TITRE III
RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS DES MANDATS ÉLECTIFS LOCAUX PAR LES ACTEURS JUDICIAIRES ET ÉTATIQUES

Article 11
Dépaysement d'office des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint au maire dans l'exercice de leur mandat

L'article 11 introduit un mécanisme de dépaysement d'office et systématique, dans la juridiction la plus proche, des affaires dans lesquelles un maire ou un adjoint au maire serait mis en cause comme auteur, les affaires dans lesquelles il serait victime restant traitées selon les règles de compétences territoriales locales.

Rappelant le double caractère d'agent de l'État et de justiciable des maires, susceptible de les placer dans des situations antagonistes vis-à-vis du ministère public, la commission a jugé particulièrement bienvenue cette mesure s'agissant des affaires dans lesquelles un maire serait mis en cause comme auteur. Elle a toutefois estimé souhaitable de maintenir le principe d'un dépaysement, à la main du procureur de la République, pour les affaires dans lesquelles il serait victime.

1. Un dispositif de dépaysement des affaires spécifique pour un certain nombre de personnes dépositaires de l'autorité publique, et singulièrement les élus locaux

L'article 43 du code de procédure pénale fixe les critères de compétence territoriale du procureur de la République.

Ainsi, il précise, dans son premier alinéa, que « sont compétents le procureur de la République du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation d'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause, et celui du lieu de détention d'une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une autre cause ».

Issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité38(*) et modifié par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, le second alinéa du même article 43 prévoit une dérogation à l'application des règles de compétence prévues par son premier alinéa. Le texte dispose ainsi que l'affaire peut être transmise à un autre procureur de la République lorsque les faits mettent en cause « comme auteur ou comme victime, un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction ».

L'introduction de cet alinéa précité visait, aux yeux de la commission des lois du Sénat, « à permettre, de manière fort compréhensible, d'éviter qu'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, qui est en relation avec les magistrats de la juridiction, soit jugée par cette juridiction »39(*). Comblant ainsi une lacune de la procédure pénale existante, le rapporteur avait souligné les caractères « utile » et même « nécessaire » de cette nouvelle procédure, les causes de renvoi prévues par le code de procédure pénale et exposées ci-avant ne trouvant à s'appliquer uniquement « lorsqu'une juridiction est saisie »,.

Ce dessaisissement d'une juridiction, avant sa saisine, est une faculté à la main du procureur général qui peut l'activer « d'office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l'intéressé ». Plus précisément, le Conseil constitutionnel a, sur ce point, jugé que « rien n'interdit à toute partie intéressée de porter à sa connaissance ou à celle du procureur de la République le motif qui justifierait un tel renvoi, c'est-à-dire l'existence de faits mettant en cause une personne désignée par les dispositions contestées habituellement en relation avec les magistrats ou les fonctionnaires de la juridiction »40(*).

Ces facultés de dépaysement des affaires judiciaires sont alternatives des procédures dites « de renvoi d'un tribunal à un autre », définies aux articles 662 à 667-1 du code de procédure pénale qui supposent qu'une juridiction ait déjà été saisie et qui « permet[tent] à la chambre criminelle de la Cour de Cassation de dessaisir toute juridiction d'instruction ou de jugement [notamment] pour cause de suspicion légitime » ou encore pour la bonne administration de la justice.

Enfin, cette mesure, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans la même décision, « est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours. Elle n'est pas juridictionnelle »41(*).

Ces facultés de dépaysement des affaires judiciaires sont alternatives des procédures dites « de renvoi d'un tribunal à un autre », définies aux articles 662 à 667-1 du code de procédure pénale qui supposent qu'une juridiction ait déjà été saisie et qui « permet[tent] à la chambre criminelle de la Cour de Cassation de dessaisir toute juridiction d'instruction ou de jugement [notamment] pour cause de suspicion légitime » ou encore pour la bonne administration de la justice.

