EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 15 NOVEMBRE 2023

_________

M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons notre réunion par l'examen du rapport de notre collègue Bernard Fialaire sur la proposition de loi (PPL) d'Henri Cabanel et des membres du groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), tendant à renforcer la culture citoyenne. Ce texte fait suite à la mission d'information « Comment redynamiser la culture citoyenne ? » présidée par notre collègue Stéphane Piednoir en 2022.

Je vous rappelle que son examen est programmé en séance publique le jeudi 23 novembre prochain.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Les conclusions de la mission d'information ont permis d'identifier cinq étapes clés définissant un parcours citoyen : l'école, la Journée défense et citoyenneté (JDC) - vestige du service militaire -, les dispositifs d'insertion sociale, l'engagement et les élections. Ce parcours permet aux citoyens de « s'inscrire dans un projet collectif par des références partagées ».

Sur cette base, la mission a établi 23 recommandations pour renforcer le lien entre le citoyen et les institutions, dont six sont de nature législative et ont été intégrées dans cette proposition de loi.

Bien entendu, ce texte ne peut à lui seul renouer les liens parfois distendus entre les citoyens et les institutions, mais il doit permettre de mieux former à la citoyenneté, de repenser les pratiques démocratiques et de renforcer la participation à la décision politique, notamment chez les jeunes.

L'article 1er vise à redéfinir l'enseignement moral et civique (EMC). À de nombreuses reprises, notre commission a regretté la tendance du législateur à définir dans la loi le contenu des programmes. L'EMC en est malheureusement l'exemple criant. Il a fait l'objet de six modifications législatives depuis 2017.

Il en résulte des programmes confus et disparates, mettant sur le même plan des thématiques les plus diverses. L'EMC souffre d'un contenu pléthorique accentué par l'absence d'heures dédiées au collège.

Au final, l'enseignant va piocher des chapitres dans le programme, en fonction de ses appétences, de sa maîtrise du sujet ou de ce qu'il estime intéressant pour ses élèves. De plus, l'article du code de l'éducation relatif à l'EMC ne mentionne pas le fonctionnement de la vie démocratique et des institutions. Or il doit s'agir de l'un des objectifs premiers de cette discipline.

Ainsi, l'article 1er prévoit une réécriture globale de l'article L. 312-15 du code de l'éducation consacré à l'EMC pour le recentrer autour d'objectifs concis. Il appartiendra ensuite au Conseil supérieur des programmes d'établir les programmes sur cette base.

L'article 2 concerne la Journée défense et citoyenneté qui a connu les mêmes dérives. Elle est destinée initialement à être un rendez-vous obligatoire pour l'ensemble d'une classe d'âge avec les personnes participant à la défense du pays. À la suite de nombreuses modifications législatives depuis 2000, six thématiques nouvelles ont été ajoutées, souvent éloignées de l'ambition initiale de cette journée. Le temps consacré aux questions de défense est désormais inférieur à trois heures.

La profusion de thématiques est contre-productive : elle entraîne un saupoudrage conduisant à des messages superficiels et peu audibles.

Aussi l'article 2 tend-il à recentrer cette journée autour de trois thématiques : tout d'abord, l'information aux enjeux de la défense nationale et de la sécurité civile, ainsi que les métiers liés ; ensuite, la présentation des différentes formes d'engagement ; enfin, le repérage et l'orientation des jeunes en difficulté via des tests des savoirs fondamentaux en français.

Je rappelle que le Parlement avait adopté cet article en juillet dernier lors de l'examen de la loi de programmation militaire. Mais il a été censuré par le Conseil constitutionnel car considéré comme un cavalier législatif.

La proposition de loi vise également à favoriser l'insertion sociale des volontaires accueillis au sein des établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide). Ce dispositif de seconde chance présente des résultats d'insertion élevés au regard de la précarité des volontaires à leur entrée dans le dispositif.

Selon le témoignage de la directrice générale des Epide devant la mission d'information, ces jeunes « cumulent le plus de fragilités. Outre leur fragilité sociale, ils ont des problèmes de ressources, ils sont souvent en rupture familiale, ils ont des problèmes de santé, des fragilités psycho-sociales, ils sont souvent fâchés avec la société, ils ont perdu leurs repères, en particulier temporels. » Or, en 2021, 64 % étaient en emploi, en formation ou en réorientation à la sortie de l'Epide.

