EXAMEN DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er, II et IV
Droit à la double procuration

Les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi vise à ouvrir, pour les élections législatives, le droit pour le mandataire de détenir deux procurations établies en France.

Sensible à la nécessité de reconduire une disposition qui avait démontré son intérêt lors du second tour des élections municipales et des élections départementales et régionales, la commission a adopté les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi.

Les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi reprennent en des termes identiques les II et V de l'article 2 de la proposition de loi organique 35 ( * ) , en les appliquant aux élections législatives de 2022.

La commission a adopté les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi sans modification .

Article 1er, III
Établissement des procurations à domicile

Le III de l'article 1 er de la proposition de loi vise à assouplir les conditions dans lesquelles un électeur peut établir ou retirer sa procuration depuis son domicile, afin de tenir compte des contraintes liées à la situation sanitaire.

Saluant une disposition qui offrirait une plus grande souplesse pour l'électeur et protègerait les personnes fragiles ou vulnérables contre le risque d'une contamination, la commission a adopté le III de l'article 1 er de la proposition de loi.

Le III de l'article 1 er de la proposition de loi reprend en des termes identiques le III de l'article 2 de la proposition de loi organique 36 ( * ) , en les appliquant aux prochaines élections législatives.

La commission a adopté le III de l'article 1 er de la proposition de loi sans modification .

Article 2
Augmentation du nombre de bureaux de vote

L'article 2 de la proposition de loi vise à permettre au préfet, dans des conditions définies par voie réglementaire, d'augmenter le nombre de bureaux de vote dans les communes du département afin d'assurer la sécurité sanitaire du scrutin.

La commission l'a adopté sans modification .

Cet article reprend en des termes identiques l'article 3 de la proposition de loi organique 37 ( * ) , en l'appliquant aux élections législatives de 2022.

La commission a adopté l'article 2 de la proposition de loi sans modification .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 16 FÉVRIER 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Nous en venons à l'examen de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, présentées par notre collègue Philippe Bonnecarrère et plusieurs de ses collègues.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Ces deux textes proposent des éléments de réponse à des questions que le pouvoir exécutif a apparemment choisi, de manière difficilement compréhensible, de ne pas aborder : à sept semaines désormais du premier tour de l'élection présidentielle, le Gouvernement n'a prévu aucune mesure pour adapter aux conditions sanitaires les modalités d'organisation des scrutins à venir, pourtant majeurs pour la vie démocratique de notre pays.

Cette absence d'anticipation est d'autant moins compréhensible que le Gouvernement, en prolongeant jusqu'au 31 juillet la possibilité d'appliquer le passe sanitaire, puis vaccinal, considère lui aussi que les circonstances sanitaires des élections à venir demeurent incertaines. Or la persistance de l'épidémie de covid-19 pourrait faire peser un risque important tant sur la participation des électeurs aux scrutins présidentiel et législatifs que sur la sécurité sanitaire des personnes chargées de les organiser.

Par ailleurs, les conséquences de l'épidémie sur le déroulement de la campagne électorale, la tenue des meetings politiques et, plus généralement, la couverture audiovisuelle de la campagne méritent également d'être posées.

Je souscris donc pleinement aux objectifs poursuivis par ces deux textes.

Je vous proposerai tout d'abord de présenter les dispositions communes à ces deux textes, visant à aménager les conditions d'organisation des élections présidentielle et législatives en fonction du contexte sanitaire, avant d'aborder la disposition, propre à la proposition de loi organique, relative aux obligations pesant sur les médias audiovisuels pendant la campagne présidentielle.

S'agissant des mesures visant à adapter les conditions d'organisation des scrutins présidentiel et législatifs au contexte sanitaire, je soulignerai tout d'abord qu'elles correspondent quasiment toutes à des mesures déjà adoptées par le Parlement et mises en oeuvre lors des élections locales et territoriales de 2020 et 2021, et qu'elles ont, le cas échéant, démontré pleinement leur intérêt et leur efficacité. Il en va ainsi de l'assouplissement des conditions de vote par procuration, qui se traduit par deux dispositions : l'ouverture du droit à la double procuration, d'une part, et la facilitation de l'établissement des procurations à domicile, d'autre part.

