Rapport n° 160 (2022-2023) de M. Laurent SOMON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 30 novembre 2022

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N° 160

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 novembre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l' énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l' énergie ,

Par M. Laurent SOMON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

66 et 161 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Mercredi 30 novembre 2022, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi n° 66 visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie , présentée par le sénateur Fabien Gay et plusieurs de ses collègues.

Constatant la non-conformité de ce texte avec le droit de l'Union européenne, ainsi que son coût pour le groupe EDF et ses effets de bord pour les collectivités territoriales, la commission a été contrainte de le rejeter.

Pour autant, elle continuera d'être très attentive à la régulation des marchés de l'énergie, et à l'évolution des dispositifs de soutien aux collectivités territoriales, dans le cadre de ses travaux budgétaires, qui s'achèvent, et de ceux législatifs, qui s'annoncent, notamment en matière d'électricité nucléaire.

I. UN OBJECTIF LOUABLE

La proposition de loi poursuit l' objectif louable d'une plus grande régulation des marchés de l'électricité et du gaz, en proposant à cette fin deux évolutions.

A. ÉLARGIR LES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE DE L'ÉLECTRICITÉ

L' article 1 er vise à appliquer les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Depuis l'article 64 de la loi « Énergie-Climat » de 2019 1 ( * ) , ces tarifs bénéficient aux collectivités territoriales dont la puissance souscrite est inférieure à 36 kilovoltampères (kVA), le nombre de personnes à 10 équivalents temps plein (ETP) et les recettes annuelles à 2 M€.

Les TRVE couvrent actuellement 22,2 M de sites résidentiels et 1,5 M de sites professionnels, ce qui représente 28 % de la consommation nationale d'électricité, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Parmi leurs bénéficiaires, on dénombre 13 500 communes, soit 106 000 sites et une consommation de 0,6 térawattheure (TWh), pour le groupe EDF.

B. MAINTENIR LES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE DU GAZ

L' article 2 entend maintenir les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVG) notamment pour les collectivités territoriales et leurs groupements.

En effet, l'article 63 de la loi « Énergie-Climat » a supprimé ces tarifs, le 1 er décembre 2020, pour les consommateurs finals non domestiques consommant moins de 30 000 kilowattheures (kWh) par an, et le 1 er juillet 2023, pour les consommateurs finals domestiques ainsi que les propriétaires ou syndicats des copropriétaires d'immeubles d'habilitation dont la consommation est inférieure à ce niveau.

À ce jour, les TRVG englobent 3 M de sites résidentiels, soit 7,5 % de la consommation nationale de gaz, selon la CRE.

Pour autant, plus de 25 000 communes ne sont desservies par aucun réseau de distribution de gaz naturel, selon l'Association française du gaz (AFG).

II. DES PRÉOCCUPATIONS LÉGITIMES

L'impact de la hausse des prix de l'énergie sur les consommateurs d'énergie, et notamment les collectivités territoriales, est un sujet de préoccupation légitime.

A. DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN BUDGÉTAIRES ET FISCAUX IMPORTANTS

Dans le cadre des lois de finances initiales pour 2022 et 2023 et des lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2022, plusieurs dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux ont d'ailleurs été appliqués aux collectivités territoriales notamment :

- un blocage des TRVG , à leur niveau du 31 octobre 2021, majoré de 15 %, du 1 er janvier au 30 juin 2023, une aide pouvant leur succéder ;

- une compensation des TRVE , à leur niveau du 31 décembre 2022, majoré de 15 %, du 1 er février au 31 décembre 2023, une aide étant prévue pour les compléter ;

- un amortisseur électricité pour celles non éligibles aux TRVE , prenant en charge 50 % du coût de l'électricité au-delà de 325 €/mégawattheure (MWh), pour un montant de 3 Md€ ;

- un filet de sécurité pour celles connaissant une baisse de 25 % de leur épargne et une hausse de 60 % de leurs coûts 2 ( * ) , pour un montant de 430 M€ puis 1,5 Md€ ;

- une baisse de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) , au minimum européen de 0,5 €/MWh ;

- le relèvement du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) de 100 à 120 TWh , compensé par une hausse partielle de son prix de 42 à 46,2 €/MWh.

Par la même occasion, un prix du gaz de référence , pour lequel la CRE doit remettre une proposition avant le 31 janvier 2023, a aussi été introduit .

Le coût de ces dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux s'élève à 45 Md€ au total et 20 Md€ nets. S'agissant de l'Arenh, il induit une perte de 10 Md€ pour le groupe EDF.

B. UN SUIVI ATTENTIF DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

La commission a joué tout son rôle pour protéger les consommateurs d'énergie , et notamment les collectivités territoriales, dans le cadre de ses attributions législatives.

Lors de l'examen de la loi « Pouvoir d'achat », d'août dernier 3 ( * ) , elle a fait adopter l' article 43 prévoyant un rapport d'évaluation sur le niveau d'exposition des collectivités territoriales aux hausses des prix et l'opportunité de renforcer les mesures fiscales, budgétaires ou tarifaires prises pour les accompagner.

Dans la loi de finances initiale pour 2023, elle a présenté en particulier :

- un amendement visant à garantir l'éligibilité des collectivités territoriales à l'amortisseur électricité ;

- un amendement tendant à consolider la protection des consommateurs de gaz par le chèque énergie.

III. DES DISPOSITIONS INAPPLICABLES

La proposition de loi présente, quant à elle, de lourdes difficultés , à commencer par sa contrariété avec le droit de l'Union européenne, qui rendent ses dispositions en définitive inapplicables.

A. UNE ÉVOLUTION COÛTEUSE POUR LES TRVE

S'agissant de l'article 1 er , sur l'extension des TRVE, il est contraire au cadre européen . La directive du 5 juillet 2019 4 ( * ) réserve en effet l'application des tarifs réglementés aux clients résidentiels et aux microentreprises, qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total de bilan n'excède pas 2 M€, auxquelles sont assimilées les collectivités territoriales. Elle prévoit aussi une méthode non discriminatoire et une notification dans un délai d'un mois. Ce cadre a été assoupli, sans tout autoriser, par le règlement du 6 octobre 2022 5 ( * ) , qui permet d'appliquer ces tarifs réglementés aux PME, qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total de bilan n'excède pas 50 et 43 M€. Il prévoit cependant une indemnisation des fournisseurs et un réexamen des mesures. Si le Conseil d'État a admis l'existence des TRVE, car ils poursuivent un objectif économique général de stabilité des prix, dans un arrêt du 18 mai 2018 6 ( * ) , il a rappelé la nécessité de les restreindre aux consommateurs domestiques et petits professionnels, ainsi que de respecter une méthode de construction idoine, dans un arrêt du 6 novembre 2019 7 ( * ) . Or, l'article ne respecte aucune de ces conditions puisqu'il appliquerait les TRVE à l'ensemble des collectivités, sans indemnisation ni notification. Pire, il supprimerait la référence au dispositif de l'Arenh qui, s'il doit à terme être réformé, garantit actuellement la conformité du marché national de l'électricité avec le cadre juridique européen.

De plus, l'article ne répond pas aux besoins des collectivités territoriales . Tout d'abord, les TRVE ne sont pas protecteurs des hausses de prix, en eux-mêmes, dans la mesure où leur niveau doit couvrir l'ensemble des coûts des fournisseurs. La méthode d'empilement des coûts, c'est-à-dire la prise en compte pour la construction des TRVE de tous les coûts d'un fournisseur efficace comparable au groupe EDF, garantit leur contestabilité, soit la faculté pour un fournisseur alternatif de proposer des tarifs de marché égaux ou inférieurs aux TRVE. Ce sont donc plutôt les dispositifs tarifaires, budgétaires et fiscaux liés à ces tarifs réglementés qui assurent aujourd'hui cette fonction protectrice. En outre, la moitié des collectivités territoriales ont souscrit des offres de marché, souvent via des groupements d'achat proposés par leurs syndicats intercommunaux ou départementaux d'énergie. Une résiliation anticipée de ces offres les obligerait à indemniser leurs fournisseurs d'électricité, ce qui les fragiliserait contractuellement et les pénaliserait financièrement. Plus largement, appliquer aux collectivités territoriales des TRVE contraires au droit européen les exposerait à un risque de contentieux et de remboursement. Enfin, il n'est pas précisé si une telle application concernerait les services en délégation, comme ceux en régie, ou les zones non interconnectées, comme la France hexagonale, laissant ainsi augurer des différences de traitement peu opérationnelles et peu justifiables.

Outre les collectivités territoriales, l'article pénalise aussi les fournisseurs d'électricité . Le groupe EDF serait ainsi contraint d'acquérir des volumes non anticipés, dans des proportions importantes et des délais serrés, sur les marchés de l'électricité ou auprès d'autres fournisseurs. En l'absence de réservation préalable, cela l'exposerait à un risque financier très élevé. C'est la raison pour laquelle la dernière révision d'ampleur des TRVE, sur les tarifs « Jaunes » et les tarifs « Verts », avait été précédée d'un délai de 5 ans. Quant aux fournisseurs alternatifs, ils seraient évincés au profit du groupe EDF 8 ( * ) , qui seul peut commercialiser les TRVE, ce qui éroderait leurs clients et leurs recettes et les obligeraient à redimensionner leurs offres et leurs personnels. Le principe constitutionnel de libre concurrence s'en trouverait affaibli.

B. UNE ÉVOLUTION TARDIVE POUR LES TRVG

Concernant l'article 2 sur le maintien des TRVG, il est lui aussi contraire au droit européen . Dans son arrêt du 19 juillet 2017 9 ( * ) , le Conseil d'État a ainsi estimé que les TRVG ne respectent pas la directrice du 13 juillet 2009 10 ( * ) , telle qu'interprétée par l'arrêt du 7 septembre 2016 11 ( * ) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Le droit européen requiert en effet la poursuite d'un intérêt économique général (maintien de prix raisonnables, cohésion territoriale, sécurité d'approvisionnement) ainsi que le respect de critères de proportionnalité, de temporalité, de clarté, de transparence, de non-discrimination et de contrôle. Or, pour le Conseil d'État, les TRVG ne poursuivent pas d'intérêt économique général : ni la garantie des prix car ils doivent couvrir les coûts des fournisseurs ; ni la cohérence territoriale car le gaz est substituable, son prix étant peu harmonisé et sa desserte peu étendue ; ni enfin la sécurité d'approvisionnement, qui n'entre pas dans les missions des fournisseurs de gaz. Le règlement du 6 octobre 2022 n'a rien changé à cet état du droit car il n'autorise, pour le gaz, que la possibilité d'instituer une contribution de solidarité temporaire, et non des tarifs réglementés. En rétablissant les TRVG, l'article serait donc frontalement contraire à la jurisprudence du Conseil d'État et de la CJUE. C'est d'autant plus vrai qu'il ne viserait pas seulement à prolonger les actuels consommateurs éligibles à ces tarifs, mais bien plutôt à faire bénéficier tous les consommateurs de ces tarifs.