Actuellement, un jeune suivi par un Epide peut y rester pendant une durée maximale de trois mois après la signature d'un contrat d'apprentissage, d'un contrat de mission ou d'un contrat de professionnalisation. Cette période est parfois trop courte pour certains jeunes confrontés à des difficultés de logement, ce qui fragilise leur insertion sociale et professionnelle. C'est pourquoi l'article 3 du texte ouvre la possibilité de prolonger de trois mois supplémentaires l'accompagnement et l'hébergement au sein de l'Epide.

Les articles 4 et 5 visent à moderniser le processus électoral.

L'article 4 permet à tout électeur de disposer d'une double procuration, quel que soit le lieu d'établissement de celles-ci. Aujourd'hui, le mandataire ne peut détenir qu'une seule procuration établie en France. La double procuration est de nature à lever les freins auxquels certains électeurs résidant en France sont confrontés lorsqu'ils souhaitent donner procuration à un tiers de confiance en disposant déjà d'une.

Une exception à ce principe d'unicité a été mise en place lors du second tour des municipales de 2020, ainsi que lors des élections régionales et départementales de 2021. Il s'agissait d'une recommandation du Conseil scientifique covid-19 pour protéger les personnes fragiles pendant la crise sanitaire. Quelque 20 000 personnes y ont eu recours.

L'article 5 prévoit, pour les élections législatives, l'envoi électronique des documents de propagande électorale aux électeurs qui en font la demande.

Nos collègues de la commission des lois avaient lancé une mission d'information à la suite des dysfonctionnements dans l'envoi papier de ces documents lors des élections départementales et régionales en juin 2021.

Ils avaient estimé que la mise en place d'un envoi dématérialisé des professions de foi et des bulletins de vote aurait le mérite de diminuer le volume total des documents à mettre sous pli, et ainsi réduire le risque de dysfonctionnements dans l'envoi papier de ces documents. Cela correspond tout de même à 48 millions de plis à envoyer à chaque tour de scrutin. Or, avec la baisse du trafic de courrier en France, les systèmes de production et d'acheminement sont de moins en moins adaptés à de tels envois massifs.

Par ailleurs, plus de 60 % des maires qui ont répondu à la consultation lancée par la mission d'information des lois ont indiqué être favorables à cette possibilité de dématérialisation.

Je vous proposerai un amendement de précision rédactionnelle, puisque ni la mission d'information ni l'auteur du texte dans l'exposé des motifs n'ont souhaité limiter ce dispositif aux seules élections législatives. Mon amendement étend la portée de l'article 5 aux élections locales ainsi qu'aux élections européennes.

Enfin, l'article 6 vise à mieux reconnaître l'engagement des jeunes dans les mandats locaux.

La table ronde organisée par la mission d'information avec de jeunes élus locaux a mis en évidence le frein à l'engagement politique que constitue la conciliation entre études et exercice de leurs mandats. En effet, à la différence des élus salariés, il n'existe actuellement aucun droit particulier pour les étudiants élus dans le code général des collectivités territoriales.

Ceux-ci ne bénéficient pas non plus, dans le code de l'éducation, de la reconnaissance de droits particuliers dans l'aménagement de leurs études et leurs examens, à la différence de certaines catégories d'étudiants. Je pense aux étudiants exerçant des responsabilités au sein du bureau d'une association, à ceux élus dans les conseils des établissements et des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) ou encore aux étudiants salariés. C'est pourquoi l'article 6 crée des garanties pour les étudiants titulaires d'un mandat local.

Je vous proposerai un amendement de réécriture de cet article. Sa rédaction actuelle impose aux établissements d'enseignement supérieur des contraintes particulièrement lourdes. Le texte prévoit de manière cumulative et uniforme un aménagement d'études et d'examen, la mise en place d'un enseignement à distance et le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle, sans prendre en compte les besoins réels de l'étudiant élu.

Il me semble plus pertinent de s'appuyer sur ce que le code de l'éducation prévoit pour les étudiants ayant un engagement associatif, civil, militaire ou professionnel, afin de concilier ce dernier avec leurs études. Pour ceux-ci, la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique évalue leurs besoins spécifiques et propose des aménagements.