Comme vous le savez, le droit pour chaque mandataire d'être porteur de deux procurations établies en France avait été consacré à titre provisoire par la loi pour le second tour des élections municipales ; cette disposition avait été reconduite pour les élections départementales et régionales de juin 2021.

Cette mesure revêt un intérêt pratique indiscutable, en facilitant, pour les électeurs ne souhaitant ou ne pouvant pas se déplacer au bureau de vote le jour de l'élection, la recherche de mandataires. Très concrètement, elle permet, par exemple, à un électeur de disposer d'une procuration pour ses deux parents ou ses deux grands-parents.

Si personne, parmi les élus et les électeurs, ne conteste la pertinence d'une telle mesure, l'obstacle qu'oppose le ministère de l'intérieur est, de manière quelque peu surprenante, d'ordre technique. Le répertoire électoral unique, opérationnel depuis le 1 er janvier 2022, a été paramétré pour n'accepter qu'une seule procuration établie en France. Alors que, depuis deux ans, nous faisons face à une pandémie, ce choix est curieusement déconnecté de toute considération sanitaire et pratique.

En tout état de cause, il ne revient pas au Parlement de légiférer en fonction des difficultés techniques qui se poseraient au ministère de l'intérieur en raison de son propre manque d'anticipation. Aussi vous proposerai-je d'adopter cette disposition de bon sens.

Quant à l'établissement des procurations à domicile, ses modalités sont aujourd'hui strictement encadrées : l'électeur doit accompagner sa demande d'une attestation sur l'honneur de son incapacité à se déplacer dans une brigade de gendarmerie ou dans un commissariat en raison d'une maladie ou d'une infirmité graves ; il ne peut exprimer sa demande que par écrit.

Les propositions de loi organique et ordinaire déposées par notre collègue Philippe Bonnecarrère visent à reprendre le même dispositif que celui qui a été prévu lors du second tour des élections municipales de 2020, afin d'apporter à l'électeur plus de souplesse et de simplicité par rapport au droit en vigueur. Ainsi, toutes les personnes vulnérables qui souhaitent éviter de prendre le risque d'une contamination pourront établir ou retirer une procuration depuis leur domicile. Je vous propose d'adopter également cette disposition, qui permettra d'éviter que le contexte sanitaire ne constitue un frein à la participation électorale.

Par ailleurs, afin d'éviter une trop forte concentration des électeurs dans les bureaux de vote, sous l'effet d'une mobilisation que nous espérons forte, les propositions de loi organique et ordinaire visent à ouvrir aux préfets la possibilité d'augmenter le nombre de bureaux de vote. Il s'agit là d'une mesure proposée par notre commission des lois en octobre 2020 en vue des élections départementales et régionales prévues initialement en mars 2021 ; elle avait à l'époque été adoptée par le Sénat, mais n'avais pas été reprise par l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, le code électoral oblige les préfets à fixer le périmètre des bureaux de vote avant le 31 août de l'année précédant le scrutin. Avec la disposition prévue par les deux propositions de loi, ils auront la possibilité, après cette date, de dédoubler, si besoin, ces bureaux de vote dans des communes qui seraient marquées par une résurgence particulière de l'épidémie. Il s'agit d'un outil supplémentaire, qui nécessitera des mesures réglementaires d'application, mais dont il serait regrettable de se passer compte tenu du contexte sanitaire qui, malgré tout, demeure incertain.

Je précise que, pour les élections départementales et régionales de l'an dernier, nous avions voté une disposition permettant au maire de déplacer le lieu du vote en extérieur, par exemple dans la cour de l'école. Je ne vous ai pas proposé de reprendre cette disposition au stade de notre examen en commission, mais nous pourrons en reparler, au besoin, d'ici la séance publique.

