B. LA QUESTION DU DIMENSIONNEMENT DE LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT RESTE ENTIÈRE

L'ouverture de crédits réalisée en juillet 2021 est liée à la décision du Gouvernement de maintenir un parc d'hébergement à un niveau très élevé de 200 000 places.

L'objectif du Gouvernement est à présent de diminuer le niveau du parc d'hébergement d'une dizaine de milliers de places d'ici à la fin 2022, ce qui représenterait encore un niveau supérieur d'environ 30 000 places à celui antérieur à la crise sanitaire. Or cette augmentation s'est faite, comme cela a été vu supra , par un recours massif à l'hébergement en hôtel qui n'est pas la solution d'hébergement la plus favorable à la réinsertion des personnes.

1. Le programme 177 est atteint par des phénomènes de bord tels que l'impact des flux migratoires, qui devraient être traités par d'autres dispositifs plus adaptés

Si le programme 177 a pour objet l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, il doit également répondre au principe d'inconditionnalité de l'accueil et de continuité de la prise en charge , prévu par l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

La saturation des structures spécialisées, telles que les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) ou les centres d'hébergement d'urgence dédiés aux demandeurs d'asile (HUDA) 9 ( * ) , qui relèvent budgétairement du programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration », entraîne ainsi un report des personnes concernées vers le parc d'hébergement d'urgence de droit commun.

Le chevauchement entre les deux catégories de dispositifs s'est accrue pendant la crise sanitaire , en raison de l'arrêt ou du ralentissement des procédures, d'autant plus que, par souci de simplicité, une instruction ministérielle du 20 mars 2020 a prévu que le programme 177 prendrait en charge l'ensemble des places exceptionnelles ouvertes, y compris pour des migrants 10 ( * ) .

Le DIHAL a confirmé au rapporteur spécial que, dans de nombreux départements, le dispositif d'hébergement généraliste doit faire face à ces flux migratoires. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, environ 10 000 demandeurs d'asiles et 7 000 réfugiés seraient pris en charge dans le parc d'hébergement porté par le programme 177, sans compter un nombre élevé d'étrangers sans titre, par exemple déboutés du droit d'asile.

Cette situation n'est pas satisfaisante, d'abord parce que le parc d'hébergement du programme 177 est prévu pour accueillir des personnes précaires et les accompagner vers un logement traditionnel : il n'est pas adapté à la situation des demandeurs d'asile et des personnes à droit incomplet, qui ont d'abord besoin d'un accompagnement dans leurs démarches et qui ne peuvent souvent pas accéder à un logement social tant qu'elles n'ont pas de papiers. Ces personnes restent souvent captives du parc d'hébergement.

En outre, le financement de ces missions par le programme 177 ne permet pas d'avoir une perception exacte et une gestion satisfaisante de la politique d'hébergement. L'instruction précitée du 20 mars 2020 prévoyait que les préfets devraient identifier, à l'issue de la crise, le montant des dépenses réalisées pendant la crise sanitaire et relevant en réalité d'autres programmes que le programme 177. À ce jour, aucune refacturation n'a été mise en place entre le ministère chargé du logement et celui chargé de l'intérieur.

2. Le renforcement de l'encadrement tarifaire et contractuel des CHRS a pris du retard avec la crise sanitaire

La tarification des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) a été revue depuis 2018 afin de mettre en place un mécanisme de convergence tarifaire fondé sur la définition de tarifs-plafonds.

Les économies réalisées par ce processus auraient été de 7,9 millions d'euros en 2018 et de 5,1 millions d'euros en 2021. La convergence tarifaire a été suspendue en 2020, en raison de la crise sanitaire, puis relancée en 2021 pour une économie prévisionnelle comparable à 2019.

Cette réforme était justifiée par la constatation de coûts très différents d'un centre à l'autre , sans que les différences paraissent justifiées par des différences dans les niveaux de prestations. Les économies réalisées restent limitées, correspondant à 1 % environ des crédits budgétaires consacrés à ces centres, qui étaient de 648,2 millions d'euros en 2021 selon le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances initiale.

La DIHAL indique préparer la mise en place d'un nouveau système de tarification en 2023.

En outre, la loi ELAN du 23 novembre 2018 11 ( * ) a prévu l'obligation, pour les CHRS, de signer un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) avec l'État avant le 31 décembre 2022. Ce processus, ralenti notamment par la crise sanitaire, ne sera certainement pas achevé à cette date : le rapporteur spécial appelle à prévoir un report d'au moins une année de cette échéance , afin de permettre de mener à bien un processus vertueux qui permet à l'État de mieux réguler les dépenses tout en apportant aux organismes une meilleure visibilité sur les crédits dont ils disposent. Le manque de visibilité pluriannuelle, lié au principe d'annualité budgétaire, est source de difficulté pour des organismes qui doivent engager des dépenses et embaucher des personnels.

3. Le financement du FNAVDL demeure en suspens

Le fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), prévu par l'article L. 300-2 du code de la construction et de l'habitation, a pour mission de faciliter l'accès ou le maintien dans le logement de ménages qui ont besoin d'un accompagnement ciblé sur leurs difficultés liées au logement. Il finance en particulier des actions d'accompagnement personnalisé de personnes reconnues prioritaires au titre du droit d'accès au logement opposable (DALO) ou de personnes et familles rencontrant des difficultés particulières pour accéder à un logement.

Le FNAVDL est alimenté par trois types de ressources :

- il reçoit le produit des astreintes prononcées et liquidées à l'encontre de l'État par le juge administratif dans le cadre des dispositions régissant le droit au logement opposable, pour un montant annuel de 25 à 30 millions d'euros ;

- il est affectataire d'une fraction des cotisations versées par les organismes de logement social et collectées par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), pour un montant de 15 millions d'euros, depuis le mois de juillet 2020, ce qui s'est accompagné de l'entrée des représentants des organismes de logement social dans la gouvernance du dispositif ;

- enfin, Action Logement apporte un abondement de 10 millions d'euros en 2021 et 2022.

La crise sanitaire a eu pour effet une diminution du produit des astreintes DALO, qui étaient de 23 millions d'euros à la fin 2020 contre 27,4 millions d'euros en 2019, tandis que les besoins d'accompagnement de personnes précaires augmentaient : les régions ont signalé un besoin non couvert de 20 millions d'euros 12 ( * ) .

Selon les indications de la DIHAL, l'encaissement des astreintes DALO a désormais retrouvé un rythme normal.

Le rapporteur spécial alerte toutefois sur le risque d'une diminution des financements en 2023 . L'avenant de février 2021, signé entre l'État et Action Logement et modifiant la convention quinquennale 2018-2022 relative à cet organisme, rappelle en effet que la participation de l'organisme au FNAVDL en 2021 et 2022 demeure exceptionnelle et il ressort des auditions conduites par le rapporteur spécial que les marges financières du groupe ne devraient plus être aussi abondantes à l'avenir, limitant sa participation à certaines politiques publiques (voir infra , dans le cadre du programme 135).


* 9 52 % seulement des demandeurs d'asile ayant formulé une demande d'hébergement sont effectivement accueillis en CADA ou en HUDA, selon le rapport annuel de performances du programme 303 « Immigration et asile » en 2020.

* 10 Instruction du 27 mars 2020 sur la prise en charge et le soutien des populations précaires face à l'épidémie du Covid-19 à l'attention des préfets.

* 11 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, article 125 .

* 12 Réponses au questionnaire budgétaire.

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