2. La nécessité d'un renforcement du mécanisme de dépaysement des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint au maire dans l'exercice de leur mandat, condition d'une évolution des relations entre les maires et les procureurs de la République

Comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi dans l'exposé des motifs, « le double caractère d'agent de l'État et de justiciable des maires les place successivement, voire simultanément, comme partenaires privilégiés du ministère public mais aussi justiciables, qu'ils soient mis en cause ou victimes dans le cadre de l'exercice de leur mandat »42(*).

Dès lors, ils proposent d'introduire, à l'article 43 du code de procédure pénale, un mécanisme de dépaysement d'office, dans la juridiction la plus proche, des affaires dans lesquelles un maire ou un adjoint au maire serait mis en cause comme auteur, les affaires dans lesquelles il serait victime restant traitées selon les règles de compétences territoriales habituelles.

Cet article traduit, sur le plan législatif, la préconisation n°29 du rapport du procureur Hugues Berbain mené en concertation avec les principales associations représentatives d'élus relatif au renforcement de relations entre les maires et les parquets, qui rappelait que « l'application de ce texte pose le problème de la conjugaison entre deux principes : celui de l'impartialité du magistrat et du respect du juge naturel, s'agissant des maires »43(*).

La pénalisation croissante de la vie publique locale et le nombre toujours plus élevé de mises en cause d'élus locaux devant les tribunaux qui en résultent pose la question du dépaysement d'office de ce type d'affaires mettant en cause les élus locaux, pour des faits résultant de l'exercice, parfois quotidien, de leur mandat, et singulièrement les maires, pourtant agents de l'État et officiers de police judiciaire, avec une acuité particulièrement nouvelle.

Dans un tel contexte de hausse continue du nombre de poursuites et de condamnations des élus locaux depuis 1995, la commission a jugé cette automaticité du renvoi des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint au maire particulièrement bienvenue.

Le rapporteur rappelle que le principe d'égalité présente un relief particulier en matière procédurale, où il est souvent invoqué avec les droits de la défense et le droit à un procès équitable également garantis par la Constitution. En ce sens, le Conseil constitutionnel a rappelé que, en vertu des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties »44(*).

S'il approuve l'objectif poursuivi, à savoir prévenir les situations dans lesquelles un maire ou un adjoint au maire se retrouverait partenaire de la justice et mis en cause, le rapporteur a toutefois estimé que les dispositions de l'article 11 soulevaient des difficultés de deux ordres s'agissant des situations dans lesquelles l'élu est victime d'une infraction.

En effet, en l'état de la rédaction, l'article 11 semble rendre impossible le dépaysement d'une affaire dans laquelle un élu serait victime. Or, cette impossibilité de dépaysement n'est pas sans poser de difficulté si la personne mise en cause est elle aussi visée par le deuxième alinéa de l'article 43 et en contact habituel avec les magistrats et fonctionnaires de la juridiction. En outre, comme l'a souligné la direction des affaires criminelles et des grâces lors de son audition, « la flexibilité donnée par le législateur, utile par exemple en cas de médiatisation d'une situation particulière lorsque l'élu est victime (...) et permet de préserver l'ensemble des intérêts en présence ».

Le rapporteur a dès lors estimé qu'il n'était pas nécessaire de modifier l'équilibre ainsi prévu par l'article 43 alinéa 2 du code de procédure pénale s'agissant des élus victimes d'infractions et proposé en conséquence que l'automaticité du dépaysement ne soit prévue que dans l'hypothèse où un maire ou un adjoint serait mis en cause. À cet effet, la commission a, à son initiative, adopté un amendement COM-16 supprimant l'impossibilité de dépayser une affaire dans laquelle un élu serait victime afin de s'en tenir aux facultés de dépaysement déjà existantes pour traiter en fonction des circonstances des faits et des éléments de contexte spécifiques à chaque affaire en pareil cas.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
Renforcement de l'information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur son territoire

L'article 12 tend à renforcer l'information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions signalées par lui ou constatées par les agents de police municipale de sa commune. Pour ce faire, il rend systématique la communication au maire par le procureur de la République des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public sur le territoire de la commune et impose un délai d'un mois au procureur de la République pour communiquer les motivations des décisions de classement sans suite pour des affaires résultant d'une plainte ou d'un signalement du maire.