J'en viens à présent à la disposition propre à la proposition de loi organique, relative à la couverture audiovisuelle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle.

Comme vous le savez, la campagne électorale est encadrée par des conditions strictes, qui s'articulent en trois périodes. Depuis le 1 er janvier et jusqu'au 7 mars, veille de la publication de la liste des candidats, les médias doivent respecter un principe d'équité dans le traitement des temps de parole et des temps d'antenne accordés aux candidats déclarés ou présumés. À partir du 8 mars et jusqu'au 27 mars, nous passerons en période dite « d'équité renforcée » pour les temps de parole et d'antenne accordés aux candidats officiels, en tenant compte des horaires de diffusion. Enfin, pendant toute la période de la campagne officielle et jusqu'au vendredi précédant le deuxième tour, les médias devront respecter un principe d'égalité stricte dans le traitement des temps d'antenne et des temps de parole des candidats.

Tout en s'inscrivant dans ce cadre, la proposition de loi prévoit de le compléter pour obliger l'ensemble des médias audiovisuels placés sous la régulation de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a succédé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le 1 er janvier dernier, à consacrer, chacun, au moins quatre heures d'antenne par semaine aux débats structurant l'élection présidentielle.

L'idée de notre collègue Philippe Bonnecarrère est claire : il s'agit de compenser, par un traitement « renforcé » de la campagne électorale à la radio et à la télévision, la plus grande difficulté que rencontrent les candidats à faire campagne sur le terrain, compte tenu de la crise sanitaire, et la plus grande difficulté à mobiliser les sympathisants et les électeurs dans ce contexte.

Telle qu'elle est formulée, sa proposition de loi pose néanmoins plusieurs questions.

Tout d'abord, compte tenu de l'importance prise depuis une dizaine d'années par les chaînes d'information en continu, son objectif paraît en partie satisfait en pratique. Certes, certaines grandes chaînes généralistes - je pense notamment à TF1, à Canal+ en clair ou à M6 - se sont largement désengagées du traitement de l'actualité politique. Mais c'est notamment parce que ces chaînes appartiennent à des groupes qui ont choisi, dans le cadre de politiques éditoriales et d'organisation internes propres à chacun d'eux, de « spécialiser » certaines de leurs chaînes sur ces questions. Si l'on raisonne globalement, ou ne serait-ce que par groupe, l'objectif de consacrer au moins quatre heures par semaine à la campagne électorale est déjà largement satisfait - les chaînes d'information en continu retransmettent même désormais les grands meetings, dont les rediffusions sont également disponibles sur leur site Internet : l'information est donc bien disponible pour l'électeur qui souhaite s'informer.

De ce fait, la proposition de loi organique soulève un problème juridique. Pour s'immiscer dans la politique éditoriale et l'organisation interne des groupes, il faut un motif d'intérêt général fort. Or, comme on l'a vu, la campagne électorale bénéficie déjà d'un traitement par les médias : cela poserait problème en cas d'examen du dispositif par le Conseil constitutionnel.

J'ajoute, pour terminer, que cette proposition paraît difficile à mettre en oeuvre compte tenu de l'obligation faite à chaque chaîne d'annoncer ses grilles de programme au moins trois semaines avant leur diffusion. De plus, cela représenterait un coût pour les chaînes.

Il m'a donc semblé que cet article ne pouvait pas être adopté en l'état. Pourtant, il a le mérite de poser de vraies questions, notamment celle de la difficulté rencontrée par les candidats moins connus pour faire entendre leur voix. Il met également le doigt sur les travers d'une campagne qui se déroule, en quelque sorte, « en silo », chaque candidat faisant campagne de son côté sans que les propositions des uns et des autres ne soient véritablement débattues entre eux. Comme notre collègue Philippe Bonnecarrère, je déplore que le Président de la République, non seulement ne se soit pas encore déclaré candidat, mais qu'il ait en outre laissé entendre qu'il ne participerait à aucun débat avant le premier tour. Cette situation est regrettable et dommageable pour la mobilisation et la bonne information des électeurs, comme pour la qualité du débat démocratique de façon générale.