En outre, l'article ne répond pas non plus aux besoins des collectivités territoriales . Tout comme les TRVE, les TRVG ne protègent pas, en tant que tels, des hausses des prix, car leur niveau doit couvrir l'ensemble des coûts des fournisseurs. Et la généralisation des TRVG serait déstabilisatrice pour les offres de marché souscrites par les collectivités territoriales, avec un risque de pénalités, liées aux sorties anticipées de ces offres, mais aussi de contentieux et de remboursement.

Enfin, l'article déstabilise les fournisseurs de gaz, en plus des collectivités territoriales . Tout d'abord, il remettrait en cause l'extinction des TRVG. Or, aucune nouvelle souscription n'est possible depuis 2019, la sortie des consommateurs non domestiques est réalisée depuis 2020 et celle des consommateurs domestiques doit l'être dans six mois. Au reste, le groupe Engie 12 ( * ) s'est déjà organisé en conséquence. Plus encore, le maintien des TRVG éroderait le signal-prix du gaz, qui reste une énergie fossile, dont la consommation doit être modérée et verdie. Enfin, ces tarifs réglementés ne sont plus nécessaires à l'application des dispositifs de soutien tarifaires, budgétaires ou fiscaux, qui reposeront désormais sur un prix de référence du gaz, fixé par la CRE, comme prévu par la loi de finances initiale pour 2023.

Au total, si la commission n'est pas hostile à une évolution des TRVE et des TRVG, elle estime qu'elle ne peut être réalisée que dans le strict respect du cadre constitutionnel et du droit européen, faute de quoi les consommateurs d'énergie, dont les collectivités territoriales, seraient exposés à un grave risque juridique et financier . Si une évolution doit être recherchée, c'est à l'échelle européenne, plutôt que nationale, et sur le marché de gros, plutôt que celui de détail ; rappelons que la France n'a toujours pas obtenu un découplage du prix de l'électricité de celui du gaz, contrairement au Portugal ou à l'Espagne...

C'est pourquoi le rapporteur a accueilli avec intérêt la position exprimée dans ses travaux préalables par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) , qui réunit les collectivités territoriales en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie : « La FNCCR est pleinement consciente que ces propositions se heurtent à un problème de conformité aux directives de l'Union européenne relatives à l'organisation des marchés intérieurs de l'électricité et du gaz, outre le fait qu'elles ne sont pas suffisantes pour garantir aux consommateurs finals un niveau de protection adéquat, ce qui plaide par conséquent en faveur d'une réforme structurelle de ces marchés ».

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Application des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE)
à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements

Cet article vise à appliquer les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Constatant la non-conformité de la disposition avec le droit de l'Union européenne, et ses nombreux effets de bord pour le groupe EDF, ses concurrents ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements eux-mêmes, la commission n'a pas adopté l'article.

I. La situation actuelle - Des tarifs règlementés de vente d'électricité (TRVE) bien établis, dont les conditions d'éligibilité ont été modifiées par la loi « Énergie-Climat » de 2019

A. Les TRVE sont un mode de tarification bien établi des offres de fourniture d'électricité

Institués par l'article 4 de la loi « Service public de l'électricité », du 10 février 2000 13 ( * ) , les TRVE consistent en une tarification à prix régulé des offres de fourniture d'électricité.

Ces tarifs ne sont commercialisés que par le groupe EDF et les entreprises locales de distribution (ELD).

Ils sont établis sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), en l'absence d'opposition des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, à l'issue d'un délai de 3 mois (article L. 337-3 du code de l'énergie).

Ces mêmes ministres doivent évaluer ces tarifs avant le 1 er janvier 2022 et le 1 er janvier 2025, puis tous les 5 ans, en fonction de leur contribution aux objectifs d'intérêt économique général, de leur impact sur les marchés de détail et des catégories de consommateurs pour lesquels une règlementation des prix est nécessaire (article L. 337-9 du même code).

Ces tarifs sont :

- d'une part, définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures (article L. 337-5 du même code) ;

- d'autre part, établis par addition du prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture tenant compte, le cas échéant, de l'atteinte du plafond de l'Arenh (article L. 337-6 du même code) ;

- enfin, de façon à inciter les consommateurs à réduire leur consommation pendant les périodes où celle d'ensemble est la plus élevée, sous réserve que leur produit total couvre l'ensemble des coûts précités (même article).

Ces tarifs bénéficient à leur demande :

- pour les sites inférieurs à 36 kilovoltampères (kVA) aux consommateurs finals domestiques, y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d'un immeuble unique à usage d'habitation et aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total du bilan annuels n'excèdent pas 2 M€ (article L. 337-7 du même code) ;

- aux consommateurs finals domestiques et non domestiques situés dans les zones non interconnectées (ZNI) au territoire dit métropolitain continental (article L. 337-8 du même code).

B. La loi « Énergie-Climat » de 2019 a modifié les conditions d'éligibilité aux TRVE

L'article 64 de la loi « Énergie-Climat », du 8 novembre 2019 14 ( * ) , a prévu la suppression de certains TRVE ainsi que l'identification et l'information des clients n'étant plus éligibles.

Cette suppression est intervenue le 1 er janvier 2021 pour les consommateurs finals non domestiques dont la puissance est inférieure ou égale à 36 kVA et qui emploient plus de 10 personnes ou dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels excède 2 M€.

Dans cette perspective, il a été prévu :

- la désignation d'un fournisseur de secours d'électricité, par le ministre chargé de l'énergie après un appel d'offres organisé avec l'appui de la CRE, lorsqu'un fournisseur détaillant se voit retirer ou suspendre son autorisation ;

- une communication auprès des clients bénéficiant des TRVE de la disponibilité des offres de marché et du comparateur d'offres ;

- l'accès aux données de contact et de consommation des clients bénéficiant des TRVE à toute entreprise de fourniture d'électricité ;

- le maintien chez leur fournisseur historique en offre de marché des clients perdant leur éligibilité aux TRVE n'ayant pas souscrit à une offre de marché au 31 décembre 2020 ;

- une communication auprès du grand public du Médiateur national de l'énergie (MNE) et de la CRE au sujet de la disparition progressive des TRVE.

Les modalités d'application règlementaires de ces évolutions ont été précisées par un décret n° 2021-273 du 11 mars 2021, un arrêté du 12 décembre 2019 et un arrêté du 8 juillet 2020.

C. En dépit de ces évolutions, les TRVE demeurent très usités par les consommateurs finals

En application de cet article 64 de la loi « Énergie-Climat », le nombre de clients professionnels est ainsi passé de 3 à 1,3 M de 2019 à 2021 : 700 000 clients ont quitté les TRVE pour une offre de marché et 510 000 ont été transférés automatiquement vers une « offre de bascule » 15 ( * ) .

Pour autant, les TRVE représentent toujours 22,2 M de sites résidentiels et 1,5 M de sites professionnels, soit 28 % de la consommation nationale d'électricité 16 ( * ) .

Selon le groupe EDF, seules 13 500 communes, soit 106 000 sites, avec une consommation de 0,6 térawattheure (TWh) par an, disposent d'une offre aux TRVE. Les autres ont contracté une offre de marché avec le groupe ou ses concurrents ; pour ces offres de marché, certaines sont engagées dans un groupement d'achats, via leur syndicat intercommunal ou départemental d'énergie ou l'Union des groupements d'achats publics (UGAP).

II. Le dispositif envisagé - L'application des TRVE à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements

L'article 1 er modifie les TRVE sur deux points.

D'une part, il fait évoluer la construction de ces tarifs, mentionnée à l'article L. 337-6 du code de l'énergie, pour prévoir qu'ils sont définis « en fonction du mix de production français et des coûts liés à ces productions, des importations et des exportations, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de la fourniture ».

Ce faisant, il supprime la référence à l'Arenh, puisque l'actuel article L. 336-7 du code de l'énergie dispose que ces tarifs sont définis « par addition du prix [de l'Arenh], du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture tenant compte, le cas échéant, de l'atteinte du plafond [de l'Arenh] ».

D'autre part, il modifie les conditions d'éligibilité à ces tarifs, mentionnées à l'article L. 337-7 du code de l'énergie, pour préciser qu'ils bénéficient « aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics ».

III. La position de la commission - Une modification contraire au droit européen, faisant abstraction des dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux existants et générant d'importants effets de bord pour le groupe EDF, ses concurrents et les collectivités territoriales elles-mêmes

A. La commission observe que la modification proposée n'est pas conforme au droit de l'Union européenne

La directive du 5 juin 2019 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité 17 ( * ) a fixé des conditions strictes à l'intervention publique dans la fixation des prix.

Son article 5 dispose que les États membres peuvent mettre en oeuvre des interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité :

- pour les clients résidentiels vulnérables ou en situation de précarité énergétique, sous réserve de plusieurs conditions 18 ( * ) ;

- pour les clients résidentiels ne bénéficiant pas d'interventions publiques et les microentreprises, « dans le but d'assurer une période transitoire permettant d'établir une concurrence effective entre les fournisseurs pour les contrats de fourniture d'électricité et de parvenir à une fixation pleinement effective des prix de détail de l'électricité fondée sur le marché », sous réserve de plusieurs conditions également 19 ( * ) .

Parmi les conditions ainsi prévues par la directive pour les TRVE, trois sont particulièrement notables :

- s'agissant de leur méthode, ces tarifs doivent être fixés « à l'aide d'une méthode garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs [et à] un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective » ;

- concernant leur champ, les microentreprises, à laquelle sont assimilées les collectivités territoriales, doivent être définies comme « les entreprises qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total de bilan annuels n'excède pas 2 M d'euros » ;

- pour ce qui est enfin de leur application, elle est conditionnée à leur notification « un mois après leur adoption ».

Si le Conseil d'État a admis l'existence des TRVE dans un arrêt du 18 mai 2018 20 ( * ) , car ils poursuivent un objectif d'intérêt économique général de stabilité des prix, il a rappelé la nécessité de restreindre les TRVE aux consommateurs domestiques et petits professionnels, ainsi que de respecter une méthode de construction idoine, dans un arrêt du 6 novembre 2019 21 ( * ) .

Or, l'article 1 er de la proposition de loi ne respecte ni le principe de l'empilement des coûts , qui garantit la contestabilité du marché, ni les critères de 10 personnes et 2 M€ de recettes , qui s'appliquent aux collectivités territoriales assimilées aux microentreprises, ni enfin l'exigence de notification , qui doit intervenir dans le délai d'un mois.

La proposition de loi ne respecte pas non plus les nouveaux critères autorisés par le règlement du 6 octobre 2022 22 ( * ) .

Son article 1 er autorise en effet « une intervention d'urgence destinée à atténuer les effets des prix élevés de l'énergie au moyen de mesures exceptionnelles, ciblées et limitées dans le temps », en permettant aux États membres « d'appliquer des mesures d'intervention publique dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux clients résidentiels et aux PME ».

