B. UNE HAUSSE DES CRÉDITS NATIONAUX BIENVENUE MAIS QU'IL CONVIENDRAIT D'AFFECTER PRIORITAIREMENT AU SOUTIEN AUX STRUCTURES

1. Dans la loi de finances rectificative d'août 2022, le soutien aux associations a été renforcé de façon significative à l'initiative du Sénat

Il est à noter que la première loi de finances rectificative pour 2022, sur proposition de la commission des finances du Sénat, a ouvert 40 millions d'euros de crédits supplémentaires sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour compenser les associations des marchés infructueux intervenus et pour les soutenir financièrement face à la hausse des prix. En incluant une enveloppe de 15 millions d'euros dédiée à l'aide alimentaire outre-mer prévue par cette même loi, transférée en gestion sur le programme 304, les moyens de l'aide alimentaire ont été renforcés à hauteur de 55 millions d'euros en 2022.

D'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, l'enveloppe de 40 millions d'euros doit être répartie entre :

- un volet national, avec 28,5 millions d'euros dédiés à la compensation des lots infructueux pour les quatre têtes de réseaux, leur permettant d'acheter directement les produits dont ils ont besoin ;

- un volet local, avec 11,5 millions d'euros gérés par les services déconcentrés pour soutenir localement le tissu associatif (y compris hors tête de réseaux).

2. La hausse des crédits demandés pour 2023 est principalement liée au financement d'un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, dont les modalités de fonctionnement sont inconnues à ce jour

Le PLF 2023 prévoit d'ouvrir 117,2 millions d'euros de crédits sur l'action n° 14 « Aide alimentaire » du programme 304, soit une progression de 60,5 millions d'euros par rapport à la LFI 2022, correspondant essentiellement au financement d'une mesure nouvelle, le fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires (voir infra ) .

Outre le cofinancement des crédits FSE + et les remboursements des dépenses déclarées inéligibles à FranceAgriMer, ces crédits permettent de financer au niveau national le fonctionnement des quatre têtes de réseau associatives ainsi que des projets d'approvisionnement en denrées, et au niveau régional le fonctionnement des associations habilitées localement.

Le reste des crédits est destiné à soutenir les épiceries sociales
- celles-ci n'étant pas éligibles au FSE + 16 ( * ) -, à subventionner les têtes de réseau associatives nationales afin de prendre en charge une partie de leurs coûts de fonctionnement au titre de l'aide alimentaire (logistique, formation des bénévoles, etc .), à financer les services déconcentrés qui mettent en oeuvre la distribution de l'aide alimentaire, ainsi qu'à verser une subvention pour charges de service public à FranceAgriMer en tant qu'organisme intermédiaire de gestion du FSE +.

Outre le financement du nouveau fonds pour les nouvelles solidarités actives, la stabilité des crédits « soclés » peut néanmoins poser question dans le contexte rappelé supra , notamment pour ce qui concerne les épiceries sociales qui ne sont pas concernées par le FSE +, ce qui paraît contradictoire avec l'impulsion donnée par le Gouvernement en faveur de la création de ces structures . D'après les projections de l'Andes, entendue par les rapporteurs spéciaux, le contraste entre la forte hausse prévisionnelle du nombre des structures d'une part et la stabilité de l'enveloppe aboutirait à une diminution de 35 % de la dotation par structure entre 2019 à 2023.

Évolution des crédits nationaux en faveur de l'aide alimentaire
entre la LFI 2022 et le PLF 2023

(en millions d'euros)

LFI 2022

PLF 2022

P.304 - Action 14

56,7

117,2

dont contribution nationale au FSE +

12,3

11,5

Prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents

8,9
(exercices 2019 et 2020)

10,2
(exercices 2020 et 2021)

dont épiceries sociales

9,1

9,1

dont subventions aux têtes de réseau associatives nationales

4,8

4,8

dont aide alimentaire déconcentrée

18,7

18,7

dont subvention pour charge de service public à FranceAgriMer

2,9

2,9

dont Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires

-

60

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le nouveau fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires est doté de 60 millions d'euros , et s'inscrit dans la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi « Egalim » 17 ( * ) , avec les objectifs suivants :

- améliorer la qualité nutritionnelle et gustative de l'approvisionnement en denrées de l'aide alimentaire ;

- réduire l'impact environnemental du système d'aide alimentaire ;

- permettre le renforcement et l'évolution des dispositifs locaux afin de répondre aux objectifs de la lutte contre la précarité alimentaire (ancrage territorial, couverture des zones sous-équipées, approvisionnements durables et de qualité, émancipation et autonomisation des personnes, dignité, insertion sociale) et aux objectifs de la politique de l'alimentation.

La DGCS a indiqué aux rapporteurs spéciaux que les crédits du fonds seront répartis sur appel à projets pour financer des initiatives portées par les associations répondant à ces objectifs.

Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que saluer le renforcement des crédits dédiés à la lutte contre la précarité alimentaire, ce nouveau dispositif interroge à plusieurs égards .

Il convient en effet de rappeler que celui-ci est directement issu du débat qui s'est fait jour, suite à la Convention citoyenne pour le climat, autour de la mise en place d'un chèque alimentaire . Comme le projet de chèque alimentaire, celui-ci poursuit simultanément deux objectifs de politique publique distincts : la lutte contre la précarité alimentaire et le soutien aux filières agricoles durables. Si l'on ne peut que partager l'objectif d'une meilleure qualité des produits distribués aux personnes ayant recours à l'aide alimentaire, il est toutefois à craindre que la logique économique et écologique de soutien à l'agriculture responsable puisse entrer en conflit avec l'efficacité de la logique sociale de soutien aux personnes précaires.

En tout état de cause, ce dispositif reste une situation bien préférable à celle du chèque alimentaire, qui tourne le dos au modèle français d'aide alimentaire ayant pour pilier les associations qui assurent, en parallèle de la distribution de denrées, un accueil et un accompagnement social indispensable .

En termes de méthode, il n'est pas non plus assuré que ce fonds, qui porte en lui une ambition de transformation profonde de l'action des structures d'aide alimentaire, soit adapté à la situation actuelle . Auditionnées par les rapporteurs spéciaux, les associations n'ont à ce jour aucune visibilité sur le fonctionnement de ce fonds et le type de projets précis qu'il pourra financer, ces questions devant être tranchées ultérieurement par le comité de coordination de lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa). La logique d'appel à projets conduira inévitablement à leur ajouter une charge d'ingénierie dans une période où leur activité est déjà sous forte tension.

Les rapporteurs spéciaux considèrent donc que le moment n'est en tout état de cause pas opportun pour engager un tel plan de transformation de cette politique publique. Il serait préférable d'utiliser ces nouveaux moyens de façon pragmatique, sur le modèle de l'enveloppe prévue par la première loi de finances rectificative pour 2022, en constituant une réserve pour compenser, le cas échéant, de nouveaux marchés infructueux ou bien, en l'absence d'évènement de ce type, en soutenant directement le fonctionnement des associations et leurs projets déjà existants.


* 16 La gratuité de la distribution des denrées est imposée par le règlement du FSE +, ce qui exclut les épiceries sociales, qui soutiennent les personnes en difficulté contre une participation financière symbolique.

* 17 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

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