B. PROFONDÉMENT TRANSFORMÉ PAR LA CRISE DE L'ÉNERGIE ET LES BOUCLIERS TARIFAIRES, LE PROGRAMME 345 EST MOINS LISIBLE

Crédits inscrits au programme 345 « Service public de l'énergie »
en 2022 et en 2023 (CP)

(en millions d'euros)


2022
(LFI)

2023
(LFI)

Variation 2022-2023

09- Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale

4 738,4

0

- 100 %

10- Soutien à l'injection de biométhane

712,9

34,3

- 95,2 %

11- Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

2 163,6

2 478,1

+ 14,5 %

12- Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

646,1

376,7

- 41,7 %

13- Soutien aux effacements de consommation

40,0

72,0

+ 80,0 %

14- Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique

30,9

43,9

+ 42,1 %

15- Frais divers

117,5

73,3

- 37,6 %

17-Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

-

8 921,6

-

18-Soutien hydrogène

-

0

-

Total programme

8 449,4

12 000,0

+ 42,0 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2023

Il est à noter qu' au cours de la gestion 2022, 2 990 millions d'euros en AE et en CP avaient été ajoutés au programme 345 , par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, pour financer la première phase de la remise sur les carburants mise en oeuvre à compter du mois d'avril. Le coût de la prolongation et de l'amplification de la mesure à compter du mois d'août a ensuite été inscrit sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

En outre, la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a inscrit 700 millions d'euros de crédits supplémentaires sur le programme 345 afin de financer le mécanisme de constitution des stocks de sécurité de gaz naturel pour les opérateurs prévu, en application d'un règlement européen 13 ( * ) , par l'article 23 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Le périmètre du programme 345 évolue sensiblement en 2023, principalement à travers la création de la nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » , dotée de 9 milliards d'euros et dédiée à retracer les crédits nécessaires pour compenser les charges de service public de l'énergie assumées par les fournisseurs au titre des mesures dites de « bouclier tarifaire ».

Par ailleurs, et même si elle ne se voit pas allouer de crédits au titre de 2023, le présent projet de loi de finances introduit dans le programme 345 une nouvelle action 18 « Soutien hydrogène » qui aura vocation à compter de 2024 à apporter un soutien au développement de la filière hydrogène à travers des appels d'offres.

Les crédits du programme 345 « Service public de l'énergie » évoluent ainsi de 8 449,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) prévus en loi de finances initiale pour 2022 à 12 000 millions d'euros en 2023 (AE=CP), soit une progression de 42 % .

À périmètre constant , sans l'adjonction de la nouvelle action 17, les crédits budgétaires inscrits au programme en 2023 se seraient élevés à 3 078,4 millions d'euros, en diminution de 64 % par rapport à 2022.

En 2023, l'architecture ainsi que les crédits inscrits sur le programme sont complètement bouleversés par les conséquences de la flambée des prix de l'énergie et des boucliers tarifaires mis en oeuvre par les autorités publiques pour venir en aide à certains consommateurs finals d'énergie :

- ainsi, le soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale , habituellement l'action la plus dotée du programme (entre 5 et 6 milliards d'euros depuis 2019) ne se voit allouer aucun crédit en 2023 dans la mesure où la hausse inédite des prix de l'électricité conduit les producteurs à être au contraire redevables de sommes considérables à l'État ;

- pour les mêmes raisons, le soutien à l'injection de biométhane , après avoir progressé de 169,2 millions d'euros en 2022, se replie de 678,6 millions d'euros à 34,3 millions d'euros (- 95 %) ;

- la solidarité avec les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain doit quant à elle disposer d'une allocation de crédits majorés de 15 % à 2 478,1 millions d'euros ;

- le soutien à la cogénération baisse également dans des proportions significatives (269 millions d'euros et 42 %) pour s'établir à 376,7 millions d'euros ;

- le soutien aux effacements de consommation continue lui de progresser (de 32 millions d'euros) et doit s'établir à 72 millions d'euros.

1. Aucun crédit n'est prévu en 2023 en faveur du soutien aux énergies renouvelables électriques dans la mesure où, en raison du niveau extrêmement élevé des prix de l'électricité, les producteurs sont redevables de sommes considérables à l'État

Les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (EnR) électriques continentales portées par l'action 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale » du programme 345 consistent, habituellement, à compenser les fournisseurs d'électricité pour les surcoûts engendrés pour eux par les contrats d'obligation d'achat et de complément de rémunération qu'ils sont tenus de conclure avec les producteurs d'énergies renouvelables.

