B. OPÉRATEUR ESSENTIEL DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT, L'AFD DOIT CONTINUER À AMÉLIORER SON FONCTIONNEMENT ET À MAITRISER L'ÉVOLUTION DE SON ACTIVITÉ

Organisme disposant du double statut d'établissement public et de société de financement, l'Agence française de développement (AFD) est l'opérateur pivot de la politique de coopération et de développement de la France.

1. L'important volume des crédits budgétaires versés à l'AFD rend compte du renforcement des engagements de la France en matière d'aide publique au développement

Les ressources de l'AFD sont composées du produit de ses activités , des emprunts levés sur les marchés (9 milliards d'euros en 2021), minorés des remboursements d'emprunt (5,1 milliards d'euros en 2021), ainsi que des ressources apportées par l'État sous forme budgétaire ou extrabudgétaire.

Montant des crédits budgétaires versés à l'Agence française de développement

(en millions d'euros)

2020

2021

2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Mission Aide publique au développement

Programme 110 « Aide économique et financière au développement »

926,8

387,9

-

361,1

1 125,7

462,5

Programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement »

1 047,8

546,2

1 142,9

840,7

1 182,3

1 041,8

Programme 365 « Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement »

-

-

1 453,0

1 453,0

190,0*

190,0*

Compte de concours financiers Prêts à des États étrangers

Programme 853 « Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans les États étrangers »

-

247,0

-

258,0

-

190,0*

Mission Outre-mer

Programme 123 « Conditions de vie en outre-mer »

33,7

29,4

48,3

18,8

36,3

23,1

Total des crédits versés à l'AFD

2 008,2

1 210,5

3 727,3

2 931,6

2 344,4*

2 008,2*

* Comme cela est expliqué supra l'AFD bénéficiera, en 2022, d'un versement de 190 millions d'euros visant à convertir une part du produit des prêts de ressources à conditions spéciales (RCS) en fonds propres au sens de la réglementation européenne. L'opération implique plusieurs versements croisés entre les programmes du budget de l'État et les ressources de l'opérateur. En comptabilité budgétaire, le solde de l'opération est de 190 millions d'euros versés à l'opérateur. Le total du tableau retient donc ce montant et non la somme des crédits des programmes 365 et 853.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2022, l'ensemble des crédits demandés en faveur de l'AFD s'élèvent à 2,3 milliards d'euros en AE et 1,7 milliards d'euros en CP ce qui démontre l'évolution soutenue des ressources budgétaires de l'agence (+16,7 % en AE et + 41,9 % en CP depuis 2020).

Il convient, toutefois, d'indiquer que l'agence ne reçoit aucune dotation de fonctionnement de la part de l'État et que l'ensemble des crédits qui lui sont versés le sont pour la mise en oeuvre ou la rémunération des frais associés à la politique de développement .

Ainsi, à titre d'illustration, 93,2 % des crédits demandés en autorisations d'engagement le sont :

- pour la bonification des prêts concessionnels accordés par l'agence à des États ou des organisations internationales (1 milliard d'euros) ;

- pour la mise en oeuvre des interventions de la France en don-projets , financement des ONG et assistance technique dans le cadre de la coopération bilatérale (1 milliard d'euros) ;

- pour la rémunération, par l'État, du service rendu par l'AFD (93,3 millions d'euros).

2. Toutefois, l'agence et la tutelle doivent s'accorder sur les moyens de maitriser la progression de l'activité et des charges de l'opérateur

Si l'agence ne perçoit pas de dotation de fonctionnement , l'évolution de son activité représente bien, toutefois, un enjeu budgétaire important pour l'État ce qui a justifié, au cours des derniers exercices, d'en freiner la progression et de mieux définir les objectifs de l'agence.

L'augmentation de l'activité de l'agence - qui a crû en moyenne de 22 % entre 2005 et 2010 avant de croître de nouveau entre 2012 et 2019 et a été stabilisée à 12 milliards d'euros d'engagement depuis 2020 - a conduit à devoir mettre en oeuvre une importante opération de renforcement de ses fonds propres en 2021 , d'un montant de 1,4 milliard d'euros.

Outre la maîtrise de l'évolution du niveau d'activité de l'agence - qui est automatiquement limitée par le niveau de ses fonds propres et des crédits qui lui sont versés -, la tutelle attache une vigilance particulière à la maîtrise de ses frais généraux par l'opérateur.

Ainsi, le projet annuel de performance de la mission Aide publique au développement prévoit que le coefficient d'exploitation de l'agence - qui mesure le rapport entre ses frais généraux et son produit net bancaire - s'élèvera à 64 % en 2022 et diminuera à 62 % en 2023.

Les rapporteurs spéciaux constatent que cette cible reflète, toutefois, un résultat moins satisfaisant que la réalisation constatée au titre des années passées. En effet, en 2019 le coefficient d'exploitation du groupe AFD s'élevait à 57 %.

De manière générale, les rapporteurs spéciaux plaident pour qu'un plus grand effort soit fourni afin d'améliorer le fonctionnement et de réduire les charges d'exploitation de l'agence.

À cet égard, ils estiment que les délais pris par la tutelle et l'agence pour convenir des objectifs et des moyens de l'opérateur ne sont pas satisfaisants.

En effet, la négociation du contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2020-2022 vient seulement d'aboutir alors que l'essentiel de la période de programmation est déjà passée.

Sans sous-estimer la complexité de cet exercice, ni même les retards qu'a pu entraîner la survenue de la crise sanitaire, les rapporteurs spéciaux considèrent qu' un plus grand volontarisme devra être mis en oeuvre pour la négociation du prochain contrat.

Ils souhaitent, également, que les parties prenantes s'engagent sur des périodes plus longues que trois années . Ainsi, un contrat portant sur cinq ans leur paraîtrait plus adéquat.

En parallèle, les rapporteurs spéciaux soutiennent l'idée d'une évolution de l'organisation interne de l'AFD - qui doit par ailleurs absorber l'agence Expertise France sans que les modalités de gouvernance ne soient entièrement tranchées à ce jour - afin de gagner en efficacité , ce qui pourrait passer par une redéfinition des rapports entre les différentes directions, en particulier régionales.

L'intégration d'Expertise France au sein du Groupe AFD

« Expertise France rejoindra juridiquement le périmètre du groupe AFD à compter de janvier 2022. En avance de phase et après deux années de travaux en commun, plusieurs synergies sont déjà en place entre l'AFD et Expertise France :

- opérations : définition et mise en avant d'une offre Groupe élargi ; mutualisation de l'implantation de Bruxelles ;

- mise en place de prestations intra-groupe (formations Sécurité par Expertise France, co-localisations dans le réseau AFD...) ;

- adoption progressive par Expertise France des objectifs bas carbone du Groupe ;

- achats : mutualisation progressive des achats via signature en 2020 d'une convention de groupement de commandes (postes informatiques, archives électroniques...) ;

- ressources humaines : échanges réguliers et coordination des politiques RH (dont cartographie harmonisée des fonctions), ouverture du plan de formation AFD, mises à disposition croisées ;

- systèmes d'information : définition d'un scénario à moyen terme de mise en cohérence de différents outils métiers ;

- communication : accès ouvert aux agents d'Expertise France aux communautés métiers de l'AFD, coordination des communications (interne et externe) »

Source : Agence française de développement, en réponse au questionnaire budgétaire

Ces évolutions pourraient utilement être discutées devant le Conseil d'administration de l'agence au sein duquel les rapporteurs spéciaux notent que les sénateurs membres titulaires ont été récemment nommés tandis que leurs suppléants restent à désigner.

Par ailleurs , une réflexion sur le statut des personnels de l'agence et sur les conditions de leur rémunération ne devrait pas être exclue a priori.

3. L'agence et l'État doivent trouver rapidement une affectation pour la surface inutilisée du nouveau siège en construction à Paris

De tels efforts impliquent, au surplus, que l'agence sécurise sa stratégie immobilière. En effet, l'AFD est engagée dans le projet de construction d'un nouveau siège parisien de 50 000 m² permettant de réunir, à l'horizon 2025, ses différentes filiales et effectifs qui sont actuellement répartis sur cinq sites.

Après cession des biens parisiens, le coût net de l'opération est estimé à 560 millions d'euros et devrait, d'après l'opérateur, permettre de réduire les charges d'exploitation de 40 % par m² et par an.

Toutefois, les rapporteurs spéciaux relèvent qu'environ 10 000 m² ne sont pas destinés à être exploités par l'agence et, qu'à ce stade, leur usage n'est pas connu.

Si la tutelle a évoqué la possibilité de louer cette surface excédentaire à des organisations internationales dans le cadre d'une stratégie d'attractivité globale de la place de Paris, l'opérateur a évoqué, sans trancher, la possibilité de la vendre ou de la louer.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux ont noté que l'évaluation de la surface excédentaire elle-même ne fait pas consensus entre les acteurs, dans un contexte caractérisé par des incertitudes sur la persistance du télétravail et ses conséquences sur les besoins réels de l'opérateur en termes de superficie.

4. Des inquiétudes pointent quant à la bonne prise en compte des critères environnementaux et sociaux dans le cadre des appels à projets soutenus par l'agence

En dernier lieu et s'agissant des activités proprement dites de l'AFD, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'un point d'attention particulier doit être apporté à la cohérence de son action au regard des objectifs, notamment sociaux et environnementaux, de la France.

En effet, les rapporteurs spéciaux ont été sensibilisés aux inquiétudes exprimées par des entreprises sur les critères d'attribution des appels à projets dans le cadre de l'intervention française de l'aide publique au développement, surtout pour l'accompagnement par des subventions.

Ainsi, au regard des objectifs et exigences des priorités de l'aide publique au développement française, notamment le respect des accords de Paris, l'égalité hommes femmes, l'exemplarité dans la gestion des entreprises, il paraît indispensable de renforcer dans les appels à projets, la place des critères de responsabilité sociale et environnementale (RSE) , notamment pour ce qui concerne les infrastructures.

En effet, le choix du critère principal et majeur du prix sur les opérations ne peut que conduire à écarter de la mise en oeuvre des projets, les entreprises européennes qui, de manière générale, prennent en compte la RSE, ce qui représente un coût réel.

Ainsi, il paraîtrait anormal de privilégier la mise en oeuvre de projets par des entreprises provenant de pays où la rémunération des salariés, la maison d'oeuvre, les matériaux, ne respectent pas un certain nombre de prescriptions permettant de viabiliser la main d'oeuvre et le maintien dans le temps des projets.

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