B. LES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE DU PLAN DE RELANCE RENDENT LE SUIVI DU BUDGET PARTICULIÈREMENT ARDU

La lisibilité de la mission « Plan de relance » est affectée aussi bien par l'architecture de la mission, qui regroupe des actions extrêmement variées, que par l'importance des mouvements de crédits intervenus.

1. Les crédits inscrits dans les documents budgétaires ne reflètent pas la réalité des actions menées

Les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale (21,8 milliards d'euros en 2021 et 13,0 milliards d'euros en 2022) ne donne qu'une vision très incomplète des crédits réellement mis à la disposition des gestionnaires de programme : il faut ajouter les crédits supplémentaires ouverts en loi de finances rectificative (4,9 milliards d'euros en 2021) et les crédits reportés de l'année précédente (0,2 milliard d'euros en 2021 et 6,2 milliards d'euros en 2022), tout en retranchant les crédits transférés à d'autres missions du budget général (1,7 milliard d'euros 2022).

Mouvements de crédits sur la mission « Plan de relance » en 2021 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Encore ces crédits ne sont-ils à la disposition des gestionnaires de programme que sur le plan budgétaire, car l'exécution fait l'objet de délégations de gestion aux ministères responsables des politiques menées (transition écologique, logement, cohésion sociale...).

En outre, une grande partie de ces crédits sont versés à des tiers tels que Bpifrance, l'Agence de service et de paiements (ASP) ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). En conséquence, la consommation indiquée dans les documents budgétaires ne correspond pas à l'utilisation des crédits par les opérateurs, c'est-à-dire par exemple le versement effectif des aides aux entreprises ou aux ménages.

L'administration elle-même ne réalise pas un suivi exhaustif et consolidé de l'emploi des crédits par les opérateurs5(*) et le Parlement n'en est a fortiori pas suffisamment informé.

La Cour des comptes estime ainsi que l'exécution réelle du plan de relance, c'est-à-dire l'utilisation des crédits sur le terrain, est très inférieure à la dépense budgétaire de la mission « Plan de relance ».

2. La définition de grands programmes a permis des réallocations de moyens sans information du Parlement

Alors que les programmes sont placés sous la responsabilité budgétaire de la direction du budget, les mesures portées par leurs actions sont en réalité exécutées par les ministères « métiers », auxquels les crédits sont confiés soit par délégation de gestion, soit par transfert de crédits.

L'assemblage de dispositifs variés dans des programmes de très grande taille a rendu possible des réallocations massives de moyens, de sorte que l'exécution des crédits est parfois très éloignée de la présentation faite dans les documents budgétaires initiaux.

Sur le programme 364 « Cohésion », en particulier, le dispositif d'activité partielle de longue durée n'a été que très peu utilisé par les entreprises. Alors même que ce faible retour était anticipé dès l'automne 20216(*), et que la loi de finances initiale pour 2022 n'a pas prévu de crédits nouveaux sur l'activité partielle, pas moins de 965,8 millions d'euros de crédits non consommés ont été reportés sur ce dispositif en 2022. La consommation a été finalement de 311,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Les crédits restants ont été redéployés vers d'autres dispositifs, sans que cela soit expliqué à l'occasion du projet de loi de finances rectificative de fin d'année. Ils ont permis de financer par exemple les surcoûts des aides à l'alternance.

En effet, le nombre de contrats d'apprentissage conclus au 31 décembre a été de 837 029, contre une prévision de 388 900. Le niveau d'exécution sur le dispositif d'aide exceptionnelle à l'apprentissage a ainsi été de 2,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,0 milliards d'euros en crédits de paiement, contre une prévision de 1,6 milliard d'euros seulement en crédits de paiement en loi de finances initiale, aucune nouvelle autorisation d'engagement n'étant par ailleurs prévue.

Or ce dispositif est également financé, depuis le 1er juillet 2022, par le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi », ce qui illustre son caractère pérenne et donc éloigné de l'objectif de relance. Le coût total en 2022 est de 6,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 4,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

La Cour des comptes relève, dans sa note d'exécution budgétaire, que l'absence de lisibilité de la mission est telle que l'administration centrale elle-même peine à rendre compte de sa gestion.

3. Les reports de crédits concourent à la confusion entre les exercices budgétaires

Alors que les crédits devraient être ouverts en loi de finances à hauteur du besoin anticipé, puis annulés si le besoin n'est pas constaté a posteriori, le Gouvernement a fait le choix de « conserver » d'année en année les crédits autorisés par le Parlement, en reportant systématiquement les crédits non utilisés.

Ces reports ont été, en crédits de paiement, de 6,2 milliards d'euros en 2022 et à nouveau de 6,0 milliards d'euros en 2023. La mission avait même bénéficié, lors de sa création en 2021, du report de crédits ouverts sur d'autres missions, à hauteur de 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 0,3 milliard d'euros en crédits de paiement.

Cette pratique, dont l'utilité n'est pas avérée, contribue à rendre presque impossible la comparaison entre la prévision et l'exécution des différentes politiques portées par la mission « Plan de relance ».


* 5 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire de la mission « Plan de relance » en 2022, p. 28.

* 6 Le projet annuel de performances de la présente mission, publié à la fin septembre 2021, indiquait ainsi que « Les données sur les demandes d'autorisation préalable et d'indemnisation sur la période de juillet 2020 à juin 2021 tendent à montrer un recours limité à ce dispositif lié à la fois à l'existence sur cette période de l'activité partielle de crise ainsi qu'à la vigueur de la reprise économique mais n'apportent pas un recul suffisant pour anticiper les effets de comportement ».