Les dispositifs de soutien public à la production d'EnR ont vocation à donner de la visibilité aux producteurs afin d'assurer la rentabilité de leurs projets et de déclencher la décision d'investir. En période « normale » , avant la survenue de la crise des prix de l'énergie, les revenus garantis par les contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération étaient inférieurs aux prix de marché et les compensations versées par l'État au titre des charges de service public de l'énergie pour soutenir la production d'EnR en métropole évoluaient chaque année entre 5 et 6 milliards d'euros .

Toutefois, depuis le début de la crise des prix de l'énergie, les prix de l'électricité ont atteint des niveaux inédits, très supérieurs aux rémunérations garanties par les dispositifs de soutien public, si bien que ces rémunérations garanties se sont transformées en rémunérations plafonnées qui, pour toutes les installations concernées par ces mécanismes, se traduisent par un prélèvement mécanique des revenus excédentaires qui auraient été perçus par les producteurs du fait de la flambée des prix de l'électricité.

De plus, et parce que les cahiers des charges de certains anciens contrats de complément de rémunération prévoyaient des dispositifs de plafonnement des sommes reversées à l'État en cas de prix de marché supérieurs aux niveau de rémunération de référence déterminé dans les contrats, l'article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit une remise en cause partielle de ces mécanismes de plafonnement avec un objectif de recettes supplémentaires pour l'État de 4,5 milliards d'euros au titre des années 2022 et 2023. D'après des informations transmises par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), l'arrêté nécessaire à la mise en oeuvre de ce déplafonnement doit être prochainement soumis pour avis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Toutefois, et parce que le contexte d'inflation pouvait également inversement bouleverser l'équilibre économique de nouvelles installations sur le point d'être mises en service et conduire à l'abandon de certains projets au détriment de nos objectifs de développement des capacités de production d'EnR, un mécanisme de soutien exceptionnel a été récemment accordé à certaines installations nouvelles confrontées à une hausse très sensible de leurs coûts de construction qui remettait en cause leur plan d'affaires au risque de mettre en péril des investissements dans de nouveaux projets énergétiques pour des volumes estimés entre 5 et 6 GW en matière d'énergie éolienne et entre 6 et 7 GW pour l'énergie photovoltaïque. Pour compenser les surcoûts constatés, un certain nombre de projets éoliens et solaires sur le point d'être lancés seront ainsi autorisés à vendre directement leur production électrique sur le marché pendant une durée de 18 mois . Les revenus de marchés perçus au titre de ce mécanisme exceptionnel ne sont donc pas intégrés dans le calcul de la contribution.

Pour 2023, aucun crédit budgétaire n'est ainsi inscrit à l'action 09 et les recettes attendues par l'État au titre des mécanismes de soutien public à la production d'énergies renouvelables, estimées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération du 3 novembre dernier sont présentées dans le graphique ci-après.

Charges de service public de l'énergie prévisionnelles relatives aux dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable en 2023 évaluées par la CRE dans sa délibération du 3 novembre 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Pour 2023, ces recettes représentent presque 37 milliards d'euros dont 18,6 milliards d'euros au titre de l'exercice 2023, 16,6 milliards d'euros au titre de la régularisation des surcompensations versées aux fournisseurs pour 2022 et 1,8 milliard d'euros au titre de la régularisation pour 2021.

La production d'électricité éolienne terrestre contribuerait à elle seule à hauteur de 65 % (plus de 24 milliards d'euros ) des 37 milliards d'euros de recettes prévisionnelles attendues par l'État.

Répartition des charges de service public de l'énergie prévisionnelles relatives aux dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Les recettes attendues du fait des CSPE réévaluées par la CRE au seul titre de l'année 2023 s'élèvent donc à 18,6 milliards d'euros et se décomposent comme illustré dans le graphique ci-après.

Répartition des charges de service public de l'énergie prévisionnelles relatives aux dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable
au titre de l'année 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Pour rappel, il est considéré qu'en moyenne, une hausse des prix de gros de 1 euro par mégawattheure sur le marché de l'électricité européen se traduit par une baisse des compensations de charges de service public de l'électricité prises en charge par l'État supérieure à 50 millions d'euros .

Alors qu' avant la crise actuelle, la moyenne de prix s'établissait autour de 50 euros par mégawattheure (MWh) et que le précédent record historique était de 93 euros par MWh lors de la crise financière de 2008, les prix de gros à douze mois ont tutoyé les 1 200 euros en août 2022 avant de fluctuer entre 500 et 600 euros . Ponctuellement, les prix spot de l'électricité sur le marché de gros ont même dépassé les 3 000 euros au cours de l'été 2022 au coeur de la hausse fulgurante qui s'est manifestée à partir du mois de juin.

