II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une réforme des aides à la presse qui tarde à être mise en oeuvre et s'avère incomplète

Les aides à la presse (action 02) représentaient 51,1 % des crédits de paiement votés au sein du programme 180 « Presse et Médias » en loi de finances pour 2022 (179,2 millions d'euros Ae=CP). Celle-ci prévoyait une réforme des aides à la distribution, censée être mise en oeuvre rapidement et prenant la forme d'une nouvelle aide à l'exemplaire à double barème.

Un premier volet, dédié aux exemplaires postés (sous action 01), est destiné aux éditeurs des publications d'information politique et générale d'une périodicité au maximum hebdomadaire, des quotidiens à faibles ressources publicitaires (QFRP) et des quotidiens à faibles ressources de petites annonces (QFRA). La loi de finances pour 2022 prévoyait à cet effet une dotation de 62,3 millions d'euros, transférée depuis le programme 134 «Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ». L'État versait en effet jusqu'en 2021, via ce programme, à La Poste une compensation annuelle pour financer le transport postal. Afin d'encourager le portage, le montant de l'aide à l'exemplaire devrait être diminué à compter du 1er janvier 2024, sauf pour les exemplaires distribués dans les communes situées dans les zones dites peu denses.

Le second volet de l'aide à l'exemplaire reprenait les contours de l'aide au portage (sous action 05). Toutefois, seuls les titres portés par un réseau ou par une composante d'un réseau ayant conclu une convention avec la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture seront éligibles au dispositif. Un montant incitatif est mis en place pour les publications IPG hebdomadaires afin de les inciter à recourir à ce dispositif. Les crédits prévus pour 2022 étaient les mêmes que ceux votés en 2021, soit 26,5 millions d'euros. Le ministère de la culture avait néanmoins indiqué que ce montant était sous-évalué, le coût de l'aide étant estimé à 32,7 millions d'euros. Il tablait cependant sur une régularisation en 2023 une fois les données relatives aux volumes portés en 2022 connus.

La réponse tardive de la Commission européenne à la demande de vérification de la compatibilité de cette réforme au droit européen a conduit à différer son entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Ce report se traduit en exécution par l'annulation des crédits dédiés à la sous-action 01. 54 millions d'euros ont ainsi été transférés vers le programme 134 au titre de la compensation à La Poste, le solde étant annulé en deux temps : par décret de virement puis dans le collectif budgétaire de fin d'année13(*).

La suppression des crédits justifie pour partie la sous-consommation observée sur le programme 180 « Presse et Médias ». Au final, les crédits consommés atteignent 118,2 millions d'euros, soit 66 % des crédits initialement votés.

L'exécution 2022 appelle cependant d'autres réserves sur le fonctionnement même des aides à la presse. Le rapporteur spécial note ainsi que si les aides à la modernisation ont pu être consommées à 93 %, ce taux n'a pu être obtenu que par transferts de crédits entre sous-actions, tenant compte d'une part d'une sous-budgétisation du Fonds stratégique pour le développement de la presse (sous-action n° 16)14(*) et, d'autre part, une sous-consommation des crédits dédiés aux Fonds de soutien à l'émergence et l'innovation dans la presse. Celle-ci apparaît logique, la dotation initiale (5 millions d'euros) représentant quasiment le montant cumulé des crédits dépensés par le Fonds sur la période 2016-2020 (5,7 millions d'euros). La fiabilité de la prévision budgétaire est donc largement remise en cause.

Exécution des crédits dédiés aux aides à la modernisation en 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Créé en 2012, puis réformé en 2014 et 2016, le FSDP accorde des subventions ou des avances remboursables à des projets d'investissements innovants. Sa montée en puissance relative - 9 millions d'euros sont fléchés chaque année vers France Messagerie qui a succédé à Presstalis - invite, au-delà du réajustement budgétaire à opérer, à aller plus loin s'agissant de la réforme des aides à la presse. Comme le rapporteur spécial l'avait noté dans son rapport de contrôle budgétaire de juin 202115(*), l'aide à la presse doit désormais être conçue comme une aide à l'investissement et non plus comme un soutien à des titres fragiles, n'ayant pas pu ou su procéder à une révision de leurs modèles ou comme un appui à des messageries qui ne peuvent rien face à la diminution inexorable du lectorat « papier ». Il s'agit de passer d'une logique de rafistolage à celle d'un accompagnement rationnel. Une refonte de l'ensemble des aides (distribution, pluralisme, modernisation) versées actuellement à plusieurs acteurs de la filière en une aide unique au titre, évolutive en fonction de son degré de digitalisation, de sa participation à la connaissance et au savoir - la question de la pertinence du critère IPG est notamment posée - et de son accès aux ressources publicitaires doit désormais être envisagée.

