II. UNE CONDITION D'ISOLEMENT SOURCE D'INCOHÉRENCES AUX EFFETS NUISIBLES

A. UNE CONDITION D'ISOLEMENT INCOHÉRENTE

Hors le cas où l'enfant, privé du soutien de ses deux parents, est confié à un tiers, l'ASF est une prestation versée sous condition d'isolement du parent bénéficiaire. L'article L. 523-2 du code de la sécurité sociale dispose que l'ASF cesse d'être versée « lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l'allocation de soutien familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage ».

La rapporteure considère cette situation comme paradoxale dans la mesure où la pension alimentaire continue d'être exigée du parent débiteur solvable lorsque le parent créancier se remet en couple. Les parents bénéficiaires de l'ASF, parmi les plus précaires des familles monoparentales, perdent donc une ressource alors que leur enfant reste privé d'un second soutien parental. La suspension du versement de l'ASF repose sur le postulat que le nouveau conjoint contribue à l'entretien de l'enfant. La rapporteure constate toutefois que cette contribution est loin d'être systématique et qu'elle ne repose sur aucune obligation juridique

La perte de l'ASF n'est en tout état de cause pas souhaitable en ce qu'elle créée une relation de dépendance de la mère envers son nouveau conjoint pour l'éducation de son enfant . Le maintien de l'ASF en cas de remise en couple favoriserait au contraire l'autonomie des mères et oeuvrerait pour une réelle égalité entre les femmes et les hommes.

La loi du 4 août 2014 permettait de maintenir le versement de l'ASF recouvrable pendant une période de six mois après la remise en couple dans le cadre de l'expérimentation dans vingt départements de la garantie contre les impayés de pension alimentaire (Gipa) . Lorsque le mécanisme de la Gipa fut généralisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, ce maintien du versement ne fut toutefois pas repris.

B. DES EFFETS DE TRAPPES OU DE FRAUDES À L'ISOLEMENT

La rapporteure considère que la condition d'isolement, qui s'applique également à d'autres dispositifs socio-fiscaux en faveur des familles monoparentales, découragent certains parents isolés à envisager une vie commune avec un nouveau conjoint . Les auditions ont confirmé que des mères isolées renoncent à se remettre en couple par craintes des difficultés matérielles qui résulteraient de la perte de l'ASF . Des fraudes à l'isolement sont également constatées par les CAF. En 2019, la fraude à l'isolement concernait ainsi 18 % des fraudes constatées par les CAF toutes prestations confondues.

Or, la monoparentalité est un facteur important de précarité. En permettant la réalisation d'économies d'échelle sur les charges de la vie courante ou en encourageant la reprise d'activité professionnelle grâce à une conciliation facilitée entre vie familiale et vie professionnelle, la remise en couple permet à une mère isolée d'espérer une élévation de son niveau de vie. Le taux de pauvreté des enfants présent dans une famille recomposée (16,6 %) reste bien en-deçà de celui des enfants élevés dans une famille monoparentale. Il convient donc de ne pas dissuader les parents isolés de se mettre en couple.

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