CHAPITRE III : AMÉLIORER LA RÉPONSE PÉNALE

Article 14
Généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD)
pour tous les délits punis d'une simple peine d'amende
ou d'un an d'emprisonnement au plus

L'article 14 tend à prévoir la possibilité d'appliquer une amende forfaitaire délictuelle pour l'ensemble des délits punis d'une simple amende ou d'une peine de prison de moins d'un an.

La commission a adopté cet article en restreignant le champ du recours de l'AFD.

1. Une extension trop importante d'un mécanisme intéressant en matière de réponse pénale

1.1. Un recours croissant à cette procédure aux cours des dernières années

Depuis 2016 la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle a été intégrée au code de procédure afin d'améliorer la réponse pénale pour certaines infractions. D'abord prévue pour certaines infractions routières 33 ( * ) , cette procédure a été étendue à l'occupation illicite de terrains 34 ( * ) , puis 35 ( * ) à certaines infractions de petite délinquance dont l'usage de stupéfiants.

Ces amendes susceptibles d'être mises en oeuvre directement par les policiers et gendarmes qui constatent l'infraction peuvent être payées immédiatement si l'auteur reconnaît les faits ou faire l'objet d'un titre exécutoire et de recours. Elles excluent tout recours au juge et leur paiement éteint l'action publique.

En pratique, la nécessité de fournir aux policiers et gendarmes les modèles de procès-verbaux électroniques permettant d'établir l'amende continuent de limiter la mise en oeuvre sur le terrain de ces types de sanctions. Seules certaines des amendes forfaitaires votées par le législateur sont actuellement mises en application, sans que leur nombre exact ait été communiqué aux rapporteurs.

Pour certaines infractions, notamment la consommation de stupéfiants et l'occupation en réunion de halls d'immeubles, il semble néanmoins que le taux de réponse pénale ait été grandement amélioré du fait de la mise en oeuvre des amendes forfaitaires délictuelles. Cette amélioration a conduit le président de la République à annoncer leur généralisation lors de son déplacement à l'hôtel de police de Nice le 22 janvier 2022.

C'est cette généralisation à tous les délits punis d'une simple peine d'amende ou de moins d'un an de prison que propose l'article 14 en réécrivant l'article 495-17 du code de procédure pénale.

Certaines exceptions sont cependant prévues. A la suite des remarques du Conseil d'État, l'application de l'amende forfaitaire délictuelle a été exclue pour tous les mineurs alors qu'elle avait été annoncée par le président de la République pour les mineurs de plus de 16 ans. Les délits de presse et délits politiques ainsi que les délits prévus par des lois spéciales sont également exclus du champ de cette procédure. Enfin, elle n'est pas applicable lorsque plusieurs infractions sont simultanément constatées et que l'une ne peut faire l'objet d'une amende.

L'application de l'amende forfaitaire est exclue en cas de récidive sauf disposition législative contraire.

La rédaction proposée pour l'article 495-17 prévoit par ailleurs un barème d'amende en lien avec le quantum prévu pour l'infraction.

Il préserve par ailleurs la possibilité pour une victime de se porter partie civile et d'obtenir réparation.

1.2. Une extension trop importante

L'effet premier de cet article serait le passage d'une dizaine d'infractions susceptible de faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle à plus de 3 400.

Une telle extension se heurte à une difficulté matérielle et à plusieurs questions de fond. La difficulté matérielle, déjà soulignée pour les infractions existantes, est celle du déploiement effectif des procès-verbaux électroniques permettant leur mise en place.

De plus, dans le cadre d'une telle généralisation, il n'est pas certain que toutes les infractions visées puissent être constatées sans possibilité sérieuse de contestation, ce qui constitue le fondement de l'efficacité des AFD.

Surtout, une telle mesure ne permet pas au législateur d'avoir une vision réelle des infractions visées et du caractère adéquat du recours à une amende en matière de réponse pénale.

A aussi été soulignée lors des auditions la crainte que le déploiement général des AFD n'opère un transfert de fait de la maîtrise de la politique pénale des procureurs vers les policiers pour les infractions visées. De fait, il sera sans doute difficile pour un procureur d'écarter dans ses instructions le recours à cette procédure si elle est techniquement possible.