Ses articles 12 et 13 permettent aux États membres d'intervenir, à titre temporaire et sous réserve de plusieurs conditions, dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité :

- d'une part, en les étendant aux PME 23 ( * ) ;

- d'autre part, en fixant un prix inférieur aux coûts 24 ( * ) .

Parmi les conditions ainsi prévues par le règlement figurent :

- s'agissant de leur méthode, ces tarifs doivent être fixés en fonction « de la consommation annuelle du bénéficiaire ces cinq dernières années [en maintenant] une incitation à la réduction de la demande » et prévoir, en cas de prix inférieurs aux coûts, « qu'il n'y a pas de discrimination entre fournisseurs [que] les fournisseurs sont indemnisés [et que] tous les fournisseurs peuvent sur la même base proposer pour la fourniture d'électricité des offres » ;

- concernant leur champ, les PME doivent être définies comme « des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros » ;

- pour ce qui est enfin de leur application, la Commission européenne doit procéder « au plus tard le 30 avril 2023 [à] un réexamen [des dispositions] au regard de la situation générale de la fourniture d'électricité et des prix de l'électricité dans l'Union et [présenter] au Conseil un rapport sur les principales conclusions de ce réexamen ».

Or, l'article 1 er de la proposition de loi ne respecte ni le principe d'indemnisation des fournisseurs, en cas de prix inférieur aux coûts, ni les critères de 250 personnes et 43 M€ de bilan ou 50 M€ de chiffre d'affaires, qui s'appliqueraient à des collectivités territoriales si elles étaient assimilées à des PME, ni enfin le caractère transitoire des dispositions, avec un réexamen d'ici avril 2023.

Au total, le Gouvernement et les fournisseurs interrogés 25 ( * ) ont rappelé l'incompatibilité de l'extension des TRVE avec le droit de l'Union européenne.

De son côté, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui réunit les collectivités territoriales en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), a elle souligné cette incompatibilité ainsi : « La FNCCR est toutefois pleinement consciente que ces propositions se heurtent à un problème de conformité aux directives de l'Union européenne relatives à l'organisation des marchés intérieurs de l'électricité et du gaz, outre le fait qu'elle ne sont pas en elles-mêmes suffisantes pour garantir aux consommateurs finals un niveau de protection adéquat, ce qui plaide par conséquent en faveur d'une réforme structurelle de ces marchés ».

B. La commission observe que la modification proposée fait abstraction de dispositifs de soutien, budgétaires et fiscaux, existants à destination des collectivités territoriales

Depuis les lois de finances initiales pour 2022 et 2023 et les lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2022 notamment, sont appliqués aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'électricité :

- une compensation des TRVE , à leur niveau du 31 décembre 2022, majoré de 15 %, du 1 er février au 31 décembre 2023, pour ceux éligibles à ces tarifs 26 ( * ) , une aide étant instituée pour les autres ;

- un amortisseur électricité pour ceux non éligibles à ces tarifs , prenant en charge 50 % du coût de l'électricité au-delà de 325 €/mégawattheure (MWh), pour un montant de 3 Md€ ;

- un filet de sécurité pour ceux connaissant une baisse de 25 % de leur épargne et une hausse de 60 % de leurs coûts 27 ( * ) , dont la dotation s'élève à 430 M€ puis 1,5 Md€, afin de compenser certaines hausses d'énergie ;

- une baisse de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) au minimum européen de 0,5 €/MWh , l'assiette communale de cette taxe ayant été intégrée ;

- le relèvement du plafond de l'Arenh de 100 à 120 TWh , compensé par une hausse partielle de son prix de 42 à 46,2 €/MWh.

Au total, le coût des dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux s'élève à 45 Mds€ au total et à 20 Mds€ en net, dans le cadre du PLF pour 2023. Pour les consolider, le rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », Daniel Gremillet, a présenté un amendement à ce projet de loi de finances initiale visant à garantir l'éligibilité des collectivités territoriales et de leurs groupements à l'amortisseur électricité. Quant au relèvement du plafond de l'Arenh, il représente 10 Md€ de pertes pour le groupe EDF.

C. La commission observe que la modification proposée ne serait pas optimale pour les collectivités territoriales elles-mêmes

Tout d'abord, l'extension des TRVE, en tant que telle, n'est pas protectrice des hausses de prix , dans la mesure où ces tarifs doivent couvrir les coûts des fournisseurs. La méthode d'empilement des coûts, c'est-à-dire la prise en compte pour la construction des TRVE de tous les coûts d'un fournisseur efficace, comparable au groupe EDF, garantit la contestabilité, soit la faculté pour un fournisseur alternatif de proposer des tarifs de marché égaux ou inférieurs aux TRVE. Ce sont bien plutôt le blocage ou la compensation des TRVE, via des dispositifs budgétaires et fiscaux, qui ont actuellement un impact baissier sur le prix de l'électricité. C'est pourquoi la FNCCR a indiqué que « le retour aux TRV d'électricité ou de gaz ne permet donc pas de garantir à lui seul des niveaux de prix économiquement raisonnables - et socialement acceptables - pour les consommateurs ».

De plus, l'extension des TRVE ne répond pas aux besoins des collectivités territoriales, car elle ne précise pas si les services délégués sont soumis aux mêmes tarifs que ceux en régie directe. Or, ces services délégués (énergie, eau, déchets) peuvent être coûteux. Pour Intercommunalités de France (IDF), si « ces mesures sont bienvenues », l'association « souhaite disposer d'un chiffrage plus précis concernant leur impact budgétaire pour les intercommunalités », précisant que « les services publics tels que la distribution d'eau potable et l'assainissement, qui sont fortement consommateurs d'énergie, peuvent être gérés dans le cadre de délégations de services publics [et] ne seraient donc pas concernés par les mesures. »

Pire, cette extension serait déstabilisatrice pour les contrats en cours des collectivités territoriales . La moitié des collectivités territoriales éligibles aux TRVE ont souscrit des offres de marché, dans le cadre de marchés publics ; souvent, elles ont intégré des groupements d'achats, via leur syndicat intercommunal ou départemental d'énergie ou l'Ugap. Or, ces marchés publics ne prévoient généralement pas de résiliation à l'initiative de la collectivité territoriale sans indemnisation du fournisseur d'électricité. Aussi le groupe EDF indique-t-il qu' « en conséquence, une collectivité qui souhaiterait résilier un tel contrat de fourniture de façon anticipée pour souscrire à une offre au TRVE serait confrontée à des impacts financiers pouvant être significatifs ».

Enfin, cette extension desservirait l'intérêt des collectivités territoriales elles-mêmes . En effet, si des conditions contraires au droit de l'Union européenne étaient appliquées aux TRVE, alors ces tarifs réglementés pourraient donner lieu à des contentieux. Les collectivités territoriales seraient exposées à un risque d'annulation de leur contrat de fourniture et de rétrocessions de trop-perçus. C'est pourquoi l'Union nationale des entreprises locales d'électricité et de gaz (Uneleg) a indiqué que « le risque sous-jacent à une absence de conformité de ces évolutions avec le cadre juridique existant - qui sert notamment un objectif de développement de la concurrence sur les marchés de détail de l'énergie - est la contestation des contrats de fourniture signés aux TRVE par les collectivités ; ce qui desservirait l'intention de cette proposition de loi. »

D. La commission relève que la modification proposée aurait des conséquences négatives pour les fournisseurs d'électricité

Tout d'abord, l'extension des TRVE aurait un impact financier important pour le groupe EDF . Actuellement, les TRVE font l'objet d'une réservation préalable par ce groupe, qui s'approvisionne en amont auprès des marchés de l'électricité ou d'autres fournisseurs, ce qui permet d'asseoir ces tarifs règlementés sur des volumes prévisibles et des prix lissés. Or, la modification proposée, d'application immédiate, obligerait le groupe à s'approvisionner, dans des délais serrés et à des prix élevés, pour des volumes par ailleurs conséquents. C'est la raison pour laquelle le groupe EDF a indiqué que « si de nombreuses collectivités souscrivaient de façon synchronisée une offre de fourniture au TRV auprès d'EDF, sans qu'il ait été possible d'anticiper leur souscription, alors l'énergie correspondant à leurs futures consommations n'aurait pas fait l'objet d'une ”réservation préalable” de la part d'EDF sur les marchés ou auprès d'autres producteurs. Pour disposer de cette énergie, EDF serait dès lors contraint de s'approvisionner sur les marchés de façon très soudaine, sans possibilité d'étaler dans le temps les achats correspondants, ce qui l'exposerait à un risque financier très important, surtout au vu du niveau actuel des prix de marché et de leur forte instabilité ». Si aucun chiffrage global n'a pu être obtenu, ni du Gouvernement ni des acteurs interrogés, et si les hypothèses de chiffrage sont très incertaines, compte tenu de la crise énergétique pendante, pour la commission, le coût lié à l'application des TRVE aux communes actuellement non éligibles pourrait être a minima de 2,14 Md€ dès 2023.

De plus, l'extension des TRVE induirait des difficultés pratiques pour le groupe EDF . Elle obligerait le groupe à réactiver d'anciens TRVE, ce qui le contraindrait à développer son offre de fourniture et son système d'information. Aussi a-t-il précisé qu' « à l'exception de quelques cas très spécifiques et non représentatifs des collectivités, les grilles des tarifs ”jaunes” et ”verts” applicables aux sites de puissance supérieure à 36 kVA ont disparu depuis 2016, après un délai de 5 ans ayant permis aux pouvoirs publics et à EDF de l'anticiper au mieux. La réactivation de tels tarifs nécessiterait des évolutions significatives des systèmes d'information d'EDF et une coordination avec les gestionnaires de réseaux, qui semblent totalement incompatibles avec une mise en oeuvre immédiate telle qu'envisagée dans la proposition de loi. Un délai de plusieurs années serait indispensable pour que la mise oeuvre se fasse sans heurts pour les consommateurs concernés ».

Hormis le groupe EDF, l'extension des TRVE aurait aussi un impact sur les fournisseurs alternatifs. Dans la mesure où seuls le groupe EDF et les ELD peuvent fournir des offres aux TRVE, la modification évincerait les fournisseurs alternatifs au profit de ceux historiques, ce qui heurtement le principe de concurrence. Les fournisseurs alternatifs en seraient pénalisés du point de vue de leurs offres et de leurs recettes. C'est pourquoi le groupe Engie a indiqué qu' « un grand nombre de collectivités ont signé un marché de fourniture en offre de marché auprès de fournisseurs alternatifs. Les résiliations effectuées en cours de marché par des collectivités éligibles au TRVE portent atteinte aux engagements contractuels souscrits et peuvent occasionner des pertes très importantes pour les fournisseurs qui doivent acheter, dès la souscription des contrats, des volumes d'énergie pour ces clients au prix de marché. En cas d'élargissement des TRVE à toutes les collectivités, ces phénomènes viendraient se généraliser et générer des pertes liées à la revente des volumes couverts par les fournisseurs. Il en va de même des pertes financières pouvant être générées par la revente des CEE, des garanties de capacité ou encore des garanties d'origine. Les fournisseurs ayant également commandé des volumes Arenh pour ces clients s'exposeraient aux pénalités CP1/CP2 du dispositif ».