Jugeant cette amélioration de l'effectivité de l'information des maires nécessaire, la commission a adopté cet article sans modification.

1. L'obligation d'information du maire par les autorités judiciaires souffre d'un défaut d'effectivité

Depuis 2007, la loi prévoit une obligation d'information du maire par le procureur de la République, dans plusieurs cas.

En application de l'article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure, les services de la police et de la gendarmerie nationales sont tout d'abord tenus d'informer, sans délai, le maire des « infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune ». À sa demande, il peut être informé par le procureur de la République des suites judiciaires, c'est-à-dire des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites ou des poursuites engagées, données à ces mêmes infractions ainsi que des jugements définitifs et des appels interjetés.

Le maire dispose, par ailleurs, d'un droit à l'information s'agissant des suites judiciaires données aux infractions qu'il signale au parquet en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Il est ainsi systématiquement informé des poursuites engagées ou des mesures alternatives aux poursuites prononcées, en application de l'article 40-2 du code de procédure pénale et, à sa demande, des jugements définitifs et des appels interjetés, en vertu du même article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure.

En dépit de ce cadre légal, nombreux sont les maires qui, à l'occasion de la consultation lancée par le Sénat en août 2019 sur les risques auxquels sont exposés les maires dans le cadre de leurs fonctions, ont regretté l'absence d'information sur les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de leur commune. À l'initiative des rapporteurs de la commission des lois du Sénat lors de l'examen du projet de loi dit « Engagement et Proximité » en 2019, les droits d'information du maire par le procureur de la République ont été, une première fois, renforcés par l'extension d'obligation d'information du maire, et dès lors qu'il en ferait la demande, aux suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipale et signalées au parquet, par l'intermédiaire des services de police et de gendarmerie, conformément à l'article 21-2 du code de procédure pénale45(*).

2. La position de la commission : une consolidation souhaitable de l'information du maire par les autorités judiciaires

Malgré les récentes améliorations à ce dispositif apportées à l'initiative du Sénat, les associations représentatives d'élus auditionnées par le rapporteur déplorent le manque d'effectivité de ces dispositions et partagent le constat dressé par les auteurs de la proposition de loi exprimé dans l'exposé des motifs d'une nécessaire « amélioration de la compréhension des décisions judiciaires, singulièrement de classement sans suite »46(*) par une meilleure information des élus locaux en la matière.

En effet, nombre de maires, s'ils ne contestent pas recevoir les informations liées à un classement sans suite, déplorent ne pas toujours comprendre les raisons ayant présidé à cette décision, ce qui est susceptible de les mettre en difficulté vis-à-vis de leurs administrés.

Plus précisément, ce grief paraît recouvrir, en pratique, deux situations distinctes : d'une part, une mise en oeuvre très hétérogène, selon les territoires, des obligations légales d'information du maire qui s'imposent au parquet ; d'autre part, l'absence de délai légal quant à l'information du maire sur les suites judiciaires données aux infractions signalées par le maire et transmises au parquet, en application du second alinéa l'article 40 du code de procédure pénale.

Aussi les auteurs de la proposition de loi proposent-ils, à l'article 12, de consolider l'information du maire par le parquet en :

- prévoyant, d'une part, que le maire soit systématiquement informé par le procureur de la République, et non plus simplement à sa demande, des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune ainsi qu'aux infractions qu'il signale lui-même au parquet ;

- imposant, d'autre part, l'obligation d'information du maire des suites judiciaires données aux infractions signalées au parquet par lui-même, en application du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, dans un délai d'un mois.