En l'absence d'évaluation de l'impact des amendes forfaitaires déjà mises en oeuvre, le Conseil d'État a souhaité que l'extension proposée ne soit pas retenue.

2. Le choix d'un déploiement progressif des amendes forfaitaires

Au regard de l'intérêt que peuvent présenter les amendes forfaitaires pour lutter contre certaines infractions du quotidien, la commission, à l'initiative des rapporteurs, a souhaité poursuivre sur la voie de leur déploiement progressif, infraction par infraction. Outre la plus grande transparence de cette méthode qui permet un débat pour chaque délit, elle permet une adaptation spécifique du montant de l'amende mais aussi la prise en compte de l'impact de la récidive pour déterminer si l'amende pourra ou non être prononcée plusieurs fois.

Sur la base du travail conduit par le Gouvernement pour identifier les délits susceptibles de faire l'objet d'une amende forfaitaire, il est proposé de la prévoir pour les infractions suivantes :

- les dégradations ou détériorations légères (tags) prévues et réprimées par les articles 322-1, 322-4 et 322-15 du code pénal ;

- la filouterie de carburant prévue et réprimée à l'article 313-5 du code pénal ;

- le transport routier en violation des règles au chronotachygraphe prévu à l'article L. 3315-4 du code des transports ;

- le délit d'entrave à la circulation prévu et réprimé à l'article L. 412-1 du code de la route ;

- les atteintes à la circulation des trains (modifications, dégradation des installations ferroviaires, dépôt d'objet sur les lignes de transport ; obstacle au fonctionnement des signaux, trouble ou entrave à la circulation des trains, pénétration, circulation dans les parties de la voie ferrée ou de ses dépendances qui ne sont pas affectées à la circulation publique ; usage du signal d'alarme ou d'arrêt mis à la disposition des voyageurs de manière illégitime et dans l'intention de troubler ou entraver la mise en marche ou la circulation des trains, pénétration sans autorisation dans les espaces affectés à la conduite des trains) ;

- l'intrusion non autorisée dans un établissement scolaire prévue et réprimée par l'article 431-22 du code pénal ;

- la détention sans permis de chien d'attaque, ou de garde ou de défense malgré mise en demeure ou incapacité prévue et réprimée par l'article L. 215-2-1 du code rural ;

- l'acquisition ou cession de chien d'attaque prévue et réprimée par l'article L. 215-2 du code rural ;

- la détention de chien d'attaque non stérilisé prévue et réprimée par l'article L. 215-2 du code rural.

La commission a en ce sens adopté l' amendement COM-93 présenté par les rapporteurs.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 14 bis (nouveau)
Suppression de la nécessité de réitération ou de formalisation de menaces pour encourir une sanction pénale

L'article 14 bis , issu d'un amendement déposé par Pierre-Antoine Levi, tend à suppression de la nécessité de réitération ou de formalisation de menaces pour encourir une sanction pénale.

L'article 222-17 du code pénal sanctionne la menace de commettre un crime ou délit lorsqu'elle est soit réitérée, soit matérialisée « par un écrit, une image ou tout autre objet ».

La nécessité d'une réitération ou formalisation permet de caractériser l'intention de l'auteur au-delà de propos qui peuvent être isolés ou le fait d'un emportement passager.

Néanmoins, la nécessité de réitération des menaces orales empêche parfois les poursuites alors même que la menace, constatée, est réelle.

Il peut sembler préférable dès lors de laisser le magistrat apprécier la portée de la menace et d'engager ou non des poursuites. Le présent article supprime donc la nécessité d'une réitération ou d'une formalisation d'une menace pour que les poursuites puissent être engagées.

La commission a adopté l'article article 14 bis ainsi rédigé .


* 33 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXI e siècle : (i) conduite d'un véhicule sans permis ; (ii) conduite d'un véhicule avec un permis d'une catégorie n'autorisant pas sa conduite ; (iii) conduite d'un véhicule sans assurance

* 34 Loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites

* 35 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice :

- vente d'alcool non autorisée pour les débits et cafés ouverts pour certaines occasions,

- vente d'alcool à des mineurs (article L. 3353-3 du code de la santé publique), l'usage de stupéfiants,

- vente à la sauvette,

- occupation en réunion des halls d'immeuble,

- délits liés à la non-conformité de la carte de conducteur.

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