Enfin, l'extension des TRVE générerait des difficultés pratiques pour les fournisseurs alternatifs. En les excluant d'une partie de leurs clients, elle les obligerait à réviser leur offre de fourniture et leur stratégie de développement. Aussi le groupe Engie a-t-il précisé « en outre, permettre aux collectivités territoriales de bénéficier du TRVE, quelle que soit la puissance souscrite, aura un impact non négligeable sur la concurrence, privant tous les fournisseurs alternatifs de ce portefeuille de clients au bénéfice d'EDF. Or, un fournisseur comme Engie s'est organisé et structuré pour répondre aux appels d'offres des collectivités et gérer les marchés publics et est fortement impliqué sur ce segment de clients (emplois, développement informatique...). Un retour au TRVE aurait donc des conséquences sociales et financières (amortissement des investissements) non négligeables ».

E. Enfin, la commission observe que la modification proposée présente d'évidents effets de bord

En effet, elle conduirait :

- à introduire des références à l'évolution du mix de production ainsi qu'aux coûts des productions, des importations, des exportations , dont les fondements juridiques ne sont pas prévus par le droit européen et les effets financiers, difficiles appréhendés, n'ont fait l'objet d'aucun chiffrage ;

- à supprimer des références à l'Arenh , pour l'heure nécessaire afin d'assurer la compatibilité du marché national avec le droit européen, et au mécanisme de capacités , utile pour garantir la sécurité d'approvisionnement en électricité cet hiver et les prochains ;

- à induire une différence de traitement sur le territoire national, le sort des ZNI n'étant pas précisé ;

- à générer des difficultés de mise en oeuvre, en l'absence de référence à un délai d'application et à une notification européenne.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission n'a pas adopté l'article.

Article 2

Maintien des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG)
notamment pour les collectivités territoriales et leurs groupements

Cet article vise à maintenir les tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG) notamment pour les collectivités territoriales et leurs groupements.

Relevant ici aussi la non-conformité de la disposition avec le droit de l'Union européenne et ses nombreux effets de bord pour le groupe Engie, ses concurrents et les collectivités territoriales et leurs établissements eux-mêmes, la commission n'a pas adopté l'article.

I. La situation actuelle - Des tarifs règlementés de vente de gaz (TRVG) en extinction, dont les conditions d'éligibilité ont été abrogées par la loi « Énergie-Climat » de 2019

A. Les TRVG sont un mode de tarification en extinction des offres de fourniture de gaz

Les TRVG ont été institués par l'article 7 de la loi « Marchés du gaz et de l'électricité », du 3 janvier 2003 28 ( * ) .

L'article 445-3 du code de l'énergie disposait ainsi : « Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l'article L. 441-1. Ils sont harmonisés dans les zones de desserte respectives des différents gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l'article L. 111-53. Les différences de tarifs n'excèdent pas les différences relatives aux coûts de raccordement des distributions au réseau de transport de gaz naturel à haute pression. »

De plus, l'article L. 445-4 du même code disposait qu' « un consommateur final de gaz naturel consommant moins de 30 000 kilowattheures par an peut bénéficier, sur tout site de consommation, des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article L. 445-3 » , de même que « le propriétaire unique d'un immeuble à usage principal d'habitation consommant moins de 150 000 kilowattheures par an ou le syndicat des copropriétaires d'un tel immeuble » ou « les entreprises locales de distribution faisant encore l'objet de tarifs réglementés et dont la consommation est inférieure à 100 000 mégawattheures par an ».

Enfin, l'article L. 441-5 du même code prévoyait la possibilité pour les personnes publiques de conclure des « contrats de gaz [à] prix fermes » et l'article L. 443-6 l'obligation pour les fournisseurs de respecter des conditions « pour les clients qui bénéficient des tarifs réglementés de vente ».

B. La loi « Énergie-Climat » de 2019 a prévu l'abrogation des TRVG

L'article 63 de la loi « Énergie-Climat », du 8 novembre 2019 29 ( * ) , a prévu la suppression des tarifs TRVG, organisant notamment l'identification et l'information par les fournisseurs des clients n'étant plus éligibles.

Cette suppression doit intervenir :

- pour les consommateurs finals non domestiques consommant moins de 30 000 kWh par an, le premier jour du treizième mois suivant la publication de la loi « Énergie-Climat » (soit le 1 er décembre 2020) ;

- pour les consommateurs finals domestiques consommant moins de 30 000 kWh par an ainsi que pour les propriétaires uniques d'un immeuble à usage principal d'habitation consommant moins de 150 000 kWh par an et les syndicats des copropriétaires d'un tel immeuble, le 1 er juillet 2023.

Dans cette perspective, il est prévu :

- la désignation d'un fournisseur de dernier recours de gaz naturel, par le ministre chargé de l'énergie après un appel d'offres organisé avec l'appui de la CRE, pour les clients finals domestiques raccordés au réseau public de distribution de gaz naturel et ne trouvant pas de fournisseur ;

- la désignation d'un fournisseur de secours de gaz naturel, par le ministre chargé de l'énergie après un appel d'offres organisé avec l'appui de la CRE, lorsqu'un fournisseur détaillant se voit retirer ou suspendre son autorisation ;

- une communication auprès des clients bénéficiant des TRVG de la disponibilité des offres de marché et du comparateur d'offres ;

- l'accès aux données de contact et de consommation des clients bénéficiant des TRVG à toute entreprise de fourniture de gaz ;

- une communication auprès du grand public du MNE et de la CRE au sujet de la disparition progressive des TRVG ;

- la publication mensuelle par la CRE du prix moyen de fourniture de gaz naturel et son évolution pour les consommateurs finals domestiques ainsi que la marge moyenne réalisée par les fournisseurs de gaz naturel.

Les modalités d'application règlementaires de ces évolutions ont été précisées par un décret n° 2021-273 du 11 mars 2021, un arrêté du 12 décembre 2019 et un arrêté du 8 juillet 2020.

C. En dépit de ces évolutions, les TRVG demeurent encore usités par les consommateurs finals

En application de la loi « Énergie-Climat », 36 000 sites professionnels, sur un total de 650 000 aux TRVG, ont basculé vers des offres de marché de leur fournisseur historique, au 1 er décembre 2020 30 ( * ) .

Pour autant, les TRVG représentent 3 millions de sites résidentiels, soit 7,5 % de la consommation nationale de gaz 31 ( * ) .

Selon l'Association française du gaz (AFG), 25 000 communes ne sont pas desservies par le réseau de gaz naturel.

II. Le dispositif envisagé - Un rétablissement des TRVG notamment pour les collectivités territoriales ou leurs groupements

L'article 2 modifie les TRVG sur trois points.

Tout d'abord, il leur applique les dispositions selon lesquelles, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situation de monopole, soit de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou règlementaires, un décret en Conseil d'État peut règlementer les prix, après consultation de l'Autorité de la concurrence.

De plus, il prévoit que les décisions afférentes à ces tarifs sont prises conjointement par les ministres de l'énergie et de l'économie, après avis de la CRE, cette dernière pouvant émettre des propositions et des avis.

Enfin, il précise que la construction de ces tarifs couvre l'ensemble des coûts, dont ceux liés aux fournitures et aux raccordements, à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients et après harmonisation dans les zones de desserte.

III. La position de la commission - Une modification contraire au droit européen, faisant abstraction des dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux existants et générant d'importants effets de bord pour le groupe Engie, ses concurrents et les collectivités territoriales elles-mêmes

A. La commission observe que la modification proposée n'est pas conforme au droit de l'Union européenne

Dans sa décision du 19 juillet 2017 32 ( * ) , le Conseil d'État a estimé que les TRVG étaient contraires à la directive du 13 juillet 2009 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz 33 ( * ) , dont les dispositions ont été interprétées par l'arrêt du 7 septembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 34 ( * ) .

Ainsi, le Conseil d'État a considéré que les TRVG constituaient une entrave à la réalisation d'un marché concurrentiel du gaz ; dans une question préjudicielle, la CJUE avait en effet estimé qu'une telle entrave aurait été admissible si elle :

- avait répondu à un objectif d'intérêt économique général, c'est-à-dire avoir pour objet de garantir la sécurité des approvisionnements, la cohésion territoriale ou le maintien des prix à un niveau raisonnable ;

- n'avait porté atteinte à la libre fixation des prix que dans la seule mesure nécessaire à la réalisation de cet objectif, et durant une période limitée de temps ;

- avait été clairement définie, transparente, non discriminatoire et contrôlable.

C'est pourquoi le Conseil d'État a indiqué, dans son arrêt : « Il résulte de l'interprétation de la directive 2009/73/CE ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que, d'une part, les articles L. 445-1 à L. 445-4 du code de l'énergie, en imposant à certains fournisseurs de proposer au consommateur final la fourniture de gaz naturel à des tarifs réglementés, constituent une entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel prévue par cette directive et, d'autre part, que cette règlementation des prix de la fourniture du gaz naturel ne saurait être admise qu'à la triple condition qu'elle réponde à un objectif d'intérêt économique général, qu'elle ne porte atteinte à la libre fixation des prix que dans la seule mesure nécessaire à la réalisation de cet objectif et notamment durant une période limitée dans le temps et, enfin, qu'elle soit clairement définie, transparente, non discriminatoire et contrôlable. »

En l'espèce, le Conseil d'État a considéré que les TRVG ne répondaient pas un objectif d'intérêt économique général :

- la sécurité des approvisionnements n'est prévue, ni dans la loi, ni dans le contrat ;

- la cohésion territoriale n'est pas poursuivie car le gaz, substituable, ne constitue pas un produit de première nécessité, un tiers seulement des communes étant desservies et l'harmonisation des prix n'existant que dans chacune des 14 zones de desserte ;

- la garantie d'un prix raisonnable n'est pas poursuivie car les TRVG prévoient la couverture de l'ensemble des coûts supportés par les fournisseurs, s'appliquent de manière permanente et sont indexés sur les prix de marchés de gros.

C'est la raison pour laquelle le Conseil d'État a indiqué, dans son arrêt : « Il résulte de ce qui précède que l'entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel que constitue la réglementation tarifaire contestée ne poursuit aucun objectif d'intérêt économique général. Dès lors, les dispositions législatives du code de l'énergie contestées sont incompatibles avec les objectifs poursuivis par la directive 2009/73/CE, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le caractère proportionné de la règlementation qu'elles prévoient. »

Cette contrariété avec le droit de l'Union est d'autant plus d'actualité que le règlement du 6 octobre 2022 35 ( * ) ne prévoit que la possibilité d'instituer une contribution de solidarité temporaire, et non des tarifs réglementés, en matière de gaz.

