B. TENIR COMPTE DES SPÉCIFICITÉS ULTRAMARINES

a) Le cinéma en outre-mer

Les collectivités concernées par la présente proposition de loi sont celles mentionnées à l'article 73 de la Constitution, soit la Guadeloupe, la Réunion, la Martinique, la Guyane et Mayotte. Sont donc exclues les collectivités qui relèvent de l'article 74, soit Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, qui relève pour sa part de l'article 72-3 de la Constitution.

Les outre-mer concernés comptent 21 établissements actifs en 2022, certains comportant plusieurs salles, soit environ 1 % du parc national et 1,7 % des entrées.

 

Nombre d'établissements

Nombre d'entrées

La Réunion

9

1 209 242

Guadeloupe

5

442 561

Martinique

3

615 511

Guyane

3

301 040

Mayotte

1

23 679

Total

21

2 592 033

La fréquentation des cinémas ultramarins est extrêmement concentrée autour de quelques établissements. Ainsi, en Guadeloupe, Guyane et Martinique, l'exploitant le plus important rassemble respectivement 91 %, 87 % et 99 % des tickets vendus. La Réunion échappe partiellement à ce schéma, avec 46 % des entrées pour l'établissement le plus important.

b) Le prix du billet en outre-mer obéit à des règles spécifiques

Dans la fixation du prix du billet, les outre-mer bénéficient de deux particularités.

D'une part, le taux de TVA est fixé à 2,1 %, contre 5,5 % en métropole.

D'autre part, la taxe sur les billets est calculée de manière différente, pour des raisons historiques.

La TSA en outre-mer

En effet, créée en 1948, la TSA a été dans un premier temps perçue par le CNC en outre-mer comme en métropole. À la demande des collectivités territoriales, l'article 5 de la loi de finances pour 1963 l'a cependant supprimée à compter de cette année dans les outre-mer.

Cette absence de taxation s'est traduite par une plus grande difficulté, voire une impossibilité pour le cinéma en outre-mer à accéder aux différents dispositifs d'aide du CNC. Suite à de très nombreux débats et à un rapport des Inspections générales de l'administration et des affaires culturelles1(*), l'article 117 de la loi de finances pour 2014 a mis fin à cette exception en prévoyant la réintroduction progressive de la taxe à compter du 1er janvier 2015, jusqu'à atteindre le taux métropolitain en 2021. Cette soumission à la taxe a rendu éligibles les salles ultramarines aux aides du CNC.

L'article 200 de la loi de finances pour 2019 a stabilisé le montant de la TSA à 5 %, taux en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Le gouvernement évoquait alors les difficultés en matière de construction auxquelles devaient faire face les établissements en outre-mer, et qui justifient une différence de 5,72 points avec la métropole.

Compte tenu de cette moindre imposition, la « base film » sur le prix d'un billet vendu en outre-mer est donc plus élevée de 10,12 points (3,4 points de TVA et 6,72 points de TSA).

Malgré cette fiscalité avantageuse, le prix du billet en outre-mer est sensiblement plus élevé qu'en métropole, à 7,83 € en 2022 contre 7,3 € en métropole.

c) La relation avec les distributeurs

Historiquement, les distributeurs ont appliqué en outre-mer un taux de location de 35 %, soit près de 12 points de moins qu'en métropole. La distribution a été pendant longtemps assurée non pas directement, mais par un intermédiaire local spécialisé, qui prélevait en moyenne la moitié de la commission, et pouvait en reverser une partie à l'exploitant. Il assurait en contrepartie les fonctions du distributeur (promotion, événementiel, etc...)

Récemment, les distributeurs ont cependant dénoncé ce système, et décidé de gérer les relations avec l'outre-mer « en direct », avec l'accord des exploitants.

Cependant, les négociations entre les parties prenantes ont échoué sur le taux de location, que les distributeurs ont souhaité aligner sur celui de la métropole, soit environ 50 %. Pour eux, cela signifierait une progression de près de 30 points des recettes engendrées par les tickets vendus en outre-mer. Ils justifient cette hausse notamment par les spécificités d'un marché qu'ils devront dorénavant gérer eux-mêmes, entrainant donc des coûts de distribution et de promotion plus importants.

De leur côté, les exploitants de salle dénoncent cette hausse soudaine qui mettrait en danger l'exploitation.


* 1 https://www.interieur.gouv.fr/content/download/67843/493199/file/13066-13059-02-cin%C3%A9ma-outre-mer.pdf

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