L'absence de réflexion sur l'adéquation de ces aides à l'évolution du secteur se retrouve dans l'exécution des crédits prévus par le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance ». 140 millions d'euros (AE=CP) avaient ainsi été dédiés en 2021 et 2022 au financement de trois priorités :

- l'accompagnement de la transition écologique du secteur de la presse et les changements de pratique dans l'imprimerie (47 millions d'euros) ;

- l'amélioration de la compétitivité et de l'attractivité du secteur via une majoration des crédits alloués au FSDP (45 millions d'euros) ;

- le soutien aux marchands de journaux sur le territoire et la mise en place d'un fonds pour la résorption de la précarité dans ce secteur d'activité (48 millions d'euros).

Ces crédits s'intégraient dans le plan de filière de 377 millions d'euros sur deux ans présenté par le Président de la République le 27 août 2020. Cette somme couvrait les nouvelles lignes budgétaires créées en loi de finances pour 2021, et une partie les crédits dégagés en troisième loi de finances rectificative pour 2020. Elle intégrait également la dépense fiscale liée à la création de l'impôt au titre d'un premier abonnement, finalement supprimé en loi de finances pour 2023. Le plan de filière couvrait enfin les crédits dédiés à la restructuration de Presstalis et son remplacement par France Messagerie (140 millions d'euros AE = CP prévus par la troisième loi de finances rectificative pour 2020).

Le rapporteur spécial avait émis des doutes sur le contenu et le coût du plan de filière. 22 % des crédits dédiés à la presse étaient ainsi fléchés vers un plan réseau imprimerie (PRIM) destiné à accélérer le départ de 1 553 salariés du secteur de l'imprimerie, soit près de 60 % des effectifs actuels. Or le PRIM relève avant tout d'un gigantesque plan social ciblant les imprimeries et ne correspond pas véritablement à l'objectif de rebond affiché.

Par ailleurs, si (cf supra) la majoration des crédits du FSDP destinée à favoriser l'accompagnement de la transition vers le numérique des principaux acteurs de la filière, en particulier les éditeurs, apparaît nécessaire, il reste à déterminer le niveau de cette intervention. Il n'appartient pas, en effet, à l'État de se substituer aux éditeurs dans la définition d'une offre numérique ou du choix d'un support et de financer ainsi l'intégralité du processus de digitalisation de la presse, sauf à créer une distorsion de concurrence avec d'autres secteurs. L'accompagnement doit donc prendre en compte le degré de digitalisation déjà existant pour chaque titre et être modulé en fonction de celui-ci. Par ailleurs, l'ouverture de nouvelles lignes de crédits en faveur de la transition numérique ne saurait occulter la mise en place d'autres instruments juridiques en vue de renforcer les ressources des médias de presse écrite présents sur internet (kiosques numériques, droits voisins, publicité numérique). L'aide budgétaire ne peut constituer la seule réponse au défi de la digitalisation.

L'exécution vient confirmer en tout état de cause un problème de calibrage de cette aide massive :

- les crédits de paiement dédiés au Fonds de transition écologique n'ont été consommés qu'à hauteur de 16 % sur la période 2021-2022. Les reports attendus en 2023 devraient permettre d'atteindre un taux de consommation de 49 % ;

- la dotation du plan PRIM n'a été consommée qu'à hauteur de 19 % sur la période 2021-2022 ;

- seuls 50 % des crédits des fonds dédiés au dispositif de soutien aux marchands de journaux et au fonds pour la résorption de la précarité ont été consommés.

Le rapporteur spécial note enfin que sur l'enveloppe de 140 millions d'euros, 25 millions d'euros ont finalement été réaffectés au financement d'une aide exceptionnelle en faveur des éditeurs de presse afin de leur permettre de faire face à l'augmentation des coûts de production. Le dispositif mis en oeuvre en décembre 2022 et doté de 30 millions d'euros agrège 5 millions d'euros octroyés dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année.

2. Quels financements pour le Centre national de la musique et la Bibliothèque nationale de France ?

Le rapporteur spécial avait exprimé, à l'occasion de l'examen des crédits de la Bibliothèque nationale de France et du Centre national de la musique en projet de loi de finances pour 2023, une certaine inquiétude quant à leur modèle de financement. L'examen du présent projet de loi de règlement permet de disposer de davantage de recul quant à l'évolution de la trajectoire budgétaire de ces deux opérateurs du ministère de la culture.

Mis en place le 1er janvier 2020, avec pour ambition de devenir l'équivalent, dans le domaine de la musique, du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), le Centre national de la musique (CNM) dispose de trois sources de financement :

- le produit de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés ;

- la dotation budgétaire anciennement accordée au Centre national de la musique dont il a pris la suite, à laquelle s'ajoutent les crédits budgétaires initialement dédiés au Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA), au fonds pour la création musicale (FCM), au club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ou au Bureau export de la musique ;

- une contribution volontaire des organismes de gestion collective, reprenant celle versée autrefois aux structures fusionnées (CNV, IRMA, CALIF, FCM, Bureau Export) au sein du CNM.

La crise sanitaire et la fermeture des salles de spectacle ont remis en question le rendement de la taxe sur les spectacles quand l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur les droits voisins du 8 septembre 2020 a fragilisé la capacité contributive des organismes de gestion agréés (OGC)16(*). À l'inverse le CNM a bénéficié d'une montée en charge de sa dotation budgétaire, établie en 2022 à 26,3 millions d'euros (AE = CP) et des crédits du Plan de relance (210 millions d'euros sur la période 2021-2022 dont 10 millions d'euros d'appui budgétaire). Ces crédits supplémentaires ont permis au CNM d'aider l'ensemble du secteur, sans être affaiblis par la baisse du produit de la taxe sur les spectacles et de la contribution des OGC.

Le rapporteur spécial avait relayé lors de l'examen des crédits de la mission à l'occasion du projet de loi de finances pour 2023 les incertitudes sur le financement au-delà de l'exercice 2022, en ciblant notamment une prévision de rendement de la taxe sur les spectacles alarmiste. Une impasse de financement pour le CNM établie à 10 millions d'euros en 2023 était alors avancée. Cette difficulté annoncée avait motivé le lancement, par le ministère de la culture, d'une mission confiée au sénateur Julien Bargeton sur la recherche de nouveaux canaux de financements. Le rapport qu'il a présenté le 20 avril dernier table sur la création d'une taxe sur les revenus du streaming musical payant et gratuit financé par la publicité, établie à 1,75 % du chiffre d'affaires17(*).

L'exécution 2022 tend néanmoins à relativiser cette impasse de financement, le montant de la taxe sur les spectacles perçu par le Centre national de la musique a en effet atteint 32,8 millions d'euros, soit un niveau relativement proche de celui constaté en 2019 (35 millions d'euros). Les prévisions transmises lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 tablaient sur un produit de 22 millions d'euros en 2022 et de 25,7 millions d'euros en 2023. De fait, si une taxe sur le streaming devait être mise en place, celle-ci servirait un accroissement des moyens du CNM.

Le financement de la Bibliothèque nationale de France (BnF), premier opérateur du ministère de la culture (228,2 millions d'euros consommés en 2022), suscite davantage de réserves. La loi de finances pour 2022 prévoyait déjà une majoration de 3,18 millions d'euros de la subvention pour charges de service public aux fins de financements de l'évolution de la masse salariale et une progression de 4 millions d'euros de sa subvention d'investissement afin de lancer la construction d'un nouveau pôle de conservation des collections à Amiens (projet financé à hauteur de 30 millions d'euros par l'État, pour un devis global estimé à 100 millions d'euros).