Au total, le Gouvernement et les fournisseurs interrogés 36 ( * ) ont rappelé l'incompatibilité du rétablissement des TRVG avec le droit de l'Union européenne.

Ainsi, le groupe Engie a indiqué que « ces arguments sont aujourd'hui toujours valables et une loi mettant en oeuvre un maintien et une extension des TRVG serait encore une fois déclarée non compatible avec le droit de l'Union » et l'Anode que « de nouveau, la fin des tarifs réglementés de gaz vise à mettre le droit français en conformité avec le droit de l'Union. Cette réforme, prévue par la loi Énergie Climat de 2019, s'inscrit dans la nécessité de mettre en oeuvre la décision du Conseil d'État du 19 juillet 2017 ».

Il en est de même du Syndicat professionnel des entreprises locales gazières (SPEGNN), qui a précisé : « Si par principe nous sommes favorables à un maintien des tarifs réglementés de vente du gaz, nous nous interrogeons néanmoins sur leur conformité au droit de l'Union européenne dans la mesure où nous n'identifions pas de faits nouveaux de nature à remettre en cause les décisions de justice précédemment mentionnées ».

Enfin, selon la FNCCR, « Sur ce point et à droit constant, les limites au rétablissement durable des TRVG sont, toutes choses égales par ailleurs, les mêmes que celles qui s'opposent à une extension du champ d'application des TRVE, le droit de l'Union européenne ne le permettant pas. À cet égard, dans sa décision de 2017, le Conseil d'État a jugé le maintien des TRVG comme n'était justifié par aucun objectif d'intérêt économique général, le gaz (substituable pour tous ses usages) n'étant pas reconnu comme un service universel à la différence de l'électricité. Dans ce contexte, sans réelle volonté [...] de réformer l'organisation actuelle du marché intérieur du gaz [...] on ne voit pas bien la marge de manoeuvre réelle en la matière. »

B. La commission observe que la modification proposée fait abstraction de dispositifs de soutien, budgétaires et fiscaux, existants à destination des collectivités territoriales

Depuis les lois de finances initiales pour 2022 et 2023 et les lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2022, sont appliqués aux collectivités territoriales et leurs groupements pour le gaz :

- un blocage des TRVG, à leur niveau du 31 octobre 2021, majoré de 15 %, du 1 er janvier au 30 juin 2023, pour les collectivités et leurs groupements éligibles à ces tarifs 37 ( * ) , une aide pouvant leur succéder pour les propriétaires de logements collectifs du 1 er juillet au 31 décembre 2023 ;

- un filet de sécurité pour ceux connaissant une baisse de 25 % de leur épargne et une hausse de 60 % de leurs coûts 38 ( * ) , dont la dotation s'élève à 430 M€ puis 1,5 Md€, afin de compenser certaines hausses d'énergie.

Par la même occasion, un prix de référence du gaz , pour lequel la CRE doit remettre une proposition, avant le 31 janvier 2023, a été introduit.

Comme déjà indiqué le coût des dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux s'élève à 45 Mds€ au total et à 20 Mds€ en net, dans le cadre du PLF pour 2023. Dans ce contexte, le rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » Daniel Gremillet a présenté un amendement à ce au projet de loi de finances initiale visant à consolider la protection des consommateurs de gaz naturel dans le chèque énergie.

C. La commission observe que la modification proposée ne serait pas optimale pour les collectivités territoriales elles-mêmes

Comme pour les TRVE, l'application des TRVG ne serait pas protectrice, en tant que telle , étant donné que ces tarifs doivent refléter les coûts des fournisseurs . Ici aussi, ce sont plutôt les dispositifs budgétaires et fiscaux liés aux blocages ou compensations des TRVG qui ont actuellement un effet baissier sur le prix du gaz. Le SPEGNN a ainsi indiqué « malheureusement, les tarifs réglementés de vente du gaz naturel ne permettent pas, en eux-mêmes, de proposer en ces temps de crise énergétique des offres à un prix raisonnable puisque les tarifs réglementés de vente doivent répercuter les coûts des opérateurs historiques ».

De plus, l'application des TRVG aux collectivités territoriales présenterait plusieurs difficultés pratiques :

- les besoins ne seraient pas satisfaits , car il n'est pas précisé si les services délégués sont soumis aux mêmes tarifs que ceux en régie directe ;

- les contrats seraient déstabilisés , car il n'est pas prévu de clause de résiliation de ceux en cours, à l'initiative de la collectivité territoriale, sans indemnisation du fournisseur de gaz ;

- les risques seraient élevés, car l'application de dispositions contraires au droit de l'Union européenne pourrait donner lieu à des contentieux, avec un risque d'annulation des contrats de fourniture et de rétrocession des trop-perçus pour les collectivités territoriales.

D. La commission relève que la modification proposée aurait des conséquences néfastes pour les fournisseurs de gaz

Tout d'abord, elle remettrait en cause l'extinction des TRVG, progressivement appliquée par Engie et les ELD , depuis la loi « Énergie-Climat », à quelques mois de l'échéance. Dans ce contexte, le groupe Engie a indiqué « quant au TRVG, sa disparition programmée nécessite une anticipation importante pour accompagner les équipes dédiées à cette activité. Dans un contexte juridique incertain, il ne peut pas être envisagé de modification au plan de transformation du groupe Engie, 7 mois avant la disparition du TRVG. Nous ne saurions donc définir correctement l'impact d'une prolongation des TRVG, tant cette option nous parait irréaliste d'un point de vue juridique ». Là encore, si aucun chiffrage global n'a pu être obtenu, ni du Gouvernement ni des acteurs interrogés, et si les hypothèses de chiffrage sont très incertaines, compte tenu de la crise énergétique pendante, pour la commission, le coût lié à l'application des TRVG aux communes actuellement non éligibles pourrait être a minima de 495 M€ dès 2023.

Plus encore, elle supprimerait le signal-prix sur le marché du gaz , ce qui engendrerait des coûts pour l'État et empêcherait de prendre en compte la situation des consommateurs ou des fournisseurs, ainsi que l'exigence de modération et de verdissement de la consommation de gaz. C'est la raison pour laquelle le SPEGNN a indiqué que « le blocage pur et simple des prix à l'aval (sur le marché de détail) comporte des limites et son lot d'effets indésirables puisqu'il est dispendieux pour le budget de l'État, ne prend pas en compte la situation économique du client et n'incite pas le consommateur à modérer sa consommation de gaz dans une situation de pénurie (absence de signal prix) ».

Enfin, elle ne serait pas nécessaire pour maintenir les dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux attendus, dans la mesure où un prix de référence a été institué par le PLF pour 2023 à la place des TRVG pour calibrer les soutiens à la hauteur des besoins. Au total, l'AFG a ainsi indiqué que les « Les TRV ne sont pas nécessaires pour maintenir un bouclier tarifaire, à partir du moment où on a un indice de prix de référence par rapport auquel caler un dispositif d'aide [...]. Le blocage des prix - qui est à tort assimilé aux tarifs réglementés de vente - peut s'appliquer tant aux offres de tarifs réglementés de vente qu'à des offres de marché. »

Sur ce dernier point, la CRE a rappelé qu'elle procédera à la fixation d'une référence de prix du gaz représentative des coûts d'approvisionnements des fournisseurs , pour appuyer une éventuelle prolongation du bouclier tarifaire, et à la publication d'une référence de prix moyen de fourniture de gaz et de son impact pour les consommateurs finals , pour suivre mensuellement les évolutions de marché. Aussi a-t-elle indiqué que « la CRE tient à souligner que la fin des TRVG n'empêchera pas l'État de protéger les consommateurs finals. En l'état, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit la possibilité pour le gouvernement de prolonger le bouclier tarifaire au-delà du 30 juin 2023 sur la base d'une référence de prix du gaz représentative des coûts d'approvisionnements des fournisseurs, qui sera fixée par la CRE. Ce mécanisme permettra donc une continuité avec le mécanisme actuel de bouclier tarifaire après la fin des TRVG. Il est par ailleurs rappelé que la CRE publiera chaque mois, sur le fondement de l'article L. 131-4 du code de l'énergie, une référence de prix moyen de fourniture de gaz naturel et son évolution pour les consommateurs finals, ce qui permettra notamment de donner une visibilité au consommateur sur l'évolution du prix moyen du gaz lorsque le bouclier tarifaire prendra fin. »

E. Enfin, la commission observe que la modification proposée présente d'évidents effets de bord

En effet, elle conduirait :

- à introduire un doublon entre les TRVG existants, toujours visés à l'article 63 de la loi « Énergie-Climat » de 2019 qui a cependant abrogé les articles L. 445-3 à L. 445-4 du code de l'énergie, et ceux institués par la proposition de loi , aux articles L. 445-6-1 à L. 445-6-3 du même code ;

- à s'écarter de la rédaction abrogée des TRVG existants, globalement reprise, sauf pour les bénéficiaires qui seraient tous éligibles, alors que la loi « Énergie-Climat » de 2019 a supprimé toute nouvelle souscription à ces tarifs à sa publication puis pour les consommateurs finals non domestiques consommant moins de 30 000 kWh par an, le 1 er décembre 2020, et les supprimera pour les consommateurs finals domestiques consommant moins de 30 000 kWh par an ainsi que pour les propriétaires uniques d'un immeuble à usage principal d'habitation consommant moins de 150 000 kWh par an et les syndicats des copropriétaires d'un tel immeuble, le 1 er juillet 2023 ;

- à générer des difficultés d'application, en l'absence de référence à un délai d'application et à une notification européenne.

En raison de ces difficultés, la commission n'a pas adopté l'article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 novembre 2022, la commission a examiné le rapport de M. Laurent Somon sur la proposition de loi n° 66 (2022-2023) de M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie.

Mme Dominique Estrosi Sassone , présidente . - Nous examinons maintenant la proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie ; celle-ci a été déposée par notre collègue Fabien Gay et sera examinée en séance publique le mercredi 7 décembre.

Cette proposition de loi ayant été inscrite dans le cadre d'un espace réservé d'un groupe d'opposition, nous appliquons le gentlemen's agreement conclu en 2009, entre les présidents de groupe et de commission, validé par la Conférence des présidents : la commission ne peut pas modifier le texte au stade de son examen en commission, sauf accord du groupe l'ayant inscrit à l'ordre du jour. Elle ne peut que l'adopter ou le rejeter. Elle pourra toujours le modifier au stade de son examen en séance.

M. Laurent Somon , rapporteur. - Le sujet qui nous réunit aujourd'hui, celui de la hausse des prix de l'énergie et de la protection des collectivités territoriales, est crucial.

