N° 901

SÉNAT

2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 septembre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce ,

Par M. Thani MOHAMED SOILIHI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

768 et 902 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 28 septembre 2022 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a adopté avec modifications la proposition de loi n° 768 (2021-2022) de Nathalie Goulet (Union centriste - Orne) visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce , sur le rapport de Thani Mohamed Soilihi (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants - Mayotte).

Elle vise à « réparer des malfaçons législatives » introduites par la loi PACTE 1 ( * ) en 2019 lors de la réforme du régime électoral des juges consulaires dans les tribunaux de commerce.

Il s'agirait de la seconde intervention du législateur sur le sujet en l'espace d'un an : à l'initiative de Nathalie Goulet, le Sénat avait déjà adopté un texte le 21 septembre 2021 visant à rétablir l'éligibilité des membres en exercice et anciens membres du tribunal de commerce, qui avait été adopté conforme par l'Assemblée nationale 2 ( * ) .

Cette proposition de loi tend principalement à élargir de nouveau le vivier des personnes pouvant se porter candidates aux fonctions de juges consulaires, en rétablissant l'éligibilité des cadres dirigeants , qui existait avant la loi PACTE. Elle propose également de revoir la condition de résidence pour l'éligibilité des membres en exercice et anciens membres des tribunaux de commerce. Elle prévoit enfin d'instituer le refus de siéger sans motif légitime en cause de cessation des fonctions de juge consulaire. Par ailleurs, elle corrigerait deux « scories » qui n'ont pas posé de difficultés concrètes pour l'organisation des élections.

S'agissant de l'éligibilité, la tenue prochaine des élections des juges consulaires des tribunaux de commerce 3 ( * ) justifie l'examen rapide de ce texte.

I. RESTAURER L'ÉLIGIBILITÉ DES CADRES DIRIGEANTS SUPPRIMÉE PAR LA LOI PACTE : UNE QUESTION À RÉGLER AVANT LES ÉLECTIONS CONSULAIRES

Antérieurement à la loi PACTE, les cadres dirigeants salariés des entreprises inscrites au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers étaient électeurs des délégués consulaires, et à ce titre éligibles aux fonctions de juge de tribunal de commerce . En supprimant la fonction de délégué consulaire et en instaurant une élection directe des juges consulaires par les membres des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), la loi PACTE a indirectement supprimé l'éligibilité des cadres dirigeants .

Or leurs compétences spécialisées, en droit bancaire ou cambiaire par exemple, et leur disponibilité sont précieuses pour la résolution des litiges soumis aux juridictions commerciales.

La Conférence générale des juges consulaires de France estime que les cadres dirigeants salariés représentent actuellement plus de 40 % des juges consulaires en exercice dans les tribunaux de commerce de grande taille.

La commission a donc été favorable au rétablissement de l'éligibilité des cadres dirigeants aux fonctions de juge consulaire du tribunal de commerce. Elle a modifié la rédaction proposée, qui intégrait ces cadres dirigeants dans le collège électoral des membres des CCI, pour lui préférer une éligibilité directe, ce qui correspond à l'intention de l'auteur du texte 4 ( * ) .

Les cadres dirigeants seraient soumis à la même condition d'ancienneté de 5 ans que les personnes éligibles du fait de leur inscription sur les listes électorales des CCI et CMA.

Par ailleurs, la commission a accepté de revoir les conditions d'éligibilité des juges en exercice et anciens juges dans leur tribunaux de commerce d'origine ou un tribunal limitrophe, en supprimant la condition de résidence . Elle a ainsi souhaité permettre aux juridictions commerciales de continuer à bénéficier des compétences et de l'expérience de juges qui, du fait de leur retraite, n'y ont plus de domiciliation professionnelle et n'y résident pas. Elle a en revanche maintenu cette condition, nécessaire pour garantir un lien géographique avec le tissu économique local , pour les candidatures dans des tribunaux non limitrophes.

II. LE REFUS DE SIÉGER : UN SUJET DISCTINCT QUI PEUT ÊTRE TRAITÉ PAR LA DISCIPLINE

En mai 2021, dans leur rapport d'information portant sur le droit des entreprises en difficulté à l'épreuve de la crise 5 ( * ) , Thani Mohamed Soilihi et François Bonhomme avaient recommandé d'encourager les chefs de cour de se saisir pleinement de leurs prérogatives en matière disciplinaire afin de faire face aux refus de siéger . Il semble en effet évident que siéger constitue pour un juge, qu'il soit juge professionnel ou non, « un devoir de son état » 6 ( * ) .

Par ailleurs, la Première ministre a annoncé un projet de loi pour l'amélioration de la justice du quotidien au cours de l'année 2023, à la suite du rapport du comité des États généraux de la justice qui formule plusieurs pistes de réforme du fonctionnement des juridictions commerciales 7 ( * ) .

Dans ces conditions, et en l'absence de toute urgence à modifier le droit existant qui permet déjà de sanctionner de tels comportements, la commission a préféré supprimer la disposition relative au refus de siéger du texte et s'en tenir à la seule question de l'éligibilité .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .


* 1 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 2 Loi n° 2021-1317 du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce.

* 3 Ces élections, habituellement organisées la première quinzaine du mois d'octobre de chaque année, ont été exceptionnellement décalées du 21 novembre au 4 décembre 2022 par décret n° 2022-1211 du 1 er septembre 2022, ce qui permettrait une application de la loi à ces élections.

* 4 Ce qui entraîne une suppression de l'article 1 er de la proposition de loi, pour réintroduire la catégorie des cadres dirigeants dans son article 3.

* 5 « Les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19 », rapport d'information n° 615 (2020-2021) de François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi.

* 6 Article L. 724-1 du code de commerce.

* 7 « Rendre justice aux citoyens », Rapport du comité des Etats généraux de la justice (Octobre 2021- avril 2022)

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