La commission partage le souci des maires de disposer d'une information élargie de la part des autorités judiciaires. Sans qu'il soit question de leur reconnaître un accès complet aux données judiciaires, il lui apparaît en effet nécessaire qu'ils puissent, eu égard à leur rôle en matière d'animation et de mise en oeuvre de la police de prévention de la délinquance au niveau local, disposer d'une image précise de l'état de la criminalité et de la délinquance sur le territoire de leur commune et de la réponse pénale apportée par la justice à ces faits.

Au demeurant, le rapporteur considère indispensable que les maires puissent être informés, compte tenu de leur rôle de partenaire privilégié de la justice, des suites judiciaires données aux infractions qu'ils ont signalées ou résultant d'une de leur plainte dans un délai court mais raisonnable. Une telle information leur permettrait, notamment, d'être mieux accompagnés dans la communication qu'ils ont à effectuer auprès de leurs administrés des décisions judiciaires, en particulier celles portant classement sans suite.

Soucieuse de ne pas générer une charge excessive pour les parquets, la commission partage la volonté des auteurs de la proposition de loi de limiter l'application de ce délai d'un mois pour assurer la communication aux seuls cas où les décisions portent sur des affaires résultant d'une plainte ou d'un signalement du maire.

La commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13
Espace de communication réservé au procureur de la République dans les bulletins municipaux

L'article 13 tend à permettre au procureur de la République de bénéficier d'un espace de communication dans les documents et bulletins municipaux des communes de 1 000 habitants et plus pour transmettre toute information en lien avec les affaires de la commune.

La commission a adopté cet article sans modification.

Aux termes de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, les bulletins d'information générale des communes de plus de 1 000 habitants doivent disposer d'un espace réservé à l'expression des conseillers municipaux n'appartenant pas à la majorité municipale. La notion de « bulletin d'information générale » est interprétée de manière extensive par le juge administratif, qui considère que « toute mise à disposition du public de messages d'information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu'elle revêt, comme la diffusion d'un bulletin d'information générale47(*) ».

L'article 13 de la proposition de loi complète l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales et tend à permettre au procureur de la République du ressort de la cour d'appel compétent sur le territoire municipal de disposer d'un espace réservé de communication dans les bulletins d'information générale des communes de plus de 1 000 habitants.

Issu d'une proposition formulée par le groupe de travail conduit par le procureur général Hugues Berbain visant à renforcer les relations entre les magistrats du ministère public et les maires48(*), cet espace réservé donnerait l'occasion au procureur de la République de communiquer sur tous les éléments en lien avec les affaires de la commune, notamment sur l'action de la justice dans le territoire, sur le fonctionnement des parquets et sur les statistiques locales (nombre de délits, nombre de condamnations etc.).

Le dispositif proposé précise cependant que cette communication devrait se faire dans le respect de l'article 11 du code de procédure pénale, c'est-à-dire en respectant le secret de l'enquête et de l'instruction.

La commission est favorable à cette mesure qui permettrait de renforcer les liens entre les parquets, les élus locaux et la population.

Selon la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), plusieurs procureurs ont déjà développé des outils de communication à destination des citoyens, tels que la « Lettre de la cité » éditée à Lyon afin de mieux faire connaître aux habitants l'activité de la juridiction et pour diffuser des informations relatives aux nouvelles dispositions législatives49(*). La commission considère toutefois que la création d'un espace réservé dans le bulletin municipal rendra les communications du procureur plus visibles pour les citoyens et incitera davantage les procureurs à se saisir de cette possibilité.

La commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14
Composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et obligation annuelle de présence de certains membres

L'article 14 vise à renforcer la présence du procureur de la République
- ou son représentant - au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). À cette fin, il prévoit de consacrer dans la loi la composition dudit conseil et de rendre obligatoire la présence de ses membres de droit pour qu'il puisse se réunir. En outre, il tend à permettre, à la demande du maire, du préfet ou de l'autorité judiciaire, la constitution d'un groupe thématique de travail chargé des violences commises à l'encontre des élus.