Les vingt interlocuteurs que j'ai auditionnés ou sollicités me l'ont bien rappelé. Je pense ici aux associations d'élus locaux, aux fournisseurs d'électricité et de gaz - dont EDF et Engie - à l'administration centrale, à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ou au Médiateur national de l'énergie (MNE). Mais ces interlocuteurs m'ont aussi indiqué que l'évolution proposée par ce texte n'est sans doute pas la bonne pour répondre à cette situation.

La proposition de loi poursuit l'objectif louable d'une plus grande régulation des marchés de l'électricité et du gaz, en suggérant à cette fin deux évolutions.

L'article 1 er vise à appliquer les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) à l'ensemble des collectivités territoriales.

Depuis la loi « Énergie-Climat » du 8 novembre 2019, ces tarifs bénéficient aux collectivités territoriales dont la puissance souscrite est inférieure à 36 kilovoltampères (kVA), le nombre d'employés à 10 équivalents temps plein (ETP) et les recettes annuelles à 2 millions d'euros.

Les TRVE couvrent actuellement 22,2 millions de sites résidentiels et 1,5 million de sites professionnels, ce qui représente 28 % de la consommation nationale d'électricité, selon la CRE. Parmi leurs bénéficiaires, on dénombre 13 500 communes, soit 106 000 sites et une consommation de 0,6 térawattheure (TWh), pour le groupe EDF.

L'article 2 entend maintenir les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVG), notamment pour les collectivités territoriales.

En effet, la loi « Énergie-Climat » a supprimé ces tarifs, à partir du 1 er décembre 2020, pour les consommateurs finals non domestiques consommant moins de 30 000 kilowattheures (kWh) par an, et à partir du 1 er juillet 2023, pour les consommateurs finals domestiques ainsi que les propriétaires d'immeubles d'habilitation dont la consommation est inférieure à ce niveau.

À ce jour, les TRVG englobent 3 millions de sites résidentiels, soit 7,5 % de la consommation nationale de gaz, selon la CRE. Pour autant, plus de 25 000 communes ne sont desservies par aucun réseau de distribution de gaz naturel, pour l'Association française du gaz (AFG).

L'impact de la hausse des prix de l'énergie sur les consommateurs d'énergie, et notamment les collectivités territoriales, est un sujet de préoccupation légitime. Je le répète.

Dans le cadre des dernières lois de finances initiales ou rectificatives, plusieurs dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux ont d'ailleurs été appliqués aux collectivités territoriales notamment : un blocage des TRVG, du 1 er janvier au 30 juin 2023 ; une compensation des TRVE, du 1 er février au 31 décembre 2023 ; un amortisseur électricité pour les collectivités territoriales non éligibles aux TRVE, pour un montant de 3 milliards d'euros. Mais aussi un filet de sécurité pour celles connaissant une baisse de 25 % de leur épargne et une hausse de 60 % de leurs coûts, pour un montant 2 milliards d'euros, ces critères ayant été amendés par le Sénat il y a quelques jours, pour rendre éligibles d'autres collectivités ; une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), au minimum européen de 0,5 euro par mégawattheure (MWh) ; le relèvement du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) de 100 à 120 TWh, compensé par une hausse partielle de son prix de 42 à 46,2 euros par MWh.

Par la même occasion, un prix de référence du gaz, pour lequel la CRE doit remettre une proposition d'ici janvier prochain, a aussi été introduit.

Je rappelle que le coût de ces dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux s'élève à 45 milliards d'euros au total et 20 milliards d'euros nets. Cela est important.

Notre commission a joué tout son rôle pour protéger les consommateurs d'énergie, et notamment les collectivités territoriales, dans le cadre de ses attributions législatives.

Lors de l'examen de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat d'août dernier, notre commission a fait adopter un rapport d'évaluation sur le niveau d'exposition des collectivités territoriales aux hausses des prix et l'opportunité de renforcer les mesures fiscales, budgétaires ou tarifaires, prises pour les accompagner.

Dans le cadre de l'examen de la loi de finances initiale pour 2023, elle a proposé des amendements, pour garantir l'éligibilité des collectivités territoriales à l'amortisseur électricité ou consolider la protection des consommateurs de gaz par le chèque énergie. Ils seront examinés ce vendredi en séance publique.

Dans ce contexte, très critique, la proposition de loi présente de lourdes difficultés, à commencer par sa contrariété avec le droit de l'Union européenne, qui rendent ses dispositions en définitive inapplicables.

S'agissant de l'article 1 er , sur l'extension des TRVE, il est contraire au cadre européen. La directive du 5 juillet 2019 réserve en effet l'application des tarifs réglementés aux clients résidentiels et aux microentreprises, auxquelles sont assimilées les collectivités territoriales. Elle prévoit aussi une méthode non discriminatoire et une notification dans un délai d'un mois. Ce cadre a été assoupli, sans tout autoriser pour autant, par le règlement du 6 octobre 2022, qui permet d'appliquer ces tarifs réglementés aux PME. Il prévoit cependant une indemnisation des fournisseurs et un réexamen des mesures. Ces conditions précises d'éligibilités et de méthode ont été reprises par le Conseil d'État, dans un arrêt du 8 novembre 2019. Or, l'article ne respecte aucune de ces conditions, puisqu'il appliquerait les TRVE à l'ensemble des collectivités territoriales, sans indemnisation ni notification. Pire, il supprimerait la référence au dispositif de l'Arenh qui, s'il doit à terme être réformé, garantit actuellement la conformité du marché national de l'électricité avec le cadre juridique européen.

De plus, l'article ne répond pas aux besoins des collectivités territoriales. Tout d'abord, les TRVE ne sont pas, en eux-mêmes, protecteurs des hausses de prix, dans la mesure où leur niveau doit couvrir l'ensemble des coûts des fournisseurs. Les TRVE sont construits selon une méthode d'empilement des coûts, qui prend en compte, pour leur construction, tous les coûts d'un opérateur efficace, ce qui garantit leur contestabilité, soit la faculté pour un fournisseur alternatif de proposer des tarifs de marché égaux ou inférieurs aux TRVE. Ce sont donc plutôt les dispositifs tarifaires, budgétaires et fiscaux liés aux TRVE qui assurent aujourd'hui cette fonction protectrice. En outre, la moitié des collectivités territoriales a souscrit des offres de marché, souvent via des groupements d'achat proposés par leurs syndicats intercommunaux ou départementaux d'énergie. Une résiliation anticipée de ces offres les obligerait à indemniser leur fournisseur d'électricité, ce qui les fragiliserait contractuellement et les pénaliserait financièrement. Plus largement, appliquer aux collectivités territoriales des TRVE contraires au droit européen les exposerait à un risque de contentieux et de remboursement. Enfin, il n'est pas précisé si une telle application concernerait les services en délégation, comme ceux en régie, les zones non interconnectées, comme la France hexagonale, laissant ainsi augurer des différences de traitements peu opérationnelles et peu justifiables.

Outre les collectivités territoriales, l'article pénalise aussi les fournisseurs d'électricité. Le groupe EDF serait ainsi contraint d'acquérir des volumes non anticipés, dans des proportions importantes et des délais serrés, sur les marchés de l'électricité ou auprès d'autres fournisseurs. En l'absence de réservation préalable, cela l'exposerait à un risque financier très élevé. C'est la raison pour laquelle la dernière révision d'ampleur des TRVE, sur les tarifs « jaunes » et les tarifs « verts », avait été précédée d'un délai de cinq ans. Quant aux fournisseurs alternatifs, ils seraient évincés au profit du groupe EDF, qui peut seul commercialiser les TRVE, ce qui éroderait leurs clients et leurs recettes et les obligeraient à redimensionner leurs offres et leurs personnels. Le principe constitutionnel de libre concurrence s'en trouverait affaibli.

Concernant l'article 2, sur le maintien des TRVG, il est lui aussi contraire au droit européen. Dans son arrêt du 19 juillet 2017, le Conseil d'État a ainsi estimé que les TRVG ne respectaient pas la directrice du 13 juillet 2009, telle qu'interprétée par l'arrêt du 7 septembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Le droit européen requiert en effet la poursuite d'un intérêt économique général - le maintien de prix raisonnables, la cohésion territoriale, la sécurité d'approvisionnement - ainsi que le respect de critères de proportionnalité, de temporalité, de clarté, de transparence, de non-discrimination et de contrôle. Or, pour le Conseil d'État, les TRVG ne poursuivent pas d'intérêt économique général : ni la garantie des prix, car ils doivent couvrir les coûts des fournisseurs ; ni la cohérence territoriale, car le gaz n'est pas substituable, son prix est peu harmonisé et sa desserte peu étendue ; ni enfin la sécurité d'approvisionnement, qui n'entre pas dans les missions des fournisseurs de gaz. Le règlement du 6 octobre 2022 n'a rien changé à cet état de droit, car il n'autorise, pour le gaz, que la possibilité d'instituer une contribution de solidarité temporaire, et non des tarifs réglementés. En rétablissant les TRVG, l'article serait donc frontalement contraire à la jurisprudence du Conseil d'État et de la CJUE. C'est d'autant plus vrai qu'il ne viserait pas seulement à prolonger les actuels consommateurs éligibles à ces tarifs, mais plutôt à faire bénéficier tous les consommateurs de ces tarifs.

En outre, l'article ne répond pas non plus aux besoins des collectivités territoriales. Tout comme les TRVE, les TRVG ne protègent pas, en tant que tels, des hausses des prix, car leur niveau doit couvrir l'ensemble des coûts des fournisseurs. Et la généralisation des TRVG serait déstabilisatrice pour les offres de marché souscrites par les collectivités territoriales, avec un risque de pénalités, liées aux résiliations anticipées de ces offres, mais aussi de contentieux et de remboursement.

Enfin, l'article déstabilise les fournisseurs de gaz, en plus des collectivités territoriales. Tout d'abord, il remettrait en cause l'extinction des TRVG. Or, aucune nouvelle souscription n'est possible depuis 2019, la sortie des consommateurs non domestiques est réalisée depuis 2020 et celle des consommateurs domestiques doit l'être dans six mois. Du reste, le groupe Engie s'est déjà organisé en conséquence. Plus encore, le maintien des TRVG éroderait le signal-prix du gaz, qui reste une énergie fossile, dont la consommation doit être modérée et « verdie ». Enfin, ces tarifs réglementés ne sont plus nécessaires à l'application des dispositifs de soutien tarifaires, budgétaires ou fiscaux liés, qui reposeront désormais sur un prix de référence du gaz, fixé par la CRE, comme prévu par la loi de finances initiale pour 2023.

En définitive, si je ne suis pas hostile à une évolution des TRVE et des TRVG, j'estime qu'elle ne peut être réalisée que dans le strict respect du cadre constitutionnel et du droit européen, faute de quoi les consommateurs d'énergie, dont les collectivités territoriales, seraient exposés à un grave risque juridique et financier. Si une évolution doit être recherchée, c'est à l'échelle européenne, plutôt que nationale, et sur le marché de gros, outre celui de détail ; rappelons que la France n'a toujours pas obtenu un découplage du prix de l'électricité de celui du gaz, contrairement au Portugal ou à l'Espagne.