C'est ce qui m'a conduit à vous proposer un amendement tendant à rédiger différemment l'article 1 er de la proposition de loi organique, en vue d'obliger l'ensemble des candidats à débattre entre eux avant le premier tour de l'élection présidentielle. Il appartiendrait aux candidats et aux différentes chaînes de s'entendre sur les modalités concrètes d'organisation et de diffusion de ce ou ces débats, sous le contrôle de l'Arcom et dans le respect des principes d'équité ou d'égalité applicables selon la période à laquelle le débat a lieu.

Tel est le sens de ma proposition, qui me paraît répondre de façon plus adéquate aux préoccupations ayant guidé nos collègues, mais qui pourra bien entendu faire l'objet d'évolutions d'ici la séance publique, pour tenir compte notamment des échanges que nous aurons entre nous ce matin.

Je conclurai en disant que ces deux textes proposent des dispositions bienvenues pour sécuriser le déroulement des élections à venir et prévenir le risque d'abstention. En conséquence, je vous propose d'adopter la proposition de loi organique ainsi modifiée, et la proposition de loi sans modification.

M. Philippe Bonnecarrère , auteur de la proposition de loi organique et de la proposition de loi . - Je remercie la rapporteure pour la qualité de sa présentation.

Comme vous l'aurez compris, ces dispositions n'ont aucune chance d'être adoptées, car le Gouvernement a refusé d'appliquer la procédure accélérée, à laquelle il a pourtant souvent recours. Ces deux textes sont un appel au pluralisme ; je refuse que la société française s'accoutume à l'abstention.

Les dispositions ne visent pas à réformer le fond de la procédure applicable aux élections. Ces réformes structurelles sont impossibles à quelques semaines du scrutin.

Je suis frappé de voir l'inexactitude des arguments présentés par Marlène Schiappa pour justifier son refus de toute évolution. Celle-ci soutient que ce débat a déjà eu lieu lors de l'examen de la loi organique de mars 2021 portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République ; c'est faux, car ce texte ajustait simplement certaines dispositions juridiques relatives à l'élection présidentielle. Les circonstances particulières créées par l'épidémie n'avaient alors pas été prises en compte.

La ministre affirme ensuite qu'il n'est pas raisonnable de modifier les règles moins de six mois avant la tenue du scrutin. Mais, en l'espèce, cette règle ne s'applique pas ! J'en veux pour preuve le fait que des modifications ont été introduites quelques semaines avant l'organisation respective des élections municipales et départementales et régionales. La loi du 22 février 2021 a ainsi reporté, de mars à juin 2021, le renouvellement général des conseils départementaux et des conseils régionaux.

Enfin, j'estime que le Gouvernement fait montre d'une certaine désinvolture à l'égard du Parlement. Après la visite du ministre de l'intérieur, le président du Conseil constitutionnel a évoqué, par le biais d'un communiqué de presse, « de nouvelles mesures d'organisation qui apparaîtraient rendues nécessaires par la crise sanitaire afin de garantir le bon déroulement de l'élection présidentielle », dont nous n'aurons jamais connaissance. Le ministre est donc bien conscient de la réalité du problème. Lorsque nous l'avons interrogée à ce sujet, Marlène Schiappa nous a indiqué qu'il s'agissait d'examiner les missions de la commission dirigée par Jean-Denis Combrexelle, qui pourtant ne nécessitent aucune disposition législative ou réglementaire. En ne nous livrant aucune information, le Gouvernement fait preuve de peu de transparence. Le fait que le répertoire électoral unique ne puisse être adapté à la possibilité d'une double procuration laisse par ailleurs songeur.