Évolution des prix de l'électricité pour le consommateur final en moyenne

Source : rapport annuel de l'ACER et CEER d'octobre 2022

L'année 2022 doit être celle des premières mises en service de parcs éoliens en mer . Lauréat de l'appel d'offre attribué en 2012, le parc situé au large de Saint-Nazaire doit être mis en service à la fin de l'année 2022 14 ( * ) pour une puissance de 480 MW.

De nouvelles mises en service de parcs éoliens en mer doivent intervenir en 2023 au large de Saint-Brieuc et de Fécamp pour des puissances de 500 MW chacun. Des parcs pilotes éoliens en mer flottants doivent également entrer en service en 2023 pour une puissance de 83,5 MW. En 2023, selon les prévisions de la CRE, la filière éolienne en mer devrait ainsi pouvoir produire 2,7 TWh contre seulement 0,5 TWh en 2022.

État des lieux et perspectives du solaire photovoltaïque et de l'éolien

Au 31 décembre 2021, la puissance du parc solaire photovoltaïque atteint 13,5 GW. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un objectif de 20,1 GW en 2023 et une fourchette comprise entre 35,1 et 44 GW en 2028.

En 2022, la PPE prévoit l'attribution d'appels d'offres à hauteur de 1 850 MW pour le photovoltaïque au sol, 900 MW pour le photovoltaïque sur bâtiment, 140 MW pour le photovoltaïque innovant et 150 MW pour les installations photovoltaïques en autoconsommation. Un volume de 750 MW par arrêté tarifaire pour les projets photovoltaïques de moins de 500 kW est également attendu.

En ce qui concerne l'éolien terrestre, le parc français atteint une puissance de 18,8 GW au 31 décembre 2021, dont 1 GW raccordé au cours de l'année 2021. La PPE fixe un objectif de 24,1 GW en 2023 et une fourchette de 33,2 à 34,7 GW en 2028. Ces objectifs correspondraient à un parc de 14 200 à 15 500 éoliennes (contre environ 8 000 fin 2018).

En 2022, la PPE prévoit l'ouverture d'appels d'offres à hauteur de 1 850 MW. Un volume additionnel de 800 MW de nouveaux contrats par arrêté tarifaire est également attendu.

La capacité installée de l'éolien terrestre devrait ainsi atteindre 20,6 GW fin 2022 et 23 GW fin 2023.

La PPE fixe un calendrier ambitieux pour le développement des parcs éoliens en mer, avec le lancement de six appels d'offres entre 2019 et 2023 pour une puissance installée de 4,4 GW (éolien flottantet éolien posé) puis l'attribution de 1 GW par an entre 2024 et 2028.

Source : projet annuel de performances pour 2023

Prévu par l'article 225 de la loi de finances initiale pour 2021, un mécanisme devait prévoir de réviser à la baisse les tarifs d'achat de contrats de soutien à la production d'électricité photovoltaïque signés entre 2006 et 2011. Les textes règlementaires attendus (un décret et un arrêté) ont été publiés le 27 octobre 2021 ainsi que, dans la foulée, la délibération de la CRE déterminant les lignes directrices relatives à la procédure de révision destinée à préserver la viabilité économique des producteurs dite « clause de sauvegarde ». Les tarifs révisés ont été notifiés aux installations concernées en fin d'année 2021. Celles-ci pouvaient, dans un délai de trois mois recourir au dispositif d'appel suspensif dit de la « clause de sauvegarde ».

Alors que 359 des 436 installations concernées par des baisses de tarif ont choisi de recourir à la clause de sauvegarde , l'instruction de certains dossiers semble très complexe et il apparaît très peu probable que les gains attendus par l'État du fait de ce dispositif soient atteints . Ce constat va dans le sens des doutes que le rapporteur spécial avait formulé dans son rapport du 29 septembre 2021 intitulé « lumière sur la révision des contrats photovoltaïques » 15 ( * ) .

Par ailleurs, sur ce dossier, le rapporteur spécial a deux inquiétudes . Premièrement, compte-tenu de la complexité des dossiers, il n'apparait à ce jour pas garanti que la CRE puisse respecter le délai d'instruction de 16 mois au terme duquel le nouveau tarif réduit s'appliquerait aux producteurs même si leur situation individuelle n'avait pas encore pu être expertisée. Deuxièmement, elle a noté que la CRE avait adopté en juin dernier, sans réelle concertation cette fois, une nouvelle version des lignes directrices qui fondent le mécanisme de la clause de sauvegarde. Ces nouvelles lignes directrices sont contestées par la filière qui a engagé un contentieux pour les annuler.