La subvention pour charges de service public a été majorée de 8,92 millions d'euros en gestion afin d'absorber l'augmentation des coûts de l'énergie en cours d'exercice (3,57 millions d'euros) et compenser le financement de mesures liées à la gestion des ressource humaines (3,49 millions d'euros sont d'ores et déjà reportés sur l'exercice 2023 aux fins d'absorption de l'augmentation de la valeur du point d'indice des fonctionnaires).

Ces ajustements en cours d'exercice illustrent les difficultés conjoncturelles mais aussi structurelles que rencontre l'opérateur, s'agissant notamment du site François Mitterrand. Le surcoût énergétique devrait atteindre 15 millions d'euros en 2023 et devrait peser sur les dépenses d'investissement, comme lors de l'exercice 2022 (- 7,4 millions d'euros au deuxième semestre). Plusieurs chantiers ont ainsi été suspendus : rénovation de la vidéo-protection, plantation de grands arbres dans le jardin, amélioration de la climatisation, valorisation des eaux d'exhaure ou travaux d'éclairage. Ce coup de frein fragilise un établissement confronté à d'importants travaux d'ici à 2025. Les dépenses théoriquement nécessaires au maintien du site de Tolbiac en ordre de marche sont estimées à 59 millions d'euros en CP à cet horizon. D'importants investissements sont notamment à réaliser à moyen terme afin de répondre aux enjeux climatiques et énergétiques :

- les façades sont composées de 10 000 fenêtres environ qui s'avèrent mal isolées. Le coût du remplacement de chacune d'entre elles dépasse aujourd'hui 16 000 euros ;

- les appareils d'éclairage (50 418 sources lumineuses) sont appelés à être remplacés par des équipements basse consommation, qui pourraient permettre une réduction de 13 % de la consommation énergétique du site de Tolbiac. Le coût de l'opération est estimé à 10 millions d'euros.

Or, seule une partie des opérations a été intégrée aux demandes de financement formulées auprès de la tutelle (42 millions d'euros).

3. La fin de la trajectoire d'économies imposées à l'audiovisuel public

La trajectoire d'économies sur cinq ans de 190 millions d'euros demandée par le Gouvernement a pris fin en 2022, toutes les sociétés de l'audiovisuel public ayant été mises à contribution.

Montant annuel des économies demandées aux sociétés de l'audiovisuel public
entre 2019 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette trajectoire doit cependant être relativisée à l'aune des efforts consentis par ailleurs par l'État pour amortir les conséquences de la crise sanitaire. Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoit une dotation de 73 millions d'euros (AE = CP), répartie sur les exercices 2021 et 2022. Cet apport vise à appuyer le rôle de soutien à la création en compensant à la fois le recul des ressources publicitaires, le report sur 2021 d'un certain nombre de charges et la progression des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire (aménagements des locaux, achats de masques et de gel etc.).

L'enveloppe dédiée à France Télévisions au sein de cette aide correspond ainsi au montant des pertes publicitaires enregistrées en 2020 (45 millions d'euros). 22,5 millions d'euros ont ainsi été versés en 2022.

20 millions d'euros étaient par ailleurs prévus pour Radio France, afin de répondre à l'impact durable de la crise sur ses formations musicales. Après un premier versement de 15 millions d'euros en 2022, le solde de 5 millions d'euros a été affecté en 2022.

Crédits affectés aux sociétés audiovisuelles publiques par la mission
« Plan de relance » en 2021 et 2022

(en millions d'euros)

 

2021

2022

Total 2021-2022

France Télévisions

22,5

22,5

45

Arte

5

-

5

Radio France

15

5

20

France Médias Monde

0,5

-

0,5

Institut national de l'audiovisuel

2

-

2

TV5 Monde

0,5

-

0,5

Total

45,5

27,5

73

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

À ces crédits s'ajoutent par ailleurs des augmentations de capital :

- Radio France a bénéficié d'une augmentation de capital supplémentaire de 9 millions d'euros en 2022 afin de financer une partie des travaux de la maison de la Radio ;

- France Télévisions, Radio France et France Médias Monde ont vu leur capital augmenté par l'État afin de financer deux tiers du coût des plans de départ volontaire. Le capital de France Télévisions a ainsi été majoré de 14,9 millions d'euros en 2022, celui de Radio France de 6,6 millions d'euros et celui de France Médias Monde de 1,6 million d'euros.