Je reconnais les faiblesses de ma proposition relative à la couverture audiovisuelle de la campagne électorale et j'accepte bien volontiers les remarques de la rapporteure. Les groupes télévisuels indiquent avoir renoncé à privilégier l'information sur leur chaîne principale ; c'est désormais le rôle des chaînes d'information en continu, dont l'audience est cependant moins importante et dont le modèle est fondé sur le principe de l'immédiateté. Dès lors, la campagne présidentielle se résumera à la dramaturgie du débat du second tour : je regrette cette situation, qui nuit à la stabilité de nos institutions et à la démocratie. Dans ce contexte, ces propositions de loi sont un cri d'alarme, dont je reconnais bien volontiers la modestie !

M. François Bonhomme . - Je salue le travail de notre rapporteure.

Je souscris pleinement aux analyses exprimées et aux dispositions contenues dans les propositions de loi, qui visent à faciliter les opérations de vote que la situation sanitaire complexifie singulièrement. L'enjeu est de garantir un niveau suffisant de participation au scrutin majeur de notre système démocratique, l'élection présidentielle, dont le Président de la République tire sa légitimité et sa capacité à agir.

Le droit en vigueur garantit peu ou prou l'accès des candidats moins connus aux chaînes de radio et de télévision. Toutefois, la presse écrite, dont le rôle demeure important, n'est pas soumise à ces obligations : c'est un angle mort qui n'a jamais été traité. Il est vrai qu'une tâche de cette ampleur alourdirait le travail de l'Arcom.

Face à ce malaise démocratique, il serait illusoire de croire que de nouvelles mesures, telles que le vote électronique, pourraient à elles seules résoudre la crise de la représentation. Le malaise est plus profond. Je pressens que la question restera entière demain, surtout si la participation aux prochaines élections atteint des taux historiquement bas.

Je soutiens ces propositions de loi, mais je crains que celles-ci ne permettent pas de répondre aux défis qui nous attendent pour les prochains mois.

M. Philippe Bas . - Je remercie Philippe Bonnecarrère et Nadine Bellurot pour la qualité de leur travail.

Il est désolant de constater que le processus d'examen de ces deux textes n'aboutira pas. Ceux-ci mettent en lumière un fait inexplicable : ce qui a été possible pour les élections locales en 2020 et 2021 ne le sera pas pour les élections présidentielle et législatives. Dans le même temps, le Gouvernement nous a demandé en janvier dernier de maintenir l'arsenal des instruments mis à sa disposition dans la lutte contre la possible recrudescence de la covid-19. Or la période actuelle est teintée d'optimisme : si l'épidémie prenait fin, il conviendrait alors de mettre fin aux pouvoirs d'exception octroyés au Gouvernement par le législateur.

D'un côté, le Gouvernement admet que la menace épidémique reste forte, et, de l'autre, il refuse de mettre en oeuvre des modalités de vote qui, certes, ne bouleverseraient pas le taux de participation, mais qui faciliteraient l'engagement citoyen des personnes que la covid-19 intimide. C'est inacceptable.

Les arguments utilisés devant nous par Marlène Schiappa sont d'une mauvaise foi inqualifiable. Il est faux de dire qu'il est impossible de modifier la loi organique relative à l'élection présidentielle dans les mois qui la précèdent. La loi organique adoptée en février 2002 pour tirer les conclusions d'un avis du Conseil constitutionnel rendu à l'automne précédent en est l'illustration. Aucun obstacle tiré de la Constitution ou de la tradition républicaine ne s'oppose à la modification de l'organisation de l'élection présidentielle quelques mois avant son organisation. Or les propositions de loi de Philippe Bonnecarrère sont utiles à la démocratie. Notre débat aura au moins le mérite de souligner publiquement l'incongruité de la position du Gouvernement, qui s'est montré très imprévoyant.

M. Éric Kerrouche . - Je remercie Nadine Bellurot pour le travail accompli.

Monsieur Bonnecarrère, je ne sais pas si les textes désespérés sont les plus beaux, pour paraphraser Musset, mais il est sûr que notre débat est symbolique.

