B. L'INFLATION A PESÉ FORTEMENT SUR LE POUVOIR D'ACHAT ET LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES

1. D'abord expliquée par l'augmentation des prix de l'énergie, la hausse de l'inflation en 2022 a ensuite procédé de facteurs internes

Après avoir connu une première hausse en 2021, l'inflation a nettement accéléré en 2022 pour atteindre un taux moyen annuel
de +5,2 %.
De façon notable, l'indice des prix a augmenté davantage sur la période décembre 2021-2022 (+ 5,9 %) que sur l'ensemble de la période décembre 2018-2021 (+ 4,3 %).

Évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac

(base 100 en janvier 2019)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

L'inflation a été particulièrement marquée pour les biens, en particulier les produits alimentaires (+ 6,1 %) et l'énergie (+ 16,5 %), tandis que l'augmentation des prix des services a été plus modérée (+ 3,1 %).

Plusieurs facteurs ont influencé la hausse de l'indice des prix. D'abord, la reprise économique consécutive à la levée des restrictions sanitaires s'est traduite par une augmentation de la demande qui a exercé une pression à la hausse sur les prix. Toutefois, l'élévation des prix de l'énergie a joué un rôle déterminant, ces derniers ayant connu une hausse significative de 16,5 % en 2022.

Si l'inflation a été majoritairement « importée » sous l'effet d'une hausse des prix de l'énergie, la tendance s'est atténuée en fin d'année 2022.

Décomposition des facteurs d'évolution du déflateur (du prix)
des ressources de l'économie française

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

Ainsi, au troisième trimestre 2022, la variation du déflateur du PIB (qui permet d'observer l'évolution du coût des facteurs internes à une économie) ne représentait que 0,5 point de pourcentage de l'augmentation de 7,8 % du déflateur des ressources de l'économie (qui permet d'observer le coût de l'ensemble des ressources mobilisées par l'économie pour produire des biens et services) par rapport au troisième trimestre 2021.

Cette situation montrait que l'essentiel de l'évolution des prix résultait de l'augmentation du déflateur des importations (7,3 points) et plus particulièrement du coût des énergies importées.

Or, au quatrième trimestre 2022, la hausse de 6,6 % du déflateur des ressources s'explique désormais pour 2,5 points par celle du déflateur du PIB ce qui signale que l'inflation présente de moins en moins un caractère « importée ».

2. L'inflation a réduit le pouvoir d'achat des ménages et le taux de marge des entreprises

Les dynamiques inflationnistes observées en 2022 ont, en tout état de cause, eu des conséquences substantielles sur l'économie française et ont participé à une hausse des coûts de production impactant directement les marges des entreprises.

À titre d'illustration, le taux de marge des sociétés non financières a reculé à 31,7 % de leur valeur ajoutée en 2022, contre 34,0 % en 2021. Une partie de cette contraction est toutefois attribuable à la fin des mesures de soutien liées à la crise sanitaire.

Parallèlement, l'inflation a contribué à réduire le pouvoir d'achat réel des ménages. Alors que leur revenu disponible brut a augmenté en termes nominaux (+ 5,1 % en euros courants), la hausse plus rapide des prix a entraîné une diminution du pouvoir d'achat en termes réels.

Évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac
entre 2019 et 2022 par décile de revenu

(en pourcentage)

 

Lecture : les ménages situés entre le premier et le deuxième déciles ont connu une hausse de l'indice des prix de leur panier de consommation hors tabac de 7,7 % entre 2019 et 2022.

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

On peut également observer que l'accélération de l'inflation est variable selon les catégories de ménages.

3. Les mesures prises pour limiter les effets de la crise énergétique ont participé à réduire le niveau de l'inflation en France

En comparaison des autres économies développées, notamment celles de la zone euro, la France a affiché une inflation relativement plus modérée en 2022.

En zone euro, l'inflation mesurée par l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) s'est élevée à 8,4 % contre 5,9 % en France. Dans le même temps, la progression des salaires a été moins dynamique en France (+3,5 %) que dans le reste de la zone euro (+ 4 %, d'après les données du Consensus Forecasts).

Cet écart est plus marqué dans certains États-membres. Par exemple, aux Pays-Bas, l'indice des prix a augmenté de près de 11 % alors que les salaires ont seulement progressé d'environ 3,5 %, signalant une importante perte de pouvoir d'achat pour les salariés.

Évolution des prix et des salaires
en Europe en 2022

(en pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du Consensus Forecasts de janvier 2023

Le moindre niveau de l'inflation en France est en partie attribuable aux mesures gouvernementales visant à atténuer les effets de la crise énergétique sur le revenu des ménages.

En 2022, l'ensemble des dépenses engagées pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages s'élève à 31,8 milliards d'euros, d'après les réponses fournies par le Gouvernement au rapporteur général.

Ces dépenses représentent 1,2 % du PIB, soit moins que la moyenne de la zone euro (1,9 % du PIB de la zone euro d'après les calculs de la Banque centrale européenne).

Synthèse et coût des mesures mises en oeuvre
pour soutenir le pouvoir d'achat

(en milliard d'euros)

 

2021

2022

Bouclier gaz - compensation aux fournisseurs de gaz

0,4

6,7

Bouclier électricité - baisse de la TICFE et de la TCCFE

 

7,0

Bouclier électricité - manque à gagner des fournisseurs d'électricité

 

11,2

Indemnité inflation

3,8

 

Remise sur les prix du carburant

 

7,9

Aide exceptionnelle de rentrée

 

1,1

Revalorisation anticipée des retraites et des prestations

 

6,7

Barème kilométrique

 

0,4

Guichet d'aide au paiement des factures d'électricité pour les entreprises

 

0,5

Aides sectorielles

 

0,9

Chèques de soutien aux ménages modestes *

0,5

1,2

Total

4,7

43,6

     

Moindres charges de service public de l'énergie (CSPE)

-1,9

-10,1

Contribution sur la rente infra-marginale de la production d'électricité (CRIM)

 

-1,2

Contribution exceptionnelle de solidarité (CES)

 

-0,2

Hausse des redevances hydroélectriques

-0,1

-0,2

     

Total net des moindres CSPE, des recettes de redevances hydroélectriques, des recettes CES et de la contribution sur la rente infra-marginale

2,7

31,8

 

   

Dont dépenses

2,8

30,4

Dont recettes

-0,1

1,4

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires