SECONDE PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES PROGRAMMES « LOGEMENT ET VILLE »

I. LE PROGRAMME 177 « HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES »

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d ' hébergement et d ' accès au logement des personnes sans abri ou mal logées . Il se compose de trois actions dont les crédits sont très inégaux.

L' action 11 « Prévention de l'exclusion » (1,1 % des crédits de paiement) finance des actions diverses , principalement de développement d'aires d'accueil des gens du voyage (allocation de logement temporaire « ALT 2 » versée à des gestionnaires locaux) et de prévention des expulsions locatives, ainsi qu'un dispositif de résorption des bidonvilles.

L' action 12 « Hébergement et logement adapté » comprend 98,5 % des crédits de paiement. Elle porte notamment les politiques de veille sociale , d' hébergement d'urgence et de logement adapté .

L' action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » (0,3 % des crédits de paiement) finance des actions de pilotage du secteur de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion , ainsi qu'un soutien aux fédérations locales des centres sociaux .

A. LE PROGRAMME 177 EST MARQUÉ PAR UNE NOUVELLE MÉTHODE DE GESTION DES CRÉDITS

L'année 2021 est celle d'un changement de gestionnaire du programme, désormais confié à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL), alors même que la crise sanitaire a conduit à une modification dans la gestion des crédits.

1. Après une année 2021 exceptionnelle, les crédits demeurent à un niveau élevé en 2022

Les crédits demandés pour 2022 sur le programme 177 sont de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement , soit une augmentation à périmètre courant de 0,6 milliard d'euros, et de 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement , soit une augmentation de 0,5 milliard d'euros.

La loi de finances rectificative du 19 juillet dernier a toutefois ouvert 700 millions d'euros de crédits supplémentaires, soit au total 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Les crédits demandés pour 2022 seraient donc légèrement inférieurs , de 0,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 0,2 milliard d'euros en crédits de paiement, à ceux finalement ouverts en 2021.

Évolution des crédits par action du programme 177

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

LFR-1 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

11 - Prévention de l'exclusion

AE

52,4

31,8

- 20,6

- 39,3 %

CP

52,4

31,8

- 20,6

- 39,3 %

12 - Hébergement et logement adapté

AE

2 113,0

2 744,9

+ 631,9

+ 29,9 %

CP

2 138,5

2 636,6

+ 498,1

+ 23,3 %

14 - Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

AE

9,1

9,1

- 0,0

- 0,0 %

CP

9,1

9,1

- 0,0

- 0,0 %

Total programme 177

AE

2 174,5

2 874,5

2 785,8

+ 611,3

+ 28,1 %

CP

2 200,0

2 900,0

2 677,5

+ 477,5

+ 21,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 177 connaît par ailleurs des évolutions mineures de périmètre .

D'une part, les actions de résorption des occupations illicites et des bidonvilles étaient financées en partie, pour 1,5 million d'euros, par une enveloppe relevant du programme 135 mais gérée par la DIHAL ; elle est transférée sur le programme 177.

D'autre part et en sens inverse, des dépenses d'aide sociale rattachées jusqu'en 2021 au programme 177 et gérées par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), précédemment responsable de ce programme, sont transférées au programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », pour un montant de 34 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Ces aides concernent des situations particulières, par exemple les frais de séjour dans des établissements et services médico-sociaux de personnes âgées ou handicapées sans domicile fixe ou des aides à différentes catégories de personnes n'ayant pas accès aux aides de droit commun.

2. L'ouverture des crédits nécessaires plus tôt dans l'année est le signe d'une volonté de pilotage renforcée, dont les résultats ne pourront être constatés que sur la durée

Les modifications de périmètre du programme sont liées à un changement important dans la gestion du programme 177 en 2021 , puisqu'il est désormais confié à une administration « de mission », la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL), dont le périmètre de compétence se confond pratiquement avec celui des missions ainsi financées.