Je souscris aux propos de François Bonhomme : croire que des solutions techniques réduiront la crise de la participation est illusoire, mais celles-ci peuvent toutefois contribuer à améliorer la situation.

La crise de la participation existe dans tous les pays, mais elle s'accentue en France, car l'élection présidentielle écrase le paysage démocratique français. Or une seule élection, qui engendre souvent une déception immédiate quelques mois plus tard, ne saurait résumer la vie démocratique d'un pays. Certes, le Gouvernement a fait montre d'imprévoyance en ce qui concerne les élections. Toutefois, nous n'avons pas non plus été à la hauteur : nous aurions pu proposer des mesures pour faire entendre notre voix.

Il me semble difficile d'imposer aux différents acteurs les dispositions contenues dans les deux textes sur les procurations, compte tenu de l'entrée en vigueur du répertoire électoral unique le 1 er janvier dernier, comme l'a rappelé la rapporteure.

J'avoue ne pas comprendre la fétichisation française de la double procuration. La procuration simple ne fonctionne pas bien et est régulièrement dénoncée par les organisations internationales travaillant sur ce sujet. Marlène Schiappa nous a de plus indiqué que les doubles procurations, lorsqu'elles ont été autorisées, n'ont représenté que 8 % du nombre total de procurations, qui elles-mêmes s'élevaient à 8 % de la participation électorale. Je préfère le vote par correspondance à la procuration, qui comporte le risque d'influencer le choix des citoyens. En outre, les procurations ne font que renforcer la participation des citoyens déjà les plus investis dans le vote et, en cela, elle accentue les inégalités existantes : elles ne constituent en aucun cas un remède à l'abstention.

La déterritorialisation des procurations a été autorisée par la loi « Engagement et proximité ». Par ailleurs, le dédoublement des bureaux de vote suppose également de dédoubler les listes électorales, ce qui peut être à l'origine de problèmes.

Pour conclure, je comprends les mesures défendues par notre collègue, mais nous estimons que les solutions proposées ne sont pas à la hauteur de la situation. Or il est trop tard désormais : nous nous acheminons peut-être vers une élection présidentielle qui sera ébranlée par l'abstention et qui placera notre système politique dans une position délétère, comme en témoignent les prises de parole de certains candidats. Nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme Cécile Cukierman . - Je salue le travail mené par nos collègues. Je déplore moi aussi que ce texte ne puisse pas arriver au terme de son parcours.

Personne n'est dupe : même si elles entraient en application, les mesures contenues dans ces propositions de loi ne pourraient pas à elles seules résoudre la crise politique et la montée de l'abstention, scrutin après scrutin. Toutefois, nous avons toujours soutenu ce type de mesures, et nous continuerons à le faire cette fois encore.

On peut regretter l'attitude du Gouvernement, qui ne s'est pas donné les moyens d'adapter le scrutin présidentiel au contexte de la crise sanitaire. Même si la situation sanitaire s'améliore, l'inquiétude des Français perdurera.

En tout état de cause, le mode d'organisation des élections ne réglera pas tous les problèmes. Nous devons réfléchir à la profonde crise politique que traverse notre pays.

M. Alain Richard . - Je concentrerai mon propos sur la double procuration, et les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'a pas soutenu cette mesure.

Lors du scrutin présidentiel de 2017, une seule procuration était possible par personne, et le mandant et le mandataire devaient résider dans la même commune ; pourtant, quelque 3,5 millions de procurations avaient alors été établies. Lorsque le scrutin est important, le dispositif actuel renforce d'ores et déjà la participation. Le fait de pouvoir confier sa procuration à un électeur résidant dans une commune différente apporte une facilité supplémentaire.

La double procuration suscite des réticences, qui procèdent d'une méfiance vis-à-vis d'un usage de la procuration qui serait quasi « industriel ». D'aucuns profitent de la faiblesse de certains électeurs, les personnes très âgées notamment. Certes, la procuration représente une commodité pour la plupart des électeurs, mais il convient d'éviter sa banalisation et de ne pas encourager les abus. Nous ne considérons pas que l'examen de ce texte réponde à des enjeux essentiels ; c'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Je remercie Philippe Bonnecarrère et Philippe Bas pour leurs explications.

Monsieur Kerrouche, j'entends vos arguments sur la faible utilisation de la double procuration. Certes, lors des dernières élections locales, les 20 509 doubles procurations établies représentent un chiffre modeste, mais ce sont autant d'électeurs qui ont renforcé le taux - très faible - de participation. Comme l'a souligné Alain Richard, il est désormais possible de donner une procuration à une personne habitant dans une commune différente de la vôtre. Ces mesures contribuent à l'augmentation du nombre de votants. Il en va de même pour le dédoublement des bureaux de vote - je rappelle qu'il s'agit non pas d'une obligation, mais d'une simple faculté.

Madame Cukierman, vous avez bien compris notre démarche : nous souhaitons tous ici apporter des outils supplémentaires aux électeurs pour ces rendez-vous importants pour notre pays. Je vous remercie pour votre soutien.

Monsieur Richard, j'ai écouté vos arguments avec attention. Mais qui peut le plus peut le moins ! Certes, le dévoiement des procurations est toujours possible, mais, là encore, celles-ci contribuent à mieux associer nos concitoyens aux échéances électorales. La double procuration représente un outil supplémentaire dont nous ne devrions pas nous priver.

M. François-Noël Buffet , président . - Madame la rapporteure, je souhaite lever un doute : lorsqu'une procuration est confiée à un électeur résidant dans une autre commune, pouvez-vous nous confirmer que le mandataire doit voter dans le bureau de vote du mandant ?

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - C'est exact.

M. François-Noël Buffet , président . - Je souscris en partie aux propos des différents intervenants. Une double procuration se justifie davantage dans des circonstances extrêmes, telles que la situation sanitaire que nous connaissons depuis deux ans. Elle ne doit pas nécessairement revêtir un caractère définitif.

Avant l'examen des amendements, et en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter les périmètres indicatifs de ces deux propositions de loi.

Je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi organique inclut les dispositions relatives à l'organisation de l'élection présidentielle de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, notamment les règles encadrant la propagande électorale audiovisuelle durant la période allant du 1 er janvier au 27 mars 2022 ; le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ; les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ; et enfin l'organisation des bureaux de vote lors du scrutin présidentiel d'avril 2022.

Quant à la proposition de loi ordinaire, je vous propose de considérer que son périmètre inclut les dispositions relatives à l'organisation des élections législatives de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, notamment le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue des élections législatives de juin 2022 ; les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue des élections législatives de juin 2022 ; et enfin l'organisation des bureaux de vote lors des scrutins législatifs de juin 2022.

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - L'amendement COM-2 vise à obliger l'ensemble des candidats à débattre entre eux avant le premier tour de l'élection présidentielle.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article  1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Le paragraphe IV de l'article 2 vise à permettre au mandant de confier sa procuration à tout électeur, y compris lorsque celui-ci est inscrit sur la liste électorale d'une autre commune. Or le droit en vigueur offre déjà cette possibilité. C'est pourquoi l'amendement COM-1 vise à supprimer cette disposition.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification .

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort
de l'amendement

Article 1 er

Mme BELLUROT, rapporteure

2

Diffusion d'un débat entre l'ensemble des candidats avant le premier tour de l'élection présidentielle

Adopté

Article 2

Mme BELLUROT, rapporteure

1

Suppression d'une disposition satisfaite par le droit existant sur les conditions d'établissement des procurations

Adopté


* 35 Voir le commentaire pp. 16-21.

* 36 Voir le commentaire pp. 21-25.

* 37 Voir le commentaire pp. 27-29.

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