2. Les crédits budgétaires dédiés à soutenir l'injection de biométhane diminuent de 95 % en raison de la hausse des prix du gaz

En matière de gaz naturel, le biométhane constitue la principale source d'énergie renouvelable, raison pour laquelle l'État soutient financièrement son injection dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel 16 ( * ) .

Évolution du coût budgétaire des soutiens
à l'injection du biométhane (2018-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les crédits consacrés au soutien public à cette filière avaient considérablement augmenté depuis 2018, faisant craindre un emballement comparable à la situation observée à la fin de la première décennie des années 2000 concernant les contrats d'obligation d'achat d'électricité d'origine photovoltaïque. Dès 2018, la CRE avait alerté l'État sur les niveaux excessifs de rentabilité de la filière mais ce n'est qu'à la fin de l'année 2020 que celui-ci est intervenu. L'arrêté du 23 novembre 2020 a ainsi révisé le dispositif de soutien au biométhane afin de tenir compte de la maturité atteinte par la filière et de l'évolution des coûts de production. Ce décret réduit le tarif d'achat, prévoit sa dégressivité trimestrielle et renforce les conditions d'accès aux contrats. Ces évolutions doivent limiter la rémunération moyenne des capitaux investis à environ 7 %.

Toutefois, pour tenir compte de l'inflation des coûts de construction pour les nouvelles installations, le tarif d'achat de biométhane a été revalorisé par l'arrêté du 20 septembre 2022 . Avec une indexation sur l'inflation observée au moment de la signature du contrat d'achat, cet arrêté doit permettre de préserver l'équilibre économique des nouveaux projets d'installations.

Parallèlement, un dispositif de soutien de type obligation d'achat mais accordé par appel d'offres , destiné à soutenir les projets de toute taille, a été mis en place en 2022 . Le premier appel d'offres a été lancé à la fin du mois d'avril 2022 avec une date limite de remise des offres en décembre 2022 pour la contractualisation d'une capacité de production cumulée de 500 GWh par an. Il sera suivi de deux autres appels d'offres en 2023 portant chacun sur la contractualisation d'une capacité de production cumulée de 550 GWh par an.

En 2023, la hausse des prix du gaz se traduit par une réduction de 95 % des crédits budgétaires affectés au soutien à l'injection de biométhane. 34,4 millions d'euros restent néanmoins inscrits à l'action 10 « Soutien à l'injection de biométhane ».

Dans sa délibération du 3 novembre dernier, la CRE a réévalué le niveau des charges liées au soutien à l'injection de biométhane. Celui-ci s'établit désormais à un niveau négatif de 756,1 millions d'euros .

Aussi, le rapporteur spécial présente-t-il un amendement visant à annuler les 34 millions d'euros de crédits qui ont été inscrits à l'action 10 « Soutien à l'injection de biométhane ».

3. La péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des zones non interconnectées (ZNI) doit progresser de près de 15 %

Les coûts de production d'électricité en Corse ainsi que dans les départements, régions et territoires d'outre-mer sont sensiblement supérieurs à ceux de la métropole continentale. Aussi, au nom de la solidarité nationale, les consommateurs de ces zones non interconnectées (ZNI) bénéficient d'une péréquation tarifaire : les surcoûts des opérateurs historiques des ZNI - EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI), Électricité de Mayotte (EDM) et Eau et Électricité de Wallis-et-Futuna (EEWF) - font l'objet d'une compensation par l'État.

En 2023, cette péréquation tarifaire, retracée par l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain » du programme 345, devrait s'élever à 2 478,1 millions d'euros, en hausse de près de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution du coût budgétaire de la péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des ZNI (2017-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'augmentation des charges prévisionnelles pour 2023 au titre des ZNI s'explique par le développement de nouvelles installations renouvelables sur ces territoires mais également par la hausse des surcoûts de la production réalisée à partir d'énergie fossile en raison de la hausse très sensible des prix des combustibles ainsi que de celui de la tonne de CO 2 . En effet, une part importante de l'électricité produite en ZNI reste dépendante de source d'énergies fossiles.