Le changement de gestion concerne aussi les ouvertures de crédits . Contrairement à ces dernières années, aucune ouverture de crédits n'est demandée dans le collectif budgétaire de fin d'année , ce qui rompt avec une pratique constante des dernières années.

Ouvertures de crédit en cours d'année et en collectif budgétaire
de fin d'année depuis 2012

(en millions d'euros de crédits de paiement)

Source : commission des finances, à partir des décrets d'avance et lois de finances rectificatives

La « gestion au thermomètre » consistait à attendre l'arrivée de besoins d'hébergement supplémentaires au commencement de la saison froide, pourtant en grande partie prévisibles, pour ouvrir des crédits d'un niveau très élevé.

Cette pratique était préjudiciable à la gestion de l'hébergement en ce qu' elle ne donnait pas une visibilité claire aux services concernés sur les crédits réellement disponibles. Les crédits venant à manquer à l'automne, les associations qui mettent en oeuvre en pratique la politique d'hébergement ne recevaient pas toujours les fonds à temps et certaines devaient utiliser leur trésorerie, voire dans certains cas souscrire un prêt à court terme en fin d'année, en comptant sur un remboursement en début d'année suivante.

Lors de son audition, le délégué interministériel a manifesté très fermement son intention de respecter l'enveloppe fixée, ce qui a été respecté dans le second projet de loi de finances rectificative déposé le 3 novembre 2021. Une instruction avait été diffusée aux préfets le 26 mai 2021 visant à garantir ce pilotage sous enveloppe plafonnée des budgets prévus pour 2021.

Le rapporteur spécial salue donc l'absence d'ouverture de crédits en fin d'année : d'une manière générale, une notification des crédits plus tôt dans l'année permet de mieux programmer les actions. Il fait toutefois observer qu'elle a été rendue possible par une ouverture de crédits en cours d'année d'un montant inédit , en loi de finances rectificative. Il compte que, pour l'année 2022, la budgétisation initiale, compte tenu de son niveau presque égal à celle ouverte en cours d'année en 2021, sera suffisante pour assurer la gestion du programme 177 pendant l'ensemble de l'année, sauf si une nouvelle crise majeure survenait en cours d'année.

La prévision de dépenses du programme 177 ne peut toutefois pas être déterminée avec la même précision que pour d'autres politiques publiques. La politique d'hébergement se trouve en effet en bout de chaîne des politiques publiques de lutte contre l'exclusion et se trouve de ce fait impactée par les crises soudaines, qui multiplient le nombre de personnes en situation de précarité : crises économiques comme en 2020, mais aussi, depuis plusieurs années, crise migratoire avec des vagues d'arrivées de migrants qui continuent à exercer une pression difficilement prévisible sur les besoins en hébergement (voir infra ).

C'est pourquoi la DIHAL souhaite engager une réflexion sur une meilleure définition des crédits du programme 177, qui distinguerait les dépenses « structurelles » liées aux dispositifs d'hébergement classiques, d'accompagnement et de logement accompagné, et des dépenses plus « évaluatives » , liées à la gestion des crises diverses.

Si cette réflexion peut être utile pour mieux définir le budget de cette politique, l'objectif de la politique d'hébergement et d'accès au logement devrait être de parvenir à une diminution du besoin en hébergement d'urgence, quelle qu'en soit la forme , par l'insertion des personnes dans un parcours de logement, ce qui améliorerait leur situation tout en réduisant à terme les moyens qui doivent être consacrés à cette politique.

C'est l'intention qu'affiche la DIHAL à travers l'annonce de plusieurs chantiers, tels qu'un renforcement du pilotage des opérateurs ou l'engagement d'une démarche de maîtrise des coûts.

3. Le plan de relance soutient des mesures innovantes ou apporte un complément de financement à des actions de long terme

Outre les renforcements de crédits en loi de finances rectificative, le plan de relance a apporté un financement ponctuel aux politiques d'hébergement et d'accompagnement vers le logement.

