais demander aux rapporteurs si, au travers des auditions notamment, ils ont pu aborder le sujet important des personnels, notamment la question des effectifs qui opèrent pour le compte de l'État. Ainsi, en reprenant un exemple mis en exergue par Rémi Féraud dans votre rapport, je vois que, concernant l'accueil téléphonique, des effectifs ont été supprimés au niveau consulaire puis qu'il a finalement été nécessaire, pour répondre à la demande, de recourir à une centrale d'appel privée. Disposez-vous, messieurs les rapporteurs, d'un bilan consolidé sur cette question ?

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - André Gattolin a indiqué qu'un bon budget est un budget qui augmente. Ce n'est pas mon avis, surtout quand il a autant de défauts. En effet, nous pérennisons des dépenses exceptionnelles, nous prenons des mesures catégorielles, nous transformons des économies conjoncturelles en dépenses structurelles et pérennes. Tout cela n'est pas bon. Je rappelle que les mesures catégorielles sont d'un montant trois fois supérieur aux économies que nous avons pu faire avec « Action publique 2022 ».

Par ailleurs, monsieur Gattolin, non le budget n'augmente pas « un peu » ; 4,5 %, ce n'est pas rien, c'est une augmentation importante. J'aimerais que le budget de chaque collectivité augmente d'autant.

Concernant l'immobilier, à ma connaissance aucun partenariat public-privé n'est engagé dans le réseau consulaire. Si, effectivement, des biens ont été vendus, cette démarche a été freinée - il y en a beaucoup moins. Par ailleurs, vous citez l'Allemagne pour exemple, or tous les pays ne sont pas l'Allemagne. Je ne suis pas certain que les difficultés de logement soient les mêmes partout.

Concernant les contributions internationales, effectivement le Royaume-Uni avait une politique de contribution volontaire plus importante que nous. Nous avons intérêt à les développer, à condition de bien les cibler et d'avoir une stratégie claire et définie. Car aujourd'hui quand nous demandons au ministre de nous présenter sa stratégie sur cette question, il n'en a pas vraiment ou en tout cas elle n'est pas lisible.

Enfin, s'agissant du personnel dans le réseau consulaire, il est vrai qu'il y a eu une évolution : des réductions de postes ont été effectuées, et nous pourrions, en centralisant les réponses - les demandes sont toujours les mêmes -, faire des économies de postes assez substantielles.

M. Roger Karoutchi . - Je partage totalement l'opinion de Vincent Delahaye. Le ministère, du fait des lourdeurs traditionnelles du Quai d'Orsay, ne parvient pas à se réformer. Et c'est comme cela non pas depuis 2017, mais depuis quinze ou vingt ans.

On nous dit que les crédits sont à peu près stables pour l'enseignement français à l'étranger. D'abord, ils le sont à peine. Ensuite, l'état des établissements français à l'étranger - je pense au Maroc et à Madagascar - est dramatique. Les établissements anglophones reçoivent des crédits de façon massive et nous « mangent la laine sur le dos ». Nous sommes en train de disparaître, y compris dans un pays comme le Maroc, où les jeunes veulent désormais apprendre anglais. La France n'a aucune stratégie et la francophonie est en train de s'effondrer, y compris dans des bastions.

Par ailleurs, en 2017, le Gouvernement nous avait dit qu'il mènerait une politique, de préférence, stratégique pour définir ou installer les antennes les plus fortes, à savoir dans des pays où nous avons des intérêts. Or rien n'a été fait et nous continuons de dire très fièrement que nous sommes le réseau consulaire le plus important après celui des États-Unis, alors que nous diluons l'importance de nos antennes. À vouloir être partout, nous ne pouvons pas renforcer les effectifs dans des pays stratégiques.

Je ne voterai pas ces crédits.

M. Emmanuel Capus . - Tout d'abord, je souhaiterais avoir des précisions, car, sur la forme, j'ai des éléments d'incompréhension. Je pense qu'il y a une erreur sur la fiche de synthèse qui nous a été présentée. Il y est indiqué que l'évolution des crédits est de 1,2 % et non 4,5 % comme évoquée par Vincent Delahaye. Par ailleurs, en page deux, dans l'évolution des dépenses de personnel de la mission, le graphique qui nous est présenté donne l'impression qu'elles ont explosé, alors qu'elles passent de 951 millions d'euros à 1,26 milliard d'euros.

Sur le fond, j'ai bien compris que l'ambiance était pessimiste. Je ne partage pas ce pessimisme, je suis beaucoup plus enthousiasmé par le rapport de Rémi Féraud. L'influence de la France est essentielle, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas voter ces crédits, d'autant qu'ils sont en augmentation. Nous nous tirerions une balle dans le pied.

Enfin, l'influence de la France passant par notre réseau d'enseignement français, je voudrais savoir quels sont les pays que nous devons abandonner ? Dans combien de pays sommes-nous ? Combien d'établissements cela représente-t-il et combien d'élèves ?

M. Jérôme Bascher . - Mon colonel me disait : « Qui fait effort partout, fait effort nulle part. » Nous mettons de l'argent partout dans le monde, à la fois dans les établissements d'enseignement et dans le réseau consulaire, mais notre influence n'augmente pas. Est-ce bien la conclusion que nous pouvons en tirer ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Nous avons un enjeu stratégique qui est de faire revenir les touristes étrangers, alors que les contraintes sanitaires pèsent encore sur les vols longs courriers. Dans ce contexte, je ne vois pas quelle est l'évolution réelle des crédits d'Atout France ? Par ailleurs, que faisons-nous de concret pour faire revenir la clientèle mondiale ?

Mme Christine Lavarde . - Un des deux rapporteurs spéciaux a rappelé l'annonce du Président de la République de voir une augmentation très forte du nombre d'enfants scolarisés dans les écoles soutenues par la France. L'année dernière, du fait de la crise sanitaire et de l'explosion du port de Beyrouth, des écoles au Liban qui n'appartenaient ni au réseau AEFE ni au réseau des missions laïques ont été aidées et le nombre d'élèves francophones scolarisés a progressé de manière fulgurante.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Je partage les propos de Roger Karoutchi sur l'absence de politique stratégique et ceux de Jérôme Bascher.

Je souhaiterais dire à Emmanuel Capus que ce n'est pas parce que nous ne votons pas une mission et ses crédits que nous sommes contre l'action extérieure de l'État, la culture ou l'agriculture. Sinon, ce n'est pas la peine de se réunir, de travailler et de procéder à des auditions, disons « oui » tout de suite. Et rejeter un budget ne veut pas dire que nous sommes contre à 98 %. En revanche, je le rejoins sur la forme.

D'abord, l'augmentation de 1,2 % fait référence à ce qui a été inscrit au projet annuel de performance tandis que le pourcentage de 4,5 % auquel je faisais référence correspond à la situation après l'examen de la mission par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement aurait d'ailleurs pu nous le signaler, tout comme les personnes qui ont été auditionnées.

Ensuite, j'entends votre remarque concernant le graphique figurant sur la note de synthèse. Comme souvent pour mieux visualiser les différentes informations, l'échelle a été coupée. Il est d'usage de le préciser, ce qui n'est effectivement pas le cas en l'espèce et sera corrigé pour la publication de notre note de présentation.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Concernant le tourisme, la subvention d'Atout France est de 28,7 millions d'euros, en hausse de 400 000 euros. Son rôle est de faire des campagnes de communication, notamment en partenariat avec les comités régionaux du tourisme et des acteurs privés. Ils se sont recentrés cette année sur le tourisme national et européen, et moins sur la clientèle asiatique ou américaine. Cependant, ils devront se tourner vers le public international pour maximiser le poids de la France, et pour lequel ils demandent 5 millions d'euros supplémentaires. Si je n'ai pas proposé d'amendement en ce sens, c'est parce que je ne sais pas combien de temps va durer la crise sanitaire. Si nous nous demandions à quoi servait vraiment Atout France en 2019, nous avons aujourd'hui besoin de ce volontarisme pour relancer le tourisme le moment voulu.

Concernant l'enseignement français à l'étranger, voici quelques chiffres : 545 établissements, dans 170 pays et pour 370 000 élèves, dont 40 % sont des Français. Le plan de développement présenté par le Président de la République est destiné à de nouveaux élèves étrangers pour revaloriser la francophonie et notre influence dans le monde, même si quelques élèves français seront concernés. Cela implique les efforts réalisés pour le Liban. D'ailleurs, une grande partie des efforts budgétaires réalisés en faveur du Liban en 2021 sont passés par le budget de l'enseignement français à l'étranger. Par ailleurs, la stabilisation du nombre d'élèves dans le monde inclut l'augmentation du nombre d'élèves au Liban, certains établissements étant entrés dans le réseau pour pouvoir être sauvés.

Au titre de l'aide que la France a apportée au Liban, l'aide à l'enseignement est certainement l'outil le plus efficace et concret, puisqu'il a permis à l'éducation au Liban de résister - et ce sont des aides qui ne peuvent pas être détournées.

Concernant le personnel, il y a une forme de stabilité autour du nombre de 12 000 agents du ministère. Il est vrai que le choix a d'abord été de garder l'universalité du réseau. Mais si nous devons fixer des priorités, il faudra faire des sacrifices. Et si nous voulons fixer des priorités sans perdre l'universalité du réseau, il faudra alors vraiment augmenter le budget.

Nous-mêmes nous sommes parfois un peu contradictoires dans nos demandes, car s'il est un atout de posséder le plus grand réseau et consulaire du monde avec les États-Unis et la Chine, cela a aussi un coût budgétaire. En fait, nous ne tirons pas vraiment les conséquences budgétaires de nos volontés. Ensuite, quand nous voulons donner priorité à l'Europe, à l'Afrique parce que nos liens sont importants et à l'Asie et l'espace indopacifique parce que c'est là que tout se passera demain, nous ne faisons pas vraiment de priorités. Nous avons quelques projets mutualisés de nos représentations avec l'Allemagne, mais ils restent epsilon.

Ces dernières années, ont été créés des postes de présence diplomatique permettant d'être présent sans avoir un ambassadeur sur place, mais aucun poste de présence n'est créé dans le PLF pour 2022.

Pour ce qui est des affaires consulaires, qui intéressent beaucoup nos compatriotes vivant à l'étranger, c'est le programme qui a fait le plus d'efforts budgétaires. Dans « Action Publique 2022 », dont l'un des éléments était de réduire le nombre d'agents de l'État à l'étranger, 332 emplois ont été supprimés pour le ministère, dont un tiers concerne les affaires consulaires. Nous avons tous constaté que, dans un certain nombre de postes, le réseau des affaires consulaires est à l'os.

C'est aussi le choix qui a été fait de mettre en place un projet pilote dont l'enveloppe budgétaire reste relativement floue et sur laquelle nous devrons nous pencher l'année prochaine pour définir quelles sont les implications budgétaires de créer un accueil téléphonique centralisé à La Courneuve.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La commission des finances n'a pas adopté les crédits de la mission. Je vous propose de confirmer cette décision.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Il est délicat pour moi de me prononcer, car j'avais personnellement émis un avis de sagesse positive, et mon collègue rapporteur spécial Vincent Delahaye un avis de sagesse négative...

La commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Emmanuel PUISAIS-JAUVIN, directeur général adjoint ;

- M. Joachim BOKOBZA, conseiller politique commerciale, commerce extérieur, tourisme, Français de l'étranger ;

- M. Baptiste PRUDHOMME, conseiller politique et parlementaire.

Direction générale de l'administration et de la modernisation - Ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)

- Mme Hélène TREHEUX-DUCHÊNE, directrice générale ;

- Mme Claire BODONYI, directrice des affaires financières ;

- Mme Agnès ROMATET-ESPAGNE, directrice des ressources humaines ;

- M. Grégor TRUMEL, sous-directeur du budget ;

- M. Christophe BILLAUDÉ, chef du bureau de la masse salariale.

Direction générale des affaires politiques et de sécurité - MEAE

- M. Philippe ERRERA, directeur général ;

- M. Laurent LEGODEC, chef du programme 105.

Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire - MEAE

- Mme Laurence HAGUENAUER, directrice ;

- Mme Christèle DAVIET, cheffe de la mission de gestion administrative et financière ;

- Mme Charlotte HERNANDEZ, chef de la cellule budgétaire, de la performance et de l'évaluation.

- M. Frédéric BLANC, stagiaire de l'ENA.

Direction du budget - 7 e sous-direction « Budgets de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des affaires rurales, de l'aide publique au développement, de l'action extérieure de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration »

- Mme Anne-Hélène BOUILLON, sous-directrice ;

- M. Baptiste BOURBOULON, chef du bureau « Affaires étrangères et aide au développement » - 7BAED.

Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPEE)

- M. François NORMANT, président.

Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

- M. Jean-Paul NÉGREL, directeur adjoint.

Atout France

- Mme Caroline LEBOUCHER, directrice générale.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 Rapport d'information n° 729 (2018-2019) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 septembre 2019, sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 2 Il peut être rappelé que ce critère donnait lieu au versement d'une bonification au profit de certains agents de catégories A et B qualifiée de « sur-vocation ».

* 3 La mise en oeuvre de ces grilles repose sur des indices synthétiques produits annuellement par la société MERCER.

* 4 Rapport précité.

* 5 Le reclassement consiste à modifier les montants de l'IRE en fonction des conditions de vie, du coût de la vie et du coût du logement dans chaque pays.

* 6 Pièces transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères dans le cadre du contrôle.

* 7 Rapport d'information de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD, fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 septembre 2020, sur les ambassadeurs thématiques.

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