N° 286

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l' exemple » durant la Première Guerre mondiale ,

Par M. Guillaume GONTARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4636 , 4876 et T.A. 748

Sénat :

356 (2021-2022) et 287 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Cette proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en janvier 2022, vise à réhabiliter les militaires condamnés à mort et fusillés pendant la Première Guerre mondiale pour désobéissance militaire. Les auteurs de la proposition de loi considèrent en effet que ces militaires ont été fusillés « pour l'exemple » à la suite d'une procédure expéditive et inéquitable. Parmi ces hommes, certains n'avaient eu qu'une défaillance passagère aisément explicable dans le contexte des combats terribles qui ont marqué le conflit, tandis que d'autres ont été victimes d'erreurs judiciaires pures et simples.

I. UNE PROPOSITION DE LOI QUI VISE À RÉHABILITER LES MILITAIRES CONDAMNÉS PAR UNE JUSTICE D'EXCEPTION

A. LES MILITAIRES CONCERNÉS PAR LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi comporte trois points distincts. Elle prévoit ainsi :

• une réhabilitation collective et générale des 639 fusillés recensés en 2014 par le ministère de la défense, condamnés et exécutés pour désobéissance militaire ;

• l'inscription de ces 639 personnes sur les monuments aux morts des communes ;

• l'érection d'un monument national en mémoire de ces 639 soldats.

Les « fusillés pour l'exemple » visés par la proposition de loi sont des militaires condamnés à mort par un conseil de guerre en vertu des dispositions du code de justice militaire de 1857 alors applicables, et selon les modalités prévues par des décrets pris en 1914 pour faciliter et accélérer les procédures . Les motifs de condamnation à mort, hors crimes de droit commun et espionnage, étaient notamment les suivants : abandon de poste en présence de l'ennemi (art. 213) ; refus d'obéissance en présence de l'ennemi (art. 218), dont mutilations volontaires ; voies de fait envers un supérieur (art. 223) ; instigateurs de révoltes (art. 217) ; désertion à l'ennemi. Les deux premiers de ces motifs (désobéissance et abandon de poste) sont, de loin, les plus fréquents.

Il convient de distinguer les « fusillés » des « mutins ». En effet, la plupart des fusillés l'ont été en 1914 et 1915, tandis que les grandes mutineries de l'armée française ont eu lieu en mai-juin 1917. Le seul mois d'octobre 1914 concentre environ une sur dix de l'ensemble des quelques 600 exécutions après jugement de la guerre. En revanche, parmi les 40 000 à 80 000 mutins de 1917, une trentaine seulement a été fusillée. Il existe donc des mutins parmi les fusillés, mais cela ne constitue qu'une faible partie de l'ensemble. Cette situation paradoxale est due en partie à la réforme des conseils de guerre intervenue en 1916, à la suite d'une prise de conscience des abus commis sous l'empire des décrets de 1914 qui avaient supprimé les droits de la défense pour les militaires accusés de désobéissance .

Selon le rapport du groupe de travail dirigé par l'historien Antoine Prost en 2013, environ 740 militaires ont été fusillés durant la Première Guerre mondiale, dont 600 à 650 pour des faits relevant de la désobéissance militaire. Dans le prolongement de ce rapport, M. Kader Arif, secrétaire d'État chargé des Anciens combattants, a missionné le service historique de la défense (SHD) pour procéder au décompte le plus complet possible du nombre de fusillés non réhabilités, compte tenu des archives disponibles. Le 27 octobre 2014, le Ministère des Armées a communiqué les résultats suivants : 639 personnes ont été fusillées pour désobéissance militaire ; 141 personnes pour des faits de droit commun ; 126 pour espionnage. Les motifs restent inconnus pour 47 autres cas et 55 personnes ont été exécutées sans jugement, mais sommairement identifiées.

La présente proposition de loi a ainsi pour objet de réhabiliter les 639 fusillés pour désobéissance militaire. Logiquement, elle ne concerne pas, en revanche, les 141 fusillés pour des faits de droit commun, ni les 126 fusillés pour des faits d'espionnage.

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