Sur l'enveloppe de 2 478,1 millions d'euros prévue par l'action 11 « Soutien dans les ZNI », 748,3 millions d'euros sont consacrés au soutien à la transition énergétique dans les ZNI.

Les 1 729,8 millions d'euros restants représentent la part dévolue à la production non renouvelable de la péréquation tarifaire :

- les surcoûts de production d'électricité supportés par l'opérateur historique pour l'électricité produite par les installations qu'il exploite et qui fonctionnent à partir d'énergies fossiles ;

- les surcoûts d'achat d'électricité produite à partir d'énergies fossiles supportés par l'opérateur historique.

4. En phase d'extinction, le soutien à la cogénération baisse de 42 % sous l'effet de la crise des prix de l'énergie

La cogénération correspond à la production combinée de chaleur et d'électricité par des installations fonctionnant au gaz naturel 17 ( * ) . Pour la soutenir, l'État obligeait EDF et les entreprises locales de distribution d'électricité (ELD) à conclure des contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération avec les installations de cogénération à haute performance énergétique de moins de 12 MW. En contrepartie, il compense aux distributeurs d'électricité l'intégralité des surcoûts générés par ces mécanismes de soutien.

Conformément à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le dispositif de soutien à la cogénération a été abrogé à compter du 23 février 2021 en application d'un décret du 21 août 2020. Depuis cette date, les installations de cogénération à partir de gaz naturel ne sont plus éligibles à un soutien et aucune nouvelle demande de contrat ne peut donc être acceptée. Dans la mesure où les producteurs disposent d'un délai de deux ans pour mettre en service leur installation, plus aucune nouvelle centrale ne sera soutenue à compter du début de l'année 2023. L es contrats en cours ne sont pas impactés par cette abrogation.

La capacité installée en cogénération poursuit sa diminution . Elle devrait s'élever à 2,4 GW en 2023 alors qu'elle atteignait 2,7 GW en 2020. Cette année, les prévisions de mises en service ont été revues à la baisse à la suite de l'arrêt de certains projets, notamment en raison de la hausse des prix du gaz. Les installations de cogénération devraient produire 4,7 TWh en 2023 . Cette production est en forte baisse par rapport à celle prévue en 2022 (6,0 TWh) et elle s'inscrit dans une tendance de diminution constante, comme en témoignent les niveaux de production qui avaient été atteints en 2021 (6,4 TWh), en 2020 (7,2 TWh).

La diminution de production attendue explique la baisse significative des crédits prévus en 2023 à l'action 12 « Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques ». 376,7 millions d'euros sont ainsi inscrits à l'action 12 au titre du soutien public à la cogénération, soit une diminution de 42 % (et 269,4 millions d'euros) par rapport au montant prévu en loi de finances initiale pour 2022. En outre, dans sa délibération de réévaluation des CSPE du 3 novembre dernier, la CRE a révisé à la baisse l'évaluation du soutien à la cogénération qui fera l'objet de notifications aux producteurs d'ici la fin de l'année. Elle évalue désormais les dépenses publiques nécessaires en 2023 à 157,5 millions d'euros, soit 219,2 millions d'euros de moins que le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances.

Pour cette raison, le rapporteur spécial présente un amendement pour diminuer les crédits de l'action 12 du programme 345 à hauteur de ce montant.


* 13 Règlement (UE) 2022/1032 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2022 modifiant les règlements (UE) 2017/1938 et (CE) no 715/2009 en ce qui concerne le stockage de gaz.

* 14 Les premières éoliennes ayant été mises en service en juillet 2022.

* 15 Rapport d'information de Mme Christine LAVARDE, fait au nom de la commission des finances

n° 864 (2020-2021) - 29 septembre 2021.

* 16 Dans cette perspective, l'article L. 446-2 du code de l'énergie prévoit que les fournisseurs de gaz naturel sont tenus de conclure des contrats d'achat de biométhane produit par les installations éligibles à l'obligation d'achat. L'application de ces contrats génère un surcoût, qui correspond à la différence entre le prix d'acquisition du biométhane et le prix moyen constaté sur le marché de gros du gaz naturel ainsi qu'aux coûts de gestion du dispositif. C'est ce surcoût, évalué tous les ans par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), que l'État prend à sa charge.

* 17 Ce processus permet d'atteindre des rendements énergétiques globaux supérieurs à ceux obtenus via la production séparée de chaleur (chaudières) et d'électricité (centrales électriques) et de générer ainsi des économies d'énergie primaire. La chaleur produite est généralement utilisée par injection dans un réseau de chaleur ou pour un processus industriel.

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