C. UNE JUSTICE D'EXCEPTION CRITIQUÉE DÈS LE DÉBUT DE LA GUERRE

Au début de la guerre, la justice militaire a été réformée pour faciliter les condamnations , dans l'optique, comme l'a souligné l'historien Jean-Yves Le Naour lors de son audition par le rapporteur, d'un conflit rapide où il fallait maintenir la mobilisation des soldats jusqu'à la victoire. Seules des exécutions rapides permettaient d'atteindre cet objectif . Comme l'indiquait en octobre 1914 le général commandant le 7 e corps d'armée, à propos de la procédure relative à 24 soldats inculpés d'abandon de poste devant l'ennemi: « il importe que la procédure soit expéditive, pour qu'une répression immédiate donne, par des exemples salutaires, l'efficacité à attendre d'une juridiction d'exception ».

Selon le rapport du groupe de travail mené par M. Antoine Prost, les étapes de cette réforme destinée à rendre les condamnations rapides ont été les suivantes : suspension des recours en révision des condamnés par décret du 10 août 1914 ; suppression de l'obligation de transmettre pour avis au Président de la République l'exécution des condamnations à mort à partir du 1 er septembre 1914 ; institution par le décret du 6 septembre 1914 des conseils de guerre spéciaux ou « cours martiales » qui dérogent aux conseils de guerre de droit commun (composition de 3 membres (au lieu de 5) ; absence d'instruction préalable ; impossibilité de tout recours ; restriction du droit de grâce, réservé à l'officier ayant assuré la mise en jugement.

Dans ce cadre, les pratiques n'étaient pas uniformes : certains officiers faisaient preuve d'une sévérité qui sera ensuite dénoncée comme inhumaine tandis que d'autres évitaient d'en venir à de telles extrémités. Certains officiers ont également été relevés par leurs supérieurs après des exécutions. Les militaires n'étaient donc pas égaux devant ces pratiques, selon l'unité dans laquelle ils combattaient et les chefs qui la commandaient.

À partir de 1916, les débats suscités par des abus évidents et l'action de certains députés ont conduit à supprimer ces conseils de guerre spéciaux , à rétablir les circonstances atténuantes et à permettre les recours en révision. Les condamnations prononcées devinrent alors beaucoup moins nombreuses jusqu'à la fin de la guerre (même pendant l'épisode des grandes mutineries de 1917 où les garanties rétablies sont de nouveau suspendues pendant un mois, les exécutions sont beaucoup moins nombreuses en proportion qu'en 1914 et 1915), ce qui montre a contrario le caractère anormalement sévère des dispositions adoptées en 1914.

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