Par ailleurs, je vous proposerai d'élargir la portée de cet article aux étudiants détenteurs d'un mandat national ou européen. Les cas sont certes rares, mais ils existent.

En conclusion, cette proposition de loi est une première étape pour tenter de réduire les fractures qui existent entre citoyens et élus.

M. Laurent Lafon, président. - Avant d'engager la discussion générale, je vous demanderai de préciser le périmètre pour l'article 45.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Le périmètre que je propose pour l'application des irrecevabilités prévues par l'article 45 de la Constitution est le suivant : le contenu de l'enseignement moral et civique et de la Journée défense et citoyenneté ; l'accompagnement des jeunes volontaires dans les Epide ; le système de procuration électorale ; l'envoi dématérialisé des documents de propagande électorale ; et les garanties accordées aux étudiants détenant un mandat électoral.

Il en est ainsi décidé.

M. Stéphane Piednoir. - Je salue le travail de fond du rapporteur. Je veux également féliciter Henri Cabanel d'avoir donné une traduction législative au rapport de notre mission, dans un texte sobre, qui met en avant l'essentiel du travail fourni l'an dernier.

La mission est née du constat d'un éloignement du vote de la population française, en particulier des jeunes. Nous avons cherché les moyens de rapprocher nos concitoyens du vote, qu'il soit physique ou par procuration.

Le nombre de jeunes abstentionnistes est élevé alors que dans le même temps se multiplient les structures et des dispositifs à leur portée pour s'imprégner de la culture citoyenne. Je pense aux conseils de vie lycéens, aux écodélégués, au service national universel (SNU) ou encore au service civique. On se sent dans l'obligation de créer toujours plus de nouveaux dispositifs, alors qu'il faudrait se recentrer sur les fondamentaux.

La citoyenneté commence avec l'EMC, dont la terminologie a varié dans le temps. La longueur de l'article L. 312-15 du code de l'éducation témoigne de la volonté coupable du législateur d'inclure dans l'EMC des thèmes toujours plus variés : l'éducation à la propreté, au bien-être animal, à la biodiversité par exemple. Mais comment traiter toutes ces questions avec un volume horaire limité à trente minutes hebdomadaires ? Arrêtons de charger la barque et rendons à l'EMC sa vocation première : donner aux élèves les clés de compréhension du fonctionnement de nos institutions, à commencer par la plus proche d'eux, la commune. Je félicite Henri Cabanel d'avoir dépoussiéré l'article L. 312.15 du code de l'éducation pour n'en conserver que sa substantifique moelle.

Le service national a lui aussi été dépouillé de ses missions premières : il faut se concentrer sur la détection des difficultés des jeunes.

J'en viens aux Epide. La mission a visité un établissement dans le Maine-et-Loire : nous avons été frappés de constater que les jeunes, lesquels sont très éloignés de la citoyenneté, respectaient les règles : se lever tôt le matin, saluer le drapeau, apprendre à se réinsérer. À ce sujet, vous avez évoqué une possibilité de prolonger de trois mois le séjour en Epide : quel serait le coût de cette mesure ?

S'agissant des modalités permettant de développer la culture citoyenne, vous avez évoqué la double procuration, sur laquelle la commission des lois a émis une réserve. Notre objectif principal étant le retour au vote physique, ce système peut donner le sentiment d'exercer son devoir de citoyen sans toutefois le faire physiquement soi-même. Néanmoins, à titre personnel, j'y suis tout de même favorable.

J'étais opposé à d'autres mesures qui n'ont pas été retenues par l'auteur du texte, comme le vote obligatoire, le vote à 16 ans ou le vote électronique, qui pose encore des problèmes de sécurité trop nombreux pour être adopté aujourd'hui, même si sa mise en oeuvre semble inévitable à terme. En revanche, la propagande électronique est, elle, bien accueillie par les jeunes, qui nous ont expliqué ne pas ouvrir les enveloppes papier.

Bravo également pour le statut de l'élu étudiant. On ne peut pas concevoir d'exercer à 18 ans un rôle d'élu sans bénéficier d'aménagements pour concilier études et mandat.

À propos de l'avenir du SNU, le texte n'est pas très précis : quid de sa généralisation ? Combien coûterait-elle ? Quelles seraient les structures d'accueil ?