C'est pourquoi j'ai accueilli avec intérêt la position exprimée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui réunit les collectivités territoriales en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie - je cite  : « la FNCCR est pleinement consciente que ces propositions se heurtent à un problème de conformité aux directives de l'Union européenne relatives à l'organisation des marchés intérieurs de l'électricité et du gaz, outre le fait qu'elles ne sont pas suffisantes pour garantir aux consommateurs finals un niveau de protection adéquat, ce qui plaide par conséquent en faveur d'une réforme structurelle de ces marchés ».

Constatant la non-conformité de ce texte avec le droit européen, ainsi que son coût pour le groupe EDF et ses effets de bord pour les collectivités territoriales, je suis contraint de proposer à notre commission son rejet.

Pour autant, je sais que notre commission continuera d'être très attentive à l'évolution de la régulation des marchés de l'énergie et des dispositifs de soutien aux collectivités territoriales, dans le cadre de ses travaux budgétaires, qui s'achèvent, et de ceux législatifs, qui s'annoncent, notamment en matière d'électricité nucléaire.

Conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient maintenant d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives aux modalités de détermination et d'application des TRVE et TRVG, et notamment à la prise en compte par ces tarifs des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Il en est ainsi décidé.

M. Fabien Gay , auteur de la proposition de loi . - Je remercie le rapporteur avec qui nous avons étroitement échangé, même si je ne partage pas sa position.

Il existe des combats politiques que nous souhaitons porter en tant que groupe minoritaire et d'opposition. Ainsi, nous avons souhaité avec la proposition de loi déposée en 2019 portant sur la précarité énergétique faire avancer le débat. Mais nous savons que nous ne serons pas suivis, même si nos échanges nous nourrissent.

S'agissant de la présente proposition de loi, j'ai bien conscience que si nous l'avions déposée avant 2020, nous aurions été très minoritaires, si ce n'est seuls. Mais aujourd'hui, je pensais, peut-être naïvement, que nous aurions pu trouver un terrain d'entente. Je le pense toujours. Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, les quarante collectivités, qu'elles soient de droite ou de gauche, font toutes face à cette même difficulté d'augmentation du coût de l'énergie, avec des hausses à l'année, de 600 000, 900 000 euros, et de plusieurs dizaines de millions d'euros pour le département. J'entends les arguments portant sur le droit européen, mais si on prend en compte l'amortisseur électricité, le filet de sécurité, la baisse des taxes, l'Arenh et l'indemnisation des acteurs alternatifs à hauteur de plus de 15 milliards d'euros, nous allons au-delà des 45 milliards d'euros !

Nous devons inventer un nouveau système ; la crise sera durable pour les collectivités, les entreprises, les commerçants. Comment le boulanger de ma rue pourra-t-il supporter un surcoût de 5 000 euros sur sa facture d'électricité ? Il faudrait qu'il vende sa baguette à 8 euros ? Ce n'est pas le seul. Il faut donc inventer, pour affronter ces trois ans de crise, car nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Les critères des boucliers tarifaires sont incompréhensibles, et même la ministre a été incapable de m'expliquer les choses clairement.

Les tarifs réglementés représentent une solution qui a fonctionné pendant cinquante ans. Je suis ouvert au débat : doit-on les remettre en vigueur pendant trois ans dans le cadre d'un dialogue avec la Commission européenne ?

La situation bouge, les certitudes changent : permettre à nos entreprises de surmonter la crise grâce à des tarifs réglementés constitue non pas un horizon « communiste », mais tout simplement un horizon raisonnable. Il nous reste une semaine pour trouver un chemin ensemble et, quoi qu'il arrive, un signal politique envoyé de la part du Sénat serait de bon ton.

En outre, nous devons à un moment ou à un autre mettre nos paroles en acte. Nous avons eu un débat sur la souveraineté énergétique il y a deux mois, tous les groupes ont alors parlé des tarifs réglementés ! De même, j'ai écouté les propos du président Bruno Retailleau avec attention qui a également évoqué le sujet, et il a mentionné les tarifs réglementés. Je suis donc prêt à travailler avec vous sur cette proposition de loi.

M. Jean-Claude Tissot . - Cette proposition de loi va dans le bon sens pour les collectivités. En effet, si nous avons obtenu un élargissement du filet de sécurité lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, les critères nouvellement définis ne nous permettent pas d'avoir une vraie visibilité sur les collectivités qui pourront être accompagnées. La création de l'amortisseur électricité pour les collectivités non éligibles aux tarifs réglementés, avec une prise en charge de 50 % du coût de l'électricité au-delà de 325 euros par MWh, constitue une bonne nouvelle, mais cela reste insuffisant pour accompagner correctement les collectivités.

Ainsi, cette PPL répond à deux problématiques qui me semblent majeures : l'élargissement du TRV à l'ensemble des collectivités et l'annulation de l'extinction définitive des TRV pour le gaz, qui est prévue pour le 30 juin 2023.

Bien sûr, il était nécessaire d'entendre les réserves du rapporteur sur ce texte, notamment sur les coûts engendrés et les problèmes d'application liés au droit européen, mais nous devons envoyer ce message de soutien aux collectivités face à l'incohérence du marché de l'énergie.

M. Daniel Gremillet . - Cette PPL traduit une nouvelle fois le fait que le sujet énergétique a été totalement abandonné par notre pays depuis quelques années et montre que le défi actuel ne permet pas au Parlement de légiférer dans le bon sens, je le dis très sérieusement. J'estime que votre PPL n'est pas inutile, au contraire, même si je soutiens totalement la position du rapporteur et plus largement de la commission.

Prenons un exemple concret, la hausse des prix en région Grand Est correspond à un coût de 100 millions d'euros supplémentaires entre 2022 et 2023, rien que pour les bâtiments appartenant à la région. À ce jour, les débats qui ont eu lieu au Sénat ne nous ont pas permis d'avoir une vision claire du bouclier ou de l'amortisseur électricité. De plus, sur le terrain, beaucoup d'acteurs passent à travers ces dispositifs.

Je soutiens la position du rapporteur pour deux raisons.

Premièrement, il faut rester prudent vis-à-vis de la législation européenne et la respecter. Néanmoins, cette PPL aura au moins le mérite d'alerter à l'échelle européenne. La France doit être plus présente et tenir des positions plus fermes au niveau européen. Cette PPL fait donc déjà bouger les lignes, car elle pousse à l'action.

Deuxièmement, cette PPL, même si elle n'est adoptée, n'aura pas été inutile. Si je prends l'exemple de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, c'est bien le Sénat qui a ouvert le sujet de la précarité énergétique et des coupures d'électricité, puis qui l'a maintenu en commission mixte paritaire (CMP). Nous avons donc permis son aboutissement tous ensemble.

Je terminerai en citant Philippe Séguin, qui disait souvent qu'une bonne idée passe toujours par le stade minoritaire. Seul le travail commun lui permettra de devenir majoritaire. Je suis donc optimiste pour la suite.

M. Franck Montaugé . - Je souhaite dire au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain que nous partageons totalement les objectifs et les présupposés de cette PPL. J'entends les arguments du rapporteur quant à la législation européenne et nous ne pouvons pas nous y soustraire : les tarifs relèvent de la législation européenne, tandis que la définition du mix énergétique est une compétence nationale.

Toutefois, je pense qu'il faut aider cette PPL à aller plus loin, quitte à la modifier ; un débat doit avoir lieu. Je souhaite néanmoins vous faire une proposition en réaction aux différentes interventions : parallèlement à l'examen de cette proposition de loi, nous devons entamer la rédaction d'une proposition de résolution européenne (PPRE). Et je partage les propos de Daniel Gremillet, car je pense qu'il faut que cette rédaction passe par le travail de co-rapporteurs issus de chaque groupe de notre assemblée.

Je terminerai sur la question du numérique en écho à l'audition de Mme Heydemann : nous devons également aboutir à une PPRE sur ce sujet, et rapidement.

M. Patrick Chauvet . - Je souhaite saluer le travail du rapporteur qui nous éclaire sur les risques de ce qui semble être à première vue une bonne idée, mais qui pourrait aboutir à un dispositif contraignant pour les collectivités.

Nous plaidons pour une réforme structurelle du marché de l'électricité. De nombreuses questions sont restées sans réponse, notamment la sortie de l'Espagne et du Portugal du mécanisme européen d'indexation du prix de l'électricité sur le gaz et ses conséquences, comme l'a souligné le rapporteur. Une telle évolution serait-elle favorable à la France ? Nous ne le savons pas.

Par ailleurs, nous n'avons pas assez creusé la question de la faible efficacité de nos centrales nucléaires. Même si la situation s'améliore, elles ne produisent qu'à hauteur de la moitié de leur capacité de production. Cette baisse s'est faite sous couvert de la crise de la Covid-19, or je rappelle que nos agriculteurs ont continué à nourrir nos concitoyens pendant la crise. Puis la guerre en Ukraine a éclaté.

J'ai bien entendu que l'auteur de la PPL était ouvert à modifier certains aspects, mais, en l'état, nous ne voterons pas cette proposition malgré le grand intérêt que nous lui marquons.

M. Daniel Salmon . - Nous arrivons effectivement au bout d'un cycle : nous avons vécu dans le mythe de l'énergie bon marché, ce qui nous a conduits à ne pas réaliser les investissements qui auraient permis de parvenir à davantage de sobriété et d'efficacité. Nous sommes donc dans une impasse et les collectivités vont payer le prix fort, à hauteur de ces coûts faramineux qui ont été évoqués.

Je souscris totalement aux objectifs et aux propositions de cette loi. Les collectivités ont besoin de lisibilité et de visibilité, au-delà de la juxtaposition de dispositifs proposée par le Gouvernement, même si comme l'a dit le rapporteur, la situation est complexe, car il faut tenir compte du droit européen.

Nous devons travailler sur ce sujet. Nous pouvons dans ce cadre appeler cette PPL, une PPL « d'appel », car elle a peu de chances de se concrétiser. Néanmoins, ce travail devra aboutir à un moment ; les collectivités territoriales nous attendent.

M. Fabien Gay . - Une précision : il ne s'agit pas d'instaurer une obligation pour les collectivités de reprendre un contrat sous tarif réglementé. Le but est simplement de permettre à celles qui n'ont pas la capacité de faire face à la hausse des prix de marché de pouvoir avoir accès, si elles le souhaitent, à des tarifs réglementés au moment de la renégociation de leurs contrats. Si c'est une PPL d'appel, tant mieux, nous n'avons qu'à l'adopter pour faire pression sur la Commission européenne.

M. Laurent Somon , rapporteur . - Je pense en effet que cette PPL est à considérer comme une PPL d'appel, par rapport à un fonctionnement à bout de souffle, ou plutôt comme une proposition de résolution (PPR) ou une PPRE en devenir.

