B. DES MILITAIRES EXÉCUTÉS SURTOUT AU DÉBUT DU CONFLIT

Nombre mensuel de soldats exécutés pendant la guerre de 1914-1918 dans l'armée française. Source : rapport Prost.

Le plus grand nombre de condamnations à mort par les conseils de guerre est recensé en 1914 et 1915 . Comme le souligne le rapport de M. Antoine Prost : « C'est donc au début de la guerre que la sévérité de la justice militaire s'exerce avec le plus de liberté. Le seul mois d'octobre 1914 concentre autour d'une sur dix de l'ensemble des quelques 600 exécutions après jugement de la guerre (délits militaires). La période de 1914-1915 correspond aussi à celle des offensives d'infanterie les plus meurtrières et les moins bien préparées, donnant lieu à des situations confuses (soldats isolés, désemparés par les combats, obligés de se replier, etc.) qui aboutissent à un grand nombre de condamnations dans des conditions sommaires ».

Plusieurs cas de réhabilitation individuelle ont montré que l'application des motifs de condamnation était souvent imprécise, voire sujette à de graves erreurs . Ainsi, certains soldats ont pu être condamnés uniquement parce qu'ils n'étaient pas parvenus à rejoindre leur unité, comme le soldat Joseph Gabrielli, simple d'esprit qui n'avait pas été en mesure de rejoindre sa compagnie après s'être fait soigner d'une blessure, condamné pour abandon de poste le 14 juin 1915 et fusillé le jour même. Il fut réhabilité après un long combat judiciaire par la Cour spéciale de justice le 4 novembre 1933. D'autres hommes ont pu être fusillés pour s'être simplement abrités du feu pendant une attaque ennemie, avant de reprendre leur position antérieure (les « martyrs de Vingré »). De nombreux autres cas ont frappé les consciences : ainsi celui du sous-lieutenant Jean Chapelant (condamné après un procès sommaire pour désertion alors que blessé, il avait réussi à s'évader après avoir été fait prisonnier), ou encore celui du soldat Léonard Leymarie, blessé à son poste mais condamné pour mutilation volontaire, etc.

Par ailleurs, la hiérarchie militaire avait souvent l'intention explicite, par ces exécutions, de « faire un exemple » afin de dissuader les autres soldats de reculer lors des terribles combats qui faisaient rage depuis le début de la guerre. Ainsi, du soldat Ernest Ricouart, qui a quitté son poste, son chef de bataillon écrit, au début de 1915 : « Il n'est certainement qu'à demi responsable. Mais en raison des circonstances, de l'exemple à faire en vue d'éviter le retour de fautes semblables, il doit être traduit en conseil de guerre » 1 ( * ) . Ceci conduisit parfois, comme le souligne le rapport du groupe de travail mené par M. Antoine Prost, « à faire passer en conseil de guerre des soldats dont l'attitude ne prête pas plus à inculpation que celles d'autres qu'on ne juge pas ».

Outre la mort des militaires condamnés, la condamnation par le Conseil de guerre jetait un opprobre durable sur la famille de l'exécuté, qui devait subir la malveillance et les sarcasmes sur son lieu de vie pendant de longues années après la guerre.


* 1 Cité par le rapport Prost.

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