IV. ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE : LA POURSUITE DE LA REVALORISATION DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE ET DES MOYENS ACCRUS AU BÉNÉFICE DES JUSTICIABLES ET DES VICTIMES

Les crédits proposés en 2022 pour le programme « Accès au droit et à la justice » s'élèvent à 680,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit une hausse très significative de 16,2 % par rapport à 2021 .

Les dépenses d'intervention et de fonctionnement relatives à l'aide juridictionnelle constituent l'essentiel des dépenses du programme, puisqu'elles représentent 90 % de celles-ci . Ce programme ne comprend aucune dépense de personnel.

Évolution des crédits de l'accès au droit et à la justice, à périmètre courant

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

(en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution (en %)

01 - Aide juridictionnelle

534,0

615,2

+ 15,2 %

534,0

615,2

+ 15,2 %

02 - Développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

9,5

12,3

+ 30,0 %

9,5

12,3

+ 30,0 %

03 - Aide aux victimes

32,1

40,3

+ 25,7 %

32,1

40,3

+ 25,7 %

04 - Médiation familiale et espaces de rencontre

9,7

12,3

+ 27,2 %

9,7

12,3

+ 27,2 %

Total du programme

585,2

680,0

+ 16,2 %

585,2

680,0

+ 16,2 %

Source : documents budgétaires

A. UN MONTANT RECORD DE 615,2 MILLIONS D'EUROS POUR L'AIDE JURIDICTIONNELLE

1. Plusieurs facteurs expliquent cette dynamique haussière

En 2022, les crédits dédiés à l'aide juridictionnelle s'élèvent à 615,2 millions d'euros , soit une hausse de 52,7 millions d'euros par rapport à 2021 en prenant en compte les crédits reportés sur cet exercice.

Depuis plusieurs exercices, les dépenses au titre de l'aide juridictionnelle ne cessent d'augmenter. Elles sont ainsi passées de 351,7 millions d'euros en 2012 à 615,2 millions d'euros prévus en 2022, soit une hausse de près de 75 % 16 ( * ) . Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation importante, tels que :

- les diverses réformes intervenues avant 2022 et dont les effets budgétaires sont progressifs telles que la revalorisation de la rétribution des avocats, la révision de la rétribution de certains contentieux, la présence obligatoire d'un avocat étendue ;

- l'accroissement du nombre et de la durée des gardes à vue ;

- le rattrapage de la sous-activité temporaire des juridictions en 2020 en raison de la crise sanitaire ;

- le nouveau relèvement du montant de l'unité de valeur (UV) qui sert à calculer la rétribution des avocats et qui est prévu par l'article 44 du projet de loi de finances pour 2022, rattaché à la mission « Justice » ;

- l'assistance apportée à un grand nombre de parties civiles pour les procès d'assises qui font suite aux attentats de novembre 2015 .

En revanche, le nombre de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle a augmenté dans une moindre mesure sur la même période . Ainsi, de 2012 à 2019, le nombre de demandes est passé de 1 065 721 à 1 184 149 17 ( * ) , soit une hausse de 11 %.

La réforme de l'aide juridictionnelle introduite par la loi de finances
pour 2020

Première étape législative de la réforme de l'aide juridictionnelle, la loi de finances n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 comporte un article 243 , qui modifie de manière substantielle plusieurs pans de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Premièrement, les critères d'éligibilité sont été modifiés afin de simplifier, de fiabiliser et d'harmoniser la manière dont les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) traitent les demandes d'admission formulées par les justiciables . Elle a disposé que désormais l'appréciation des ressources se fondait sur le revenu fiscal de référence (RFR), et à défaut ou en l'absence de RFR sur les ressources imposables du demandeur ; sur la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier non productif de revenus et du patrimoine mobilier productif de revenus ; sur la composition du foyer fiscal. Elle a précisé également que l'appréciation des ressources dans les situations de litiges intrafamiliaux était individualisée et que les plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle étaient fixés par voie réglementaire.