M. Adel Ziane. - Je salue la qualité et le caractère synthétique du texte.

Le recentrage de l'EMC est nécessaire : il faut en finir avec l'inventaire à la Prévert qu'est devenue cette matière et procéder à la suppression de certains thèmes. Avec trente minutes par semaine, on ne peut pas tout traiter. Des sujets importants ont néanmoins été mis de côté alors qu'ils ne sont parfois abordés ni au sein de la famille ni à l'école. Je pense à la lutte contre le harcèlement scolaire, à laquelle le ministre Gabriel Attal est attaché, à la lutte contre les fake news - enjeu capital pour les jeunes générations avec les réseaux sociaux -, à la sensibilisation à l'usage d'internet et à la connaissance des droits des enfants. Comment l'éducation nationale pourrait-elle porter ces sujets ?

Sur l'article 2, il nous semble nécessaire de mieux circonscrire les informations dispensées lors de la Journée défense et citoyenneté. Mais, là encore, la suppression de certaines thématiques nous inquiète, notamment les enseignements sur l'égalité des sexes, la lutte contre les préjugés sexistes et les violences commises au sein du couple. Il s'agit pourtant d'enjeux majeurs, d'autant que les femmes représentent aujourd'hui 17 % des effectifs de l'armée française.

L'article 3, qui porte sur le contrat de volontariat à l'insertion, nous paraît très prometteur. Nous ne pouvons qu'être favorables à un dispositif qui tend à lutter contre la précarité des jeunes.

La double procuration prévue à l'article 4 représente également une belle avancée - celles et ceux qui ont été sur des listes électorales aux élections municipales ont vu que cette mesure permettait de mobiliser et donc potentiellement d'accroître la participation. Il faudra surmonter les difficultés pour l'établissement de ces deux procurations. Par ailleurs se pose la question des sanctions appliquées en cas de manquement au vote, sanctions qui pourraient aller jusqu'à la radiation des listes pour une période de dix ans : pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Je tiens à vous rassurer. Ce n'est pas prévu par ce texte.

M. Adel Ziane. - Le vote électronique emporte mon adhésion. Je rappelle que la propagande électorale arrive parfois la veille ou le lendemain du scrutin, et les citoyennes et citoyens soucieux d'exercer leur droit de vote nous font régulièrement part de leur mécontentement à ce sujet. Lorsque l'on se penche sur cette question, on découvre que les services postaux ne peuvent pas faire face à l'ampleur de la tâche - 48 millions de plis à envoyer en l'espace d'une semaine pour les municipales. Quid d'un envoi numérique de ces documents - cette mesure profitera aux jeunes -, tout en étant vigilant à ne pas laisser de côté nos aînés et à ne pas créer de fracture numérique ?

Enfin, la création d'un statut « jeune » pour les élus dans les collectivités territoriales est une demande formulée notamment par les syndicats étudiants. Nous soutenons le projet de créer un véritable statut de l'étudiant élu local. Quel serait l'impact financier pour les établissements d'une telle mesure ?

M. Gérard Lahellec. - Merci pour ce texte qui nous invite à nous interroger sur les valeurs fondant les principes républicains, particulièrement dans le contexte actuel. Vous avez rappelé l'objectif primordial de réduire la fracture entre citoyens et élus, ainsi que la nécessité pour notre jeunesse de relever ce défi.

Cette PPL comporte des mesures très symboliques - paternalistes, diront certains. Elle fait de la question du suffrage universel une question essentielle, comme elle l'était au moment du fondement de la République. À l'époque, François Guizot déclarait que le suffrage universel n'aurait jamais son jour, citation reprise en 1903 par Jean Jaurès dans son Discours à la jeunesse.

Les dispositions visant à favoriser la participation des jeunes à la vie citoyenne sont positives et nécessaires : c'est la condition première pour qu'ils s'approprient les grands principes de notre République. Voter ce texte ne nous empêchera pas de continuer à nourrir une grande ambition pédagogique : insuffler l'esprit de la République dans tous les actes de la vie éducative et de la vie citoyenne.

M. Jean Hingray. - Je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Nous accueillons avec enthousiasme cette PPL qui prévoit de nouvelles modalités de vote pour rapprocher les jeunes de la vie citoyenne. Mais je suis étonné que le vote obligatoire ait été écarté, alors que nous, sénateurs, sommes élus par nos grands électeurs de cette façon. Pouvons-nous en savoir plus sur ce sujet ?

Mme Mathilde Ollivier. - Nous souhaitons également féliciter le rapporteur pour ce texte qui permettra d'encourager la participation citoyenne et démocratique de notre jeunesse. On observe à la fois un rajeunissement de nos institutions et une défiance croissante des jeunes vis-à-vis de la vie politique : ce texte y répond par l'engagement local et citoyen de la jeunesse.

S'agissant des articles 1er et 2 sur l'EMC et la JDC, nous regrettons la disparition de certaines dispositions qui nous paraissent importantes, comme la lutte contre les préjugés sexistes et les violences physiques, psychologiques et sexuelles ou la prévention des risques, qui n'est enseignée nulle part ailleurs.

Nous saluons l'intégration dans la loi la possibilité d'établir deux procurations, ainsi que l'envoi électronique de la propagande électorale. En tant que Française de l'étranger, les mesures portées par ces deux articles sont la base de notre participation à la vie politique.

Nous sommes accueillons favorables à l'article 6 qui vise à faciliter la participation politique des jeunes par des dispositions relatives à l'enseignement supérieur. Une question sur ce point : avez-vous réfléchi à y intégrer les jeunes en stage qui ont besoin de temps pour participer à leur mandat électoral, local ou régional ?

Nous soutenons ce texte, avec quelques réserves sur les articles 1er et 2. L'exposé des motifs de la proposition de loi indique que l'article L. 312-15 du code de l'éducation et l'article L. 114-3 du code du service national sont modifiés presque chaque année, alors est-il vraiment pertinent de les reformuler une fois encore ?

Mme Catherine Belrhiti. - Je remercie le rapporteur pour ce travail intéressant et important. L'article 1er contient une disposition que j'appelle de mes voeux depuis longtemps : l'EMC doit permettre de rappeler aux élèves non seulement les droits, mais aussi les devoirs des citoyens, car la crise de la culture citoyenne s'amplifie chez les jeunes. Il faut recentrer l'EMC sur l'apprentissage de nos institutions et la préparation à la citoyenneté. Car, avec trente minutes par semaine, les enseignants manquent de temps, d'autant plus qu'ils utilisent ce créneau pour terminer le programme d'histoire-géographie.

Je reste persuadée que l'on ne peut accorder le droit de vote sans préparer celui qui devra l'exercer : peut-être faudrait-il envisager une sorte de permis du citoyen.

S'agissant de la double procuration, elle doit être mise en place. Il faut développer les moyens modernes dont nous disposons aujourd'hui, car ce sont les outils de prédilection des jeunes - ils ne se déplaceront pas vers les bureaux de vote. On pourrait aller plus loin en incitant les communes à mettre en place des conseils de jeunes : c'est un bon moyen de les mener à la citoyenneté.

M. Max Brisson. - Je n'avais pas prévu de prendre la parole, mais depuis six ans que je suis parlementaire je n'avais jamais vu un texte prévoyant d'alléger l'obèse code de l'éducation ! Au nom des Républicains, notre collègue Stéphane Piednoir a dit tout le bien qu'il pensait du rapport et de la PPL.

L'allègement du code de l'éducation est impératif. Depuis trente ans, dès qu'un problème de société est identifié et considéré comme légitime, les professeurs subissent des injonctions : ils doivent « éduquer à » et « se former à ». Le ministère a deux possibilités : prévoir une demi-journée ou une journée consacrée au problème en question - autant de temps perdu pour l'enseignement - ou faire un ajout au programme déjà touffu, illisible et infaisable de l'EMC.

Je souhaite donc vivement que cette PPL puisse trouver un chemin législatif afin d'éviter que les programmes d'EMC n'oscillent entre moralisme et apprentissage hygiénique. D'autres vecteurs existent - je pense à la jeunesse et la vie associative. L'école ne peut pas régler tous les problèmes de la société.

M. Pierre Ouzoulias. - J'approuve le discours et les conclusions de Max Brisson : l'école ne peut pas être l'exutoire des injonctions parlementaires.

Je me félicite de ce grand moment de consensus de notre commission. Je salue l'introduction du mot « laïcité » dans l'article L. 312-15 du code de l'éducation, car il n'y figurait pas. C'est un changement radical, et je suis heureux que nous prenions ensemble ce tournant décisif.