Convaincue de la nécessité de renforcer le dialogue entre les maires et l'autorité judiciaire, la commission a adopté cet article et étendu le dispositif aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Elle a également prévu que l'obligation de présence des membres de droit aux réunions du conseil ne s'applique qu'une fois par an.

1. Les CLSPD, organes de coordination et de dialogue entre les maires et l'institution judiciaire

1.1. Le législateur a progressivement, à compter de 2007, consolidé le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Institués par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) constituent une instance de coordination et de pilotage de la politique locale de prévention de la délinquance.

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a rendu leur création obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville. Elle a également prévu la possibilité d'instituer un tel conseil au niveau intercommunal. Lorsque le conseil a été créé à l'échelle intercommunale, le conseil intercommunal de sécurité de prévention de la délinquance (CISPD) est présidé par le président de l'intercommunalité ou l'un de ses vice-présidents50(*).

L'objectif est de cristalliser le rôle d'animation et de coordination de la politique de prévention de la délinquance reconnu au maire51(*). Aux termes de l'article D. 132-7 du code de la sécurité intérieure, le CLSPD « constitue le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité et de la prévention de la délinquance dans la commune ». À cette fin, il favorise notamment les échanges d'informations entre les organismes publics et privés concernés et assure, le cas échéant, l'animation et le suivi du contrat local de sécurité.

À plusieurs reprises, le législateur a entendu renforcer le rôle des CLSPD.

D'une part, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a rendu possible la constitution, au sein de ces conseils, de groupes de travail thématiques consacrés aux questions relatives à l'exécution des peines et à la prévention de la récidive52(*). Dans un rapport publié le 14 décembre 2020, la mission « flash » de la commission des lois de l'Assemblée nationale conduite par Stéphane Peu et Rémy Rebeyrotte sur l'évolution et la refondation des conseils de sécurité et de prévention relève que « l'utilité des groupes de travail est particulièrement soulignée par les acteurs concernés », notamment parce qu'ils fonctionnent de façon plus souple et permettent l'échange d'informations confidentielles.

D'autre part, la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, dite « Sécurité globale », a étendu l'obligation de créer un CLSPD aux communes de plus de 5 000 habitants. Elle a également prévu l'obligation pour les maires de communes de plus de 15 000 habitants de désigner un « coordinateur » au sein du CLSPD. Celui-ci -- qui peut être un membre du conseil municipal ou un agent public territorial -- est alors chargé d'assurer l'animation, le suivi et la coordination des travaux du conseil.

Les auditions des associations représentatives des maires et des élus municipaux conduites par le rapporteur ont permis de confirmer que ces conseils, qu'ils soient municipaux ou intercommunaux, constituent, aux yeux des maires, une instance partenariale utile pour favoriser le dialogue entre les différents acteurs territoriaux concernés par la politique locale de prévention de la délinquance.

1.2. Le fonctionnement des CLSPD se heurte aujourd'hui à certaines difficultés en matière de coordination

Le rapport de la mission « flash » de l'Assemblée nationale précité dresse un bilan globalement positif de ce dispositif. Celui-ci dissimule toutefois une réalité assez contrastée, puisque le rapport souligne un « déploiement hétérogène » de ces conseils, qui font l'objet d'une appropriation inégale selon les territoires. Outre le fait qu'une partie de ces conseils demeure encore peu active, la coexistence de cultures administratives différentes parmi les divers acteurs qu'ils réunissent est parfois perçue comme un facteur d'affaiblissement de la qualité du dialogue.

