II. UNE PROGRESSION MODÉRÉE DES DÉPENSES DE PENSIONS DES FONCTIONNAIRES CIVILS ET MILITAIRES DE L'ÉTAT ATTENDUE EN 2022 QUI NE REFLÈTE QUE PARTIELLEMENT LE DÉFI DÉMOGRAPHIQUE AUQUEL VA ÊTRE CONFRONTÉ CE RÉGIME

A. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DU CAS « PENSIONS » IMPUTABLE AU PROGRAMME 741 « PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE »

1. Les hypothèses retenues

Le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » devrait enregistrer une majoration de ses crédits de 1,48 % en 2022.

Cette augmentation dépasse la moyenne observée depuis 2011, les dépenses progressant depuis cette date de 0,9 % par an. Cette progression repose sur plusieurs hypothèses :

- une revalorisation des pensions de base de 1,1 % au 1 er janvier 2022 (0,4 % en 2021) et de 1,6 % pour les pensions d'invalidité au 1 er avril 2022 (0,1 % en 2021) ce qui devrait conduire à majorer les pensions de 493 millions d'euros, contre 172 millions d'euros en 2021. Le ralentissement de l'inflation, sur laquelle les pensions sont indexées, en raison de la crise sanitaire expliquait en 2021 leur faible revalorisation ;

- la liquidation de nouvelles pensions en 2022 à hauteur de 869 millions d'euros, dont 718 millions d'euros au titre des pensions directes, contre 865 millions d'euros en 2021 ;

- l'extension en année pleine des dépenses de pensions entrée en paiement en cours d'année 2021 et dont l'effet budgétaire est estimé à 840 millions d'euros (contre 801 millions d'euros en 2021 pour les pensions liquidées en 2020) ;

- un retour du niveau de sortie des pensions, s'agissant des anciens fonctionnaires civils, comparable à celui d'avant crise (60 900 décès estimés).

En ce qui concerne le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État », la baisse du nombre total de pensionnés - 94 185 attendus au 31 décembre 2022 contre 95 370 au 31 décembre 2021 - conduit à contrebalancer les effets de la revalorisation des pensions.

S'agissant du programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions », la diminution des crédits dédiés s'inscrit dans la continuité de celle observée lors des exercices précédents. Il convient de rappeler à ce stade que les dépenses prévues par ce programme ne procèdent pas d'une logique contributive et qu'il est financé par les versements provenant de programmes supports du budget général. La tendance baissière des deux actions les plus importantes du programme (01 « Reconnaissance de la Nation » et 02 « Réparations », soit 96,8 % des crédits du programme) résulte d'une diminution régulière des populations concernées par le versement de ces rentes.

2. L'impact de la crise sanitaire est limité aux exercices 2020 et 2021

L'impact de la crise sanitaire s'agissant de la mortalité s'est concentré sur l'année 2020. Le nombre de sorties des pensions civiles était déjà orienté à la hausse ces dernières années, compte-tenu du vieillissement de la population de retraités du régime : + 1,9 % en moyenne annuelle entre 2016 et 2019, soit un rythme supérieur à l'évolution du nombre de retraités, + 1,2 % en moyenne sur la même période. 2020 constitue une réelle rupture, avec une progression des décès de 10,2 % entre 2019 et 2020. Les sorties de pension de militaires enregistrent également une hausse significative en 2020, mais de manière moins marquée (+ 5,8 %).

En tenant compte de l'accroissement tendanciel des décès, la surmortalité imputable à la crise sanitaire en 2020 est estimée à 8,1 %, pour les anciens fonctionnaires civils, soit 4 200 décès supplémentaires, s'agissant des seules pensions directes . En tenant compte des pensions de réversion perçues par les conjoints des affiliés décédés, la surmortalité concerne 5 500 personnes (+ 7,5 %). Ce surcroît de mortalité conduit à une baisse des dépenses de pension estimée à 36 millions d'euros en 2020.

33 800 décès ont été constatés entre janvier et mai 2021, soit 800 de plus qu'attendus. Au total sur 2021, en supposant une mortalité habituelle sur le reste de l'année, l'impact de la crise sanitaire sur les dépenses de pension pourrait consister en une baisse de 151 millions d'euros des dépenses liées aux pensions civiles. Cette diminution intègre l'impact du surplus de décès attendu en 2021 et l'effet en année pleine de la surmortalité constatée en 2020.

L'impact de la crise ne se limite pas aux seuls décès. Le service des retraites de l'État a ainsi constaté une baisse marquée des demandes de départ aux mois de mars, avril et mai 2020, évaluée respectivement à - 30 %, - 31 % et - 19 %. Le report des départs à la retraite aurait concerné 2 600 personnes en 2020, soit 4 % des départs totaux, et 1 200 en 2021. L'économie budgétaire ainsi générée est estimée à 19 millions d'euros pour 2020 et 87 millions d'euros pour 2021. Cette situation est cependant transitoire, les demandes de départs civils et militaires ayant retrouvé leur niveau d'avant crise.

Plus largement, la crise sanitaire ne semble pas avoir eu d'impact sur le ratio démographique corrigé 18 ( * ) du régime des fonctionnaires , l'exercice 2020 marquant une nouvelle dégradation de celui-ci.

Ratio démographique corrigé du régime des retraites de la fonction publique d'État entre 2015 et 2020

2015

2016

2017

2018

2019

2020

1,05

1,02

1,00

0,97

0,98

0,95

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

3. L'augmentation des dépenses liées aux pensions civiles illustre la dégradation du ratio démographique du régime

La majoration annoncée des dépenses du programme 741 en 2022, même modeste, illustre la dégradation à court terme du rapport démographique du régime, corroborant les projections du COR établies en juin 2017.

Évolution du rapport démographique corrigé du régime de retraite
de la fonction publique d'État

2020

2030

2040

2050

2060

2070

0,9

0,8

0,8

0,9

0,9

0,9

Source : Conseil d'orientation des retraites, juin 2017

Le COR estime que le nombre de retraités de droit direct devrait augmenter jusqu'en 2035 environ en raison du départ à la retraite des générations nombreuses du baby-boom. S'agissant des fonctionnaires civils, il passerait ainsi de 2 à 2,2 millions, avant de redescendre en dessous du seuil de 2 millions à horizon 2055. Il convient de rappeler à ce stade que les effectifs des retraités de la fonction publique d'État progressent de manière continue depuis 1990, au rythme moyen de 2,4 % par an.

Évolution du nombre de retraités de la fonction publique d'État depuis 1990

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2022

Le vieillissement des effectifs constitue par ailleurs une réalité. Fin 2019, plus d'un fonctionnaire civil sur trois était âgé de 50 ans ou plus, illustrant ainsi les recrutements massifs opérés dans les années soixante-dix, qui ont profité aux générations dites du baby-boom (générations 1947-1950).

Le COR relève, dans le même temps, que les effectifs de cotisants du régime devraient connaitre une baisse jusqu'en 2035 avant de se stabiliser autour de 1,9 million de personnes . Il en résulterait un solde technique négatif jusqu'à l'horizon 2040. Le solde technique résulte de la différence entre les cotisations encaissées et les prestations versées. Il n'inclue pas les compensations inter régîmes et les dépenses de gestion.

Évolution du solde technique du régime de retraite de la fonction publique

(en milliards d'euros)

2030

2040

2050

2060

2070

-10,6

-5,3

4,6

12,4

15,9

Source : Conseil d'orientation des retraites, juin 2017

Il convient de rappeler à ce stade qu'une réduction pérenne du nombre de fonctionnaires a logiquement pour conséquence de diminuer les cotisations salariales et patronales versées au CAS « Pensions ». L'impact précis d'une baisse des effectifs sur les recettes est cependant difficilement quantifiable car il dépend largement des modalités de sa mise en oeuvre, en particulier de la catégorie d'emploi visée. Néanmoins, en se fondant sur la moyenne de cotisations et contributions versées pour un fonctionnaire civil en 2020 - 26 037 euros par agent - , la direction du budget estime qu'une suppression de 20 000 postes par an sur une période de cinq ans conduirait, toutes choses égales par ailleurs, à une diminution des ressources du CAS Pensions de 0,5 milliard d'euros la première année, et de 2,6 milliards d'euros à l'issue de la cinquième année.

À l'inverse, en maintenant le nombre des effectifs cotisants au régime de la fonction publique d'État au niveau atteint en 2017 - soit 2,04 millions d'agents - les cotisations et contributions perçues augmenteraient de 2,5 milliards d'euros en 2030 et de 5,1 milliards d'euros en 2070.

4. Une nouvelle progression qui souligne la part croissante des pensions civiles et militaires de retraites dans le budget de l'État

La progression des crédits dédiés aux pensions civiles et militaires de retraite en 2022 devrait une nouvelle fois conduire à renforcer le poids de ces dépenses au sein du budget de l'État .

Depuis la création du CAS en 2006, la croissance moyenne des dépenses de pensions (+ 2,8 % entre 2006 et 2019) est en effet largement supérieure à celle du budget général dans son intégralité (+ 1,6 % entre 2006 et 2019) 19 ( * ) . La part du budget de l'État consacrée à la charge des pensions civiles et militaires de retraite atteignait ainsi 12,8 % en 2019 contre 8,4 % en 1990.

Part du budget de l'État consacrée aux pensions civiles et militaires de retraites

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la direction du budget


* 18 Le rapport démographique corrigé est le rapport entre d'une part la somme du nombre de retraités directs et la moitié de retraités de droit dérivé et, d'autre part, le nombre de cotisants.

* 19 La tendance a pu s'inverser en 2020 et en 2021 en raison de la croissance du budget général lui-même, appelé à répondre aux incidences de la crise sanitaire Cette inversion n'est, cependant, pas appelée à durer.

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