Deuxièmement, la loi de finances pour 2020 a ouvert la possibilité de formuler une demande d'aide juridictionnelle par voie électronique afin de faciliter la démarche du justiciable et de réduire le délai d'instruction par le BAJ . Cette mesure a été décidée dans la perspective du déploiement du système d'information pour l'aide juridictionnelle (SIAJ), qui est actuellement expérimenté dans deux tribunaux judiciaires situés dans le ressort de la cour d'appel de Rennes et dont le déploiement progressif est prévu d'ici la fin de l'année 2022. Simultanément un nouveau modèle de formulaire de demande d'aide juridictionnelle a été expérimenté, afin de simplifier et de clarifier le document rempli par les demandeurs, de fondre les formulaires destinés aux justiciables et aux avocats, également dans la perspective du déploiement du SIAJ. Le formulaire résultant de cette expérimentation sera déployé progressivement à l'automne 2021 et se substituera définitivement aux formulaires actuels à compter du 1 er janvier 2022.

Troisièmement, la loi de finances pour 2020 permet de faire évoluer l'organisation et l'implantation des BAJ dans l'intérêt des justiciables, des auxiliaires de justice et du personnel judiciaire en disposant que la liste et le ressort des juridictions dans lesquelles est implanté un BAJ étaient fixés par décret.

La refonte des critères d'éligibilité à l'aide juridictionnelle était le seul volet de la réforme susceptible d'affecter la dépense budgétaire. Pour mesurer un éventuel effet, au cours de l'année 2019, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a mené une étude à partir d'un échantillon représentatif de dossiers provenant de six juridictions. L'étude a montré que le périmètre d'éligibilité était peu modifié puisque, sur le panel retenu, 6,4 % des dossiers satisfaisant aux anciens critères d'éligibilité ne répondaient plus aux nouveaux critères et que 4,5 % des dossiers répondant aux nouveaux critères n'auraient pas satisfait aux anciens. Il en a été conclu que la réforme des critères d'éligibilité n'entraînerait pas d'effet budgétaire significatif . Huit mois d'application de la réforme n'ont pas remis en cause cette conclusion.

Source : réponse du secrétariat général du ministère de la justice au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

2. L'accroissement de ce budget rend d'autant plus urgente l'amélioration de la gestion de cette aide

Le rapporteur spécial constate que le délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle, qui sont instruites par les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ), tend à s'améliorer en 2021 par rapport à 2020. Alors que ce délai était en moyenne de 52,5 jours en 2020 , il devrait être ramené à 42,9 jours en 2021 . Ce délai reste toutefois relativement proche de celui constaté en 2019 (41,1 jours).

Alors que le nombre de demandes d'admission à l'aide juridictionnelle est considérable, entre 1 et 1,2 million de demandes par an, le rapporteur spécial ne peut que souligner l'importance de la dématérialisation de ces procédures . Or, force est de constater que celle-ci est toujours insuffisante puisque seulement 10 % des demandes ont été déposées et traitées par voie dématérialisée en 2021 .

Pour 2022, le projet annuel de performance rehausse cette cible à 15 % grâce au développement du système d'information de l'aide juridictionnelle (SIAJ) , destiné à remplacer l'application actuelle (AJWIN), datée de plus de vingt ans. Une fois le déploiement de SIAJ effectué et dès lors qu'un nombre significatif de demandes sera fait en ligne, le secrétariat général du ministère de la justice indique que le délai cible sera ramené à cinq jours , ce qui constituerait une avancée considérable pour les justiciables.

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, une cinquantaine de sites devraient être équipés de cet applicatif d'ici la fin de l'année. Par ailleurs, il relève que le coût du projet SIAJ a fait l'objet d'une réévaluation à la hausse : initialement estimé à 6,1 millions d'euros, celui-ci est aujourd'hui évalué à 8,9 millions d'euros, soit un écart de 45 % .


* 16 D'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial. Il convient de relever qu'avant 2020, le financement de l'aide juridictionnelle était assuré par des crédits budgétaires et extrabudgétaires affectées au Conseil national des barreaux (CNB).

* 17 D'après les réponses écrites du secrétariat général du ministère de la justice. L'année 2019 est retenue car l'année 2020 est peu révélatrice compte tenu du ralentissement de l'activité juridictionnelle.

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