Dotations en capital attribuées aux sociétés de l'audiovisuel public en vue de financer les plans de départs volontaires

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

Total 2020-2022

France Télévisions (1 800 départs attendus /700 remplacements)

17

15,2

14,9

47,1

Radio France (340 départs attendus / 183 remplacements)

2

9,8

6,6

18,4

France Médias Monde (30 départs attendus)

   

1,6

1,6

Total

19

25

23,1

67,1

Source : mission conjointe de contrôle u Sénat sur le financement de l'audiovisuel public d'après les données transmises par la direction générale des médias et des industries culturelles

Ces augmentations de capital peuvent étonner dans la mesure où aucune maîtrise de la masse salariale n'a réellement été observée depuis 2020, les deux sociétés dérogeant aux cibles retenues dans le projet annuel de performances 2022.

Évolution de la masse salariale de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde entre 2020 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénats d'après le rapport annuel de performance 2022 annexé au projet de loi de règlement

Le rapporteur spécial relève en outre un recours croissant au sein des trois entreprises aux contrats courts.

Évolution du nombre d'ETP non permanents au sein de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde entre 2019 et 2022

Source : commission des finances du Sénats d'après le rapport annuel de performance 2022 annexé au projet de loi de règlement

Les augmentations de capital, l'apport du plan de relance comme les difficultés à maîtriser la masse salariale soulignent en tout état de cause la limite du coup de rabot budgétaire uniforme appliqué à l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public, sans réflexion stratégique sur leur développement. Le rapporteur spécial rappelle à cet égard les préconisations de la mission conjointe de contrôle menée par les commissions des finances et de la culture du Sénat et dont les conclusions ont été présentées en juin 202218(*). Il s'agit désormais d'aller plus loin en définissant précisément les missions de service public confiées aux sociétés de l'audiovisuel public, le périmètre même du service public et en évaluant une allocation de moyens adaptée. La fusion des entreprises au sein d'une structure commune comme la réduction du nombre de chaînes de radios ou de télévisions sont des pistes à approfondir.

Dans le contexte d'une multiplication des service de vidéos à la demande (SVOD), la mise en oeuvre d'une stratégie numérique unifiée, permettant de mieux structurer l'offre de programmes publics en clarifiant les lignes éditoriales des différents services tout en facilitant leur accès à travers des points d'entrée communs, fait également figure de priorité. Le rapporteur spécial insiste sur le fait que ce regroupement permettrait de mutualiser des investissements aujourd'hui réalisés en silo et regrette qu'une telle option n'ait pas été mieux défendue avant que France Télévisions ne se lance dans l'aventure SALTO. La plateforme SALTO créée en 2018 par les groupes TF1, France Télévisions et M6 puis lancée en 2020 n'a jamais trouvé son public et 2022 a correspondu à sa dernière année de plein exercice. La liquidation de la plateforme le 15 février 2023 devrait se traduire par une perte nette cumulée de 62 millions d'euros pour le groupe public sur la période 2020-2023, dont 16 millions d'euros pour le seul exercice 202219(*).


* 13 Décret n° 2022-1260 du 27 septembre 2022 portant virement de crédits et loi n° 2022-1499 du 1erdécembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 14 Après application de la réserve de précaution, la dotation du fonds est passée de 16,47 millions d'euros (AE=CP) à 10,33 millions d'euros (AE=CP). Après redéploiements, le FSDP a vu finalement vu sa dotation atteindre 16,17 millions d'euros en AE et 19,1  millions d'euros en CP.

* 15 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances n° 692 (2020-2021) - 16 juin 2021.

* 16 Arrêt CJUE 8 septembre 2020 affaire C-265/19Recorded Artists Actors Performers Ltd/Phonographic Performance (Ireland) Ltd e.a.

* 17 La stratégie de financement de la filière musicale en France - Faire du centre national de la musique l'outil d'une nouvelle ambition, avril 2023.

* 18 « Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance du service public », Rapport d'information n° 651 (2021-2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finance - 8 juin 2022.

* 19 Le montant total des pertes est estimé à 84,  millions d'euros par la direction de France Télévisions sur la période, partiellement compensés par des recettes établies à 22,7 millions d'euros (achats de SALTO auprès de france.tv distribution et de france.tv studio).