En effet, la loi de 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ne s'appliquait pas aux établissements sous contrat. Par cette loi, on fait entrer l'enseignement de la laïcité dans le socle commun aux établissements publics et privés. Il faudra former les enseignants des écoles privées sous contrat à dispenser cet enseignement : je suis d'accord avec une proposition de la CFDT le réclamant depuis des années.

M. Jean-Gérard Paumier. - Cette proposition de loi est importante. Je me rappelle d'un temps ancien où le maître prenait cinq minutes tous les matins pour revenir sur ce qui s'était passé les jours précédents. Quand je suis arrivé au collège, c'était devenu une leçon d'éducation civique, laquelle n'avait jamais lieu, car la priorité était donnée au programme d'histoire-géographie. Et bien que l'école primaire ne puisse ni ne doive tout faire, elle joue un rôle central.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Je vous remercie pour vos félicitations, mes chers collègues. Le mérite en revient au travail parlementaire qui a présidé à ce rapport et doit déboucher sur quelques mesures pratiques, conformément à notre rôle de législateur qui est non pas de rendre la loi toujours plus obèse, mais de l'ajuster selon les nécessités.

Pour ma part, je citerai Ferdinand Buisson, lequel déclarait en 1903 que « le premier devoir d'une République est de faire des républicains ». On demande beaucoup à l'école, mais son ambition doit être de former des républicains, non pas par quelques heures d'EMC mais en embrassant l'ensemble des programmes. C'est au Conseil supérieur des programmes de réfléchir à une répartition pertinente dans les différentes matières des sujets retirés de l'EMC, lequel ne doit pas être dénaturé.

Sur les modalités du vote, la société évolue, on se déplace de plus en plus : il faut donc s'y adapter, par exemple avec la double procuration. L'envoi électronique de la propagande ne serait mis en place que pour les personnes qui le demanderaient - il n'est pas question de l'imposer à tous, nous ne voulons pas aggraver l'illectronisme -, avec un souci environnemental et d'égalité.

Le statut de l'étudiant élu pourrait être étendu aux étudiants sportifs de haut niveau, qui ont parfois des contraintes. Il n'y aurait pas de surcoût à prévoir, car le dispositif serait calqué sur les modalités existantes pour les délégués aux Crous ou dans les conseils d'établissement.

En ce qui concerne le surcoût pour les Epide, il n'a pas été chiffré mais je ne pense pas qu'il soit un obstacle. Des places sont actuellement disponibles dans ces établissements. Il s'agit simplement de permettre à ceux qui en ont le plus besoin, parce qu'ils ont été abandonnés par la société, de rester trois mois supplémentaires dans ces structures.

Enfin, sur la question des étudiants en stage, il faudrait traiter l'ensemble des cas des étudiants ayant des contraintes particulières pendant leurs études.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1er et 2

Les articles 1er et 2 sont adoptés sans modification.

Article 3

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-1 est un amendement rédactionnel qui vise à substituer des articles du code du travail en vigueur à deux références abrogées depuis 2007.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Tel que rédigé l'article 5 limite les possibilités de recours à l'envoi dématérialisé des documents de propagande électorale aux seules élections législatives. Or, ni les travaux de la mission ni l'exposé des motifs de cette proposition de loi n'indiquent une quelconque volonté de limiter à ces seules élections cette possibilité de dématérialisation. Cet amendement ouvre la voie à la dématérialisation pour les élections locales, ainsi que pour les élections européennes.

L'amendement COM-2 rect. est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-3 prévoit d'aligner les possibilités d'aménagement d'études et d'examens des étudiants élus locaux sur celles des étudiants ayant un engagement associatif, civil, militaire ou professionnel. Ce système, simple à mettre en place pour les établissements supérieurs, respecte leur autonomie. La portée est élargie aux mandats nationaux et européens.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. FIALAIRE, rapporteur

1

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 5

M. FIALAIRE, rapporteur

2 rect.

Élargissement de la possibilité de dématérialisation des documents de propagande électorale aux élections locales et européennes.

Adopté

Article 6

M. FIALAIRE, rapporteur

3

Alignement des garanties prévues pour les étudiants détenteurs d'un mandat électoral sur celles existant pour les étudiants ayant un engagement associatif, civil, militaire ou professionnel

Adopté

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page