L'action 08 « Soutien aux personnes précaires » du programme 364 « Cohésion » de la mission « Plan de relance » a ainsi prévu 100 millions d'euros en autorisations d'engagement pour des mesures de développement et d'amélioration de l'hébergement et du logement temporaire. 37 millions d'euros devaient être consommés en crédits de paiement dès 2021.

Trois appels à projets ou à manifestation d'intérêt ont été lancés dans ce cadre.

Un appel à manifestation d'intérêt a retenu 40 projets tendant à expérimenter, entre 2021 et 2023, des approches innovantes pour l'accompagnement et l'hébergement de personnes pour lesquelles les dispositifs existants (notamment l'hébergement, la pension de famille, le logement ordinaire dans le diffus) ne sont pas adaptés.

Un second appel à projets tend à mettre au point des solutions pour que des personnes hébergées à l'hôtel puissent cuisiner leurs repas . Ce type d'expérimentation à une vraie difficulté concernant la vie quotidienne de ces personnes, surtout lorsqu'elles vivent en famille.

Toutefois le rapporteur spécial rappelle que l'hébergement en hôtel ne peut constituer un objectif en soi . L'hébergement en hôtel connaît en effet une expansion continue qui n'a été que freinée, et non inversée, entre 2017 et 2019, avant de prendre une ampleur soudaine avec la crise sanitaire. S'il a permis, par sa souplesse, de mettre à l'abri massivement les personnes à la rue au début de la crise sanitaire, il devient impératif de le remplacer progressivement par des solutions offrant un meilleur rapport entre les modalités d'hébergement et le coût.

Évolution du nombre de nuitées d'hôtel

(en nombre de places)

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires budgétaires 8 ( * )

Il convient donc d'approuver un projet de décret tendant à permettre le rachat de fonds de commerce d'hôtel et l'exploitation sous statut de résidence hôtelière à vocation sociale (RHVS). Une conséquence de la crise sanitaire est en effet que le développement de la visioconférence, succédant à des périodes répétées d'inactivité pendant la crise sanitaire, peut conduire à modifier le modèle économique de certains hôtels dépendant en particulier du tourisme d'affaires. Ces hôtels pourraient ainsi être rachetés et convertis en structures d'hébergement collectif, telles que des pensions de famille.

Enfin un appel à projets portant sur l' humanisation des accueils de jour et, en outre-mer, des centres d'hébergement, a suscité le dépôt de 160 projets, dont 145 ont été retenus, conduisant à un abondement supplémentaire de l'enveloppe initiale. De nombreux accueils de jour souffrent en effet d'un état de vétusté qui nécessite une adaptation. En outre-mer, cette enveloppe permet de pallier l'absence de ligne budgétaire pour améliorer les projets d'humanisation des centres d'hébergement, qui sont financés en métropole par des crédits de l'ANAH.

Le plan de relance soutient également des projets de construction modulaire , qui peuvent apporter une réponse rapide dans des endroits où des terrains sont disponibles, ainsi que la réhabilitation d'aires permanentes d'accueil des gens du voyage.

En 2022, 10 millions d'euros de crédit de paiement sont prévus pour accélérer le plan de traitement des foyers de travailleurs de migrants , lancé en 1997. S'agissant de crédits d'investissement, ils abonderont une dotation de droit commun de 35 millions d'euros consacrée à ce plan par le fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui relève du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ». La réhabilitation des aires d'accueil des gens du voyage se poursuivra pour 18 millions d'euros de crédits de paiement, ainsi que la construction ou l'acquisition-amélioration de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) pour 11,5 millions d'euros , tandis que 17,5 millions d'euros abonderont le programme d'humanisation des centres d'hébergement situés en outre-mer .


* 8 Ces chiffres n'incluent pas les personnes hébergées en hôtel au titre d'autres dispositifs, tels que les demandeurs d'asile dans le cadre de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) et les mineurs au titre de l'aide sociale à l'enfance.

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