Un certain nombre de maires ont, en outre, exprimé des regrets quant à l'absence des procureurs de la République aux réunions de leurs CLSPD. Remis le 8 mars 2022, le rapport du groupe de travail visant à renforcer les relations entre les magistrats du ministère public et des maires évoque la difficulté éprouvée par les procureurs en la matière. Compte tenu de leurs contraintes et de leurs effectifs, ces derniers affirment se trouver dans l'incapacité d'assister à l'ensemble des réunions des CLSPD de leur ressort.

Or, les auditions conduites par le rapporteur ont été l'occasion pour les associations représentatives d'élus, en particulier l'Association des maires et présidents d'intercommunalités de France et Villes de France, de rappeler l'importance qu'attachent les maires à la présence d'un représentant de l'autorité judiciaire aux réunions de ces conseils.

2. L'article 14 vise à conforter la présence du procureur de la République au sein des CLSPD et favoriser la constitution de groupes de travail sur les violences commises à l'encontre des élus

2.1. La définition par la loi de la composition du CLSPD vise à rendre obligatoire la présence du procureur de la République aux réunions

La composition des CLSPD résulte aujourd'hui de dispositions relevant de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure.

Composition actuelle des CLSPD
(article D. 132-8 du code de la sécurité intérieure)

Présidé par le maire, le CLSPD comprend en outre :

- le préfet de département, ou son représentant ;

- le procureur de la République, ou son représentant ;

- le président du conseil départemental, ou son représentant ;

- des représentants des services de l'État désignés par le préfet ;

- le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et auquel la commune appartient, ou son représentant ;

- des représentants d'associations, établissements ou organismes oeuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l'aide aux victimes, du logement, des transports collectifs de l'action sociale ou des activités économiques ;

Peuvent également être associés aux travaux du conseil, selon les particularités locales, des maires des communes et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées.

Source : code de la sécurité intérieure

L'article 14 reprend pour l'essentiel53(*) la composition actuelle et la consacre dans la loi. Il tend à créer deux catégories de membres : d'une part, les membres de droit - dont la présence est indispensable pour que se réunisse le CLSPD - et, d'autre part, les membres facultatifs.

Il érigerait en membres de droit :

- le représentant de l'État territorialement compétent ;

- le procureur de la République ;

- le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et auquel la commune appartient.

L'article énumère ensuite les personnes qui pourraient être désignées membres du CLSP. Il s'agit des représentants des services de l'État dans le département ainsi que des représentants d'associations, d'établissements ou d'organismes oeuvrant dans divers domaines qui peuvent intéresser le conseil.

Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, il appartiendrait au maire, qui préside le CLSPD, d'en fixer la composition par arrêté.

L'article 14 tend, ce faisant, à rendre obligatoire la présence des membres de droit aux réunions du CLSPD, dont il précise qu'il se réunit au moins une fois par an. L'absence des membres de droits ou de leurs représentants ferait en principe obstacle à la tenue de la réunion. Toutefois, l'article précise qu'il doit s'agir de représentants spécialement désignés à cet effet. En particulier, le procureur de la République pourrait désigner un de ses délégués qui, spécialisé sur les questions intéressant les CLSPD, serait chargé de l'y représenter.

2.2. La possibilité de constituer un groupe de travail chargé des violences commises à l'encontre des élus

La loi reconnaît à chaque CLSDP la faculté de créer, en son sein, un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique54(*). Depuis la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, il est précisé que ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l'exécution des peines et à la prévention de la récidive.

L'article 14 vise à rendre possible la constitution d'un groupe thématique chargé des violences commises à l'encontre des élus. Il serait créé à la demande du maire, du préfet ou de l'autorité judiciaire et pourrait traiter de l'organisation d'une réponse aux violences ainsi que d'une stratégie d'accompagnement des élus qui en sont victimes.