L'objectif est de pouvoir peser sur les dysfonctionnements constatés, c'est-à-dire le fait que le coût de l'électricité soit basé sur le coût marginal de production, lui-même basé sur le coût du gaz. Tant que celui-ci n'était pas cher, le système satisfaisait tout le monde. Mais à partir du moment où la hausse de la demande internationale, avec la reprise post-Covid-19 et la crise en Ukraine, a amené le prix du gaz à flamber, le coût marginal a explosé.

J'entends donc la demande d'un calcul différent du prix de l'électricité suggéré par la PPL. La lecture de son titre met d'ailleurs tout le monde d'accord, à l'image de l'étiquette de présentation d'un produit. Mais à y regarder de plus près, la liste des ingrédients en détail laisse appréhender une réalité plus complexe. Dans ce cadre, aboutir à un texte finalisé sur des sujets aussi complexes en huit jours me paraît un peu illusoire.

Néanmoins, je suis prêt à travailler sur un texte démontrant la volonté du Sénat de faire évoluer le prix de l'électricité, comme du gaz, pour les collectivités et les entreprises. Quant à la réponse immédiate, la proposition du Sénat sur le filet de sécurité me semble appropriée. Nous sommes tous d'accord sur le principe et les objectifs. Seule la voie diffère, mais j'espère que nous en trouverons une, peut-être à travers une PPR ou une PPRE, dans un esprit de consensus.

Mme Dominique Estrosi Sassone , présidente . - Venons-en au vote de cette proposition de loi. Je vous rappelle que son éventuel rejet n'empêchera pas qu'elle soit discutée le mercredi 7 décembre en séance, sur la base de sa rédaction initiale.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément, au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

La réunion est close à 12 h 15.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

PROPOSITION DE LOI N° 66 (2022-2023) VISANT À PROTÉGER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE EN LEUR PERMETTANT DE BÉNÉFICIER DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE DE L'ÉNERGIE

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 39 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 40 ( * ) .

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 41 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 42 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 30 novembre 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 66 (2022-2023) visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie.

Elle a considéré que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux modalités de détermination et d'application des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) et du gaz (TRVG), et notamment à la prise en compte par ces tarifs des collectivités territoriales et de leurs groupements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 16 novembre 2022

- Union française de l'électricité (UFE) : MM. Mathias LAFFONT , directeur Économie, mobilité et bâtiment, Rudy CLUZEL , responsable des relations institutionnelles France.

- Électricité de France (EDF) : Erwan TANGUY , directeur économie des offres et régulation et Jérémy GALLET , chargé de mission à la direction des affaires publiques

- Assemblée des départements de France (AdF) : M. Jérôme DUMONT , président du département de la Meuse, Mme Marylène JOUVIEN , conseillère relations avec le Parlement.

- Association des maires ruraux de France (AMRF) : MM. Denis DURAND , membre du conseil d'admistration et maire de Begny-sur-Craon, et Cédric SZABO , directeur.

- Intercommunalités de France (IDF) : M. Jean RÉVÉREAULT , membre du conseil d'administration et vice-président de la communauté du Grand Angoulême, Mmes Montaine BLONSARD , responsable des relations avec le Parlement, et Oriane CÉBILE , conseillère environnement.

- Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) : M. David BEAUVISAGE , secrétaire général des services.

Mardi 22 novembre 2022

- Groupe d'études « Énergie » : M. Daniel GREMILLET , Président, Sénateur des Vosges.

- Association française du gaz (AFG) : MM. Jean-Marc LEROY , président et Max-Erwann GASTINEAU , responsable affaires publiques.

- Engie : Benjamin HAAS , directeur de la Régulation France et Mme Mercédès FAUVEL-BANTOS , déléguée aux relations avec le Parlement

- Ministère de la transition énergétique (MTE) : M. Timothée FUROIS , sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Assemblée des départements de France (ADF)

- Association française du gaz (AFG)

- Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG)

- Association nationale des opérateurs détaillants d'énergie (ANODE)

- Commission de régulation de l'énergie (CRE)

- Électricité de France (EDF)

- Engie

- Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

- Fédération nationale des sociétés d'intérêt collectif agricole d'électricité (FNSICAE)

- Intercommunalités de France (IDF)

- Régions de France (RDF)

- Syndicat professionnel des entreprises locales gazières (SPEGNN)

- Union nationale des entreprises locales d'électricité et de gaz (UNELEG)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-066.html


* 1 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 2 Ces conditions ont été assouplies par le Sénat dans le cadre l'examen de la loi de finances initiale pour 2023.

* 3 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

* 4 Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

* 5 Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 6 Conseil d'État, Décision n° 455 655, 18 mai 2018, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

* 7 Conseil d'État, Décision n° 424 573, 6 novembre 2019, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

* 8 Et des entreprises locales de distribution (ELD).

* 9 Conseil d'État, Décision n° 370 321, 19 juillet 2017, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

* 10 Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE.

* 11 Cour de Justice de l'Union européenne, Arrêt du 7 septembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne rendu dans l'affaire C-121/15 « Anode ».

* 12 Et les ELD.

* 13 Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

* 14 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 15 Rapport d'information n° 553 (2020-2021) de M. Daniel Gremillet fait au nom de la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, 5 mai 2021, p. 70.

* 16 Rapport d'information n° 201 (2021-2022) de M. Daniel Gremillet fait au nom de la commission des affaires économiques sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », 24 novembre 2021, p. 9.

* 17 Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

* 18 D'une part, les interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité :

a) poursuivent un objectif d'intérêt économique général et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif d'intérêt économique général ;

b) sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables ;

c) garantissent aux entreprises d'électricité de l'Union un égal accès aux clients ;

d) sont limitées dans le temps et proportionnées en ce qui concerne leurs bénéficiaires ;

e) n'entraînent pas de coûts supplémentaires pour les acteurs du marché d'une manière discriminatoire.

D'autre part, tout État membre qui met en oeuvre des interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité respecte également l'absence de barrières injustifiées au sein du marché de l'électricité en ce qui concerne l'entrée et la sortie du marché, sans préjudice des compétences des États membres s'agissant des pays tiers, de même que l'inscription de données sur la précarité énergétique dans le cadre du rapport d'avancement national intégré en matière d'énergie et de climat et le partage de ces données avec l'Observatoire européen de la précarité énergétique, que l'État membre ait ou non un nombre significatif de ménages en situation de précarité énergétique.

* 19 D'une part, les interventions publiques effectuées respectent les critères mentionnés aux a) à e) sur les clients résidentiels vulnérables et en situation de précarité énergétique et :

a) sont assorties d'un ensemble de mesures permettant de parvenir à une concurrence effective et d'une méthode d'évaluation des progrès en ce qui concerne ces mesures ;

b) sont fixées à l'aide d'une méthode garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs ;

c) sont établies à un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective ;

d) sont conçues de façon à réduire au minimum tout impact négatif sur le marché de gros de l'électricité ;

e) garantissent que tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont la possibilité de choisir des offres du marché concurrentielles et qu'ils sont directement informés, au moins tous les trimestres, de l'existence d'offres et des économies possibles sur le marché concurrentiel, en particulier en ce qui concerne les contrats d'électricité à tarification dynamique, et garantissent que ceux-ci bénéficient d'une assistance pour passer à une offre fondée sur le marché ;

f) garantissent que tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont le droit de disposer de compteurs intelligents installés sans frais préalables supplémentaires pour le client et se voient proposer une telle installation, sont directement informés de la possibilité d'installer des compteurs intelligents et bénéficient de l'assistance nécessaire ;

g) ne se traduisent pas par des subventions croisées directes entre les clients fournis aux prix du marché libre et ceux fournis aux prix de fourniture réglementés.

D'autre part, les États membres notifient à la Commission les mesures prises un mois après leur adoption et peuvent les appliquer immédiatement. Cette notification est accompagnée d'une explication quant aux raisons pour lesquelles d'autres instruments n'étaient pas suffisants pour atteindre l'objectif poursuivi, quant à la manière dont les exigences énoncées ont été respectées et quant aux effets des mesures notifiées sur la concurrence. Elle précise les bénéficiaires et la durée des mesures, ainsi que la manière dont les prix réglementés sont fixés.

* 20 Conseil d'État, Décision n° 455 655, 18 mai 2018, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

* 21 Conseil d'État, Décision n° 424 573, 6 novembre 2019, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

* 22 Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 23 Les interventions publiques :

a) tiennent compte de la consommation annuelle du bénéficiaire au cours des cinq dernières années et maintiennent une incitation à la réduction de la demande ;

b) satisfont aux critères mentionnés aux a) à e) sur les clients résidentiels vulnérables et en situation de précarité énergétique ;

c) le cas échéant, respectent les conditions énoncées aux a) à c) sur la fourniture d'électricité à un prix inférieur aux coûts.

* 24 Les conditions suivantes doivent être remplies :

a) la mesure couvre un volume limité de consommation et maintient une incitation à la réduction de la demande ;

b) il n'y a pas de discrimination entre les fournisseurs ;

c) les fournisseurs sont indemnisés pour la fourniture à perte ;

d) tous les fournisseurs peuvent sur la même base proposer pour la fourniture d'électricité des offres à un prix inférieur aux coûts.

* 25 EDF, Engie, l'Association des opérateurs détaillants d'énergie (Anode), l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG), l'Union française de l'électricité (UFE) et l'Union nationale des entreprises locales d'électricité et de gaz (Uneleg).

* 26 Pour rappel, ceux dont la puissance de souscription est inférieure à 36 kVA, le nombre de personnes à 10 ETP et les recettes à 2 M€.

* 27 Ces critères ayant été assouplis par le Sénat à l'occasion de l'examen du PLF pour 2023.

* 28 Loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

* 29 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 30 Rapport d'information n° 553 (2020-2021) de M. Daniel Gremillet fait au nom de la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, 5 mai 2021, p. 70.

* 31 Rapport d'information n° 201 (2021-2022) de M. Daniel Gremillet fait au nom de la commission des affaires économiques sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », 24 novembre 2021, p. 9.

* 32 Conseil d'État, Décision n° 370 321, 19 juillet 2017, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

* 33 Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE.

* 34 Cour de Justice de l'Union européenne, Arrêt du 7 septembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne rendu dans l'affaire C-121/15 « Anode ».

* 35 Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 36 Engie, l'Association des opérateurs détaillants d'énergie (Anode), l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (Afieg), l'Association française du gaz (AGF), le Syndicat professionnel des entreprises locales gazières (SPEGNN), l'Union nationale des entreprises locales d'électricité et de gaz (Uneleg).

* 37 Pour mémoire, ceux consommant moins de 30 000 kWh ou propriétaires uniques d'un immeuble à usage principal d'habitation consommant moins de 150 000 kWh.

* 38 Ces critères ayant été assouplis par le Sénat à l'occasion de l'examen du PLF pour 2023.

* 39 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 40 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 41 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 42 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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