PROGRAMME 355
« CHARGE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU
REPRISE PAR L'ÉTAT »

A. SI ELLE CONSTITUE UN GESTE FORT ET HISTORIQUE, LA REPRISE DE 35 MILLIARDS D'EUROS DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU NE DÉGAGE PAS POUR AUTANT L'HORIZON INCERTAIN DU GESTIONNAIRE D'INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES

Au 31 décembre 2019 , la dette financière nette de SNCF Réseau représentait 51,9 milliards d'euros . Cet encours de dette, dont l'origine s'expliquait largement par les sous-investissements structurels de l'État dans un contexte de « tout TGV », générait des charges d'intérêt annuelles d'environ 1,3 milliard d'euros pour le gestionnaire d'infrastructures ferroviaires français. Ces frais financiers pesaient très lourdement sur la situation financière de l'entreprise et empêchaient toute perspective d'un retour encore aujourd'hui hypothétique, à l'équilibre économique et financier .

Lors de la discussion du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, l'État s'était engagé à reprendre 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau dans le cadre de la transformation de l'opérateur en société anonyme à capitaux publics .

La première étape de cette reprise de dette, pour un montant de 25 milliards d'euros, a été mise en oeuvre le 1 er janvier 2020 . La seconde étape conduisant à la reprise des 10 milliards d'euros restants doit intervenir le 1 er janvier 2022 . L'article 40 du présent projet de loi de finances en propose les modalités, en tous points identiques à la procédure mise en oeuvre en 2020.

L'engagement pris en 2018 a été tenu. Les rapporteurs spéciaux tiennent à saluer ce geste fort et historique de l'État . Alors que le sujet de l'accumulation non maîtrisée de la dette du gestionnaire d'infrastructures ferroviaires français empoisonne le modèle économique du secteur ferroviaire français depuis des décennies , les gouvernements successifs n'avaient pas su prendre cette décision indispensable et légitime dans la mesure où elle vient essentiellement compenser des décennies de sous-investissements de l'État dans le réseau ferré national.

Néanmoins, ils tiennent à souligner que cette reprise partielle de la dette de SNCF Réseau est bien loin de solutionner tous les problèmes du gestionnaire d'infrastructures. L'efficacité de cette mesure est conditionnée à la non reconstitution de la dette de SNCF Réseau, problématique jamais résolue jusqu'à aujourd'hui et qui constitue le point noir du système ferroviaire .

Comme ils ont pu le souligner le 29 septembre 2021, devant la commission des finances du Sénat, à l'occasion du point d'étape de leur mission de contrôle sur la situation financière et les perspectives de la SNCF, les perspectives financières de SNCF Réseau demeurent très préoccupantes . En dépit de l'effet de la reprise de dette par l'État sur le niveau de ses charges financières, la société a continué de s'endetter en 2020 et en 2021. Le retour à un cash flow libre positif en 2024 comme le prévoient les engagements financiers pris en 2018, apparaît comme très incertain .

Il existe certes plusieurs dispositions pour éviter que la dette de SNCF Réseau ne se reconstitue. Le renforcement de la règle d'or 30 ( * ) qui impose un ratio maximum de dette nette sur marge opérationnelle doit notamment y contribuer. Par ailleurs, la société a dû prendre des engagements de gains de productivités complémentaires , à hauteur de 380 millions d'euros d'ici 2026. Ces objectifs de productivité sont venus s'ajouter aux engagements pris dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance 2017-2026 conclu entre l'État et SNCF Réseau pour les porter à un niveau de 1,6 milliard d'euros sur la période couverte par le contrat. Ces engagements d'efficience sont actuellement en cours de révision dans le cadre des négociations portant sur la mise à jour du contrat de performance . Ils pourraient être réduits à 1,5 milliard d'euros. Les rapporteurs spéciaux considèrent que SNCF Réseau doit encore améliorer très significativement sa performance pour se hisser au niveau de ses homologues européens.

Comme ils l'ont mis en exergue au cours du point d'étape de leur mission de contrôle précité, les rapporteurs spéciaux tiennent à insister sur le caractère structurant du contrat de performance de SNCF Réseau . Il constitue la véritable pierre angulaire du système ferroviaire . Le gestionnaire d'infrastructures français a besoin d'une véritable visibilité . L'État doit porter une stratégie et une vision claire de l'avenir du réseau ferroviaire français.

Or, comme évoqué supra , bien qu'ils n'aient pas encore eu accès à ce document, les rapporteurs spéciaux craignent que l'actualisation tant attendue de ce contrat manque singulièrement de cette vision et, qu'il ne donne pas à SNCF Réseau les moyens d'assurer l'indispensable régénération du réseau ferré national tout en s'appuyant sur un modèle économique structurellement soutenable.


* 30 Ce dispositif prévu à l'article L.2111-10-1 du code des transports conditionne la possibilité pour SNCF Réseau de financer de nouveaux investissements ferroviaires à son niveau d'endettement apprécié au regard du ratio entre sa dette financière nette et sa marge opérationnelle.

Page mise à jour le

Partager cette page