3. Jugeant pertinent de rendre obligatoire, au moins une fois par an, la présence des membres de droit aux réunions du CLSPD, la commission a précisé ces dispositions et les a étendues aux CISPD

3.1. La précision des règles entourant la composition du CLSPD et la périodicité de ses réunions

La commission souscrit pleinement à l'esprit du dispositif prévu à l'article 14, en ce qu'il cherche à favoriser la présence de l'ensemble des membres de droit au CLSPD et renforcer le dialogue entre élus locaux, acteurs étatiques et autorité judiciaire. Par un amendement COM-17 adopté à l'initiative du rapporteur, elle a apporté des précisions rédactionnelles sur deux points.

D'une part, le rapporteur a souhaité préciser la rédaction de l'article, de sorte que la présence obligatoire des membres de droit ne s'applique qu'à une seule réunion annuelle. En effet, il est apparu nécessaire à la commission que soient annuellement réunis au sein du conseil l'ensemble des membres de droit. Toutefois, dans l'hypothèse où le conseil se réunirait plusieurs fois dans l'année, le rapporteur a tenu à s'assurer de ce que l'absence de l'un d'entre eux ne fasse pas obstacle à la tenue de ces réunions, à condition que l'obligation annuelle précitée soit remplie.

D'autre part, l'amendement tend à clarifier la possibilité pour le représentant de l'État territorialement compétent et le procureur de la République de se faire représenter au sein des CLSPD.

3.2. L'extension des dispositions de l'article 14 aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Par le même amendement COM-17 du rapporteur, la commission a étendu aux CISPD le dispositif prévu à l'article 14, qui ne visait initialement que les CLSPD.

Elle a toutefois procédé à certaines adaptations afin de tenir compte de la nature intercommunale desdits conseils.

Ainsi, s'agissant de la composition des CISPD, seuls le représentant de l'État et le procureur de la République territorialement compétents - ou leurs représentants - seraient érigés en membres de droit. Pour des raisons pratiques, le rapporteur n'a ainsi pas souhaité que l'ensemble des maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale soient désignés comme membres de droit, compte tenu de l'obligation annuelle de présence qui incombe à ces derniers. En tant que président du CISPD, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou son représentant pourra néanmoins les nommer membres dudit conseil.

En ce qui concerne la constitution d'un groupe de travail en charge des violences commises à l'encontre des élus au sein du CISPD, celle-ci pourra intervenir à la demande du président ou des maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale, du représentant de l'État dans le département ou de l'autorité judiciaire.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.


* 38 Amendement présenté par Rudy Salles et Gérard Vignoble, puis adopté par l'Assemblée nationale lors de la séance du 22 mai 2003.

* 39 Rapport n° 441 de M. François Zocchetto fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 24 septembre 2003 sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Plus précisément, voir l'article 55 bis, p. 375.

* 40 Décision n° 2011-156 QPC du 22 juillet 2011 M. Stéphane P.

* 41 Commentaire de la décision précitée, p. 2.

* 42 Exposé des motifs de la proposition de loi, p. 3.

* 43 Rapport précité, p. 45.

* 44 Décision n° 2011-156 QPC du 22 juillet 2011 M. Stéphane P., considérant 3.

* 45 Article 59 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 46 Exposé des motifs de la proposition de loi, p. 5.

* 47 CAA Versailles, 10 février 2021, Commune de Noisy-le-Sec.

* 48 Rapport du groupe de travail visant à renforcer les relations entre les magistrats du ministère public et les maires, 8 mars 2022.

* 49 Réponses de la DACG au questionnaire du rapporteur.

* 50 Article L. 132-13 du code de la sécurité intérieure.

* 51 L'article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure prévoit en effet que, sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et du respect des compétences du représentant de l'État et de celles des autres collectivités, établissements et organismes intéressés, « le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre. À cette fin, il peut convenir avec l'État ou les autres personnes morales intéressées des modalités nécessaires à la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance ».

* 52 Article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure.

* 53 À l'exception notable du président du conseil départemental, qui ne serait plus membre du CLSDP.

* 54 Article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure.